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MrBlizzar : Le dégoût
 Publié le 04/03/11  -  6 commentaires  -  9036 caractères  -  190 lectures    Autres textes du même auteur

Métaphysique abjecte.


Le dégoût


Le dégoût est un sentiment étrange et obscur. Il n’a jamais réellement suscité un quelconque intérêt de par sa nature écœurante, ou alors dans une certaine limite. Ce sentiment opère avec la plus subtile distance avec le goût, et par la même occasion, s’isole des concepts esthétiques inhérents à chaque culture, et c'est notamment la raison pour laquelle il est un sujet qui se doit d'être analysé avec philosophie. Il possède une place primordiale et nécessaire dans la création de notions de désir et de recherche du sublime, et est en implication directe avec le processus de la création d’un monde qui se refuse d’avoir une part d’immonde. Mais qu’est-ce que le dégoût ? De quoi est-il l’expression ?


« Le goût est fait de mille dégoûts. » Paul Valéry, extrait de « Choses tues ».

Il paraît encore plus insolite parce qu’il accompagne régulièrement les objets pour lesquels nous avons du goût (même si les notions de dégoût diffèrent selon les cultures et les caractéristiques individuelles), en particulier dans le domaine alimentaire. Ainsi nous pouvons facilement apprécier la fraîcheur d’un aliment, et « accepter » les sensations nauséeuses — que nous ne connaissons que trop bien — dès l’apparition de la pourriture propre à sa péremption. Dès lors, les sensations de dégoût nous démontrent facilement que le monde n’est qu’une affaire de composition et de décomposition qui, par une assez grande purulence, nous atteint, par analogie aux règles du devenir. La haute gastronomie quant à elle, s’amuse à jouer avec l’ambivalence du goût des aliments qui, parfois, fleurent la fermentation.


Il en est de même en ce qui concerne le désir du corps de l’autre, qui se réduit généralement à l’enveloppe charnelle. Celle-là même qui a le pouvoir de délimiter si bien, par sa perméabilité quasi-opaque, l’excès d’une multiplicité grouillante et foisonnante. Multiplicité pourtant intégrée à l’intériorité de tous les êtres vivants.


Cette « acceptation » forcée et universelle, qui déguise les tripes et les blessures béantes, n’a pourtant pas fait la gloire du dégoût, bien au contraire ; elle n’a fait que provoquer son propre rejet, par une stratégie qui passe par le champ aveugle des choses. L’amour, même s’il se trouve au-delà de la sphère corporelle, ne peut exister que s’il a rempli une condition de cécité et d’abstraction de ce qui est ignoble dans l’altérité. Et cette exigence n’est pas si simple à réaliser, parce que la moindre faille est une épée de Damoclès en puissance ; ainsi les différents débordements, inoffensifs et obligatoires, qui représentent cette part de multiple en nous, sont directement perçus comme dégoûtants et désagréables, et par une anticipation presque instantanée. La liste est longue : rides, boutons, irritations, poils, excréments... Autant nous savons bien que ces avatars de l’excédent sont une part de nous-mêmes, autant nous ne voulons ni les voir, ni les sentir, ni même y penser ; ce serait comme penser à une « ordure » qui nous aurait agressés dans la rue, celle-là même qui représente un excès en trop d’un monde en perpétuel débordement et dont la loi ne se charge pas d’éliminer, mais bien de masquer.


« Le dégoût et les soucis naquirent de l’abondance. » Pindare, extrait de « Les olympiques ».

Le dégoût est donc un système structurant qui œuvre dans l’invisible, dans le seul but de favoriser la création d’un monde qui doit éviter au maximum cette résurgence détestable ; c’est une expression qui implique un refus total des concepts de la multiplicité et de leur écoulement, et donc qui permet une orientation des désirs vers une réalité qui se veut unitaire et sans impuretés ni failles, comme une plaie répugnante qui doit se cicatriser et ne plus se faire rouvrir. C’est pour cette raison que les sociétés dites civilisées se dirigent de plus en plus vers une organisation faite d’hygiène, de désodorisation et d’aseptisation.


