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Fantastique/Merveilleux
Maëlle : Un bol
 Publié le 24/06/09  -  11 commentaires  -  19747 caractères  -  99 lectures    Autres textes du même auteur

La nouvelle s'est répandue comme une pluie d'orage : le Maître choisira un apprenti parmi les potiers de la province.


Un bol


Un conte est passé par ici,

voyons ce qu’il nous dit


La nouvelle s'était répandue comme une pluie d'orage : le Maître descendait dans la vallée, et là, il trouverait son apprenti, parmi les potiers de la province. Tous, hommes et femmes, jeunes et vieux, reconnus ou non dans leur art, étaient invités à présenter leur plus belle pièce à la foire de Yuanan. Là, le Maître ferait son choix.


Nombreux ils furent. La province était riche en terre lourde et grasse, propre à faire des pots et des jarres. Tous, un jour ou l'autre, avaient tenu dans leurs mains cette argile brune et rouge. Tous avaient, un jour ou l'autre, caressé l'idée d'égaler le Maître, en talent ou en renommée.


Pourtant rares étaient ceux qui avaient eu la chance, ne serait-ce qu'une fois, d'apercevoir une de ses créations. On disait qu'auprès de son atelier se tenaient, en tout temps, quatre gardes impériaux, prêts à partir au moindre signal. On disait que chaque pièce, à peine refroidie, était emballée soigneusement dans un coffre scellé, et que l'empereur ne déléguait à personne le soin de les déballer. On disait, encore, qu'il se réservait généralement l'usage de la production du Maître, mais que, par faveur exceptionnelle, il offrait parfois un objet mineur, bol, ou petit vase, ou même une écuelle, à quelqu'un qui lui avait rendu un service inestimable.


On racontait, enfin, l'histoire de Cho-Tag. Ce potier de grand renom était convié dans toutes les provinces, et payé à prix d'or pour un vase, une urne, ou une statuette. Il se déplaçait de cour en cour, avec son tour et ses pigments, restant parfois plusieurs mois pour trouver l'endroit où construire son four. Un jour, Cho-Tag fut convié dans la province du Yeming. Il devait y créer le plat de noce de la première fille de Yao-Din, aimé de l'empereur.


Or Yao-Din, avait, dans ses jeunes années, sauvé la vie du fils du ciel. En guise de remerciement, il avait reçu, parmi tant de présents inestimables, un gobelet formé par le Maître.

Cho-Tag travailla sans relâche pendant des mois pour faire du plat de noce un objet sans pareil, et tous affirmèrent qu'il avait réussi. On le loua avec force, il reçut mille largesses en remerciement de sa peine, et, pour l'honorer, Yao-Din le conduisit en ses appartements où, en bonne place, trônait le gobelet de terre.


On disait alors, en baissant le ton, que Cho-Tag avait été pris de désespoir. On trouva le lendemain ses sacs de pigments éventrés, son tour brisé par le mitan, et toutes les petites pièces qu'il formait en matière de distraction, les tasses, les aiguières, des objets pour lesquels de grandes dames auraient, sans hésitation, donné leurs plus riches parures, éclatées sur le sol.


D'aucuns affirmèrent que Cho-Tag s'était fait négociant en grains dans la province de Siuntan.


Lorsque le Maître arriva l'exposition était prête. Il y avait là des tasses de porcelaine si fine qu'elle était transparente. Des faïences peintes de fleurs qu'on pensait respirer. Des animaux sculptés qui semblaient prêts à bondir, et des tanagras qu'on croyait voir danser. Le céladon, le turquoise étaient dans leurs formes les plus pures, et les plats ajourés pareils à la dentelle. Certains vases semblaient avoir poussé en un jardin tant la forme était parfaite, tandis que d'autres laissaient douter les sens tant ils étaient étranges.

Mais ces pièces d'exceptions, œuvres d’artisans reconnus, côtoyaient aussi l'ordinaire, la porcelaine épaisse, les oiseaux naïfs, la faïence grossière et la vaisselle faite pour chaque jour.


Le Maître parcourut à grands pas l'exposition. Au froncement de ses sourcils, on comprit sa contrariété. Il se retira un moment, avant de paraître sur l'estrade prévue pour la proclamation.


- Gens de Yuanan ! Vous le savez, j'ai annoncé qu'aujourd'hui je prendrais un apprenti.

