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NICOLE : Une heure
 Publié le 20/09/09  -  17 commentaires  -  4536 caractères  -  156 lectures    Autres textes du même auteur

Une poignée d'humains, réunis dans la salle d'attente d'un cabinet médical... et des poissons.


Une heure


Je rentre dans la salle d'attente, et je m'installe dans le fond, à ma place habituelle, près de l'aquarium. Personne ne se met jamais là, sans doute parce que c'est un recoin éloigné de la table basse, saturée de revues et de jeux pour enfants.

J'aime bien cette place, d'ici, on a un point de vue imprenable sur le reste de la salle, et en même temps un curieux sentiment d'invisibilité.


Près de l'entrée, il y a la secrétaire médicale, vieille fille sèche au chignon impeccable.

Elle règne sans partage sur son petit domaine, fustigeant les retardataires, et veillant jalousement au parfait alignement des chaises. Parfois elle sourit, je l'ai vue, mais uniquement à l'un des cinq médecins associés sur lesquels se cristallise sa jalouse attention.

Elle connaît un pic d'activité sitôt que l'un d'eux passe la tête par l'une des cinq portes qui donnent sur la salle d'attente. Là elle glapit le nom du patient suivant, en balayant la salle d'attente d'un regard inquisiteur jusqu'à ce qu'elle déniche l'intéressé.

Pour peu que ce dernier ait l'outrecuidance de perdre de précieuses secondes avant de s'exécuter, elle répète le nom du coupable, la voix tremblante d'une vertueuse indignation.


En face du bureau du cerbère, il y a un très vieux monsieur qui vient d'abandonner son tour à une jeune maman pressée, il a tout son temps, lui à qui il en reste pourtant si peu.

La jeune femme vient de le gratifier d'un sourire reconnaissant. Il le garde précieusement en mémoire. Il collectionne les moments de bonheur, à son âge, on sait le prix de ces choses.


À proximité des jeux destinés aux plus jeunes, se tiennent une femme, une fillette d'une dizaine d'années, et un nourrisson dans un landau. La femme semble fatiguée. Ses cheveux sont rassemblés en queue de cheval par un élastique, et elle n'a pas pris la peine de maquiller les cernes violets qui s'étirent sous ses yeux. Tout en elle évoque les nuits de mauvais sommeil et la dépression postnatale.

La petite tape sur un xylophone cassé. Elle en tire un son répétitif, un bruit mat qui n'a pas grand-chose à voir avec la musique.


- Arrête maintenant, je ne veux pas que tu la réveilles.


Elle ignore la remarque cinglante de sa mère, et continue en fixant le bébé immobile.


- Je te dis d'arrêter ça, tu m'entends ? Tu vas encore la faire hurler.


La voix de la femme siffle entre ses dents serrées. Elle s'est saisie du poignet de la petite, et elle le serre trop fort, en plantant ses yeux noyés dans ceux de sa fille.

L'autre soutient le regard de sa mère, et la défie du haut de son mètre vingt.

Les yeux de la fillette se remplissent de larmes, mais elle ne les baisse pas. Je voudrais tant qu'elle capitule, mais elle continue à soutenir le regard de la femme raide qui lui fait face, les lèvres blanchies par la colère.

C'est le médecin qui s'inscrit dans l'encadrement de la porte qui vient rompre ce charme vénéneux.

Je respire mieux lorsqu'elles disparaissent à sa suite.

Elle me paraît bien ténue, la frontière qui sépare les honnêtes gens des parents maltraitants.


Deux amoureux viennent d'entrer, ils sourient à tous, et ils ne voient personne.

Ils s'assoient dans un angle. Leurs épaules se touchent, et le mouvement qu'elle fait pour repousser ses cheveux a conservé une grâce enfantine. Il semble suspendu à chacune des paroles qui coulent de ses lèvres roses. Le léger zozotement qui est sa marque le touche profondément.

Encore quelques années, et il en concevra un agacement tel, qu'il la poussera à consulter un orthophoniste. Mais pas encore. Pour l'instant, il est encore dans l'émerveillement des premiers moments.


Le monsieur en costume qui est installé en face d'eux s'est distrait un instant de son travail pour les regarder. Une buée fugace est passée dans son regard, peut-être l'écho d'un souvenir ancien.

Il est bien vite retourné à l'écran de son Palm, efficace et concentré.

La sonnerie de son téléphone lui attire une remarque peu amène de la gardienne des lieux. À ma grande déception, il obtempère sans discuter, et part terminer son entretien téléphonique sur le trottoir.

