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Sentimental/Romanesque
Flash : Bonjour facteur
 Publié le 22/08/13  -  3 commentaires  -  19514 caractères  -  66 lectures    Autres textes du même auteur

Une amitié improbable entre un vieil homme aigri et son facteur.


Bonjour facteur


7 h 35


Il pleuvait à verse. Les lourds nuages noirs faisaient barrage à la lumière du soleil. Nous étions en février et cela faisait maintenant plus de trois jours que nuages et pluies se succédaient ; bref le soleil se faisait attendre telle une diva capricieuse. C'est sous ce temps peu clément qu'avançait Jérôme Paster, facteur de son état. Homme de l'ombre mais toujours présent, Jérôme arrivait juché sur son scooter, ruisselant de pluie qui avait réussi à s'insinuer pernicieusement dans son gros manteau censé être imperméable.

La route était déserte à cette heure-ci, d'ailleurs elle l'était à longueur de journée mis à part quelques tracteurs et le va-et-vient des embauches et des débauches. Il prit à droite, sur un chemin blanc tellement peu fréquenté que personne ne s'était donné la peine de reboucher les trous qui parsemaient celui-ci ici et là. Il vit au bout d'un moment une petite ferme toute décrépite sur sa gauche. Il n'avait pas de courrier pour le vieil homme qui vivait ici mais il devait y aller quand même. Il avait obligation d'y aller. Il arrêta son scooter tout près de l'habitation, cala la béquille, toqua à la porte d'entrée et attendit que quelqu'un ouvre, sous la pluie. Un gros chien tout ébouriffé vint à sa rencontre en aboyant méchamment, ses crocs jaunis luisant dans la faible clarté du jour. La porte s'ouvrit lentement et une voix sèche et grave en sortit tel un coup de canon :


– Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous fichez chez moi ? demanda cette voix, pas franchement cordiale.

– Je suis Jérôme, votre facteur, je venais voir si tout allait bien pour vous ?

– Vous avez pas autre chose à fiche de vos journées, distribuer le courrier par exemple !

– Euh… Vous êtes bien monsieur LESSURE Alphonse ?

– C'est écrit sur la boîte aux lettres, savez pas lire ?!

– Je vous rassure je sais lire, je sais même compter, répondit Jérôme s'efforçant de ne pas lui dire ses quatre vérités à ce vieux chnoque. Je suis là dans le cadre de l'offre « Bonjour facteur » que vous avez souscrite auprès de nos services il y a deux jours.

– C'est ma nièce qui m'y a forcé, moi j'ai rien demandé. Je suis vivant, maintenant dégagez de chez moi si vous n'avez pas de courrier.


Et le vieil homme lui claqua la porte au nez. Jérôme était ébahi il fallait que ça tombe sur lui ! L'offre venait d'être instaurée récemment, peu de gens l'utilisaient et parmi toutes les demandes de gentils petits papies et mamies, il s'était ramassé le vieux con du coin, super !

Toujours ruisselant d'eau et commençant sérieusement à avoir froid malgré son gros pull de laine, il remonta sur son scooter se disant qu'il aurait bien pu se passer de contact humain dans son métier.


7 h 33 le jour suivant


Aujourd'hui Jérôme avait le sourire, le ciel bien que grisonnant s'était un peu découvert et laissait filtrer ici et là quelques rayons de soleil bienvenus. Il prit le chemin blanc comme la veille et sa bonne humeur se dissipa quelque peu. Comment allait-il être reçu aujourd'hui : le vieux était-il aussi désagréable tous les jours ou juste hier ? Jérôme qui pensait sincèrement que tout le monde avait un bon fond, même caché très profondément certaines fois, pencha pour la seconde hypothèse. Alors après avoir calé son scooter sur sa béquille, il se força à sourire et frappa de nouveau à la porte. Le chien de la veille vint l'accueillir à nouveau, toujours aboyant à tue-tête mais cette fois agitant un peu la queue, au moins un des deux habitants ne l'attaquerait pas aujourd’hui, c'était déjà ça ! Personne ne vint lui ouvrir, alors il toqua à nouveau et cette fois il entendit une chaise racler le sol suivie du bruit d'un pas lourd. Il était là.


– Qui c'est ?


Toujours aussi aimable pensa Jérôme !


– C'est Jérôme votre facteur, vous allez bien ?

– Oui. Du vent !


Et il entendit les pas lourds s'éloigner et la chaise racler à nouveau contre ce qui devait être du plancher. Cette fois, il ne lui avait même pas ouvert la porte.


