Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Réalisme/Historique
JPDESGRANGE : Tchin tchin
 Publié le 21/07/11  -  8 commentaires  -  17985 caractères  -  76 lectures    Autres textes du même auteur

La face est essentielle pour l’homme, tout comme le tronc l’est pour l’arbre.
Proverbe chinois


Tchin tchin


Je ne passe pas devant un restaurant chinois sans que me revienne en mémoire le déroulement d’un banquet auquel j’ai participé il y a plus de trente-cinq ans. Si les faits sont lointains et si les détails secondaires s’estompent, un sentiment de culpabilité et de remords perdure et me ramène chaque fois à cette soirée.


Nous étions au début de l’hiver 1975 en République Populaire de Chine, dans la province du Sichuan, sur le bord du Yangtzé. En amont de Chongqing s’édifiait un complexe pétrochimique, le premier avec la participation des Occidentaux. J’étais le troisième des « amis français » à accéder au site où commençaient les travaux.

Il était d’usage qu’un grand banquet officiel de bienvenue soit organisé pour l’arrivant. Ces agapes, très formalisées, qui auraient dû être une découverte nous stressaient par la crainte de l’impair. N’ayant que des données parcellaires des Chinois, les Français, paranoïaques, cherchaient un sens caché à la vue d’un visage inconnu, d’une nouvelle hiérarchie, d’un plan de table particulier. Le déroulement du repas étant très codifié avec ses toasts portés par les hôtes et les invités à l’aide de différents alcools.

Mes deux prédécesseurs avaient prétexté des problèmes de santé et ne portaient que le premier toast avec un vin léger pour continuer la soirée en trinquant à l’eau.

Les Chinois savaient avant mon arrivée que j’étais Bourguignon. Les interprètes m’avaient fait confirmer mon origine. Pour eux, je ne pouvais être qu’un gros buveur de vin. Malgré mes démentis, ils n’entendaient pas mes explications destinées à différencier le sud de ma province, pays de poulets, et non de vignes, et mon goût modéré pour l’alcool.


Nous montions tous les trois ce soir-là vers la salle du banquet, fixé à 18 h. Notre chef de projet menait sa maigre délégation de deux subordonnés, je fermais la marche. Il faisait un brouillard froid noyant dans le crépuscule la vallée et le fleuve. Les fenêtres de la grande salle étaient obstruées par de lourds rideaux ; le petit peuple n’avait pas à connaître les participants du festin.

Dès l’approche, rien ne se passe comme prévu. L’homologue chinois du directeur français est rétrogradé en deuxième position dans la file des autorités qui nous accueille. L’homme qui dirige la délégation est inconnu de mes deux compagnons. Habituellement, l’ingénieur général préside, secondé par un politique. Nous sommes à la fin de la Grande Révolution Culturelle et dans la bataille entre les « experts » et les « rouges », les techniciens, en principe, prennent le dessus.

Notre chef est désappointé :


- Qui est ce vieux type avec la casquette ? Un dinosaure maoïste ?

- C’est un chef, quatre poches et des fantaisies sur le col, répond le deuxième Français.


À l’époque du Grand Timonier, les subtilités dans les vestes (le tissu, le nombre de poches, le col) permettaient de différencier le rang de l’individu malgré les tenues semblables.

Nous entrons, et après un hochement de tête nous serrons successivement les mains d’une vingtaine de personnes en rang d’oignons selon un ordre décroissant très précis, en finissant par les interprètes.


Trois tables rondes de huit personnes sont dressées, éloignées entre elles dans l’immense hall. Chaque Français en rejoint une, invité par son homologue.

À notre surprise, je suis convié par le dignitaire inconnu où, séparé par un interprète, je prends place sur son côté gauche. Sur sa droite, un jeune agité qui semble être son secrétaire. En face de moi, en compagnie de ses deux adjoints, Tchang, mon interlocuteur habituel, s’assoit avec une expression pincée sur son visage de mandarin. De part et d’autre du cercle se répartissent les invités de second rang.

L’homme de taille moyenne, un peu replet, a environ soixante-cinq ans. Il est effectivement vêtu d’une vareuse faite sur mesure, avec des pointes de col en astrakan, mais elle est bizarrement froissée, négligée, comme si son habit ne correspondait pas à sa fonction. Il a un physique d’homme du peuple et à la main un éventail, incongru en cette saison, mais qui indique à tous qu’il détient un pouvoir au-dessus de toutes les contingences. Il garde sa casquette vissée sur le crâne. Il émane de ce notable un sentiment de puissance et de dureté.


