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Sentimental/Romanesque
Nushka : Sans voix
 Publié le 01/08/21  -  5 commentaires  -  12991 caractères  -  67 lectures    Autres textes du même auteur

D'une rencontre épistolaire improbable et dématérialisée naît un duo littéraire inattendu.


Sans voix


Elle sentit ses épaules se détendre à la lecture du mail qu’elle venait d’envoyer. Poussa un soupir de soulagement, s’étira. Elle en avait terminé avec son correspondant. Cette relation numérique n’avait que trop duré… Un an d’échanges aigres-doux, entre partages littéraires, séduction en colifichets et joutes désarmantes. Cela avait été stimulant, parfois frustrant. Elle était une fervente adepte de l’écriture et de ses implicites, des jeux charmeurs et délicats qu’elle permettait, des fantasmes tout en illusions qu’elle tissait. Son vis-à-vis derrière l’écran lui avait donné à croire qu’il était taillé pour lui faire face sur le long terme. Malheureusement, il avait eu le pouvoir de la décevoir. Irrémédiablement. Quelle idée de vouloir la rencontrer ! Cet idiot avait, en quelques palabres malheureuses, altéré toute leur relation épistolaire ! « Donner naissance à un nous non plus virtuel mais réel », avait-il écrit. Franchement ? Ineptie romantique à deux balles d’un attardé de l’amour, c’était évident… Il n’avait surtout pas compris le principe d’une correspondance littéraire avec Dolorès la bien nommée : la Lettre primait sur tout, sinon couic.

Elle n’avait pas besoin de « réel », pas besoin de rencontres, ni de chair à chair frotti frotta sur un lit ou à la hussarde. Le monde, ses gens, ses horizons, ne l’intéressaient pas. Les milliers de livres qui l’entouraient, les dizaines de milliers d’ouvrages qui l’attendaient encore, suffisaient à combler sa curiosité, ses pulsions et ses envies d’ailleurs. L’évasion à portée de pages, qu’importaient l’époque, le lieu, la langue même. Il suffisait qu’elle en exprime le désir : elle pouvait assouvir sa nouvelle lubie, pelotonnée dans son fauteuil, une théière fumante sur sa causeuse et une pâtisserie entre les doigts. Pour les rencontres, elle s’était longtemps satisfaite des personnages foisonnants qu’elle découvrait au fil des pages… Elle s’inventait des interlocuteurs, investissait les protagonistes de ses auteurs favoris, imitait leur style pour mieux les incarner. Elle avait même acheté des déguisements ! C’était autrement plus amusant que de parler de soi, pensait-elle alors : comment se satisfaire d’une seule âme, quand on pouvait en absorber mille, changer de sexe, de psyché, de classe sociale… ? S’échiner dans les bas-fonds un jour, jouer les femmes de glace un autre, se révéler vil opportuniste ou héros légendaire, tout en finesse ou en burlesque, grossièreté ou marivaudage, sirène, oiseau de feu, chinoise ou argentine… Libre d’être qui elle voulait, quand elle le souhaitait : voilà ce qui devait la rendre heureuse. C’était si simple, sans complication aucune… Le réel et ses codes, ses humeurs, ses mesquineries, ses déceptions permanentes la rebutaient. Pourtant, malgré sa farouche apathie sociale et sa passion des jeux de rôle schizophréniques, force lui fut de constater qu’elle était insatisfaite. Dolorès aimait discuter, débattre, faire surgir les mots qui encombraient sa gorge silencieuse. Seul son reflet dans le miroir ou son imagination lui répondaient. C’est pourquoi, par un matin de novembre frisquet, alors qu’elle fêtait en solitaire son trentième anniversaire, elle décida de partir en quête de partenaires ès lettres à son image et s’ouvrit aux tentations artificielles d’Internet. Là, elle devint reine dans son palais d’illusions et s’en porta merveilleusement bien. Jacques, ce crétin, avait bien failli tout faire voler en éclats.