Je l'aurais préféré plus frondeur, et la visible satisfaction de notre ennemie des libertés individuelles accroît mon désappointement. Ce soir, elle rentrera chez elle forte de cette petite victoire, mais elle n'y trouvera personne pour écouter le récit de ce morceau de bravoure.


Près de moi, il y a les poissons. Ils continuent à dessiner des courbes gracieuses, indifférents à nos vies.


 
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   jaimme   
20/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien
La salle d'attente est devenue "l'enfer c'est les autres"?
Un microcosme de plus qui oblige les gens à s'observer, ce type de nouvelle est à la mode en ce moment sur Oniris! Mais celui-là me plaît. Car c'est la tyrannie qui est pointée, celle de la secrétaire (presque un symbole du fascisme), celle de la mère, de l'amour aveugle (mais là c'est une belle tyrannie!).
Les poissons continuent de tourner.
Oui mais le vieux monsieur sait apprécier un sourire, et les amoureux sont seuls.
Révolte de l'enfant, de l'homme ou bocal?
Oh, moi je trouve que c'est trop court, j'en aurais aimé plus.
Une phrase m'a un peu accroché: "Elle me paraît bien ténue, la frontière qui sépare les honnêtes gens des parents maltraitants."
Je pense qu'il aurait fallu plus encore dans la méchanceté de la mère pour évoquer la maltraitance. Et le terme "honnêtes gens" dissone dans le contexte. N'est-ce pas justement parce qu'il y a trop "d'honnêtes gens" bien sages que la révolte n'a pas lieu?...

J'ai aimé. Merci Nicole!

   Automnale   
22/9/2009
Bonjour, Nicole ! Comme je le trouve dur ce texte... D'abord, j'ai relevé le "Je rentre" dans la salle d'attente... C'est "j'entre", Nicole !

Ensuite ? "Personne ne se met jamais près de l'aquarium". Qui sait ? Et comment peut-on également savoir qu'un vieux monsieur garde précieusement le sourire d'une jeune femme en mémoire ? Est-ce si facile de se mettre dans la tête d'un inconnu ?

Et ce qui me fait mal ? "La vieille fille sèche au chignon impeccable", un cerbère qui glapit... Lorsque je lis cela, je me dis qu'en creusant, un tout petit peu, il semble possible de trouver un peu d'humanité au fond de cet être humain... Il y a, également, cette autre femme, en dépression post-natale, raide, aux lèvres blanchies par la colère... Même les amoureux ne touchent pas l'auteure puisque la jeune fille zozotte !

Heureusement, il y a les poissons rouges !! Et cette phrase : "Il a tout son temps, lui à qui il en reste pourtant si peu".

Pardon, Nicole. Mais vraiment ce texte me fait mal, peut-être parce que je n'y ai détecté aucun humour.

Je préfère ne pas noter.

   Anonyme   
20/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Nicole
Le seul reproche que j'ai envie de faire c'est que cette secrétaire est bizarre. Pas d'appels, pas de cliquettements de clavier, bref elle n'a rien à faire d'autre que du rangement de chaises et appeler les "candidats" ? Je ne la trouve pas très crédible.
Pour le reste, tous les patients sont parfaitement décrits et représentatifs. La petite phrase sur le zozotement est jolie car lucide ; la mère m'a mise mal à l'aise, le regard que l'enfant porte sur elle encore plus.
Un bon texte, un bon moment de lecture, mais le tout est enveloppé d'un peu trop de silence, ça manque de vie, de bruits. Ca donne à mon sens au cabinet une couleur sombre, j'imagine cette pièce défraîchie, tout en lambris, chuintements, frôlements, et silences.
Bonne continuation à l'auteur.

   Garance   
20/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
L'ambiance n'est pas gaie, mais c'est une salle d'attente d'un cabinet médical...un lieu où l'on transporte son corps quand il n'est pas au mieux.
La secrétaire médicale parfois use de son pouvoir...peut-être fait-elle au mieux...mais ce peut-être catastrophique...Alors j'apprécie de lire écrit par quelqu'un d'autre une caricature de ce personnage.
Je trouve cette description d'un lieu où il faut attendre longtemps , en essayant de déranger le moins possible...parfaitement bien retranscrite.
Quand on regarde discrètement les personnes, certaines choses sautent aux yeux, après bien sûr on peut affiner l'observation et découvrir leurs qualités...mais le temps d'une attente en ce genre de lieu n'est pas suffisant.
Alors j'ai aimé !

