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Policier/Noir/Thriller
kullab : Errances
 Publié le 07/12/08  -  6 commentaires  -  12564 caractères  -  16 lectures    Autres textes du même auteur

Errances d'un homme.


Errances


Ce type qui m’avait appelé, je le connaissais à peine. J’avais été obligé de le croire sur parole. Il m’avait appelé une première fois, il y a deux jours, pour m’annoncer qu’à présent c’était lui qui prenait les commandes, et qu’il fallait oublier Jérôme. « Jérôme, c’est le passé », il m’a dit.

Qu’est-ce qu’il fallait entendre par là ?


Le type m’a rappelé ce matin pour m’annoncer qu’il voulait la cargaison pour demain midi. Forcément, j’étais pas d’humeur joyeuse mais le type m’a dit qu’il saurait se montrer généreux, le moment venu. Je savais pas trop ce que ça voulait dire, mais c’était sans importance parce que j’avais pas vraiment le choix. Jérôme, je le voyais pas souvent mais il me faisait jamais de coup foireux. Avec Jérôme, tout avait toujours roulé, c’était le cas de le dire. Avec ce nouveau type, là, je savais pas trop à quoi m’attendre mais j’ai quand même accepté le deal. Seulement voila : le mec, ça avait pas encore commencé qu’il me foutait déjà la pression.


Des coups foireux, pourtant, j’en ai connu dans ma vie, et ça m’a jamais fait peur. Une fois, même, j’ai buté un homme. Une pourriture. Ça m’a jamais empêché de dormir. Faut dire que j’ai pas un métier facile. Faut avoir le goût du risque, sinon, c’est pas la peine. Quand je lis des trucs sur ces gens qui stressent derrière leurs petits bureaux ça me fait gentiment sourire.


Quoi qu’il en soit, j’ai toujours dit que quand il faut y aller, il faut y aller, alors j’ai arrêté de cogiter et je me suis préparé à partir. Au moment où j’ai pris place dans ma bagnole, mon téléphone a sonné. C’était encore ce fichu mec.


- Allo ? j’ai dit.

- T’es déjà parti ? il m’a demandé.

- Non. J’y allais, là.

- Très bien. Tu pars toujours, mais tu changes d’itinéraire. Dorénavant, je veux que tu évites les autoroutes et les grandes villes. T’as compris ?

- Je fais comment pour être au point de rendez-vous avant demain midi ?

- Je veux pas savoir. C’est ton job. T’as compris ?

- Ouais, j’ai compris.


Le type a raccroché. J’ai sorti la carte de la boîte à gant et je me suis mis à étudier les itinéraires possibles. Au pire, si je prenais trop de retard, je m’arrêterais pas pour dormir. C’était jouable. Ça me faisait bien chier quand même.


Sous l’effet du stress, je suis retourné une dernière fois dans le coffre pour m’assurer que tout était correctement planqué et emballé, et puis je me suis mis en route. J’ai quitté la ville et j’ai pris par les petites routes de campagne. Finalement, c’était pas si désagréable. Ça me changeait du train-train. À ce rythme-là, il m’a fallu un peu plus de trois heures pour rejoindre l’Espagne.


Pour passer la frontière, j’ai fait une entorse à la règle. J’ai rejoint l’autoroute un peu avant la douane et je dois dire que ça s’est plutôt passé comme sur des roulettes. Je suis rentré en Espagne comme dans un moulin, sans même ralentir. Cons de flics.


Une fois de l’autre côté, j’ai pris la première sortie et je me suis retrouvé de nouveau sur les petites routes. Je descendais vers le sud et ça se ressentait dans le paysage. Autour du bitume, c’était plus des collines vertes comme dans mon pays, mais des grands champs de terre brune, désertiques, avec seulement quelques arbustes par-ci par-là. La route était de plus en plus pourrie aussi et ça, ça faisait pas mon affaire.


Dans la voiture, il a commencé à faire chaud. On était en plein mois d’août et le soleil tapait fort sur la carlingue en métal. Je roulais en plein cagnard. La route s’étirait loin devant moi, sans jamais croiser le moindre village. Tout là-bas, à l’horizon, je pouvais voir l’air brouillé au-dessus du bitume, à cause de la chaleur.