Mais vous avez vu, comme moi, l'exposition de tant de talents en votre foire. Je pourrais prendre conseil auprès de mille d'entre vous, que j'aurais, au point du jour, mille candidats en tête.

Je ne sais qui choisir. Mais je ne peux, pour le bien de la province, mobiliser tant d'artisans valeureux pour mon seul bon vouloir. Aussi ai-je choisi parmi tous ceux qui ont exposé, douze candidats qui me semblent pouvoir, pour l'une ou l'autre de leurs qualités, obtenir ma faveur.

Une épreuve les départagera, mais elle sera longue. C’est pourquoi je paierai, à chacun d'entre eux, une demi-once d'or pour dédommagement du temps que je leur ferai perdre.


Un murmure parcourut la foule : la somme était considérable.


- Pour les autres, qu'ils sachent qu'ils n'ont pas démérité : on ne prend pas un maître en apprentissage, aussi beaucoup ici me paraissent au sommet de leur art, et rien de ce que je pourrais leur apprendre ne leur sera profitable.


Il appela ensuite ceux qu'il avait choisis. Il y avait Ro-Am, le faïencier, Ur-Talu qui s'était fait connaître pour ses bleus céruléens, Ui-Aram qui travaillait si finement la porcelaine, et Oh-Maané dont les oiseaux peints semblaient prêts de chanter. Il y avait encore Lo-An qui sculptait des vases tels qu'on n’en avait jamais vu, et Mo-Niro qui choisissait sa glaise comme personne. Puis Ri-Nimori qui avait, disait-on, cuit une maison entière, et Ala-Simin qui excellait à former de petits animaux. Enfin, il y avait Oloch-Maura qui maniait la terre noire des îles d'Enuy, Nu-Tenaru, cette vieille femme qui maîtrisait le céladon mieux qu'aucun autre, Ito-Inamo, un potier de village aux formes régulières, et Ana-Iko, un fermier de basse terre.


Il y eut, à l'appel, beaucoup de bruissements dans la salle. D'aucuns s'indignaient qu'on puisse vouloir élever une femme au rang de maître. D'autres protestaient parce que le grès l'emportait sur la porcelaine, et la porcelaine sur la faïence. Il y eut beaucoup de gens pour regretter que tel ou tel n'ait pas été choisi. Mais surtout, tous, ou presque, vitupéraient contre ce choix imbécile qui faisait préférer à tant de talentueux artisans un petit potier de village, et un fermier dont ce n'était même pas le gagne-pain.


On conduisit les élus dans un endroit isolé tout au nord de la ville, et là, le Maître s'adressa à eux.


Il annonça l'épreuve : le lieu où ils étaient était propice à la création, mais rien n'y était aménagé. Il ne doutait pas que chacun d'entre eux ait sur lui de quoi travailler au moins de manière rudimentaire. Il faudrait, par contre, que chacun choisisse un endroit où construire un four.

Ils seraient logés, nourris, par l'empereur. Qu'ils restent ou non jusqu'à la fin de l'épreuve, la demi-once d'or leur était assurée. Tout le matériel dont ils auraient besoin, il leur suffirait de le demander, et s'il était humainement possible de leur procurer, ce serait fait. Ils auraient à produire, d'ici la prochaine lune, une simple pièce. Un bol.


Ils mangèrent tous à la même table, car ainsi le Maître l'avait voulu. Après un moment de gêne – ils étaient tous concurrents –, les langues se délièrent. Tous s'étonnaient qu'on leur demande, avec tant de moyens, une chose aussi simple. Et tous, de même, firent des hypothèses sur le sens caché qu'avait cette épreuve.


Dès le lendemain ils se mirent au travail : installer leur tour dans la grande salle couverte qu'on leur avait indiquée. Établir la liste de leurs fournitures : certains pigments rares, certaines essences d'arbres demandaient le plus souvent deux à trois lunes pour être acheminés. Chercher un lieu idéal pour construire un four...

Il y avait un endroit parfaitement adéquat : un petit cirque de roche, auquel on accédait par une sorte de canyon, et qui garantissait un tirage naturel. Mais ce lieu possédait un grand défaut : jamais douze fours ne pourraient s'y tenir. Au plus, six ou sept.


Or, il leur fallait, à chacun, au moins un four pour cuire, et parfois, un autre pour émailler.


