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Sentimental/Romanesque
GillesP : La révolution peut attendre
 Publié le 26/05/17  -  12 commentaires  -  10980 caractères  -  94 lectures    Autres textes du même auteur

Deux femmes participent à une manifestation anticapitaliste.


La révolution peut attendre


Quelques feuilles, les unes jaunâtres, les autres déjà marron, se décollent à regret d’un arbre. Elles tourbillonnent, virevoltent un moment, hésitantes, puis, résignées, recouvrent finalement d’autres feuilles qui les ont précédées dans leur chute et jonchent déjà la chaussée. Une rafale subite s’amuse à les ressusciter pendant une poignée de secondes, puis elles s’affaissent à nouveau, quelques mètres plus loin. Le ciel passe du gris clair au gris foncé. Il va sans doute bientôt pleuvoir.

Pourtant, l’automne et les sanglots longs de ses violons, les deux femmes n’en ont cure. Elles marchent d’un pas décidé, quelque part entre la place de la Bastille et la place de la République. Madeleine porte une pancarte, qu’elle brandit avec conviction, sur laquelle est écrit : un autre monde est possible. À côté d’elle, Céline agite un drapeau rouge d’où émergent, en blanc, un poing levé et un mégaphone, ainsi que trois lettres en bas, en noir, en gros, en gras et en capitales : NPA.

Toutes deux défilent, tête haute, au milieu de quelques centaines de personnes convaincues de la pertinence de leurs revendications. Tout changer, ne rien lâcher, aux capitalistes de payer leur crise, interdiction des licenciements, le pouvoir au peuple, halte à la casse sociale, hommes femmes même combat, nos vies valent plus que leurs profits, ils sont une poignée, nous sommes des millions, dégageons-les, qu’ils s’en aillent tous : tels sont les slogans que l’on peut lire, entre autres.

Là se côtoient, tant bien que mal, provisoirement rassemblés autour d’une même cause et contre un même ennemi, toute une foule bigarrée et un peu anachronique : on trouve ainsi pêle-mêle de vieux militants, toujours debout, du Parti communiste, des adhérents du Parti de gauche, des idéalistes qui, croyant encore à l’unité, arborent fièrement sur leur veste le logo du feu Front de gauche, quelques représentants de Lutte ouvrière, bien regroupés entre eux, des jeunes gens à peine sortis de l’adolescence qui viennent de prendre leur carte au Nouveau Parti anticapitaliste, une poignée de trotskistes du Parti ouvrier indépendant, des anarchistes, des altermondialistes d’ATTAC, des écologistes, des membres du collectif Ni putes Ni soumises, des Chiennes de garde, trois Femen – et donc six seins nus –, des syndicalistes de la CGT, de FO, de Sud, de la FSU, quelques-uns de la CFDT – que les autres regardent d’ailleurs avec méfiance ou mépris ou les deux – et aussi des gens sans véritable affiliation politique, associative ou syndicale, venus là par simple conscience citoyenne ou peut-être par désœuvrement car une manifestation anticapitaliste, cela peut toujours meubler un samedi après-midi, après tout. Il faut dire que le mot d’ordre est tellement vague qu’il autorise cette unité temporaire entre tous ces gens qui, d’ordinaire, ont du mal à se supporter mutuellement. Peu importe, pour le moment, les expressions qui comptent, ce sont : pour un monde solidaire et halte au capitalisme sauvage.

Des camionnettes diffusent les chants habituels : Le Temps des cerises, Bella ciao, Le Chant des partisans, Hasta siempre commandante, Bandiera rossa. Les voix des manifestants couvrent celles de Manu Chao, Noir Désir, Zebda et les Têtes raides. Une tempête révolutionnaire, non, plutôt une petite bise, flotte dans l’air.

Ces hommes et ces femmes sont, à ce moment précis, fermement persuadés qu’un autre monde va advenir, bientôt. Bien sûr, le soir venu, lorsqu’ils vont rentrer chez eux, ce sentiment s’évanouira aussi rapidement qu’il est venu et ils vaqueront à nouveau à leurs occupations quotidiennes. Mais pour l’instant, la musique, les chants repris en chœur, les cris, les drapeaux, les pancartes, tout contribue à créer une transe qui se propage d’un bout à l’autre de la manifestation et galvanise les marcheurs. C’est beau, oui ! Un peu vain, mais beau.


