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Policier/Noir/Thriller
Robot : Terrassement
 Publié le 11/11/21  -  17 commentaires  -  6778 caractères  -  132 lectures    Autres textes du même auteur

Bien que ce texte soit rédigé à la première personne, je prie l’éventuel lecteur de considérer qu’entre le personnage et moi il n’y a aucune affinité, et de ne pas associer l’un à l’autre.


Terrassement


J’ai froid ! Je suis venu là, tête nue, abandonner mes rares cheveux au souffle de la bise.


Plusieurs véhicules stationnaient déjà sur le bas-côté lorsque la voiture m’a déposé. Les deux autres passagers s’inquiétaient du retard. Moi, je demeurais indifférent à l’heure de notre arrivée. Personne ne nous salua lorsque nous nous sommes avancés sur le chemin de groie dont les gravillons crissaient sous les chaussures. Ceux qui nous avaient précédés sur le terrain balayé par les bourrasques semblaient plutôt impatients de commencer.


Mes deux compagnons m'encadrent de très près mais je ne me sens pas plus réchauffé par l’intimité de leur présence. Depuis notre première rencontre, nous avons appris à nous connaître et peut-être même à nous estimer. Je garde mes mains croisées sur le bas-ventre. Le vent soulève les pans de mon imperméable. Ce n’est pas vraiment « mon » imperméable ! On me l’a prêté pour la circonstance quand nous sommes arrivés sur le chantier. Mon regard s’arrête sur un petit groupe qui observe, à l’écart. Je les connais presque tous.


J’ai froid ! La voûte des nuages paraît si proche qu’elle semble toucher le sol. Le ciel égrène quelques flocons rapidement dissous au contact du sol ; et lorsqu’ils se déposent sur les habits ils y laissent une petite traînée sombre, comme sur le chapeau du type d’en face, celui qui semble conduire les opérations. À l’entendre donner des consignes sur le ton impératif dont userait un militaire, on pourrait supposer qu’il est le propriétaire de l’endroit ! J'ai longtemps apprécié de vivre dans ce paysage, dans ce pré où j'ai passé de belles années depuis l'enfance jusqu'à maintenant.


Je ne pensais pas un seul instant qu’ils utiliseraient une mini excavatrice pour ce travail. L’engin mécanique remonte lentement la terre puisée dans la crevasse. Le godet renverse sur le rebord la glèbe mêlée de quelques caillasses et de sable. Celle que l’on trouve dans toutes les tranchées de fondation.

Des hommes revêtus de cirés jaunes s’activent avec leurs pelles pour empêcher les gravats de retomber dans le fossé. Tâche inutile qui leur permet de se réchauffer. J'ai connu autrefois le plaisir de constater le début des travaux pour construire sa propre maison ; mais ici on creuse les fouilles d’une autre demeure plus tragique.


J’ai froid ! La neige a cessé, remplacée par une pluie si fine et si serrée qu’elle s’insinue par tous les interstices des vêtements. Par le col mal fermé, par la boutonnière effrangée, par les poignets. Elle détrempe le tissu et provoque sur l’épiderme une poussée de chair de poule qui contraint tout le corps à frissonner.

Le plus proche de mes accompagnateurs ouvre obligeamment au-dessus de ma tête un parapluie insuffisamment avancé pour empêcher les gouttes de pluie de toucher mon visage. L’eau s’écoule par le creux des orbites, par la rigole des pommettes, à la jointure du nez, comme des larmes qui viennent perler sur ma moustache. L’homme au chapeau, indifférent aux caprices du temps, laisse s’écouler au long des bordures de sa coiffe deux petits ruisseaux dégoulinants. Dans le groupe, chacun patiente, stoïque sous le crachin. Parmi eux, une femme venue chaussée de mocassins qui apparaissent d’un usage saugrenu dans ces conditions. Un ouvrier lui a cédé une veste de ciré dont elle s’est simplement couverte sans en passer les manches.


J’ai froid ! Je renifle. Il me faudrait un mouchoir ! J’ai négligé d’amener cet accessoire frivole dans ce lieu où je ne suis qu’un observateur des travaux mis en œuvre. Quelle idée d’attaquer un tel ouvrage par un temps pareil. L’endroit pourrait être agréable sous le soleil.

Mon voisin de droite a placé un mouchoir en papier dans mes mains jointes. Il répond d’un froncement des sourcils au chuintement de mon merci. Penché pour essuyer ma figure trempée et dégager l’humeur qui obstrue mes narines, j’aperçois le sol inondé. Même sans bouger, on y enfonce dans une fange d’herbes collantes mêlées d’humus, qui remonte sur les chaussures et vient tacher les bas de pantalon d’une ocre visqueuse. Mes chaussettes elles aussi se sont imprégnées de l’humidité ambiante. Instinctivement je remue les orteils pour tenter de décrisper mes pieds glacés. Les autres spectateurs trépignent, piétinent, marchent de long en large en imprimant leurs empreintes dans cette boue. Je suis quasiment le seul à demeurer immobile, le regard fixé sur le sillon ouvert. La femme a passé des bottes de chantier qui déforment sa silhouette, transformée en un gnome grotesque.