Sa rencontre avec Jacques avait été banale. Sur ses réseaux sociaux fétiches, elle s’était inscrite dans des groupes de lecture sur lesquels elle aimait échanger, découvrir les coups de cœur des uns, les déceptions des autres, les avis plus ou moins maladroits, les pépites incroyables et les perles aberrantes. Elle avait son petit succès auprès de ce public bigarré amateur de lettres et en était même devenue une figure de proue. Dolorès y avait développé des simulacres d’amitié, des contacts professionnels, des flirts virtuels et s’y épanouissait depuis cinq années déjà.

Quelques mois auparavant, un nouveau venu avait fait son apparition dans sa constellation. Elle finit par se rendre compte qu’un même nom revenait régulièrement dans les commentaires et avis qu’elle suivait. Surtout, il faisait mouche presque à chaque fois, lui soutirant une esquisse de sourire, un sourcil effrontément relevé, un « Oh » stupéfait. Il la laissait rarement de marbre. « Jacques Le_Fataliste » réagissait toujours à ses publications de manière insolite, intrigante, mais foncièrement pertinente. Le miel verbal avait attrapé la mouche… Ce fut Dolorès – qui n’avait pas froid aux doigts – qui finit par lui proposer de correspondre en privé, pour compléter leurs escarmouches publiques.

D’emblée, il avait mis le holà : « S’il s’agit d’établir une correspondance littéraire amicale et discrète fondée sur le partage de l’art, j’y suis tout à fait favorable. S’il s’agit de mettre en place un “jeu” de pseudo-séduction littéraire secret, à coups de duels mouchetés ou virulents, en dentelle ou rentre-dedans, je vous suis. Au-delà, je ne pourrai vous accompagner : je ne suis en quête ni d’une compagne ni de publicité. » En lisant ces lignes, Dolorès avait su qu’elle avait enfin trouvé ce qu’elle cherchait : un complice clandestin de sa folie littéraire ! Pour la première fois de sa vie, elle s’offrit une bouteille de champagne et se saoula de joie. Le lendemain, ses tempes à l’agonie lui firent promettre qu’elle ne recommencerait plus. Jamais.


La vie monotone de Dolorès se partageait entre un métier de traductrice polyglotte à domicile qu’elle appréciait, des lectures gourmandes à foison qu’elle chroniquait, et ses échanges en ligne qui lui tenaient lieu de lien social. Elle ne s’aperçut pas tout de suite que l’arrivée de Jacques dans son existence avait rompu l’équilibre de sa routine quotidienne. L’épisode du champagne aurait dû le lui faire comprendre immédiatement mais, étrangement, elle choisit de porter des œillères avec une ténacité coupable qu’elle savoura un peu trop à son goût. Au fur et à mesure qu’elle découvrit son vis-à-vis numérique, elle tomba sous le charme de sa voix. Quand elle lisait les mails de son interlocuteur, la chaîne des mots inscrits sur l’écran devenait portée de jazz sous tessiture suave de crooner et semblait s’adresser directement à ses organes sexuels. C’était intense et perturbant, une expérience inédite obsédante comme une mauvaise chanson. Hébétée mais lucide, Dolorès se découvrit physiquement séduite par une écriture. Elle n’avait pas du tout prévu de se transformer en midinette « Harlequin », c’est pourquoi elle prit les mesures qui semblaient s’imposer. Il lui fallait inverser le rapport de force latent qui faisait de Jacques le meneur de leurs conversations, prendre la main et se recentrer sur les limites de leur correspondance. De réguliers et charmants, leurs échanges devinrent plus chaotiques. Et sa plume s’en ressentit : piquée au vif, plus affirmée, plus mordante, elle feulait sans état d’âme. Ce fut libératoire. Jacques s’adaptait à ses humeurs vagabondes avec grâce et ironie, glissant ici ou là les détonateurs qu’il fallait pour la faire jouir verbalement ou sortir de ses gonds. « Affole donc un peu ton style, nom de Dieu ! » avait-il osé lui asséner. Dolorès avait senti poindre le sourire condescendant derrière les mots de cet homme qui, malgré tout le mal qu’elle se donnait, continuait de conduire la danse. C’était subtil. Et extrêmement agaçant. Quel imbécile, ce Jacques ! Il la poussait dans ses retranchements, la forçait à sortir de ses paresses d’écriture. Il était un adversaire épistolaire déstabilisant qui lui donnait envie de l’impressionner. Dolorès convenait qu’elle luttait âprement pour être à la hauteur et son style évoluait à son contact, même s’il lui en coûtait de le reconnaître. Pour être tout à fait honnête, elle se sentait parfois sous la coupe d’un mentor très doué. Pour faire bonne mesure, elle s’auscultait régulièrement et soupirait de soulagement à chaque fois : elle n’était pas amoureuse. Elle était simplement… fascinée. Charmée. Curieuse, aussi. Que retirait-il de leurs discussions ? Elle n’en savait rien, il ne lui en touchait mot. Et leur correspondance se poursuivait. Leurs jeux de rôles s’étaient sophistiqués, pourtant ils lui semblaient de plus en plus personnels, comme si elle s’y dévoilait malgré elle, à fleur de personnages. Elle détestait cela mais ne parvenait pas à mieux se camoufler.