C’est la veille que Madeleine et Céline ont décidé ensemble de se joindre au mouvement, de venir grossir les rangs du cortège. Depuis quelques mois, elles se sont en effet peu à peu rapprochées l’une de l’autre. Après sa rupture aussi brutale qu’inattendue, Madeleine a été, cela peut se concevoir, déboussolée. Céline s’est vite aperçue que quelque chose n’allait pas chez son assistante. Cette dernière a fini par révéler, fin septembre, qu’elle traversait un moment compliqué dans sa vie personnelle. Il n’a pas été très difficile pour Céline de comprendre de quoi il s’agissait. Comme à son habitude, elle a fait preuve de douceur. Il ne sert à rien, s’est-elle dit, de tempêter ou de menacer une personne qui travaille sous ses ordres, surtout lorsque jusqu’à présent celle-ci a donné entière satisfaction. Si l’on fait preuve de pression, la situation, alors, ne peut que se détériorer encore davantage. Tant pis si, durant un temps, le travail est moins productif. Patience et longueur de temps font plus que, etc.

Mais Céline ne s’est pas contentée d’attendre, elle a aussi réconforté Madeleine comme elle a pu, elle lui a dit je suis là si tu as besoin de parler, elle lui a dit le départ de Jacques, au bout du compte, est peut-être un mal pour un bien, elle lui a dit il faut laisser du temps au temps, elle lui a dit tu vas prendre un nouveau départ dans ta vie, ne t’inquiète pas. Des mots simples, convenus, un peu factices, malgré tout apaisants.

Les relations entre les deux femmes ont bientôt pris un autre tour, sans que ni l’une ni l’autre n’y prenne garde. Elles ont pris l’habitude de rester discuter toutes les deux, après la fermeture de la rédaction. Madeleine s’est épanchée, timidement au début, puis avec de moins en moins de retenue. En libérant sa parole, elle a pu extérioriser sa souffrance de femme brusquement délaissée, quittée au bout de tant d’années d’une vie de couple tranquille et sans soubresaut. Jour après jour, elle s’est sentie de moins en moins mal, de moins en moins triste, de moins en moins seule, aussi. Céline a écouté les effusions de Madeleine avec de plus en plus d’empathie. Au bout d’un moment, elle a commencé à se dévoiler à son tour, elle a confié à Madeleine quelques bribes de son intimité.

Céline a grandi autour de parents peu unis. Son père criait souvent sur sa mère. Sur elle aussi, parfois. Ni elle ni sa mère ne disaient jamais rien. Elle était trop petite, sa mère trop habituée. Son père est mort il y a de nombreuses années. Une cirrhose. Une ou deux fois par an, elle accompagne quand même sa mère au cimetière des Marches, près de Chambéry, pour se recueillir sur sa tombe.

Céline est un peu plus jeune que Madeleine. Elle revendique un féminisme absolu, jusqu’au-boutiste. Elle milite depuis longtemps pour l’entière indépendance de la femme, pour son émancipation totale de l’homme. Elle est fermement convaincue qu’un jour, les femmes pourront se passer des hommes et les utiliser comme simple outil de procréation. Qu’un homme puisse inviter une femme au restaurant et payer l’addition l’agace. Si un homme vient à offrir des fleurs à une femme, c’est forcément qu’il est mal intentionné, qu’il a une idée derrière la tête ou qu’il lui a été infidèle. Céline ne conçoit pas qu’on puisse avoir besoin de se reposer dans les bras d’un homme. Se blottir tout contre l’épaule d’un homme l’insupporte. Avoir un homme pour supérieur hiérarchique lui fait horreur. Elle n’a jamais vécu avec un homme et n’en éprouve pas la moindre envie. Elle a bien essayé par le passé, quelques rares fois, aiguisée par la curiosité, de coucher avec des hommes et n’en a éprouvé que dégoût ou ennui. On peut dire, sans craindre de commettre une erreur grossière, qu’elle n’aime pas beaucoup les hommes.