Ils se retrouvèrent tous, à la fin de la journée, maussades et querelleurs : ils comprenaient chacun que si tous s'installaient là, rien ne fonctionnerait, mais ceux qui se placeraient là gagneraient un fort avantage.


Ils passèrent le dîner dans un silence hostile. Le lendemain matin, au lever du soleil, tous étaient revenus au cirque, et déjà certains plantaient des piquets, bousculés par d'autres.


Ce fut Ro-Am qui y pensa le premier. Le faïencier avait repéré l’endroit idéal, mais comprenait bien qu'il n'avait aucune chance de pouvoir s'y installer. Il éleva la voix, et dit :


- Je ne suis, vous en conviendrez, pas le plus mauvais pour construire un four. Plutôt que d’en construire 12, qui nous feront perdre du temps et nous gêneront, je propose de construire, avec l'aide de quelques-uns, un seul four pour tous ceux qui voudront cuire l'argile ou la glaise. Et ainsi, nous aurons, tous, un four là où il doit être.


Anticipant un murmure, il continua :


- Bien sûr, j'offre d'être le dernier à cuire : ainsi si le four se fend ou s'affaisse, j'en serai responsable et châtié par le fait.


Ur-Talu répondit :


- J'accepte cette offre, et la double : nul ne pourra dire que je n'excelle pas à cuire les émaux. Si toutefois on m'assiste, j'offre de construire pour ceux qui le souhaiteront un four à émailler. Vous comprendrez bien que je ne peux faire la même offre que Ro-Am, mais nous serons tous à la même enseigne, car tous, nous aurons besoin de cuire longtemps et à divers degrés pour obtenir la bonne couleur.


Après un moment, la plupart des candidats acceptèrent l'offre qui était faite. Seuls les porcelainiers, qui œuvraient à des températures plus hautes, et la vieille Nu-Tenaru, qui ne faisait confiance à personne d'autre qu'elle-même, déclinèrent. Il y aurait donc un four à faïence, un four à émailler, et trois petits fours dans le cirque. Dès lors, la mise en place se fit sans heurt, chacun ayant repéré un emplacement différent.


Les premiers jours, tous travaillèrent à l'édification des fours : creuser et préparer le terrain ne demandait pas de matériel, et les briques réfractaires sont les mêmes partout, ou presque. Chacun mettait la main à la pâte, certains des faïenciers aidant même les porcelainiers à préparer le gros œuvre. Nu-Tenaru, elle, menait seule son ouvrage, et marmonnait pour elle-même.


Mais bientôt les premiers blocs d'argile furent livrés, et peu à peu le cirque fut déserté. Ro-Am et Ur-Talu continuèrent à y venir, convaincus qu'avoir le four qu'ils souhaitaient valait la perte d'heures de travail de la glaise. Les porcelainiers allaient de la salle couverte au cirque, tantôt tamisant le kaolin et préparant les mélanges, et tantôt agençant leurs briques. Nu-Tenaru montait aussi, toujours sifflant entre ses dents :


- Comment veulent-ils avoir le bon tirage avec une cheminée si haute ? Leur base est bien trop large pour une cuisson régulière... Oh, comme j'ai bien fait de ne faire confiance qu'à moi-même.


Ana-Iko et Ito-Inamo passaient, eux aussi, régulièrement aider au montage des fours. Ni l'un ni l'autre ne donnait ses raisons, mais ils ne ménageaient pas leur peine.


Mais jour après jour, préparer les argiles, broyer les pigments, choisir le bon bois, tourner des ébauches les absorbait de plus en plus. Puis les fours furent finis, presque en même temps... On moula rapidement des pièces rudimentaires pour tester la cuisson. Comme elle était parfaite, chacun se replia sur son propre travail.


Tous, sauf Ana-Iko et Ito-Inamo. Si le premier montait aux fours à chaque nouvelle cuisson, et même parfois entre, le second passait de longs moments, assis sur ses talons, à observer les autres. Parfois jusqu'à en devenir importun.


Un jour que Ho-Maané sortait une cuisson particulièrement délicate – la couleur ne prenait qu’à une température, et pas une autre –, les deux hommes se trouvèrent tous deux autour du four. Ito-Inamo se savait poussé par la curiosité et la soif d'apprendre, mais il ne décelait rien de tel chez Ana-Iko. Il posa donc la question :


- Je te vois souvent monter au four. Que viens-tu y faire ?