7 h 37 le jour suivant


Il prit à nouveau le chemin blanc, essayant de se convaincre tant bien que mal qu'aujourd'hui allait être différent. Il cala son scooter, le chien aboya puis se posa sur son train arrière à quelques pas de lui, comme pour voir cet énergumène se faire jeter par son maître et s'en moquer. Prenant une grande inspiration il toqua à la porte et attendit. En entendant les pas lourds venir à lui, il prit les devants.


– Bonjour c'est Jérôme, votre facteur (il utilisait toujours la même phrase ne sachant pas réellement comment se présenter au vieil homme), tout va bien ? Dites il faudrait que je vous voie, c'est écrit dans le contrat !

– Nom de nom !


La porte s'ouvrit brusquement.


– Vous n'avez rien d'autre à foutre que de me faire chier tous les matins qui me restent à vivre ! Nom de Dieu vous êtes plus tenace qu'une colonie de poux ! Je vous en foutrais des bonjours comment allez-vous ! ajouta-t-il en marmonnant mais sans chercher à cacher sa colère.


Cette fois c'en était trop pour Jérôme, qu'on le renvoie promener passe encore, même si c'était plutôt difficile à digérer, mais qu'on se moque de lui et le prenne pour un abruti là c'était trop fort. Essayant de dissimuler sa colère dans sa voix, mais n'y arrivant pas, il déclara :


– Si vous n'êtes pas content de ce service vieux c… monsieur alors vous n'avez qu'à l'annuler, ça vous fera des économies et moi améliorera ma tournée.


Sur ce, laissant le vieil homme interloqué, « non mais pour qui il se prenait ce vieil imbécile », Jérôme remonta prestement sur son scooter et s'en fut sous les aboiements du chien qui ressemblaient à s'y méprendre au ton sec et agressif de la voix de son maître.

Ce jour-là il se dit qu'il aurait le premier blâme de sa carrière mais putain ça le valait bien !


Il n'avait pas eu de blâme et pour éviter tout malentendu, il avait signifié les problèmes qu'il rencontrait avec ce client à son chef qui lui avait répondu sur un ton doucereux « alors on capitule devant un petit vieux, mon cher Jérôme, peut-être que c'est trop dur pour vous… » Ce discours hautain et condescendant avait suffi, il allait montrer à Gérard, son chef et ancien collègue avec qui il avait dû batailler ferme pour la place de chef, ce qu'il avait dans le ventre.

Il retourna donc chaque matin au domicile du vieil homme et chaque matin, il se faisait soit traiter de tous les noms d'oiseaux inimaginables, soit remercier d'un oui sec qui voulait tout dire. Seul, le chien s'était attendri et maintenant lorsque celui-ci venait à lui il se laissait gratter la tête. Les animaux sont parfois tellement plus intelligents et simples que les êtres humains.


La plupart du temps Jérôme ne passait chez « Lecon », comme il l'appelait maintenant, que pour s'assurer qu'il était toujours en vie. Quelquefois, il apportait des factures ou des lettres d'informations provenant de différents organismes ; mais en plus de deux mois de ses visites quotidiennes il ne lui avait jamais amené de lettres ou de cartes. De toute évidence personne ne lui donnait de nouvelles et personne n'en voulait, ça ne l'étonnait en rien !


Cela faisait donc deux mois qu'il prenait ce chemin blanc chaque matin, six jours sur sept, il en connaissait les moindres trous, les moindres bosses. Comme toujours, son rituel achevé, c'est-à-dire caler son scooter, une gratte au chien et deux petits coups secs frappés à la porte, il attendit. Il recommença. Toujours rien, pas d'insultes qui fusent ni aucun raclement de chaises. Il contourna la maison et frappa à la fenêtre de la pièce à vivre, personne. Il colla son front à la fenêtre et distingua une masse sombre sur le plancher.


– Merde, le vieux s'est cassé la gueule.


Il essaya toutes les fenêtres et portes mais aucune n'était ouverte évidemment. Alors il prit une pierre et cassa la fenêtre de la chambre, celle qui se voyait le moins de la route, et entra en essayant de ne pas effleurer les morceaux de vitres brisés toujours attachés au cadre de la fenêtre. Il se précipita hors de la pièce et s'agenouilla à côté du corps inconscient. Il tâta son pouls, il battait toujours. Il décrocha le téléphone fixe et appela une ambulance.