Peu à peu, Madeleine a remonté la pente, grâce à Céline, qui l’a introduite dans les milieux qu’elle fréquente, ces groupuscules disparates où se croisent des féministes radicales, des altermondialistes rêveurs, des écologistes décroissants, des trotskistes dogmatiques, quelques marginaux, aussi, pas toujours très clairs dans leurs idées, mais dont la douce folie peut devenir contagieuse, ou du moins sympathique. La conscience politique de Madeleine, assoupie depuis de longues années, s’est réveillée, à mesure qu’elle s’est sentie devenir plus proche de Céline. Depuis plusieurs semaines, les deux femmes se voient désormais presque tous les soirs, et même les week-ends, souvent.


La troupe disparate parvient bientôt à destination, place de la République. Une odeur de friture les attend. Céline et Madeleine achètent deux hot-dogs, qu’elles dévorent tout en écoutant la harangue d’un leader syndical qui incite à la résistance, mieux que cela, même, à l’insurrection populaire contre l’ennemi aux multiples visages ; par cette expression, il désigne à la fois les présidents des multinationales, les rentiers richissimes, les experts de la finance, les grands banquiers, les actionnaires milliardaires et plus généralement tous ceux qui, bien que représentant à peine un pour cent de la population mondiale, détiennent à eux seuls plus de quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la richesse de la planète. Il accuse aussi les gouvernements qui se sont succédé depuis plus de trente ans de faiblesse, voire de collusion avec toutes ces stars du monde économique. Il termine son discours en appelant à un nouvel humanisme : l’humain d’abord, crie-t-il. Il marque une pause, puis ajoute : c’est l’économie qui doit être au service de l’homme, et non l’inverse. Il est plutôt bon orateur, il manie les mots avec verve. C’est un beau discours. Un peu vain, ponctué ça et là de quelques relents poujadistes, mais beau, dans l’ensemble.

C’est maintenant l’heure de se disperser. On se dit au revoir, à bientôt, c’était une belle manifestation, mais ce n’est pas fini, on ne va pas en rester là, il faut amplifier le mouvement, continuer le combat, convaincre l’opinion publique, etc. Désormais seules, encore un peu électrisées par l’atmosphère séditieuse, Céline et Madeleine se mettent à la recherche d’un café. Elles ne tardent pas à en dénicher un, dans une des rues adjacentes. Comme le vent de révolte les a réchauffées, elles s’installent en terrasse, malgré la brise. C’est l’heure de refaire le monde. Elles tombent d’accord sur à peu près tout. Céline profite d’un bref moment de silence entre elles, chacune reprenant son souffle, pour glisser :


– On est bien toutes les deux, non ?


Madeleine acquiesce. C’est vrai. Un halo de paix l’entoure. Elle se sent bien. Vivante. C’est elle qui fait le premier pas. Elle avance un peu son visage, les yeux plantés dans ceux de Céline. Madeleine ne voit pas sa responsable. Elle voit une amie, une complice, une intime. Quelqu’un qui pense comme elle, qui partage les mêmes conceptions de la vie. Une femme dont elle aime le visage rond, les yeux pétillants de malice, la bouche charnue. Elle y pose ses lèvres. Aucune résistance ne lui est opposée.


Quelques secondes hésitent à s’écouler. Des gouttes de pluie se mettent à tomber. Ni l’une ni l’autre n’y prête attention.


 
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   plumette   
8/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
j'ai de la sympathie pour cette histoire de vie, réaliste, bien racontée et dans l'air du temps.
Je crois que j'aime bien les histoires de solidarité entre femmes. Et voilà Madeleine qui va prendre un nouveau chemin, sans y avoir vraiment pensé, parce que Céline est à ce moment là, la personne importante de sa vie, celle qui lui a apporté du réconfort dans un moment difficile.
Et que cette nouvelle histoire amoureuse prenne naissance dans ce contexte de manif anti capitaliste est plutôt bien vu. Il y a à ce moment là une euphorie du partage et un sentiment d'appartenance qui rapprochent encore plus les deux femmes.

Bien vu aussi de donner l'initiative du baiser à Madeleine!

Un joli moment, qui aurait pu être allégé de quelques listes comme celle du début sur les participants à la manif.

mais c'est un détail!

Plumette

   Anonyme   
26/5/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il va pleuvoir.
Un bloc pour décrire la manif et le sens des revendications.
Un bloc pour dire la psychologie des personnages et surtout la vulnérabilité de Madeleine.
Une couche sur le féminisme militant de Céline.
Une couche encore sur l'anticapitalisme.
La manif se disperse.
Madeleine pose sa bouche sur celle de Céline.
Il pleut.