   Manuel   
20/9/2009
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Oui ! un texte banal qui relate une séquence de vie ordinaire dans la salle d'attente d'un medecin.
Mais c'est raconté sans pathos, personnage après personnage, comme le ressenti d'un patient/témoin.
Une seule remarque concernant le bruit du xylophone, le bébé qui dort et la frontière entre une remarque fondée d'un parent fatigué et excédé qui deviendrai rapidement un parent maltraitant.
Nous sommes tous, trop vifs à accabler notre entourage.
D'un autre coté, d'autres trouveront à redire du manque de respect de l'ainée aux retrances de la maman.
Le témoin remarque que la personne agée" qui a tout son temps pour elle" et pourquoi cette remarque réductrice ? en plus comm elle a été gratifiiée d'un sourire elle n'a pas perdue au change !
C'est encore réducteur car il a eu droit " a un moment de bonheur" ...Nicole, analysons les choses plus simplement.

   Selenim   
20/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Un instantané d'une heure, écrit à la pointe du bistouri.
L'auteure a tenté de calquer son écriture sur l'ambiance d'une salle d'attente. Ce que le récit gagne en précision il le perd fondamentalement en émotion.
J'ai ressentit une grande froideur dans ce bocal, sorte de mise en abîme de l'aquarium où les poissons se croisent, eux aussi, sans se voir.
Même si l'idée m'a plu, même si les observations sont justes, le rendu est trop clinique. Mais je pense que ce résultat était voulu dès la première lettre par l'auteur. simplement je n'adhère pas.

Subjectivement vôtre.

Selenim

   Anonyme   
20/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Bonjour,

un instantané de la vie quotidienne, bien écrit. Mais trop anecdotique pour moi. ça manque vraiment de consistance et je suis un peu resté comme les poissons dans leur bocal, indifférent à cette séance, vraiment trop banale.
L'observation ne m'a pas semblé particulièrement incisive, mais plutôt caricaturale (la vieille fille acariâtre et revêche notamment).
Une prochaine fois sans doute.
Bonne continuation.

   Perjoal   
22/9/2009
Belle petite tranche de vie, bien d'écrite et bien observée. Un grand regret quand même, il n'y a pas de chute. La plus simple aurait de faire rentrer le narateur à son tour. Le retour vers l'aquarium est une bonne idée, mais pas suffisante.

   Farfalino   
22/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Pour tout dire, je me suis ennuyé. Comme les autres, j'ai le sentiment qu'aucun n'est vraiment vivant. il manque une chute.
c'est un peu terne.

Toutefois l'ambiance est bien rendue : je me suis cru chez mon toubib :)

   calouet   
26/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'aime ce genre de nouvelles contemplatives... Ceux qui lisent mes modestes productions (je sais que tu en fais partie) ont d'ailleurs dû s'en rendre compte!

Ici, il ne se passe rien de ce qu'on considère généralement comme "important", il se passe des choses banales, mais qu'un oeil attentif parvient à rendre dignes d'intérêt. Juste pour le plaisir de se poser un peu, et d'observer les fourmillements de cette vie qui nous entoure. les salles d'attente sont, effectivement, un endroit très intéressant de ce point de vue.

Si j'ai apprécié le parti pris de ce texte, et l'indiscutable finesse d'observation, je reste quand même sur ma faim quant au traitement que tu en fais. Le style employé est, à mon, goût, un peu trop monocorde, un peu trop détaché de l'action, pour que la sauce prenne vraiment. Il ne faudrait sans doute pas grand-chose... Merci pour cette lecture, en tout cas, Nicole.

   Coline-Dé   
27/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'aime cette nouvelle où ce qui se passe est vu par un être humain qui se contente d'observer, en réservant son jugement et ses sentiments, et qui ne fait ni dans l'angélisme ni dans la méchanceté, simplement lucide.
Bien que la narratrice ne nous dise que peu de choses d'elle-même, on la devine, et cette sorte de portrait en creux acquiert, pour moi, une grande force.
J'aime qu'elle ne raconte pas qu'elle est comme-çi, ou comme ça, mais qu'elle nous le donne à découvrir: c'est une femme d'un certain âge ( puisqu'elle dit du vieux monsieur " à son âge on sait le prix de ces choses"), elle est probablement effacée ( elle se met plus volontiers du côté des poissons que de celui des humains)... bref, je trouve ce texte tout à fait réussi dans sa simplicité, et d'une écriture limpide.