L'autre ne répondit pas.


Le lendemain, seulement, Ana-Iko vint trouver le potier :


- Mon ami, je dois te remercier. Mais je vais aussi te dire au revoir.


Comme Ito-Inamo s'étonnait, il reprit :


- Quand hier tu m'as demandé pourquoi je venais aux fours, je ne t'ai pas répondu, parce que je n'avais pas de réponse. J'y ai réfléchi une partie de la nuit, et encore une partie de la journée. Et j'ai compris.

Si je monte au four, c'est simplement que je m'ennuie. Je sais que j'ai un talent dans les doigts, je sais que sans y connaître grand-chose, je fais mieux que certains potiers aguerris. Mais voilà : j'ai beau avoir ici les terres les plus fines, et travailler avec les émaux les plus rares, ça ne me suffit pas. Tu sais que je suis fermier. Mes jours se passent entre la terre et la glaise, et nulle activité ne l'emporte sur l'autre. Aujourd'hui que je n'ai que mon tour à manier, je me languis de ma houe. Et le moyen que j'avais trouvé pour tromper cet ennui, c'était de faire, chaque fois que c'était possible, cette marche vers le cirque. Mais tu m’as ouvert les yeux : au contraire de vous tous qui vivez pour votre art, moi, j'aspire à d'autres choses. Après t'avoir quitté, je vais trouver le Maître et lui dire que je ne peux être un bon apprenti.


Et ainsi fit-il. Certains se réjouirent d'un concurrent de moins. D'autres haussèrent les épaules, tant ce paysan leur semblait sans danger. Seul, Ito-Inamo regretta la place vide.


Bientôt, tous furent assez avancés pour prétendre à produire une pièce digne de ce nom. Les fours ne refroidissaient que pour chauffer à nouveau, et la tension montait. Nu-Tenaru regardait narquoisement les autres faïenciers attendre auprès du four. Puis elle haussait les épaules : même à cru, elle était sûre de la qualité de son travail, qui surpassait tous les autres.


Mais il se trouva que dans ses premières pièces, la moitié se fendirent, au moment même où Oloch-Maura sortait du four une série de pièces toutes vierges de la moindre fêlure. Elle attribua le fait à la glaise, plus grossière, jusqu'au moment où Lo-An, qui venait lui aussi de Fotchou, sortit ses grés formés de la même argile. Là encore, aucune pièce n’était abîmée, alors que Nu-Tenaru sortait des tessons à chaque étape.


Puis l'émaillage commença. Et Nu-Tenaru, qui réussissait un céladon sans pareil, surpris chez les autres des pièces au moins comparables aux siennes. Elle faillit s'en étouffer de rage : ils devaient avoir bénéficié du vent, puisque son four, à elle, était sans défauts.


Mais quand Ito-Inamo lui-même sortit une cuisson sans une pièce brisée, alors Nu-Tenaru se retira dans sa chambre, pendant deux jours.

Au troisième elle sortit, et demanda audience au Maître. Et voici ce qu'elle lui dit :


- Maître, je ne peux être une bonne apprentie. Je suis vieille déjà, et même s'il me reste de longs ans à vivre, j'ai perdu le goût d'apprendre. Je connais mon métier, et j'y excelle, mais j'ai vu ici le moyen d'améliorer mon four, et voilà : je n'ai ni l'énergie ni la volonté de changer de méthode. Aussi ne pourrais-je rien apprendre auprès de vous, et il vaut mieux que je me retire.


Personne, cette fois-ci, ne regretta son départ.


Enfin, vint le jour de la nouvelle lune. Et satisfaits ou non, les dix concurrents restants proposèrent leur pièce au Maître.


Le bol de Ro-Am était large, émaillé de couleurs vives, alors que celui d'Ur-Talu était d'un bleu éclatant. Ui-Aram avait façonné la porcelaine de la manière la plus délicate, Oh-Maané avait orné la sienne de peintures plus fines que cheveux. Le bol de Lo-An ne semblait pas en être un, et pourtant lorsqu'on le tenait dans les mains il était d'un usage évident. Mo-Niro avait cuit plusieurs glaises ensemble, si bien que son bol était orné de délicats motifs sans pour autant être émaillé. Ri-Nimori avait créé un bol immense, ajouré sur le pourtour sauf là où l'on posait les lèvres, Ala-Simin avait orné la surface du sien de faons et de daims. Enfin, Oloch-Maura avait modelé sans tour la terre noire, pour créer un bol carré.