J'ai aimé :
- "C’est elle qui fait le premier pas." en parlant de Madeleine. En effet, il semble que Céline soit déjà lesbienne. Madeleine a été larguée par Jacques. Faire prendre l'initiative du baiser à Céline en aurait fait une prédatrice.
- Avoir encadré le récit entre "il va pleuvoir" et "Des gouttes de pluie se mettent à tomber" m'a plu :-))

J'ai moins aimé :
- Le style. "les unes jaunâtres, les autres déjà marron", "Le ciel passe du gris clair au gris foncé." C'est descriptif. Il manque le "petit pas de côté", le décalage, la métaphore. Donc une écriture un peu trop "à plat", comme un compte-rendu.

Merci pour la lecture :)

   Anonyme   
15/5/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
C'est à partir de là :
C’est la veille que Madeleine et Céline ont décidé ensemble de se joindre au mouvement
que j'ai été à peu près certaine de voir ces deux-là tomber en amour. Alors, les lesbiennes journalistes ou assimilé ("après la fermeture de la rédaction", dites-vous à un moment), l'une d'elles résolument féministe, bonjour le cliché ! Les deux personnages sont très archétypaux, cela me gêne.

L'histoire, ben, pour moi il n'y en a pas vraiment, puisqu'on assiste à la révélation de la banalité profonde de Cécile et Madeleine : vous les faites rentrer dans le moule attendu indiqué ci-dessus. Au passage, vous présentez l'autre cliché des braves gauchistes "un peu vain[s]" (au moins deux occurrences de l'expression, au cas où on n'aurait pas compris). Cliché bien amené du reste, je trouve, avec une espèce d'attendrissement goguenard, de dédain, bienveillant.

L'écriture m'a paru affirmée, directe et visuelle, j'ai vraiment aimé les descriptions. Je trouve que vous auriez pu creuser pour trouver quelque chose d'à mes yeux plus intéressant à dire, mais bon, c'est ça que vous vouliez dire, c'est votre choix et vous êtes l'auteur. En tant que lectrice, je renâcle.

   Tadiou   
27/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
(Lu et commenté en EL)

Le début est comme un documentaire classique, écrit intelligemment mais standard. Donc rien de neuf. Mais bien écrit, avec fluidité et précision. C’est bien documenté.

Ce style, distancié en quelque sorte, continue avec l’arrivée des deux femmes. On reste dans le descriptif bien enlevé.

Evidemment, la fin, on l’attend et ça ne rate pas.

C’est de la belle ouvrage, intelligente, mais enfin, je n’ai pas ressenti de soubresaut de bonheur à cette lecture : trop de recul, donc peu d’émotion. C’est comme si on voyait les choses depuis un drone, et non avec son cœur : c’est mon ressenti.

   in-flight   
18/5/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
Pour le coup, je ne saisis pas bien vos intentions à travers ce texte; j'étais bien installé dans le cortège de critiques de la manif et vous terminez su un baiser entre les deux femmes. Je m'attendais à une critique acerbe en guise de conclusion; ou alors vous voulez peut-être montrer la faiblesse de conviction des deux femmes à travers ce baiser: elles n'ont plus que faire de leurs revendications maintenant qu'elles se sont trouvées.
Sur le fond, je ne suis pas toujours d'accord avec vous mais je reconnais qu'un grand nombre de manifestants que l'on peut croisé dans le mouvements sociaux ont des convictions et des raisonnements parfois fragiles. La pensée politique c’est de l'action mais aussi de la théorie: faut se taper des bouquins pour construire une pensée politique.

Y'aurait pas un petit fond de Muscadet (pseudo d'un auteur) dans ce texte? ;-)

   vendularge   
26/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour GillsP,

J'ai lu votre texte avec intérêt, il est bien écrit, très bien même. Je me suis demandée un moment de quoi venait cette impression particulière à la lecture. C'est écrit comme un article, un reportage, avec une distance nette, c'est vu de l'extérieur. Je ne crois pas qu'il y ait d'ironie dans la description que vous faite de ces manifestants, parce que les revendications sont lėgitimes. Oui, le monde doit changer et oui bien des gens sont sur le carreau mais ce débat n'est pas le sujet, le sujet, c'est l'amour qui pour un moment se moque bien du reste.