Contre toute attente, ce fut lui qui commit la faute. Évoqua des « projets obsédants » qui les « concernaient au premier chef », son « besoin de [lui] parler de vive voix, de [la] rencontrer enfin pour en discuter » avec elle… Dolorès hoqueta sous le choc : il voulait, comprit-elle, découvrir le visage derrière les mots et l’entendre… Il ne le pourrait jamais. Dolorès était sans voix. Dolorès était muette. Dolorès le lui avait toujours tu. La seule voix qu’il percevrait jamais d’elle était celle qu’il imaginait quand il la lisait ! Elle parcourut l’intégralité de leurs échanges, en quête des signes avant-coureurs qu’elle n’avait pas su voir. Comment n’avait-elle pas anticipé ? Qu’est-ce qui lui avait échappé ? Elle eut beau tout soupeser et scruter, chaque mot, chaque phrase, elle ne vit rien qu’une correspondance vibrante, libre, incroyablement poétique. Elle devait en convenir : ils avaient formé un duo littéraire virevoltant. Et c’était un désastre en lambeaux qu’elle observait désormais. Il les avait trahis, elle, lui, leurs mots. La jeune femme reprit ses esprits. Jacques avait failli, elle allait l’achever sans fioritures. Couic.

« Jacques,

Ma réponse est NON. Il ne saurait être question d’un “nous”, encore moins de “projets obsédants”, et certainement pas dans la “réalité”. Faites des confettis de notre correspondance si cela vous chante, elle s’arrête là. Votre mail vient d’intégrer ma liste noire : ne prenez donc pas la peine de me répondre. Veuillez bien ne pas me contacter non plus via les réseaux sociaux. Merci d’avance. Cordialement, Dolorès. »


Elle souffrit beaucoup, ce qui l’étonna. C’était interminable. Elle ne prit la mesure de son intoxication qu’aux douleurs à l’âme que provoquait ce sevrage brutal et forcé. Une fois l’orgueil de la rupture envolé, il ne resta plus que la béance. Elle n’imaginait pas pouvoir contenir un abîme aussi vertigineux. Elle détesta Jacques, se détesta aussi et finit par faire disparaître toute trace de leurs échanges : elle pouvait en réciter des pages entières de mémoire, tant elle les avait absorbées. Ils déclenchaient des insomnies. Elle ne versa pas une larme quand elle appuya sur la touche « Supprimer » : elle en fut fière deux minutes, puis s’effondra pendant trois jours en pleurs mutiques et sanglots étouffés.