Le couvert est dressé avec l’assiette, les trois verres à pied destinés aux différents alcools, un pour l’eau, les baguettes. Au milieu sont déjà disposés les huit plats de hors-d'œuvre froid. Je reconnais les œufs gris ou orangés, le jambon, les langues de canards frits, les méduses séchées, les champignons noirs. Trois autres soucoupes contiennent des légumes. Une bouteille de vin rouge ouverte et une d’eau minérale « Lao shan » non décapsulée s’ajoutent au couvert.


À peine assis, l’interprète me présente l’inconnu qui préside la table. Je comprends que le bonhomme est un vétéran de la Longue Marche, haut responsable politique de la province. Je salue poliment. L’ancien maquisard montre la bouteille de vin rouge d’un air énervé en me fixant d’un regard acéré et narquois au milieu d’un visage rond légèrement avachi. Le traducteur rajoute que le dignitaire est originaire du Shandong, province de grands vins rouges.

Cette entrée en matière ne m’enchante pas, car je sens que l’homme n’est ici que pour montrer à tous ses talents de buveur ; je dois donc rester concentré afin de ne commettre aucune maladresse.


Il fait un signe du bras aux autres tables où chaque chef, mécaniquement, se lève et sert à l’aide de baguettes son voisin français.

Les serveurs déboulent de derrière les rideaux et remplissent les verres de vin rouge.


Mon voisin me dispose un assortiment des huit variétés d’amuse-bouches en me détaillant la composition, fidèlement transposée par notre traducteur.

En principe, on ne trinque pas avant le discours débité après les hors-d'œuvre et qui précède le premier grand plat.

Mais l’homme ne me laisse pas de répit, il veut absolument porter un toast à l’amitié entre la Bourgogne et le Shandong et me faire goûter à sa bouteille de vin de Yantai. Je m’acquitte et vide mon verre en le félicitant hypocritement.

Je cherche à échafauder des stratagèmes pour éviter de trop ingurgiter d’alcool sans vexer mes hôtes.

Vider mon verre comme une entraîneuse de bar dans le grand crachoir en laiton qui est derrière moi ? Impossible, sept paires d’yeux suivent le moindre de mes mouvements. Je décide de ne jamais demander à trinquer le premier, de manger au maximum et d’éviter la tradition du « Ganbei », où l’on renverse son verre en montrant le fond après l’avoir bu d’un trait.


Les huit premières spécialités terminées, et avant le potage aux nids d’hirondelles considéré comme un « grand plat », nous écoutons le discours de l’ingénieur en chef et sa traduction qui nous arrive de l’autre table.

Le poids du formalisme amène toujours les mêmes termes convenus : « Sous la présidence du camarade Wang Shiwei…, l’amitié entre la France et la Chine…, la réussite du projet…, la bienvenue à notre spécialiste…, la coopération entre nos deux peuples… ».


Le chef de la délégation française répond dans un style et des formules équivalentes ; tout est rigide, balisé. Le maoïsme a façonné de nouveaux rituels dont personne n’ose s’écarter.


Pendant que je prête une attention polie aux allocutions, mon voisin, mauvais plaisant, a fait changer les boissons. Je découvre un verre plein de Maotai, un alcool blanc de sorgho et de blé titrant plus de 55 degrés.

Le camarade Wang Shiwei me sourit sournoisement, heureux de sa bonne farce. À la fin de l’allocution, il lève son verre, tonitrue un Ganbei pour l’assistance et vide sa coupe. Je suis obligé de faire de même sous le regard de la table. Si Tchang et ses deux subordonnés, « les experts », ne sourient pas, les « rouges » soutiennent servilement leur mentor. L’assistant les encourage par des requêtes que l’interprète, gêné, ne me traduit pas.

C’est fou ! Je me retrouve entre un vieux con prétentieux avec sa cour et une brochette d’observateurs impuissants, confinés dans leur peur, et tout ça pour ingurgiter un alcool dégueulasse qui me fera roter pendant une semaine.


Les services suivants arrivent ; un « petit plat », un ragoût d’abats de porc ensuite, un « grand plat », un canard fumé au thé.