L'ambulance arriva à peine cinq minutes plus tard et il laissa le vieil homme aux mains expérimentées des ambulanciers. Lui devait passer un coup de fil et reprendre sa tournée. Après avoir appelé Patricia au bureau et l'avoir prévenue de la situation, il ré-enfourcha son scooter et termina sa tournée, l'esprit ailleurs. Il finit son travail à 13 h 15, comme tous les jours et après avoir tergiversé toute la matinée, il résolut de se rendre à l'hôpital.

Lorsqu'il y arriva, il demanda à avoir des nouvelles d'Alphonse Lec.. euh non Lessure. À ce nom une femme d'une cinquantaine d'années, les yeux légèrement embués, se tourna vers lui.


– Vous êtes ?

– Jérôme, le facteur, c'est moi qui l'ai trouvé ce matin. Et vous madame… ?

– Lessure, je suis sa nièce. Vous ne savez pas à quel point je suis soulagée que vous l'ayez trouvé à temps. Je lui avais bien dit que ce « bonjour facteur » pourrait lui être utile, quelle tête de mule. Bon en tout cas il va bien, il a fait un malaise, chute de tension, ça arrive à cet âge-là. Veuillez me pardonner mais je dois aller chercher ma fille au lycée.

– Euh oui je comprends, au revoir.


Alors qu'elle s'en allait, elle revint sur ses pas et rajouta comme pour se justifier :


– Vous savez, il n'a pas toujours été comme ça, j'ai de très bons souvenirs de lui, il riait beaucoup, mais depuis la mort de ma tante il s'est renfermé sur lui-même et est devenu plus qu'aigri. Il manipule ses souvenirs pour toujours paraître comme un persécuté. Peut-être a-t-il raison sur certains points, certainement même, mais son caractère l'empêche de voir certaines choses comme elles le sont vraiment. J'espère sincèrement qu'il ne vous met pas trop en difficulté avec son caractère disons… brut ?

– Eh bien nous apprenons à nous apprivoiser.


Au moins pensa Jérôme cette réponse n'était pas totalement fausse et elle lui évitait de dire tout ce qu'il pensait du vieil homme à sa nièce qui avait l'air réellement attristée du comportement habituel de son oncle.


– Monsieur, excusez-moi, êtes-vous un parent de monsieur Lessure ?

– Euh non, juste euh une connaissance.

– Il vient de reprendre conscience ça serait bien qu'il y ait un visage familier près de lui, pour éviter qu'il soit trop désorienté.

– Euh c'est-à-dire que je ne pense pas être la bonne personne pour ça !

– Un visage familier l'apaisera je vous assure.

– Bon si vous le dites, mais je vous aurai prévenue, conclut-il en souriant à la jolie infirmière.


Il la suivit dans l’ascenseur puis dans les couloirs jusqu'à la chambre 317. L'infirmière ne l'y aurait pas conduit qu'il aurait su quand même où aller : de la chambre sortaient des jurons à tout rompre d'une voix forte, même si moins dure qu'à l'accoutumée. Malgré lui Jérôme sourit, au moins il n'était pas comme ça qu'avec lui !

L'infirmière toqua doucement à la porte et imperturbable face au regard courroucé du vieil homme et à celui étonné du médecin introduisit Jérôme dans la chambre.


– Il y a quelqu'un pour vous monsieur Lessure, vous voyez bien que certaines personnes se font du souci pour vous !


Rien n'était plus éloigné de la réalité, pensa Jérôme, mais bah, peut-être que lui serait content de voir quelqu'un si un jour il se retrouvait à la place de Lecon, non il fallait sérieusement qu'il arrête de l'appeler ainsi.


– Bonjour monsieur Lessure, comment allez-vous ?

– Ah ça va vous ! Vous n'avez pas pu me le dire ce matin alors vous êtes venu jusqu'à l'hôpital pour me répéter votre phrase stupide ? Et non ça ne va pas, je suis à l'hôpital au cas où vous ne l'auriez pas remarqué !


Voyant une bonne occasion pour s'évader de ce champ de mines, le médecin et l'infirmière s'esquivèrent de la chambre en catimini.

Avec la fuite du personnel soignant, il se retrouvait maintenant seul avec le vieil homme, ne pouvant pas sortir de la chambre comme ça sans rien dire (l'éducation des parents est parfois très tenace !), il commença à parler de tout et de rien :


– Vous savez j'ai vu votre nièce, elle paraissait inquiète pour vous.