J’ai froid ! En cet instant une mince déchirure s’est dégagée dans la couverture sombre du ciel. Cet éclat apporte cependant une sensation renforcée de frimas. On resserre les cols, on réajuste les manteaux. Par intermittence, la luminosité semble augmenter et donner du contraste à l’environnement.


Je n’avais pas remarqué le silence !

Le moteur de la pelleteuse ne ronfle plus. Dans une brouette les terrassiers ont délaissé les imperméables qui les couvraient. Descendus dans l’excavation, deux d’entre eux sortent de lourdes pelletées d’une terre limoneuse. Leurs têtes émergent à chaque levée et finissent par n’être plus visibles.

On remonte de la fosse une forme d'apparence humaine.


J’ai froid ! Malgré l’arrivée d’une large éclaircie qui s’étale pour mieux éclairer le site campagnard. Comme si la nature voulait achever, éclatante, cette journée de printemps. Le groupe des observateurs s’est rapproché de la fosse béante. Je suis laissé à l’écart avec mes deux compagnons toujours silencieux.

Une main crispée s’est posée sur mon épaule. Je sens les doigts raidis au travers des vêtements. Le plus jeune doit avoir les jambes qui flageolent. Mon imperméable suinte encore des restes de l’averse. La bise ne souffle plus. Mes mains menottées reposent toujours croisées sur mon bas ventre. Les ouvriers se sont éloignés. Regroupés dans un chemin parallèle ils attendent appuyés sur leurs pelles, tout en faisant passer de l’un à l’autre une bouteille qu’ils portent à leur bouche, chacun leur tour. À peine distante, la greffière encombrée de ses bottes a suivi le juge d’instruction qu’accompagne mon avocat. Resté légèrement en retrait du commissaire le procureur a ôté respectueusement son chapeau en s’inclinant. Le parapluie crotté traîne à terre, oublié.


Peut-être dans ce tableau tragique manque-t-il la présence d’un pasteur…

Les deux inspecteurs me poussent sans dire un mot en direction des tréteaux… Les draps qui ont été déroulés laissent apparaître les restes de la femme que je prétends avoir aimé.

Jusqu'à cet instant j'ai simulé l'indifférence mais la réalité me rattrape. Oui, c'est ma femme, celle dont il me faudra reconnaître l’avoir assassinée…

Oui c'est moi le salaud coupable d'un féminicide.


 
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   Anonyme   
17/10/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
En lisant ceci
Ceux qui nous avaient précédés sur le terrain balayé par les bourrasques semblaient plutôt impatients de commencer.
et avec l'avertissement indiqué dans le chapeau, je me suis dit : « Tiens, le narrateur est un meurtrier, il se rend à la reconstitution de son crime. » Alors non, mais pas loin.

J'ai apprécié le choix d'une description précise et détachée des menus événements accompagnant l'exhumation du corps, je trouve que cela constitue une manière efficace de ne pas tenter de cerner l'opacité de l'esprit criminel du narrateur, mais de la donner à ressentir. À mon avis vous y réussissez fort bien.
En revanche je trouve la fin ratée, inutiles les considérations à partir de
Jusqu'à cet instant j'ai simulé l'indifférence
Tout simplement, je ne crois pas à l'espèce d'épiphanie que vous semblez accorder à votre narrateur, comme si d'un seul coup il devenait repentant alors que rien auparavant n'annonçait un tel revirement. C'est votre choix d'auteur ou d'autrice, rien à dire sinon que, présenté ainsi, je ne le trouve pas crédible.

   cherbiacuespe   
23/10/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Une variante sur un homme qui a tué sa femme et a enterré son acte. Critiquer ce type de sujet est de nos jours risqué et délicat, je vais m'y coller quand même.

J'ai d'abord pensé à "M. Frost" de Philippe Setbon. Le choix du thème en est sans doute la cause. Et puis... Je n'ai compris mon erreur qu'à mi-parcours. Et la fin est tombée, sans surprise. Pour l'écriture, le plan, pas de problème. On est guidé tout au long de l'histoire par cette ambiance froide et humide, une atmosphère triste, lugubre. Tout y est.

Le suspense, lui, n'y est pas. Qu'il s'agisse d'un féminicide n'enlève rien au banal de la chute. Il aurait fallu mettre en avant des circonstances, banales elles-mêmes, pourquoi pas, ce qui aurait rendu la personnalité du coupable plus affligeante encore. On voit bien que le mari est plus incommodé, durant toute la scène, par la pluie, le vent et le froid, mais rien ne souligne le contraste entre son acte incohérent, horrible et l'humeur insensible qu'il affecte. Ce constat, tout à la fin, "Oui, c'est ma femme, celle dont il me faudra reconnaître l’avoir assassinée… Oui c'est moi le salaud coupable d'un féminicide", sonnerait comme le début du portrait d'un homme violent sans morale. Mais non, le récit s'arrête là. Or le thème demande aussi ( et surtout ) du terrifiant. Si le sujet est abominable, cette courte nouvelle ne m'a pas scotchée de peur. Manque d'ambition, peut-être.