Le dégoût se trouve être l’émotion qui représente le chaos et l’informe comme entités que le réel accepte, mais que l’égo des hommes refuse, parce qu'il se trouve en face d'une monstruosité ; il ressent « Le sentiment de l’impuissance de son imagination à présenter l’Idée d’un tout — ce en quoi l’imagination atteint son maximum et, en s’efforçant de le dépasser, s’effondre sur elle-même » (Kant). Le dégoût écœure parce qu’il rappelle une volonté de puissance inassouvie qui se heurte à un excès multiple qui était sans cesse masqué et contenu, tout en apostrophant aussi la frustration qui découle de la fragilité des corps qui servent de contenants. La répulsion intense qu’il provoque implique aussi par conséquent un processus de purification qui se doit d’être le plus rapidement finalisé. Cela crée une bivalence qui se veut fermée à toute interpénétration et qui, dès lors, stigmatise le multiple en le rejetant comme un vulgaire déchet.


Pour éviter de colmater sans cesse les failles — parce que le résultat de ce colmatage est à jamais insatisfaisant — et pour esquiver littéralement le processus d’un devenir angoissant qui crée la décomposition, l’homme joue avec les objets de son dégoût et la puissance jouissive qu’ils contiennent. Le tabou qui a suivi la bivalence crée un sentiment d’admiration vis-à-vis de ce qui nous dégoûte. C’est autour de cela qu’émerge en conséquence un érotisme du « répugnant qui se déverse ou se putréfie », expression même d’une transmutation des objets du dégoût vers la place qu’ils occupent « réellement », c’est-à-dire dans l’ambivalence. On voit surtout apparaître à ce moment-là des phénomènes tels que la scatophilie, dont la jouissance dépend uniquement d’un épanchement abject, ou encore, de la fermentation alimentaire, comme dans le processus de la création d’un fromage, qui repousse jusqu’à ses derniers retranchements le dégoût de la pourriture, en utilisant sa force jouissive et gastronomique (le Casu marzu, ce célèbre fromage italien rempli de larves qui actuellement se vend sur le marché noir en est un bon exemple). L’énumération des plaisirs honteux est longue ; nécrophilie, fétichisme, acrotomophilie (attirance envers les amputés), partialisme, urophilie (urine), émétophilie (vomi), etc. Autant de manifestations qui traduisent l’attrait pour des objets de fantasme qui ne nous donneraient pas envie « en temps normal ». Plus simplement, les personnes qui aiment voir des films d’horreur sanglants se créent un sentiment d’une totale ambivalence ; ils prennent du plaisir avec ce qui leur est déplaisant.

On peut donc dire en conclusion que le dégoût n’aime pas les éloges. C’est un sentiment qui préfère se cacher, tout en restant discret et à l’affût, prêt à attaquer à la gorge. C’est un animal damné ; il est maudit parce qu’il est le symbole de l’échec de notre ascension vers l’Un. Unité qui pourtant n’existe que parce qu’elle garantit sa propre impossibilité logique. Les sentiments répugnants sont donc une marque concrète d’un paradoxe existentiel ; antinomie logiquement inconsistante en extension, mais néanmoins fonctionnelle (antinomie de Russel), à laquelle bon nombre de philosophes et de logiciens se sont heurtés.




Bibliographie


ARLENNE Paul, Extrême - Esthétique de la limite dépassée, Paris, Flammarion, 2006.

CHABAS Jean-François, L’eau verte, Paris, Neuf, Éd. L’école des loisirs, 2005.

CLAIR Jean, De immundo, Paris, Galilée, 2004.

CORBIN Alain, Le miasme et la jonquille, Paris, Flammarion, 1986.

CORENTIN Philippe, Les deux goinfres, Paris, L’école des loisirs, 1997.

COURTINE Jean-Jacques, « Le corps anormal. Histoire et anthropologie culturelle de la difformité », in Histoire du corps, volume 3, Paris, Seuil, 2006.

FOUCAULT Michel, Les anormaux, Paris, Seuil, 1999.

HARPET Cyrille, Du déchet : Philosophie des immondices, Paris, L’Harmattan, 1998.

KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Paris, Aubier, 1995.

LARCENET Manu, « Grasse carcasse », in Blast, Paris, Dargaud, 2009.

LE BRETON David, La cuisine du dégoût, revue des sciences sociales n°27, Strasbourg, 2000.

NIETZSCHE Friedrich, La généalogie de la morale, Paris, Gallimard, 1971.

NOZIÈRE Jean-Paul, Tu seras la risée du monde, Paris, De La Martinière, 2004.

PEKER Julia, Cet obscur objet du dégoût, Paris, Éd. Le Bord de l’eau, 2009.

PLATON, Parménide, Œuvres Complètes, Flammarion, 2008.