Avant chaque mets, le géronte se lève, porte un toast, boit « cul sec » et s’écrie « Ganbei ». Son verre reposé, il me sert le plat en me faisant expliquer sa composition.

Je réponds à ses politesses après avoir terminé la spécialité servie, en essayant de gagner du temps. Le thème de l’amitié entre les peuples étant épuisé, je lève mon verre « à la technique au service du progrès sans pour autant renier les traditions du peuple ». Les politiques apprécient, je suis pile dans la campagne actuelle « marchons sur deux jambes ». Ces louanges me font rire intérieurement et l’alcool commence à me débrider.


Viennent ensuite les tendons de porc à la fleur de lotus et le poisson entier à la sauce piquante.

Le dignitaire continue à lever son verre. Il est maintenant le seul à le boire complètement. Ses courtisans trempent les lèvres, mais reposent leur coupe sans la retourner. Seul, le petit secrétaire poursuit ses encouragements. Les autres supporters, inquiets par la tournure du repas, commencent à revenir à davantage de retenue.

Devant moi, Tchang a les lèvres de plus en plus pincées. J’accroche sadiquement son regard à chaque libation, lui imposant avec un demi-sourire le dédain que je voue à cette mauvaise farce quand je retourne le verre.


Les serveurs apportent un tofu avec du porc haché cuit dans une sauce épicée suivi d’une viande de bœuf à la farine de riz.

L’unique bouteille d’eau minérale a disparu de la table depuis longtemps. Le camarade Wang Shiwei se lève maintenant plus difficilement de sa chaise. Son fidèle courtisant le soutient et lui tient la main pour me servir.

Autour de la table, on sent que tout le monde souhaite que la dérive cesse avant que l’on arrive au point de non-retour. Si cette compétition idiote s’arrête, on peut encore rester dans l’esprit d’un banquet bien arrosé, sinon la fin sera pathétique pour nous deux.

Je tends la perche au dignitaire. Je demande avec force mimiques d’arrêter les toasts en lui permettant de sauver la face après sa dernière tirade arrosée. Les visages autour du cercle commencent à se détendre.

Mais le chef politique ne veut rien savoir. Après son allocution, il remplit encore les verres en insistant pour continuer malgré mes dénégations. Dans son visage flasque où perle la sueur, ses petits yeux me fixent, cherchant à m’humilier.

Alors, je rentre dans son jeu absurde. Ce qui n’était qu’un moment pénible devient un duel haineux ; je ne pense qu’à mettre cet homme à terre. Le cerveau embué par l’alcool, l’orgueil du mâle, la bêtise, l’animalité ont pris le dessus.

Tendu vers la victoire, je jauge froidement mon adversaire et mes chances. Sa posture, ses gestes, tout indique qu’il est mal en point ; seul son regard n’a pas changé. J’ai trente ans, je pèse le double de lui et j’ai mangé davantage que lui. Comme un boxeur, je sens venir mon deuxième souffle et j’avale plus facilement cette sorte d’eau-de-vie.

Je me lève et je porte un toast au général de Gaulle et à la France, le premier des grands pays qui a reconnu la Chine. L’homme quitte sa chaise avec difficulté et boit en ma compagnie.

Les autres convives sont consternés. Le silence est revenu. Même son fidèle a cessé ses exhortations. Tchang essaie d’attirer l’attention de l’ingénieur général qui devise tranquillement avec son partenaire français sous l’immense portrait du Président Mao. Mais les autres tables font semblant de ne rien voir. L’encombrant personnage fait peur à tous.


Le potage à la moelle de bambou crée un intermède. J’avale le maximum de cette soupe au bouillon gras. Le notable mange de moins en moins. Il est pourtant encouragé à voix basse par son fidèle subordonné. Il me regarde à la dérobée. Je ne lève pas ma coupe, comme si la partie était terminée.


Et les agapes continuent ; un cœur de chou aux ormeaux suivi d’un porc cuit en deux temps.

C’est maintenant Tchang qui a pris des baguettes pour me servir ; il est livide. Lui aussi, il essaie d’épargner des efforts à la sommité qui commence à hocher de la tête au-dessus de son assiette. Seul son regard reste incisif, mais les yeux deviennent plus brillants.