Ce que je pense, c'est que si vous aviez conté la même histoire entre un homme et une femme, ce texte, tel que, aurait eu moins de couleur. Il se trouve que de mon point de vue, il y a un moment déjà que pour beaucoup, l'amour choisi les êtres et non le genre. C'est donc dans ma zone de reflexion un peu post datė. Je veux dire que cette histoire d'amour n'est en rien différente des autres...elle ne mérite donc pas de mention particulière..

Ceci-dit, merci pour ce travail et cette agréable lecture.

vendularge

   Anonyme   
26/5/2017
Ecriture soignée. Simple, sans fioriture, mais soignée.

Le texte n'est pas désagréable à lire, mais je n'en retire pas grand chose. Je vois essentiellement trois raisons :

1. Une digression (ou le contexte) prend ici quasiment tout le volume. Le fond réel apparaît alors comme une digression de ce que l'on pouvait prendre au départ pour l'essentiel. C'est détaillé, mais sans conclusion, sans ramifications, sans surprise, un peu caricatural même, même si ce n'est pas faux. Dès lors, cette mise en place me parait un peu longuette.

2. On voit venir la chute au moins à partir de la moitié du texte. Ce n'est pas un problème en soi, mais j'aurais alors aimé qu'elle survienne de manière plus originale, au moins littérairement, au contraire de quoi on assiste seulement à la confirmation un peu plate de ce que l'on savait déjà.

3. Un style plus affirmé n'est pas une obligation, mais il aurait ici pu enrichir littérairement ce que la narration ne propose pas.

Ce texte me fait penser à un programme libre de patinage artistique, exécuté sans erreur, sans chute, mais ne contenant rien au delà du double saut.

Une prestation honnête malgré tout pour une séance d'entrainement.

   Donaldo75   
27/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour GillesP,

Je suis mitigé sur ce texte, pourtant riche, parce que le contexte de la manifestation prend trop de place, au début et à la fin. L'observation sociale, voire politique, de ces différentes mouvances anticapitalistes, est longuement détaillée, au détriment de l'histoire de Madeleine et Céline qui arrive alors comme un cheveu sur la soupe, si on ne se souvient pas du titre.

C'est ce manque d'équilibre dont souffre l'histoire. Avec autant de mots mais une balance nettement plus portée sur l'histoire de ces deux femmes, le récit changeait de registre.

J'ai quand même aimé la douceur de leur histoire.

Merci pour la lecture,

Donaldo

   hersen   
29/5/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Je n'ai pas vraiment compris le découpage.

Puisque la nouvelle finit sur le baiser qu'échangent Madeleine et Cécile, je suppose que c'en est le vrai sujet que tu aurais donc placé dans une manif.

Malheureusement, je ne vois pas quoi retirer de ce récit, tout me semble assez cliché. Et pour tout dire, je ne vois pas pourquoi avoir tant développé l'aspect politique, qui n'est pas ici tellement à son avantage :)

Je comprends bien que Madeleine et Cécile se sont trouvées, mais là encore, il n'y a rien de très nouveau. Leur histoire est assez banale, et l'homosexualité en tant que telle maintenant ne fait plus à elle seule une histoire.

A te relire,

hersen

   vb   
1/6/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour,
j'ai lu ce texte car c'est un genre que j'aime bien. Une histoire simple racontée simplement. Pourtant je trouve que ca n'accroche pas. Je ne suis pas sur de savoir pourquoi mais voici quelques pistes.
Je pense que la nouvelle n'est pas assez sensuelle. Elle ne fait pas assez de place aux sens. À mon avis il manque de descriptions du temps, de la lumière, des odeurs, de ce que les héroines touchent, sentent ou voient. J'ai trouvé le premier paragraphe trop long et l'aurais mieux aimé dispersé dans le texte. Les longs paragraphes sur la politique font oublier la couleur du ciel. Les longs paragraphes sur le passé des héroines font oublier qu'elles participent à une manifestation de gauche.
J'aurais aimé plus rentrer dans les pensées les sentiments directs des protagonistes, mieux sentir ce qu'elles ressentent l'une pour l'autre.