   florilange   
28/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Moi, j'ai apprécié cette nouvelle dans laquelle le narrateur se met en retrait & se contente d'observer ce qui l'entoure. Que peut-on faire d'autre en attendant son tour?
Il nous est arrivé à tous ce genre d'heure perdue, durant laquelle 1 enfant dérange tout le monde & tient tête à sa mère. J'ai même rencontré 1 "cerbère" bien pire que celui décrit ici.
Effectivement, il n'y a pas de chute, cela ne m'a pas dérangée.
Quant au style, à part quelques bricoles à corriger, il correspond à ce regard qui tourne autour de la pièce.
Merci de cette lecture,
Florilange.

   Myriam   
1/10/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'aime cette galerie de portraits désenchantés, comme on les rêve parfois dans les moments de désœuvrement et d'observation... quel meilleur endroit qu'une salle d'attente, où le temps qui pèse et la proximité obligée incitent à l'observation et à la rêverie sur ses semblables...

J'ai apprécié de ne pas savoir vraiment si le point de vue était interne ou omniscient... la narratrice sait-elle déjà tout sur ceux qui l'entourent ou l'imagine-t-elle?...

Beaucoup de tendresse finalement, y compris pour cette secrétaire acharnée et solitaire...
Tout sonne très juste.
Un beau texte donc!

   Anonyme   
1/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est simple et efficace!

Certes je regrette un peu l'aspect manichéen des choses: par exemple la mère agacée par sa fille, voire franchement énervée, et la remarque qui suit sur la limite entre colère et maltraitance; je trouve dommage le "je rentre", un peu lourd du début.

Mais il y a des fragments de poèsie dans ce texte que j'adore: le vieux monsieur et les souvenirs, la fin avec les poissons.

Pour moi c'est un bon texte, même si la réflexion pourrait être plus poussée encore je pense.

   Anonyme   
4/3/2010
 a aimé ce texte 
Bien
Excellent sens de l'observation, et puis des images touchantes (on en oublie le cerbère). Le bocal qu'est cette salle d'attente (eh oui ! il n'y a pas que les poissons.) est effectivement un lieu privilégié. Le passage qui me fait mal est celui de l'enfant maltraité, mais je ne m'étendrai pas (je me souviens des jours anciens et je pleure : Verlaine), la maltraitance est là mais elle est freinée à cause du contexte.

Certains objecterons que c'est banal... comme souvent la vie, rien de plus, rien de moins.

Quant au ton que l'on pourrait penser monotone, que le premier qui allant chez son médecin perçoit de l'allégresse et de la joie dans une salle d'attente se lève.

Finalement, je n'ai pas fait attention au style ce qui, en ce qui me concerne, est une preuve que le texte a fait mouche (dans un cabinet médical, c'est normal).

Merci

   Anonyme   
1/4/2010
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai lu la nouvelle jusqu'au bout, mais sans vraiment la "vivre" comme beaucoup l'on déjà dit. Mais en fait, et je l'avoue, le truc qui m'a fait reculer sur mon fauteuil dès le début, c'est la phrase :
"la secrétaire médicale, vieille fille sèche au chignon impeccable."
C'est personnel, certes, mais cette caricature (et celle qui suit jusqu'à la fin) est trop caricaturée à mon goût, justement !...
Les secrétaires médicales s'en prennent un coup, et moi avec !
Bref, je n'ai pas vraiment accroché, dommage, puisque le sujet m'interessait au début.
Peut-être qu'avec un peu plus d'humour...

   placebo   
8/4/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Comme beaucoup d'autres, j'apprécie le sens de l'observation, et ce petit plus qui permet de faire des suppositions sur des personnes (le vieux monsieur, le couple) que l'on pourrait croiser tous les jours.

Mais, et c'est là un des problèmes, on pourrait les rencontrer n'importe où. Aucun ne tousse, aucun n'a la fièvre, les amoureux pourraient être au parc et le cadre dans son train qu'il n'y aurait aucune différence. Les malades, la maladie, ne sont pas exploitées, pourquoi une salle d'attente médicale alors?

Pour la mère et sa fille, c'est très juste, mais il doit y avoir un petit problème de formulation à la fin (les honnêtes gens et les parents maltraitants).

Les deux-trois remarques de style que je voulais faire ont été rédigées par d'autres.

Concernant le titre, je suis dans l'incertitude également, plusieurs possibilités de sens, mais peu reliées au texte.

bonne continuation.


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