Il ne restait qu'Ito-Inamo. Les autres attendaient, avec un peu de commisération, qu'il dévoile sa pièce. Ils l'avaient tous vu modeler des bols simples, juste vernis, des bols de terre comme chaque fermier même le plus misérable en possède. Des bols d'argile rouge, commune, rien qui puisse plaire à quiconque, encore moins au potier de l'empereur.


Ito-Inamo posa son bol sur la table, et il était comme chacun se l'était représenté. Un bol de terre rouge, verni, rond et sobre.


Les bols étaient sur la table, le Maître les regardait, un à un. Il en éprouvait la solidité, la forme. Les dix candidats le regardaient faire.


Mais pendant qu'il manipulait ainsi les pièces, il se passait une chose curieuse. L'un après l'autre, les candidats pensaient :


« J'ai voulu montrer mon savoir, et j'ai fait là une pièce d'une grande maîtrise, peut-être la meilleure qui soit. Mais le maître nous avait demandé un bol. Et je ne suis plus sûr, aujourd'hui, d'avoir fait simplement un bol. »

« À dire vrai, il y a sur la table des pièces d'exception. Mais si on faisait entrer un petit enfant, en lui demandant de prendre sur la table un bol, alors, une seule pièce conviendrait. »

« Jamais je n'ai fait de dessins si fins. Mais que voulait le Maître, au juste. Ai-je dépensé mon talent en pure perte ? »


Le Maître prit son temps, et parla :


- Vous êtes, tous, de grands artisans. Vous avez, chacun, donné le meilleur de vous-même, et la valeur des pièces sur cette table est incomparable. Cependant, je ne puis prendre qu’un apprenti.

J'aurais pu choisir chacun d'entre vous. Mais voilà. Certains sont des maîtres en leur domaine, et l'ont prouvé ici : qu'irais-je leur apprendre ?


Il effleurait, en parlant, l’une ou l’autre pièce, et les potiers voyaient un à un leur espoir se briser. Enfin, il saisit un bol :


- Comme ce bol, un seul parmi vous est prêt à être rempli et utilisé. Tous, vous êtes des êtres d’exception, méritant d’être admirés, comme ces pièces que je vois ici. Mais je cherche un apprenti. Quelqu’un qui écoute et exécute. Qui réalise un bol quand on lui demande, un simple bol. Mais surtout, quelqu’un qui souhaite apprendre.

Ito-Inamo s'est comporté, ici, comme un véritable apprenti. Mettant du cœur à l'ouvrage même quand ce n'était pas le sien, et observant tout autour de lui, pour apprendre de son mieux.


Vous avez gagné, en venant ici, une demi-once d'or. Mais vous gagnez bien plus : ce bol que vous avez fait, il sera donné à l'empereur. Rares sont ceux qui méritent que le fils du ciel pose les yeux sur leur ouvrage. Cette faveur atténuera, j'espère, la déconvenue que je vous provoque.


Tous acquiescèrent. Cette faveur était inestimable.


- Quant à toi, Ito-Inamo, ne te réjouis pas trop vite. Tu es un homme fait, et pourtant, tu seras pour moi un simple apprenti. Je ne te ménagerai pas, sois-en sûr. Il te faudra être souple comme l’argile en mes mains, résistant et utile comme cette vaisselle que tu sais si bien faire.


Le Maître repartit, son apprenti portant son bagage. Et nul sinon l’empereur ne sut quel apprenti fut Ito-Inamo.


Un conte est passé par ici,

il s’en est reparti





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Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.Maëlle/Oniris


 
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   Maëlle   
24/6/2009
ce texte est diffusable et utilisable sous certaines condition. Pour en savoir plus:
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(pour le contrat exact, voir la licence)

   Anonyme   
24/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Maëlle
J'aime beaucoup cette histoire, un bon point pour la recherche concernant le sujet principal, la poterie, l'émaillage, le mélange des terres, le minutage des cuissons, on est loin du précis mais c'est fouillé.
J'aime moins la répétition de "tous".
J'aime la finalité de l'histoire qui me fait penser à plusieurs proverbes.
Le fait que cela se passe si loin est aussi très plaisant.
Je n'ai rien de très constructif à dire, c'est une jolie histoire, peut-être au niveau des personnages, des rivalités, peut-être que cela manque de quelque chose pour que je m'approprie vraiment ces personnages. Bizarrement celui qui me reste le plus en mémoire c'est la petite vieille méfiante. Alors oui, peut-être qu'il manque quelque chose ici, qui me dépeigne mieux le vainqueur.
Mais est-ce vraiment important, je me le demande. L'histoire n'est pas vraiment là, elle est dans ce bol et ce qui découle de ce conte laisse un bon goût en bouche.
Bonne continuation.