Je mange sans lever la tête. Notre cercle est silencieux. On entend aux autres tables les traducteurs qui s’échinent sur les civilités habituelles. Les serveurs vont et viennent, apportant les plats ou mettant des bûches dans les braseros qui chauffent l’immense pièce.

Je ne bouge pas. C’est lui qui déclenchera sa perte. Je l’attends avec cruauté pour le terrasser. La bienséance, la courtoisie, et surtout les relations envers le client chinois voudraient que je prétexte un malaise. Je sais que Tchang m’en serait éternellement reconnaissant. Mais toute mesure et pitié m’ont quitté. L’homme m’a entraîné dans sa folie.

Le camarade Wang Shiwei ne peut plus reculer. Être ivre, ce n’est pas problématique dans sa position ; mais il ne lui est pas possible de renoncer à boire sans perdre la face. Et il s’est « mis beaucoup de face » depuis le début du banquet. Pour lui, ce serait catastrophique d’abandonner devant un étranger.

Tous les participants sont pétrifiés et retiennent leur souffle ; même Tchang ne peut intervenir. Ils subissent cette dramatique confrontation et ont peur d’être les témoins d’un revers du haut responsable. Ils savent qu’une seule remarque du vétéran peut les envoyer à l’autre bout du pays voire dans un « Lao gai », camp où les cadres emprisonnés traduisent les documentations techniques occidentales.


Il se lève, supporté par l’interprète et son assistant qui lui tient la main droite et accompagne ses mouvements en permanence. Sa coupe n’est plus qu’à moitié pleine. Il bredouille son toast d’une voix faible qu’on traduit aussitôt. Il est question des peuples qui se libèrent du joug impérialiste. Il vide son verre et se rassoit lourdement, toujours soutenu.

Je laisse passer un peu de temps. Je sais que le repas arrive à sa fin. J’essaie de me remémorer le nombre de services. Il ne devrait rester qu’un plat et une soupe après les légumes aux crevettes et le poulet sauté aux piments et arachides qui apparaît. Et ensuite, on nous présentera le riz que nous devrons refuser selon la tradition.


Il faut que je calcule, car moi aussi je commence à fatiguer. Un « Ganbei » pour répondre maintenant, un autre venant de lui ; le troisième toast que je proposerai avant le dernier plat devrait l’achever.

Je rassemble mes forces et me mets debout péniblement. Je me raidis au maximum, je lève mon verre et bois aux peuples en lutte qui retrouveront leur souveraineté.


Lui aussi ou plutôt ses accompagnateurs laissent également passer du temps. Je vois le vieillard qui leur parle, tête basse, par phrases chuintantes et saccadées. Même au bord de la syncope, il donne des ordres. Ses servants essaient en vain de le raisonner.

Tchang dispose du poulet sauté dans mon assiette. Je fixe l’adjoint « rouge » qui remplit les verres et qui ne peut pas tricher sur la quantité en profitant de cette diversion.

La vieille baderne est levée par ses deux auxiliaires. Il a la tête en avant et je ne vois que sa casquette enfoncée sur le crâne. Son adjoint droit lui tient la main serrée sur la coupe. Je me lève moi aussi difficilement en m’appuyant du poignet gauche sur la table.

Le camarade Wang Shiwei ne dit rien. L’interprète traduit une tirade qui n’a pas été prononcée. J’absorbe le Maotai avec peine. On fait boire l’homme, mais il semble ingurgiter de plus en plus difficilement. Le breuvage coule sur sa vareuse. Il est remis sur sa chaise et baisse la tête, je ne vois plus son visage sous la casquette qui tremble et oscille.


Arrive le dernier plat, des holothuries en sauce. Mon homologue, après m’avoir servi, se rend compte que je me prépare encore à un « Ganbei ».

Il interpelle un chef des serveurs pour lui donner un ordre bref. Le préposé traverse le hall au pas de course et chuchote à l’oreille de l’ingénieur général qui prend un air sombre et fait mine de découvrir l’affrontement et l’état du dignitaire.


Je me lève pour achever mon adversaire. Je sais qu’ensuite, je serai incapable de continuer si l’homme et ses aides persévèrent et reprennent une série de toasts.

Je réunis mes derniers efforts et mécaniquement, je parle de « l’amitié entre les peuples ».

Les deux subalternes lèvent un homme qui paraît inerte et lui font faire le geste traditionnel du retournement de verre. Je vois couler sur la vareuse et la table le contenu de la coupe.