PLATON, République, Œuvres Complètes, Flammarion, 2008.

RUSSEL dans une lettre adressée à Frege, publiée in Logique et fondements des mathématiques, Anthologie (1850-1914), sous la direction de François Rivenc et Philippe de Rouilhan, Paris, Payot, 1992.

SARTRE Jean-Paul, La nausée, Éditions Folio, 1976.

STEIN Erik Lunde, Bœurk, Paris, Neuf, Éd. L’école des loisirs, 1998.

SÜSKIND Patrick, Le Parfum, Paris, Éd. LGF livre de poche, 2006.

TALON-HUGON Carole, Goût et dégoût, Nîmes, Éditions Jacqueline-Chambon, 2003.

TREVES Sir Frederik, The Elephant Man and Other Reminiscences, Londres, Cassel, 1926.

VIGARELLO Georges, le propre et le sale, sur l’évolution de notre rapport à la saleté, Paris, Seuil, 1985.


 
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   jaimme   
10/2/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Un essai sur un sujet particulièrement multiforme. L'analyse est riche et aborde bien des aspects. Je me doute bien qu'en si peu de lignes on ne peut tout effleurer. Il me semble pourtant que l'aspect religieux est peu abordé, même si l'impur, vu sociologiquement nous y entraîne.
Un autre aspect, à mon avis bien sûr, et sans être spécialiste, me semble résulter de votre plan: la différenciation collectif/individuel. Le dégoût, le rejet de l'impur (ou sa recherche) a des causes assez distinctes selon ces points de vue.
Un dernier point, résultant de cette phrase: "L’amour, même s’il se trouve au-delà de la sphère corporelle, ne peut exister que s’il a rempli une condition de cécité et d’abstraction de ce qui est ignoble dans l’altérité. " L'altérité est-elle obligatoirement "ignoble"? Les mots qui suivent me semblent résulter d'un occidentalo-centrisme très XIXème siècle. Il aurait fallu multiplier le champ des exemples et surtout les diversifier.
Au final j'ai apprécié cette lecture, mais je me pose encore la question de savoir si l'angle d'attaque, le dégoût, est le bon. L'ethnologie et l'Histoire (vous citez Vigarello) ont choisi des angles d'étude plus définissables. Vous dites vous-mêmes dans votre première phrase que ce mot recouvre quelque chose d' "obscur". Je pense qu'il aurait fallu au départ une analyse épistémologique.
Merci pour cette lecture.

   Anonyme   
18/2/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour,

J'ai lu ce texte avec intérêt, mais j'en ai également relevé les failles. C'est d'ailleurs assez étrange de commenter une dissertation quand on n'est pas professeur...
Voici quelques exemples de ce qui me gêne:

«  Paul Valéry, extrait de choses tuent. »  : de choses quoi ? Vous ne pouvez vous abstraire, et ce d'autant plus que vous joignez une bibliographie, des règles de citation (exactitude, italiques, majuscules, renvois à la biblio...). C'est à revoir.

« Il en est de même en ce qui concerne le désir du corps de l’autre, qui se réduit généralement à l’enveloppe charnelle. Celle-là même qui a le pouvoir de délimiter si bien, par sa perméabilité quasi-opaque, l’excès d’une multiplicité grouillante et foisonnante. Multiplicité pourtant intégrée à l’intériorité de tous les êtres vivants. »
Sans m'attarder sur le début lourdigue de la phrase, et sans jeu de mot (quoique), je trouve que vous cherchez la petite bête. La multiplicité grouillante, c'est quoi ? Les intestins le foie, la rate, les gamètes ? La dernière phrase est un monument digne de l'Education Nationale et de ses référentiels bondissants.

« par une stratégie qui passe par le champ aveugle des choses » : compréhensible plus loin, mais très maladroit.

« un excès en trop » : pléonasme.

« une plaie répugnante qui doit se cicatriser et ne plus se faire rouvrir. » : se rouvrir suffit.

La conclusion est bien trop absconse. Lorsque vous assénez : « Unité qui pourtant n’existe que parce qu’elle garantit  sa propre impossibilité logique », justifiez, expliquez. La grande classe, en matière d'essai, n'est pas de produire un texte hermétique, mais bien au contraire de permettre au lecteur d'aborder des concepts qui peuvent l'être, de la manière la plus limpide possible, en « compliquant » petit à petit...