Le temps fit son office, de même que l’absolu silence de Jacques. Il avait respecté ses désirs. Elle lui en voulait pour cela, évidemment. Pensait à lui, souvent, toujours avec agacement, mais elle s’était apaisée. Dolorès assumait sa décision. Elle n’avait rien à partager avec quiconque, si ce n’était par écrit ou virtuellement. Ses cordes vocales défaillantes la rangeaient pour jamais dans la catégorie des marginaux, ce à quoi elle adhérait farouchement, sans honte bien que douloureusement. Son royaume de lettres, qui s’était fissuré après l’Épisode, avait repris belle tournure, sa vie avait retrouvé des couleurs. Elle papillonnait d’interlocuteur en interlocuteur, conservant distance et retenue. Pas deux fois la même erreur. L’abandon aux fantasmes, terminé !


La jeune femme se leva pour se préparer un plateau de douceurs accompagnées de son éternelle tasse de thé et en profita pour s’intéresser à son courrier. Entre les lettres d’éditeur et les factures, elle mit la main sur une enveloppe épaisse en papier bulle, sans nom d’expéditeur. Un éclair au café à la main, elle l’ouvrit, intriguée. Sortit à une main le livre qui s’y trouvait, laissa de côté la liasse qui l’accompagnait. Elle déchiffra le titre avec intérêt : Sans Voix, fantaisie épistolaire à quatre mains. « Par Jacques Lamiel-Fulgence, prix Goncourt 2015 » criait en gras le bandeau publicitaire, excusez-nous du peu. Elle parcourut la quatrième. La pâtisserie s’écrasa au sol en même temps qu’elle réalisait ce qu’elle tenait sous son regard. Sans lui en toucher mot, il venait de publier leur correspondance. Jacques Le_Fataliste – Jacques ! – Lamiel-Fulgence… Un écrivain. Un foutu écrivain. Il lui révélait son nom. Il s’offrait, de force, une entrée fracassante dans sa vie.

Les premières pages crissèrent quand elle feuilleta l’ouvrage, doigts tremblants. Ses yeux bouleversés et flous s’accrochèrent aux signes en italique. Finirent par les rendre intelligibles… Elle lut :

« Intransigeante Dolorès qui m’a laissé muet, source d’inspiration inépuisable, compagne de mots généreuse et graines de passion parsemées, cette folie douce ne doit le jour qu’à la musique de nos voix imbriquées. »


 
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   Anonyme   
27/6/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
À mes yeux, Jacques_Le_Fataliste de ce récit est une sacrée crème d'ordure. Exploiter ainsi une œuvre à quatre mains sans l'accord de sa partenaire épistolaire et mettre celle-ci devant le fait accompli, je trouve ça infect. Et il avait parfaitement le choix :
1) Ne pas soumettre le tapuscrit à l'édition.
2) S'il y tenait absolument, qu'est-ce qui l'empêchait au moins d'aller voir Dolorès chez elle puisqu'il a son adresse (on peut se demander comment) et tenter de la convaincre ?
Question triviale qui m'intéresse : Jacques Trucmuche-Prétentieux compte-t-il partager ses droits d'auteur ?

Vous l'aurez compris, j'ai pris fait et cause pour Dolorès. J'ai bien aimé cette synthèse lapidaire de son caractère :
Le monde, ses gens, ses horizons ne l’intéressaient pas.

D'une manière générale, votre récit m'a fort intéressée, j'ai trouvé que vous ménagiez un bon suspense, le style soutenu m'a paru bien convenir au sujet. Beau boulot, peut-être un poil verbeux à mon avis. Mon avis, rien d'autre.

   Donaldo75   
12/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Cette histoire est carrément bien racontée; les personnages ont du corps, ne versent pas dans la caricature et leur relation peut être aisément comprise par des passionnés de littérature, des personnes qui aiment la chose écrite et ne voient pas forcément le monde comme un endroit intéressant où vivre. Dolorès est l'intellectuelle dans toute sa splendeur; cela se ressent dans le style d'écriture employé qui lui rend bien hommage, la rend crédible et permet au lecteur de la cerner, de la voir incarnée dans ces lignes, ces phrases, ces formules.

Bravo !

