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Sentimental/Romanesque
marogne : Venise
 Publié le 09/11/07  -  9 commentaires  -  4002 caractères  -  19 lectures    Autres textes du même auteur

Une journée de Novembre à Venise, en 1982.


Venise


Toute la journée la brume avait enveloppé les vieux palais, essayant d’en cacher les façades lépreuses qui se confondaient avec l’eau stagnante des canaux. Elle semblait comme prendre son origine de cette eau immémoriale, exhalaison de tout ce qui y avait été englouti depuis la création de la cité par ceux qui fuyaient les dangers de la terre ferme. Elle portait l’espoir de ces premiers habitants, le labeur des bâtisseurs devant lutter contre les hautes eaux, les sols mouvants et l’eau démolissant des mois de travail, les espoirs des conquérants, la richesse des armateurs, les histoires des voyageurs dans toutes les langues de la Méditerranée, la musique et les tableaux de la Renaissance, le découragement face aux invasions, et la résignation des Temps Modernes. Les gondoles semblaient comme naître de cette matière, apparaissant soudain comme flottant dans l’air que l’on ne savait plus distinguer de la surface de l’eau, presque effrayantes dans leur noir apparat, passeurs de la vie à l’oubli, dernier voyage de l’Antiquité, comme si la ville elle-même était le lieu de cette dernière aventure, le condensé de tout ce que la vie avait pu être.


Dans le vieux quartier juif, aux immeubles rabougris, les synagogues se cachant au milieu des quartiers profanes, il n’y avait presque personne ; la brume seule peuplait, de ses étranges fantômes, les rues et les canaux, effaçant dans de dangereux traquenards les innombrables ponts. Les étoiles de David figurant sur quelques façades renvoyaient à toute une histoire de fuites et de pleurs, de revanche et de remords, et donnaient comme un goût salé à l’atmosphère.


On imaginait facilement, passant de cours secrètes en passages discrets, les intrigants et les agents secrets d’une république qui avait étendu sa puissance de l’autre côté de la mer, et avait su, par son adresse, sa force et la ruse établir de réels échanges avec d’autres cultures, d’autres religions. La parole était murmurée, la sérénissime toute puissante et malgré cela faible devant les appétits de ses puissants voisins ou concurrents. On pouvait imaginer, place Saint Marc, se faufilant entre les colonnes des cafés chics, enveloppé d’une grande cape noire, le délateur allant mettre son parchemin dans la bouche toujours avide du lion. L’eau avait envahi la place, et si ce n’étaient les frêles passerelles de bois posées sur les pavés, la cathédrale semblait comme sombrer dans la lagune, ses mosaïques lançant un dernier appel coloré comme un capitaine son adieu à l’équipage. Depuis la Piazzetta, on distinguait à peine le dôme de l’église de Saint-Georges, et on en appelait à sa puissance pour déchirer cette chape blanche d’un coup de lance, pour que l’on puisse partir sur les vagues de marbre de Santa-Maria-de-la-Salute, reposant depuis des siècles sur sa forêt sacrifiée, pour échapper à cette tentation d’indolence et de repli.


On imaginait, perdues là-bas, au fond, effacées, les autres îles abandonnées par la cité mère. De courageux vaporetto, ahanants et brinquebalants s’élançaient vers leur dernier voyage dans un espoir vain de rallier les merveilles de Murano et les âmes de San Michele.


La nuit, le combat était perdu, les lumières mêmes semblaient avalées par le pouvoir dissolvant de la brume. De simples halos, glauques et tremblotants marquaient les ponts le long du canal. Depuis le haut de l’immeuble bordant le Rialto, on contemplait une ville vaincue, effacée.


Et puis une voix, une voix monte du grand canal, et comme l’éclair demandé à saint Georges, tranche la nuit d’une grande clarté pourpre. Verdi est ici, créé à partir de l’eau, comme une exhalaison de cette ville qui a produit de magnifiques chefs-d’œuvre dans une époque de larmes. Cette lueur se répand sur la ville entière, de campanile en campanile, rappelant à tous que jamais la cité n’a abandonné.