Cet essai se tient donc, et on sent le travail mené. Mais justement, on sent le travail de manière bien trop flagrante. Vous usez de phrases trop longues et trop complexes : celles-ci ne souffrent pas l'approximation, les erreurs de syntaxe. C'est casse-gueule, et précisément, vous trébuchez.

   victhis0   
23/2/2011
 a aimé ce texte 
Vraiment pas
je ne suis pas sûrde bien saisir : oniris est un site consacré à la littérature, à l'écriture.
Je lis ici une thèse type khagneuse où un étudiant en quête de note élevée se livre à un exercice de références sur un terme de la langue. Pourquoi pas mais je ne vois, hélas, rien d'original, rien de bien écrit, aucun style...Si vous cherchez à prouver que vous avez des lettres, c'est fait. Mais à part çà, du point de vue littéraire ce texte, ne m'évoque rien.

   Lunar-K   
4/3/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Une dissertation trop scolaire, selon moi, pour susciter un véritable intérêt littéraire. L'objectif n'est évidemment pas celui-là, mais il n'en reste pas moins qu'un minimum d'originalité est requis pour retenir l'attention du lecteur. Pas que ce texte soit mal écrit, au contraire il est particulièrement clair et compréhensible, ce qui est ici un avantage non-négligeable. Mais la seule clarté ne peut suffire, d'autant que le sujet traité rendait possible un certain travail littéraire qui n'aurait pas pour autant nuit à la compréhension de ce texte.

Soit, le sujet, parlons-en justement. Après tout, c'est ce qui importe le plus ici, et je dois dire qu'il ne manque pas d'originalité ni d'intérêt. La première chose qui me choque, c'est le nombre important de référence alors que seul Kant (je crois) est vraiment cité (Valéry et Pindare ne se trouvant même pas dans cette bibliographie). D'autant que ce texte est assez court, et pas particulièrement dense, ce qui me semble assez étrange lorsque je vois la longueur de cette liste. Mais peut-être ne s'agit-il que de conseil de lecture pour ceux qui s'intéresserait au sujet ?
Je l'ai dit, ce texte me parait beaucoup trop court. De nombreuses idées très intéressantes ne sont pas développées comme elles le devraient, voire pas développées du tout. Je pense notamment à celle-ci, dans la conclusion : "il (le dégoût) est maudit parce qu’il est le symbole de l’échec de notre ascension vers l’Un". Cette idée m'intéresse, même si je la trouve contestable. Mais nulle part avant l'auteur n'explique cette idée, ce qu'il entend par "ascension vers l'Un", ce qu'il entend par "Un",... Or, une règle important en dissertation est qu'il ne faut jamais introduire d'éléments nouveaux au sein de la conclusion, ceux-ci nécessitant une explication détaillée qui ne peut se retrouver à cet endroit.
Par rapport à cette idée que le dégoût symbolise l'échec de notre ascension vers l'Un, je crois qu'au contraire le dégoût appartient à cette ascension, étant la manifestation de ce que nous rejetons de l'univers contemporain, manifestation des "préhensions négatives" (Whitehead), et que, par conséquent, il ne peut y avoir réalisation de l'Un sans ce dégoût qui y participe nécessairement.
Je serai ravi de discuter avec l'auteur sur ce point, mais cette opinion n'a pas vraiment sa place ici.

En conclusion, un texte trop court et scolaire, ce qui conduit l'auteur à passer trop rapidement sur certains aspects majeurs de son argumentation.

   Anonyme   
5/3/2011
 a aimé ce texte 
Pas ↓
"On peut donc dire en conclusion que le dégoût n’aime pas les éloges."

Ce qui tombe bien parce que je n'ai pas apprécié cet essai. Autant de lectures cités pour 9000 signes d'explications laborieuses et je me suis retrouvée face à une dissertation scolaire dont je n'ai pas trouvé l'intérêt ni le caractère novateur.

Une lecture qui ne m'a pas éveillée.

   Coline-Dé   
16/3/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Le sujet était très intéressant.
J'ai regretté que les développements ne soient pas plus étoffé, quitte à laisser certains aspects de côté. Ce survol qui flirte avec l'exhaustivité m'a laissée sur ma faimn et j'ai déploré la faiblesse littéraire du propos : il est sans doute difficile de faire à la fois preuve de style et de clarté sur un tel thème et en si peu de signes. Mais certaines erreurs, déjà signalées auraient pu être évitées.
Le propos mériterait d'être retravaillé.

   MrBlizzar   
31/3/2011
Commentaire modéré


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