À peine le dignitaire rassis et le plat commencé, les serveurs s’activent et amènent rapidement la soupe finale puis, dans un même temps, la présentation du riz qui signifie la fin du repas.

Le tour de table est effectué au pas de charge. La tradition veut que le banquet se termine rapidement après cette dernière convention. Tout le monde se lève pour se congratuler sur ce merveilleux repas et prendre congé.


Je reprends mon équilibre à grand-peine et je me retourne pour serrer la main du camarade Wang Shiwei. L’homme soutenu est inerte ; son secrétaire réunit nos deux poignets dans un simulacre.


Je m’éloigne tant bien que mal et rejoins mes collègues. Nous quittons l’assemblée et redescendons vers la « maison des invités » en contournant la voiture aux fenêtres garnies de rideaux du responsable de province resté dans la salle.

Trop accaparé pour maintenir une marche équilibrée, je ne verrai pas les médecins s’affairer autour du patriarche.


De longs mois plus tard, par un interprète, j’appris avec honte et effroi qu’il ne reprit jamais connaissance.


Il avait sacrifié sa vie pour ne pas perdre la face.


Des années ont passé, Mao est mort depuis longtemps, mais je suis toujours hanté par cette soirée.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
24/6/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Excellente histoire ! J'ai été prise d'un bout à l'autre, les enjeux sont clairement expliqués, les attitudes de chacun indiquées de manière convaincante. J'aurai un bémol sur le ton dramatique à la fin : point n'était besoin d'en rajouter à mon avis. Pour moi, la toute dernière phrase est franchement inutile. Et même l'avant-dernière, je trouve, enfonce trop le clou.

"mes explications destinées à différencier le sud de ma province, pays de poulets, et non de vignes, et mon goût modéré pour l’alcool" : je vois l'idée, mais à mon avis l'expression n'est pas du tout claire ; comment des explications peuvent-elles différencier le sud de la province du goût modéré du narrateur pour l'alcool ? Parce que c'est bien ce qui est dit littéralement, "pays de poulets, et non de vignes" constituant une simple incise à "province" et n'intervenant donc pas dans la structure de la phrase.

   Pascal31   
26/6/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ignore si l'histoire est authentique, mais elle est suffisamment bien racontée pour qu'on puisse y croire.
J'ai tout de même failli avoir la nausée dans l'énumération des différents plats chinois (ce qui indique aussi un certain réalisme dans la description !). Quoi qu'il en soit, ce "duel alcoolisé" m'a bien plu : sobrement raconté (un comble !), l'histoire se laisse lire facilement et le suspense monte crescendo, collant parfaitement avec le niveau d'ébriété des deux adversaires. La fin, tragique, est le point d'orgue d'une joute qui m'a tenu en haleine tout du long. Un bon récit, maîtrisé de bout en bout.

   LeopoldPartisan   
11/7/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Alea jacta est ou vae Victis.
Superbe évocation d'un monde pas si lointain et qui pourtant nous semble déjà à des années lumières. Perdre la face dans ce combat homérique n'est pas perdre la face mais la raison. En regard du vieux marcheur, on peut éprouver de la honte de l'avoir terrassé ou non. Personnellement, si j'avais bu autant, je n'en aurai aucun souvenir.

Bravo pour cette nouvelle, bien agréable et consolez-vous le vieux bonzai, coule des jours bien arrosés dans les vignes du seigneur...

   Anonyme   
17/7/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
L'histoire est intéressante. Mais le traitement aurait pu être meilleur. Le début est très explicatif et peu littéraire.
En fait, le choix d'écrire le texte à la première personne me semble bon. Malheureusement, ce n'est pas pleinement utilisé. On ne vit pas l'effet progressif de l'alcool sur le narrateur. Cela semble extérieur à lui. On est dans sa tête peu dans son corps. Les émotions sont expliquées, mais on ne les vit pas avec l'auteur. Je n'ai pas ressenti la montée de la haine ou de la colère.
Brusquement, il y a cette phrase "J’accroche sadiquement son regard à chaque libation, lui imposant avec un demi-sourire le dédain que je voue à cette mauvaise farce quand je retourne le verre."
Le "sadiquement" n'est pas très heureux, mais on apprend dans cette phrase que le narrateur rentre dans le jeu guerrier.
Il aurait été intéressant de nous faire vivre ces transformations émotionnelles de la relation polie à la relation meurtrière.