   Anonyme   
24/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'aime bien ce conte, il réunit tous les éléments du genre:
La pays lointain, l'épreuve , les rivalités et la morale...
J'ai bien aimé certains personnages, notamment le fermier Ana Iko, et Nu tenaru.
Au début j'avais parié sur le fermier vainqueur c'est bien que l'auteur ne soirt pas tombé dans trop d'évidence.

Un petit reproche le nombre de personnages car je m'y suis un peu perdue.
Un plus la documentation et l'exactitude sur la poterie.
Un truc qui m'a gênée :
Établir la liste de leurs fournitures : certains pigments rares, certaines essences d'arbres demandaient le plus souvent deux à trois lunes pour être acheminés
Alors qu'ils n'ont qu'une lune pour fabriquer leur pièce... Puis je me suis dit qu'ils se passeraient de ces ingrédients...Mais alors pourquoi en parler?

Sinon c'est très bien écrit

Merci

xrys

   xuanvincent   
24/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Merci à l'auteur pour ce beau conte !

Comme l'a indiqué Xrys, les éléments d'un bon conte m'ont paru réunis.

De plus, le texte m'a semblé bien écrit, pour ne pas dire dans l'ensemble très bien écrit.

Les noms des personnages (qui m'ont amusée), la mention d'un empereur, font penser à un conte chinois ou tantôt japonais, ce dépaysement m'a plu.

Le paragraphe introductif et celui de conclusion m'a amusée et plu.

PS : J'ai lu ce conte d'une traite, sans m'arrêter sur le détail. Comme je l'ai trouvé bien écrit, il ne m'a pas été nécessaire de le relire.

   Menvussa   
25/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Quelques remarques pour commencer :

« Pourtant, rares étaient ceux qui avaient eu la chance,… » Je pense qu’une virgule après pourtant se justifie, marquer un petit temps de pause après ce mot aide à la lecture.

« Mais ces pièces d'exceptions, œuvres d’artisans reconnus,… » Je me demande si exception ne devrait pas être au singulier.

« … on ne prend pas un maître en apprentissage,…
Il appela ensuite ceux qu'il avait choisis. Il y avait Ro-Am, le faïencier, Ur-Talu qui s'était fait connaître pour ses bleus céruléens, Ui-Aram qui travaillait si finement la porcelaine, et Oh-Maané dont les oiseaux peints semblaient prêts de chanter. Il y avait encore Lo-An qui sculptait des vases tels qu'on n’en avait jamais vu, et Mo-Niro qui choisissait sa glaise comme personne. Puis Ri-Nimori qui avait, disait-on, cuit une maison entière, et Ala-Simin qui excellait à former de petits animaux. Enfin, il y avait Oloch-Maura qui maniait la terre noire des îles d'Enuy, Nu-Tenaru, cette vieille femme qui maîtrisait le céladon mieux qu'aucun autre, Ito-Inamo, un potier de village aux formes régulières, et Ana-Iko, un fermier de basse terre. »
Le maître déclare : on ne prend pas un maître en apprentissage. Pourtant dans la liste des 12 aspirants que tu décrits, à part les deux derniers, ce sont tous des maîtres… paradoxale, non ?
On sent bien se profiler la morale du conte, mais la manière de l’introduire ne me semble pas très logique.


Ceci-dit, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce conte. On y retrouve une forme très classique avec sa morale. Un plus : dans ce conte, les différents protagonistes se rendent compte eux-mêmes de leur erreur, cela change agréablement d’avec ce que l’on lit habituellement dans ce genre de récits où les « méchants » sont punis. Ça relève un peu le niveau.

Merci pour cet agréable moment passé à te lire.