Au bout d’un moment, la voiture s’est mise à chauffer. Je voyais l’aiguille, sur le tableau de bord, qui montait progressivement dans le rouge alors j’ai ouvert les fenêtres et j’ai poussé le chauffage à fond pour libérer le moteur. Ça s’est stabilisé doucement, à la limite du claquage. Fallait absolument que ça tienne jusqu’à la nuit.


Le plus souvent, j’étais seul sur la route mais de temps en temps je croisais une vieille bagnole ou une fourgonnette. À chaque fois, y en avait un qui devait quitter la piste pour laisser passer l’autre. Moi, j’étais pressé alors je m’imposais. Les types, ils avaient beau être du coin, ils me cherchaient pas trop. Ils me voyaient débouler à cent à l’heure, avec ma plaque française, sur une route locale qu’était pas faite pour dépasser les cinquante alors ils dégageaient sur le bas-côté sans chercher à comprendre. Ça les obligeait à foutre deux roues dans la poussière et moi ça m’en envoyait plein la gueule mais l’important, c’était de continuer à rouler, et vite.


Avec le soleil haut dans le ciel, le moteur qui chauffait et toute cette fichue poussière, je commençais à avoir rudement chaud. J’avais pas pensé à emporter de l’eau avec moi et ça commençait à me peser. Je suais autant que ces foutus cochons que les blaireaux du coin font fumer à longueur d’année pour faire du jambon. Y’avait rien sur cette route, pas un village, pas une superette, rien qu’un pauvre bout de bitume pourri et un désert infini de terre sèche. J’en perdais presque la notion du temps, à force de toujours rouler de la même manière. De temps à autre, je voyais apparaître un point brillant au loin, avec un peu de poussière qui s’envolait autour, et quand le mec arrivait à ma hauteur je le forçais à se jeter sur le bas-côté pour qu’il me laisse passer. C’était toujours pareil.


Et puis y’a eu ce type avec son camion. Un gros camion, bien lourd et bien pourri, qui transportait des trucs vivants, des poules ou des oies. J’ai cru que ça se passerait comme avec les autres mais ce salaud-là, il a pas bougé d’un poil. C’est moi qu’ai dû faire une embardée, une bien méchante. J’ai donné un coup de volant sur la droite pour éviter le bestiau, j’ai mangé la poussière et y a eu comme un choc quand je suis remonté sur le bitume. J’ai capté tout de suite que le pneu était mort. Quand je me suis arrêté sur le bas-côté pour voir, l’autre enfoiré avec son camion était déjà loin.


J’ai ouvert le coffre, et il a fallu que je déballe toute la marchandise pour accéder au cric et à la roue de secours. J’aurais pas eu l’air con, tiens, si les flics avaient débarqué à ce moment-là. Mais j’étais seul, et probablement pour un moment. Pendant que je sortais les paquets, soigneusement, l’un après l’autre, je sentais ce fichu soleil qui me cognait aux tempes. Alors j’ai fini par enlever mon T-shirt pour me l’enrouler autour de la tête.


J’ai dû caler le cric avec des pierres, pour pas qu’il bouge à cause de la terre, qui était vachement friable. J’ai déboulonné la roue et puis j’ai haussé le cric. J’ai tourné, tourné, tourné, jusqu’à en avoir mal au crâne. J’ai monté la roue de secours, j’ai jeté l’autre roue sur la plage arrière en même temps que le cric et je me suis affalé derrière le volant, étourdi par le soleil.


J’étais vanné. J’ai jeté un œil à ma montre et j’ai vu que c’était encore jouable, pour le rendez-vous. Ça m’a détendu. Y avait personne sur cette putain de route, et il avait fallu que je tombe sur ce fichu camion. Mais ça servait à rien de cogiter. J’ai démarré, j’ai roulé sur une centaine de mètres et là, le coup du sort : j’ai entendu comme un choc et j’ai senti que j’avais crevé à nouveau.