– Si elle avait été inquiète elle serait montée, c'est juste par obligation qu'elle est venue et qu'elle a sûrement versé quelques larmes, mon neveu ne s'en donne même plus la peine !

– Peut-être que si vous leur parliez un peu, tout s’arrangerait, non ? hasarda Jérôme.

– Qu'est-ce que vous en savez vous ? Vous vous croyez plus malin que les autres, vous croyez que comme j'aboie fort je mords ? Eh bien cela va peut-être vous étonner mais j'ai plus subi dans ma vie que fait subir ! Ah ça vous en bouche un coin, on dirait !

– Euh disons que j'ai du mal à croire que vous vous soyez laissé faire.

– Ok, je vous explique, ça doit être la morphine qui me donne envie de vous parler. Mon frère aîné, le père de Pascal et Véronique, a toujours été l'enfant préféré de mes parents, c'était un gars intelligent mon frangin mais très égoïste et ses enfants sont pareils. Il ne m'a jamais trop aimé, disons qu'il aimait bien que je sois moins fort, moins grand, moins intelligent que lui. Et mes parents m'ont toujours montré que je les avais déçus. Vous savez ce que ça fait de voir la déception dans les yeux de vos parents ? Putain la morphine doit être vraiment forte là !

– Euh et vous n'avez jamais eu d'amis ?

– Bien sûr que si mais c'est à l'armée que je me suis fait de très bon amis, une seconde famille on pourrait dire ! Mais maintenant ils sont tous morts ou loin ! À la guerre c'était horrible mais c'est justement ça qui a fait que des liens très forts se sont noués entre nous !

J'avais un ami que je considérais comme un frère, mais comme un frère aimé, reprit-il les yeux vagues, signe qu'il voyageait dans ses souvenirs. André Lacroix dit le capitaine, il était marin pêcheur en Bretagne. Ah là là qu'est-ce qu'on a pu rigoler tous les deux ! Vous savez, une fois…


L'exposé du vieil homme dura près de deux heures, Jérôme ne savait plus quoi faire partagé entre son envie irrépressible de partir, il n'aimait vraiment pas les hôpitaux, et son envie de rester et de découvrir cet homme si aigri au cœur meurtri. Lorsque Alphonse s'endormit, fatigué de son récit et sans doute bien assommé par les médicaments, Jérôme repartit chez lui, plongé dans ses réflexions.


Alphonse revint chez lui une vingtaine de jours plus tard bien que son cas aurait nécessité quelques jours de repos en plus. Mais suite à son insistance et surtout à la fatigue du personnel soignant, une dérogation lui avait été accordée avec la présence obligatoire d'une aide à domicile pendant quelques jours.

Jérôme recommença alors à prendre le chemin blanc qui le menait à la ferme du vieil homme.


Désormais, même si celui-ci l'accueillait toujours avec froideur, Jérôme pouvait sentir qu'il l'attendait. Et au lieu des insultes, il avait le droit à un « vous êtes en retard ou en avance », toujours lancé avec hauteur mais qui pouvait se traduire aussi par une habitude que le vieux avait prise. Il ne luttait plus contre ce « bonjour facteur », il s'était résigné et peut-être se réjouissait-il de cette courte entrevue ! En tout cas c'est ce que se plaisait à croire Jérôme.

Les jours défilèrent, toujours pas de courriers. Certaines fois, il croisait l'aide à domicile « la bonne » comme disait Alphonse qui bien que patiente avait hâte de s'en aller à la fin de ses heures.


Un jour, ce devait être un mardi, Jérôme apporta des factures mais aussi, et c'était le plus important, une lettre venant du Havre. C'était la première en cinq mois.

Après son rituel quotidien, il attendit que le vieux lui ouvre la porte et, accompagné d'un grand sourire, il lui donna son courrier. Alphonse parut surpris, ne connaissant personne au Havre, mais après un rapide grognement, qui d'après Jérôme ressemblait à un merci, il referma la porte, piqué par la curiosité.


Le lendemain, le vieil homme demanda quelques timbres à Jérôme, puis deux jours plus tard, lui demanda de poster une lettre pour Le Havre. Jérôme avait bien envie de lui dire que ce n'était pas son rôle de poster le courrier, mais c'était mieux comme ça, et puis, chose improbable et déroutante, le vieux, Alphonse, lui avait souri en lui remettant la lettre.