   Marite   
25/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Agréable lecture et belle histoire très bien écrite. J’ai apprécié tous les détails sur la fabrication des objets en céramique. Les personnages sont nombreux aussi il m’a été difficile de retenir ce qui ressort de ce conte. Il faudra que je le relise mais ce sera avec plaisir.

   NICOLE   
27/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un joli conte, très attachant.
Il réunit des artisans qui excellent dans leur domaine ; puis il cherche celui qui, bien que reconnu comme tel, accepte d'apprendre encore. C'est une belle idée.
Merci pour cette lecture.

   leon   
28/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien
j'ai bien aimé le conte, mis à part l'histoire de la license creative commons. C'est écrit très simplement et efficacement.

   Anonyme   
29/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Le contexte de l'histoire est attrayant. Le sujet est maîtrisé de l'auteur. Cependant la lecture de certaines phrases est parfois laborieuse. Néanmoins j'en ai apprécié l'essentiel.

   florilange   
1/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Le principe de tout conte est de finir par 1 morale & celui-ci n'y fait pas exception. Donc construction classique & style aisé, avec, comme il se doit, juste ce qu'il faut de naĩveté dans le ton & ce petit air de vous faire la leçon sans y toucher vraiment.

Je n'aime pas la répétition "le lieu où ils étaient était propice..." mais bon, 1 détail sans grande importance.

J'ai aimé cette histoire dépaysante à souhait mais sans prétention contenant de jolies descriptions des pièces fabriquées. Et l'amour de leur métier de tous ces artisans cherchant la perfection.
Merci,
Florilange.

   Bidis   
24/9/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J’ai trouvé l’atmosphère de cette nouvelle très bien rendue, les spécifications de chaque métier ressortent joliment, l’écriture est souvent élégante et fine, l’histoire est intéressante, et si la chute n’est pas époustouflante, j’ai aimé que ce texte dégage de façon simple, claire et agréable, un message que j’estime excessivement important : le meilleur des comportement est totalement erroné s’il n’est pas ADAPTE à l’environnement dans lequel il s’inscrit (lieu, personnes, événement...)

MAIS :
Au niveau du style (d’autre part léger, simple, agréable, je l’ai dit) :
Des répétitions :
- « Il ne doutait pas que chacun d'entre eux ait sur lui de quoi travailler au moins de manière rudimentaire. Il faudrait, par contre, que chacun choisisse un endroit où construire un four. » : chacun
- « Mais il se trouva que dans ses premières pièces, la moitié se fendirent, au moment même où Oloch-Maura sortait du four une série de pièces toutes vierges de la moindre fêlure » : pièces
Ou un effet de répétition : ici « tous avaient »/ « rares étaient »
(« - Tous avaient, un jour ou l'autre, caressé l'idée d'égaler le Maître, en talent ou en renommée.
Pourtant rares étaient ceux qui avaient eu la chance, ne serait-ce qu'une fois, d'apercevoir une de ses créations. »)
- Et 26 fois le mot « tous » !!!
Certaines tournures de phrases m’ont semblé peu heureuses :
- « Nombreux ils furent. » : Je n’aime pas cette inversion. Jusqu’ici le style est élégant et simple, pourquoi cette fantaisie ? Enfin, c’est une question de goût, bien entendu.
- « il offrait parfois un objet mineur, bol, ou petit vase, ou même une écuelle, à quelqu'un qui lui avait rendu un service inestimable. » : Ici, j’aurais de loin préféré « à celui » - je verrais mieux « a quelqu’un » en début de phrase mais je ne peux pas dire pourquoi « A quelqu’un qui etc, il offrait etc »)
Ou faibles :
Il y avait un endroit parfaitement adéquat : l’expression « il y a » est fort pauvre littérairement parlant

Au niveau du fond :
- Je n’ai rien compris à l’histoire de Cho-Tag. On est intrigué par ce désespoir qui ne se rattache à rien de ce qui précède ni à rien de ce qui suit. Et en définitive, on se demande ce qu’est venue faire cette anecdote-là, qui d’autre part intrigue, dans la nouvelle.
- « Il appela ensuite ceux qu'il avait choisis. Il y avait Ro-Am, le faïencier, ... et Ana-Iko, un fermier de basse terre. »
Cette avalanche de noms exotiques font un peu perdre le fil et distraient de ce que chacun produit qui est d’égale importance à leur nom cependant. J’aurais donc aimé voir un peu plus de texte au sujet de la spécificité et de la production de chaque artisan.


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