   Dolybela   
17/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Et bien il me reste à lire Jacques le fataliste et je ne pense pas être déçue du voyage. Une nouvelle bien menée, une très bonne chute, j'ai adoré. J'aime votre manière de brosser le portrait de Dolores à travers le point de vue interne, en peu de mots (tout l'art de la nouvelle) avec des détails subtils (les gâteaux). Il y a aussi de la Merteuil dans ses jeux. Le XVIIIe siècle avec des réseaux sociaux en somme !
Et Oniris alors ? Un site littéraire, des messages privés, n'y aurait-il pas un léger filtre autobiographique qui induirait une forme de mise en abyme, la nouvelle elle-même étant une sorte de transposition du livre de la chute, une revanche envers une Dolores onirienne ? En vérité j'aime à le penser, alors ne brisez pas mon fantasme de lectrice. En tous cas bravo à vous.

   embellie   
12/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une nouvelle intéressante, où interviennent les réseaux sociaux, donc dans l'air du temps, bien écrite, avec un suspense et une chute. J'ai aimé la description des joutes épistolaires entre Dolorès et Jacques, son « complice clandestin » son « adversaire épistolaire déstabilisant ».
Bonnes réflexions sur tous les bienfaits apportés par la lecture...
Je trouve le « couic » trop primesautier, inopportun en conclusion de la décision très sérieuse qu'elle vient de prendre.
Un détail technique : « pelotonnée dans son fauteuil, une théière fumante sur sa causeuse »
La causeuse étant aussi un fauteuil, doit-on supposer qu'il y a deux fauteuils côte à côte ou bien est-elle sur le « fauteuil/causeuse » et où se tient donc la théière ? Pas sur l'accoudoir de la causeuse, il est bien trop étroit et arrondi (parole d'ex-tapissière !)
Je serai ravie si l'auteure veut bien me répondre en MP à cette question angoissante(sourire).

   Vincente   
1/10/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'entre dans cette nouvelle par une porte détournée. Intrigué par l'insolite inspiration et la qualité d'écriture de la poésie en prose Recueillement, par intérêt intertextuel, j'ai tenté la lecture de ce texte-ci Sans voix qui s'est révélé bien intriguant.

Je joue à dessein avec le double sens puisqu'à la situation pleine d'ambivalence du récit se rajoute et se déploie avec amplitude la "goujaterie" de l'intriguant élégant, ce personnage dual qui forme duo épistolaire avec la narratrice ; ainsi d'une alternance binaire, vient s'immiscer un troisième versant fuyant qui complexifie avec force le propos.

L'architecture textuelle m'est apparue adroite, mais aussi et surtout très incarnée, car elle semble n'être pas due au seul vouloir d'une stratégie narrative mais comme issue d'une émotion vécue ; en effet, la survenance d'un premier paragraphe (antagoniste situation, car comment peut-il survenir avant même d'exister pour le lecteur ?) qui répond à une temporalité finale, où à peine commencé l'on se retrouve dans l'expurgation finale empli de l'agacement du narrateur ; cela nous habitera jusqu'au bout de l'évocation et influera nécessairement sur la découverte du propos.

Ce propos justement, par la vivacité du style (phrases signifiantes sans longueur, de peu de digressions disséminées, de peu d'images et métaphores, et sous l'emploi à la troisième personne, une adresse très personnelle du narrateur qui semble parler se regardant, refaisant le parcours "Elle parcourut l'intégralité de leurs échanges,…"), et dans une véracité avouée par l'énoncé des composantes des émotions de Dolorès aux différents stades de son aventure épistolaire, m'a pris, et passionné. J'ai beaucoup aimé me fondre dans cette conjoncture parlante bien que "sans voix" depuis la virtualité des mots à l'écran, de littéraire à littéraires, sous chaque remarque, sous chaque invective, m'apparaissait du vécu, ou du fantasmé, mais toujours du plausible.
Écriture très plaisante et ressorts très concernant portent cette nouvelle à bonne fin ; même dans sa douleur ou dans son outrage émerge un "bénéfice", l'ensemble méritait d'être pensé et dit, comme cela, j'en suis convaincu.


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