– Vous allez pas me croire, le capitaine m'a écrit, il habite au Havre maintenant, il dit qu'il a recherché mon adresse pendant des mois avant de me trouver, il faut dire qu'à une époque ma femme et moi déménagions souvent !


Environ deux semaines plus tard, il reçut une nouvelle lettre, et il en écrivit une autre en réponse. Au fur et à mesure des semaines, une solide correspondance s'était mise en place entre les deux vieux amis.


Cette correspondance avait changé Alphonse, bien qu'ayant gardé son mauvais caractère et son franc-parler, il était devenu plus avenant avec Jérôme et pour lui le « Bonjour facteur » n'était plus devenu une épreuve. Il n'aurait pas dit non plus que c'était le soleil de sa journée mais ils avaient appris tous deux à apprécier ce petit moment quotidien. De toute évidence, parler de son passé, des bons et mauvais moments qu'il avait vécus le libérait. On avait beau dire, même les cœurs les plus solitaires avaient de temps en temps besoin d'une oreille attentive, de quelqu'un qui les écoute, ou les lise, sans jugement aucun, quelqu'un à qui on pouvait absolument tout dire.


À un moment donné, les lettres du capitaine ne recevaient plus de réponse de la part d'Alphonse, Jérôme résolut de s'en mêler tant pis s'il se faisait renvoyer paître. Il gagna cinq petites minutes sur sa tournée et s’arrêta donc chez le vieil homme prêt à mener bataille pour savoir ce qu'il se passait. Alphonse était méfiant, distant. C'est bizarre, pensa Jérôme. D'ailleurs, le vieux lui ferma rapidement la porte au nez. Jérôme était interloqué, tout ce travail avec lui pendant des mois, perdus ? Non ce n'était pas possible. Il continua à lui apporter les lettres de son vieil ami et chaque jour attendait qu'Alphonse lui remette la réponse tant attendue. Alors qu'il n'y croyait plus le vieil homme lui donna une nouvelle lettre et la correspondance reprit bien que plus espacée que précédemment. Le fond de ses lettres changea et au lieu de s'attarder sur les souvenirs passés, il parlait de plus en plus du présent et de sa vie actuelle. Mais bien que cette correspondance soit moins fournie et différente, le vieil Alphonse sembla plus s'attacher au facteur et une fois par semaine, après sa tournée, il l'invitait même à venir prendre le café. Quand il parlait de son vieil ami, Alphonse observait discrètement le facteur, comme s'il attendait quelque chose, une réaction ou un mot. À ces moments-là, ses yeux pétillaient de malice.


Cela dura plusieurs mois et un matin, Jérôme retrouva Alphonse, mort dans son lit. Mine de rien il s'était attaché au vieux bougon et fut triste de sa disparition. La correspondance s’arrêta. À l'enterrement, il vit ses deux neveux qui comme lui, malgré le caractère d'Alphonse, pleuraient de chaudes larmes. Alphonse avait eut tort à ce propos, ses neveux l'avaient aimé.

Le lendemain de l'enterrement, il reçut un colis. D'après l'adresse, l'expéditeur était Alphonse.

Le colis contenait toutes les lettres reçues de son vieil ami, une courte note l'accompagnait : « Je vous renvoie ce qui vous appartient. André est mort voilà cinq ans, merci de m'avoir donné un vrai ami : vous ! »


 
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   costic   
4/8/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Très sympathique nouvelle, pleine d'optimisme et de foi en l'humanité. On imagine bien le vieux bougon et le jeune facteur. Un service à mettre en place le plus rapidement possible dans ces temps de solitude...L'intrigue est bien construite, beaucoup d'images qui parlent et des détails comme ce chemin blanc qu'on aime retrouver.
On peut imaginer un travail supplémentaire sur des dialogues ou des histoires des deux personnages qui pourraient être savoureux. Des possibilités de développement donc.

   Anonyme   
25/8/2013
 a aimé ce texte 
Un peu
Oui, c'est une gentille nouvelle, bien réconfortante et c'est vrai que les facteurs sont sympas, à la campagne, dans l'ensemble.
On ne peut pas dire que cette histoire soit très originale mais elle se lit bien.

   Anonyme   
29/8/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Flash,
j'ai beaucoup aimé le rythme de cette nouvelle. Elle est pleine de fraîcheur et de vie. On imagine facilement le "bougonneur". J'ai eu un peu de mal avec le passage sur la morphine à l’hôpital incitant "Lecon" à parler. Sinon, c'est justement écrit.
Merci pour ce moment de détente
Fateata


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