Cette fois, c’était cette putain de roue avant gauche. J’avais du mal à y croire. J’avais dû heurter une pierre qui trainait sur le bitume, le coup classique. J’ai jeté un coup d’œil à mon portable pour voir si ça captait mais je me faisais pas trop d’illusion. J’étais fichu. J’ai pris la roue qui traînait sur la plage arrière, je l’ai posée au bord de la route et j’ai attendu que quelqu’un ait la bonne idée de passer par là.


Je suis resté comme ça une bonne heure, à crever de chaud dans ma bagnole. Au bout d’un moment, j’ai fini par me rendre à l’évidence : pour demain midi, c’était foutu. Sauf si je récupérais l’autoroute. Tant pis pour l’autre enfoiré et ses nouvelles règles à la con. Et puis j’ai aperçu le mec au camion qui revenait. C’était pas de la veine, tiens. Y avait qu’un seul connard dans le coin et il fallait que je tombe sur lui deux fois de suite. Pour pas avoir de mauvaises surprises, j’ai tiré mon couteau de la boîte à gant et je l’ai planqué sur moi.


Le type s’est arrêté, il est descendu de son camion et il avait l’air d’un brave type. Il a regardé le pneu, sans rien dire, et il m’a demandé dans un français approximatif si je parlais espagnol. « Poco, poco », j’ai dit. Alors il m’a fait signe de monter. J’ai bien fermé la bagnole, j’ai attrapé la roue que j’avais posée sur le bitume et j’ai pris place à côté de lui, dans son gros camion pourri. Il y faisait encore plus chaud que dans ma bagnole, chauffage inclus.


Le type était du genre bavard. Je comprenais plus ou moins ses questions, du genre d’où je venais et qu’est-ce que je venais faire dans le coin mais je m’en sortais avec des « Si, si », des « No, no » et des « Poco, poco ». Si le type avait parlé français, ça aurait sûrement posé problème. C’était peut-être une chance, finalement, d’être tombé sur ce mec.


On a roulé à trente à l’heure sur au moins vingt bornes avant de s’engager sur une piste à peine visible depuis la route. On a encore roulé et tout au bout, on est tombé sur un petit village. Le type au camion s’est arrêté devant une boutique bien crade qui ressemblait vaguement à un garage et il m’a fait signe de descendre.


J’ai attrapé le pneu et j’ai posé pied à terre. Le type m’a accompagné. Devant la boutique, il a appelé plusieurs fois et on a attendu. Le soleil me brûlait le dos. Finalement, un mec en bleu de travail est sorti. Il m’a arraché la roue des mains, il a dit un truc au gars du camion et il a commencé à rire. Il s’arrêtait pas. Moi, toute cette histoire, ça commençait sérieusement à me taper sur les nerfs et j’étais sur le point de sortir mon couteau quand le type au camion s’est tourné vers moi pour me dire :


- No pinchada !

- Quoi ?

- La rueda, no está pinchada ! m’a répété l’autre en s’esclaffant.


Je ne comprenais absolument rien à ce qu’il me disait, avec son putain d’accent.


- Dis-lui qu’il m’en donne une autre quand même ! j’ai gueulé à mon type.

- Aquí, solo camiones, no coches !

- Une autre ! Dis-lui qu’il m’en donne une autre ! Otra ! Otra rueda !

- Aquí, no coches, solo camiones !

- Putain de merde !


Les types avaient l’air de comprendre ce que je disais et visiblement ça ne leur plaisait pas, alors je me suis calmé.


- Qu’est-ce qu’elle a, ma rueda, c’est quoi le problème ?

- No hay problema : no está pinchada !

- Qu’est-ce qu’il me raconte, ce con ?


J’ai arraché la roue des mains du type bleu et j’ai vu qu’il avait raison. Putain, mais qu’est-ce que j’avais foutu ?


- Tu peux me ramener à ma voiture ? j’ai demandé doucement au premier type.

- Claro, il m’a dit, et je l’ai suivi jusqu’à son camion.