   Alexan   
2/7/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Je suis peut-être un peu naïf mais je ne m’attendais pas du tout à un tel dénouement. C’est le mot « vain » répété à plusieurs reprises (deux fois je crois) qui m’a installé dans une atmosphère fataliste, un état d’esprit de désillusions contrastant avec l'effervescence qui enveloppe les deux héroïnes. Et puis le titre : « La révolution peut attendre » m’évoque un combat perdu d’avance.
Quelque chose dans le début de cette nouvelle me fait penser à la chanson de Brassens : « Mourir pour des idées » .
Et concernant ces deux dames, la révolution semble moins être le but en soi, qu’un simple outil pour arriver à un autre but, quelque peu refoulé celui-là.
Mais toujours à propos de la manifestation, je la trouve assez vraie, très contemporaine, avec tous ces groupes solidaires face à un ennemi commun, même si l’on peut deviner qu’ils ne mènent pas exactement le même combat… et surtout j’ai apprécié cette manière neutre et sincère de décrire la difficulté à rester déterminé une fois seul chez soi, face à ses tracasseries quotidiennes, loin de la passion et de l’engouement que provoque les mouvements de foule. Une vérité dure à reconnaitre, à moins qu’elle ne soit énoncée comme ici : sans jugement.
Je trouve l'écriture simple et efficace, sans sophistication, mais agréable, juste, avec un style vivant.
J’ai ressenti une légère appréhension au début car certains sujets ne sont pas toujours faciles à aborder sans frôler le cliché. Mais là, en l’occurrence, cela reste uniquement un contexte dont on se détache pour suivre la « petite histoire » comme dirait G. Lenotre (oui pardon ! j’aime citer mes références, je sais c’est agaçant, et je m’en excuse) ; petite histoire donc, de deux femmes d’aujourd’hui avec leurs expériences, leurs blessures, leurs espérances.
L’évolution de leurs sentiments m’a fait l’effet d’un iceberg, jusqu’au réel rapprochement.
Je ne dirais pas que la fin m’a déçu ; j’ai été surpris, et j’ai trouvé cela plutôt bien amené. Mais j’aurai aimé que l’on revienne au contexte du début afin d’en savoir plus sur la vraie place de leur conviction dans tout cela.

   jfmoods   
31/5/2020
"Là se côtoient, tant bien que mal, provisoirement rassemblés autour d'une même cause et contre un même ennemi, toute une foule bigarrée et un peu anachronique […]" → Là se côtoient, tant bien que mal, provisoirement rassemblés autour d'une même cause et contre un même ennemi, des individus formant une foule bigarrée et un peu anachronique

"sans que ni l'une ni l'autre n'y prenne garde" → sans que ni l'une ni l'autre y prenne garde

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui met en perspective sort individuel et sort collectif.

L'intérêt de la relation entre les deux femmes repose sur le caractère antithétique des personnalités. Céline, la plus jeune, est aussi la plus déterminée, la plus engagée. Son passé explique son rejet des hommes et, aussi, la radicalité de son cheminement politique. Pour sa part, Madeleine a vécu avec Jacques, un homme qui l'a quittée. Fragilisée, son identité est en réappropriation, en reconstruction, en refondation. Céline lui fait traverser le miroir en douceur. Si dehors l'automne impose son ciel gris, c'est bien un printemps intérieur qui s'ouvre pour ces deux-là.

La nouvelle manquerait sans doute un peu de sel sans ce regard un rien désabusé sur la manifestation ("C'est beau, oui ! Un peu vain mais beau", "Un peu vain, ponctué ça et là de quelques relents poujadistes, mais beau, dans l'ensemble"). Le lecteur, complice, sourit devant cette société du spectacle ("trois Femen - et donc 6 seins nus", "ou peut-être par désœuvrement car une manifestation anticapitaliste, cela peut toujours meubler un samedi après-midi, après tout"), nourrie des sempiternelles bandes-sons de la revendication sociale ("Le temps des cerises, Bella ciao, Le Chant des partisans, Hasta siempre commandante, Bandiera rossa"), de cette solidarité de façade ("ces gens qui, d'ordinaire, ont du mal à se supporter mutuellement.") vite dissipée dans la grisaille des jours ("ce sentiment s'épanouira aussi rapidement qu'il est venu, et ils vaqueront à nouveau à leurs occupations quotidiennes").

Le narrateur omniscient s'intéresse moins ici à l'idéal collectif (gangrené par le chancre des idéologies) qu'à l'idéal individuel. Le titre de la nouvelle ("La révolution peut attendre") accrédite cette thèse.

Merci pour ce partage !


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