Par ailleurs, j'ai vu venir la fin. Dommage. Le suspense aurait pu être davantage travaillé.

En bref, une bonne histoire qui aurait mérité plus de suspense et un traitement plus intérieur pour le narrateur, plus émotionnel et sensoriel aussi, tout ceci à mon goût, bien sûr.

   mogendre   
22/7/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Comme je constate que tu es bien renseigné à propos de la Chine, j'ai une question d'ordre historique à propos de la date précisée dans le second paragraphe : en début d'hiver 1975, la révolution culturelle était-elle effectivement terminée ? Cela m'étonne. Lors d'une recherche pour un texte concernant en partie sur cette période, j'avais constaté que la mort de Mao en 1976, fut l'élément clé de la fin de la dite révolution culturelle. Ta précision me sera précieuse, car si j'ai commis une bévue, je dois absolument la corriger.
Concernant le fond du sujet, si toutefois l'alcool est considéré comme un puits sans fond, il n'y a rien à dire. Les détails alimentaires et la manière de les consommer sont bien présentés. Peut-être la saveur des aliments n'est-elle pas suffisamment décrite, car pour un occidental, les surprises sont de taille. Grand bravo pour ce compte rendu.
Mais justement, j'ai lu ce texte plutôt comme un article de journal. C'est peut-être là ma seule déception. Elle tout de même faible par rapport à la construction générale du texte.

   Marite   
28/7/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Agréable récit qui nous fait assister à un « échange de civilités » entre des traditions totalement différentes. Aucun moment d’ennui pendant cette lecture. Nous assistons au « duel » entre les deux personnages comme si nous y étions. La succession des plats avec leur composition s’insère habilement dans l’ensemble et nous laisse le temps d’absorber ce repas pantagruélique. Nous faisons connaissance avec les détails vestimentaires révélateurs des codes, pas de longueurs pour les formalités, quelques expressions essentielles et nous sommes au premier plan pour assister à la scène. Les trois phrases de la chute donnent la mesure humaine de cet épisode. L’un des personnages y a laissé la vie et l’autre reste « hanté » par ces moments. Il n’en tire aucune gloire malgré sa « victoire ». L’écriture est simple mais précise et efficace. Elle se fait d’ailleurs oublier au profit de l’histoire relatée.

   Anonyme   
13/8/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Superbe ! Superbe cette narration d'un duel ridicule, stupide, codifié par les conventions sociales rigides et les orgueils démesurés des uns et des autres.
Excellente description de l'esprit chinois, de sa notion de "face" à ne jamais perdre quel que soit le prix à payer et d'autant plus précieuse que la position sociale est haute.
J'ai aussi apprécié le très bon descriptif du menu et des différentes étapes parfaitement codifiées.
L'auteur a visiblement vécu cette mésaventure. Il "en sait beaucoup", si je puis dire. Aussi, je vais lui "donner de la face" en insistant sur un "Bravo, j'ai passé un excellent moment."

   widjet   
17/3/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Comme quoi, même après 4 ans, on est encore surpris.
L’auteur est parmi nous depuis un moment, et pour je ne sais quelle raison idiote, je ne me suis jamais arrêté. Et puis ce matin, je l’ai fait sur ce texte.

Et je ne le regrette pas.

La plume est alerte, souple et raffinée. Et surtout très maitrisée. L’auteur est soucieux des détails ce qui donne un fort accent d’authenticité à ce texte (ferait un très bon court métrage) sans jamais le sacrifier à l’ennui.

Mais le véritable tour de force de l’auteur est de captiver son lecteur avec une scène de repas (dont il me semblait faire partie des invités !), véritable arène d’un combat vicieux entre deux hommes et par extension deux cultures avec ses codes et ses valeurs, cet honneur qui confine parfois au ridicule.

Scotché par un suspense d’une efficacité redoutable (la conduite du récit est contrôlée. Dans ce duel à distance, la mis en scène – avec les personnages secondaires, les descriptions… - est classique mais crée une tension palpable), j’ai littéralement dévoré ces lignes.

Une réussite totale.

Bravo JPDESGRANGE, vous venez de gagner un lecteur.

W.

EDIT : titre, excellent de surcroit (Chine-Chine)


Oniris Copyright © 2007-2023