On est reparti sur la piste en terre, puis sur cette satanée route, jusqu’à la bagnole. Une fois arrivés, le type m’a déposé et il est parti. Il était seize heures déjà, mais il faisait toujours aussi chaud. Quel pays de merde. Je crevais de soif et je réalisais bêtement que j’aurais dû demander de l’eau pendant que j’étais encore au village. Décidément, ça tournait vraiment pas rond dans ma tête. C’est vrai que mon crâne me brûlait et je sentais que j’avais de plus en plus de mal à réfléchir.


Un vent chaud s’était levé, qui remuait la poussière et la maintenait suspendue dans les airs. Cette brume épaisse et brûlante m’attaquait directement par le cerveau. Je sentais que je commençais à péter les plombs. Je me suis mis à parler tout seul :


- C’est pas vrai mais c’est pas vrai mais c’est pas vrai d’être aussi con ! T’as changé la mauvaise roue, pauvre abruti ! C’est pas vrai ! C’est ce pays de merde avec son con de soleil ! Faut que je me casse d’ici, et vite ! Faut que je me casse de cette putain de route !


Cette fois, j’ai changé le bon pneu et une demi-heure plus tard, j’ai pu repartir. Mais il faisait encore trop chaud et le moteur a fini par lâcher. J’ai chargé la cargaison dans le sac en toile noire que je garde toujours dans mon coffre et j’ai abandonné la bagnole. J’ai marché longtemps, au bord de la route, et j’ai fini par m’évanouir, à cause de la soif et de la chaleur, je suppose. La nuit, il ne passait vraiment personne, sur cette putain de route. Quand le type au camion m’a trouvé, le lendemain, un peu après midi, étendu dans la poussière, c’était trop tard.


 
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   Yawata   
9/12/2008
 a aimé ce texte 
Pas ↓
Ouais bof! Pour moi ce texte contient trop de grosièretés et je déteste la vulgarité. De plus il est rempli de préjugés sur l'Espagne et ses habitants (pays arrièré...). Le decors décrit ressemble plus au sud voire au centre de l'Espagne qu'au nord; le héros vient de passer la frontière!! Désolé mais je n'ai pas apprécié et je n'ai pas envie de connaitre la suite

   victhis0   
9/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien
moi j'ai trouvé qu'il y avait une vraie ambiance et une vraie écriture ; que ce road movie "prend" bien et qu'on s'attache au personnage glauque à souhait. Si c'est un épisode, j'aurais quand même voulu en savoir un peu plus : le fond est trop énigmatique, à ce stade, pour qu'un suite m'intéresse : comme on ne sait que trop peu de choses (pourquoi ? de quoi ? pour voir qui ? pour faire quoi ?), finalement, on se désintéresse un peu de la suite...

   Menvussa   
11/12/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Bon si ce texte est un extrait d'un écrit plus long, ça peut se comprendre sinon... Toujours est-il que c'est frustrant pour le lecteur. J'ai tout de même était étonné qu'il n'ait pas eu besoin de s'arrêter pour prendre de l'essence. Le coup de la roue remplacée à tord c'est tout de même un "pneu" gros, Et puis le moteur ayant eu largement le temps de refroidir, c'est vraiment pas de bol.

Cerise sur le gâteau... S'il faut que j'apprenne l'espagnol pour lire un texte sur un site de langue française...

Bref, pas emballé.

   jensairien   
25/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien
bon je persiste, c'est rudement bien écrit. Pour le reste je rejoins Vitchy donc je n'en rajoute pas. La fin est encore un peu décevante, tu as peut-être arrêté ton récit trop tôt.

   Flupke   
26/1/2009
Désolé, pas très accroché sur ce texte d'ambiance. Ok pour les zones d'ombres et le vague, mais à la fin la conclusion n'est pas assez nette et je reste sur ma faim.

   Anonyme   
13/2/2009
Trois mots pour une fin, c'est difficile de faire plus concis et plus ébouriffant.
Je dois avouer que la mort par déshydratiation, je ne l'ai pas vue arriver, pourtant l'oubli de la bouteille d'eau... est écrit noir sur blanc.
Tout est parfaitement posé.
C'est une fois de plus très, très réussi.
Au plaisir de te lire à nouveau...


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