Sous le pont du Rialto, hiératique, la grande perche à bout de bras, le chanteur entraîne sa gondole vers le quai de la Salute, pour un nouveau départ.



 
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   Anonyme   
5/1/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Venise en impression fugace, un masque passe, se cache, passe...

   strega   
6/1/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
E la nebbia muta la città in ombra. Marogne, si vous saviez comme ce texte m'a enchantée. J'étais de nouveau à Venise. Meric mille fois... Très réaliste, je ne sais pas si c'est vécu, mais si ce n'est pas le cas, c'est très bien étudié en tout cas. Merci encore.

   jensairien   
16/1/2008
Encore un beau texte de Marogne mais l’apparition du gondolier n’a pas suffit à le transformer en véritable nouvelle. Ça manque donc juste un peu de poids

   widjet   
6/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Pour créer une ambiance, pour donner corps et vie à une atmosphère, MAROGNE se pose là. C'est la force de ses descriptions, ce sentiment de réalité, d'authenticité vivace qui nous ferait presque croire qu'il écrit et qu'il vit l'histoire au même moment. C'est ce talent là (doublé d'une culture toujours plaisante et jamais ostentatoire) qui me frappe, que j'envie et salue. Porté par le navire de sa plume, il m'a semblé contempler Venise....

Merci et bravo à l'auteur

Widjet

   Anonyme   
6/5/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
""Irons-nous à Venise ?"

Clin d'oeil ...

:)

Une description, simple, par le menu
Un peu carte postale.. Venise, la proie des touristes ?
Ah, je ne peux le croire, même si...

   Flupke   
5/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Superbe évocation.
Je trouve que les descriptions sont vraiment bien réussies.
J’hésite toujours à mettre des O italiens au pluriel. (Un scenario des scenarii). Mais ça c’est ma part d’ombre, mon côté maître Capello, assez déféquant, plus soucieux des règles que des sonorités.
Si je devais écrire « des courageux vaporetti » je me ferai un hara-kiro avec mon stylo-plume immédiatement. Donc j’évite lâchement les O italiens euh je veux dires les i :-) Honte à moi.
Mais à part cet auto-gachage self inflicted par moi-même, j’ai trouvé la lecture très agréable.
Bravo et merci.

   Anonyme   
23/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Bonjour,

je ne suis pas du tout sensible à ce type de récit descriptif. J'avoue que je ne suis pas du tout touché et j'ai une tendance à m'ennuyer profondément. Mais c'est très personnel.

   Anonyme   
17/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Concis, très "ambiance". Ce texte m'a donné envie d'en lire un autre du même auteur. C'est sa première qualité. L'écriture de marogne ressemble à une voix profonde. C'est évidemment un texte fort court et on aurait aimé qu'il s'étende un peu plus, qu'il donne encore plus de cette ambiance. Mais il vaut mieux une bonne nouvelle courte qu'une longue ennuyeuse.

   carbona   
12/10/2015
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour,

Je n'ai pas apprécié cette courte description de Venise. Votre texte ne m'a fait ni voyager, ni rêver, ni découvrir. Je n'ai pas réussi à aller au-delà des mots, le décor ne s'est pas créé.

Il y a un côté trop documentaire dans les tournures employées qui gagneraient à se fondre dans le récit car ici, elles ressortent comme jaillies d'un livre d'histoire. (ex : Verdi est ici, créé à partir de l’eau, comme une exhalaison de cette ville qui a produit de magnifiques chefs-d’œuvre dans une époque de larmes)

J'ai noté quelques répétitions sur lesquelles je me suis arrêtée :

- "le labeur des bâtisseurs devant lutter contre les hautes eaux, les sols mouvants et l’eau démolissant des mois de travail, les espoirs des conquérants" < eau

- "La parole était murmurée, la sérénissime toute puissante et malgré cela faible devant les appétits de ses puissants voisins ou concurrents" < puissant/puissance

J'ai buté sur la construction de cette phrase : "Et puis une voix, une voix monte du grand canal, et comme l’éclair demandé à saint Georges, tranche la nuit d’une grande clarté pourpre." "et comme l'éclair", le 'et' a gêné la compréhension, j'ai l'impression qu'il manque un "qui"

Merci pour votre texte.


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