Cherbi Acuéspè
En EL

   Donaldo75   
27/10/2021
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai trouvé cette nouvelle bien écrite, bien racontée, ménageant le suspense qui est d'ampleur vue la fin à laquelle je m'attendais pas. L'usage du refrain narratif "j'ai froid" est une bonne trouvaille même si personnellement je ne suis pas fan de ce type d'artifice qui me laisse de marbre à la lecture; toutefois, je peux comprendre qu'il amène quelque chose dans le contexte de l'histoire.

Je pense cependant que la fin n'est pas une réussite, qu'elle brise abruptement le style de tout ce qui a précédé et tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.

   Corto   
11/11/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Une fois la phrase introductive passée on devine vite le fond de cette histoire. C'est la première faiblesse de ce texte.

Tout se met en place comme dans une série policière banale dont la TV nous abreuve.
Les détails concrets n'apportent rien à l'énigme, ni le "J’ai froid !" répété excessivement, ni l'apparition successive des ouvriers et de l'excavatrice, ni celle des représentants de la Justice etc.
On sent un peu la tension du narrateur immobilisé et contraint mais l'aboutissement est vraiment sans surprise.

La pseudo repentance finale et le dernier mot sonnent plutôt opportuniste.

Vous l'avez compris je retiens mes applaudissements.
Je change de chaine...

   Cyrill   
11/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut Robot, j’ai bien apprécié la lecture de cette nouvelle, son atmosphère venteuse, pluvieuse, neigeuse... et la froideur qui se dégage des personnages, comme en écho.

Le narrateur, malgré sa plainte récurrente ( j’ai froid ) n’a rien de sympathique et pourtant tu nous introduis un peu dans son intimité :

« J'ai longtemps apprécié de vivre dans ce paysage, dans ce pré où j'ai passé de belles années depuis l'enfance jusqu'à maintenant. »

« J'ai connu autrefois le plaisir de constater le début des travaux pour construire sa propre maison »

=> ce n’est donc pas un monstre, peut-on penser. J’ai bien aimé cet aller-retour entre passé et présent, entre des souvenirs candides et la réalité sordide. Ça complexifie le personnage.

L’inconfort règne, autant celui du narrateur que des autres personnes présents, il y semble sensible puisqu’il le décrit avec détail, mais sans émotion. Ce pourquoi j’ai été surpris par la fin du texte qui me semble en contradiction avec ce personnage :

« Jusqu'à cet instant j'ai simulé l'indifférence... » jusqu’à la fin
=> je n’arrive pas à y croire. Ça me gâche un peu la sombritude de cette histoire.

   Anonyme   
11/11/2021
J’ai vu un peintre en train de peindre un tableau, voyant parfois un bras dépasser, une main et un pinceau prendre un peu de couleurs sur la palette, ensuite éloigner le panneau qui jusque-là dissimulait son œuvre et, enfin, y apposer une plaquette avec son titre : féminicide.

Le tableau n’est pas de mauvaise facture, même si ce n’est pas non plus un Delacroix (un peu contrarié par la coexistence de plusieurs temps de conjugaison au passé dans le deuxième paragraphe, en particulier le passé simple).

Ce qui me laisse sur ma faim, c’est précisément le fait de n’avoir vu qu’un tableau et pas une histoire. Le fait de poser une plaquette sur ce tableau avec le titre de l’histoire ne me donne pas l’impression d’avoir suivi cette histoire. La plaquette aurait d’ailleurs pu mentionner n’importe quel autre titre que cela n’aurait rien changé au tableau. Et a posteriori, sachant qu’il n’y avait en réalité aucune histoire à suivre, je trouve que le tableau a été un peu long à peindre.

EDIT :
Je pense qu'il y a une coquille ici : Même sans bouger, on [S']y enfonce dans une fange d’herbes collantes

   Malitorne   
12/11/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Sauf votre respect Robot, il va falloir vous lâcher pour gagner en puissance. Votre écriture est trop sage, policée, l’intrigue tellement marquée par la bien-pensance que vous allez jusqu’à vous protéger une première fois dans l’incipit puis ensuite dans la conclusion. Dieu, quelle prudence ! Avez-vous si peur du regard des lecteurs ? Si cet homme a trucidé sa femme c’est que c’était une salope, une pute qui a mérité son sort, dans son esprit bien entendu. C’est ça que j’aurais aimé lire, les élucubrations délirantes d’un cerveau malade, possessif ou je ne sais quoi, qui en arrive au stade ultime du meurtre. Une manière de comprendre un féminicide puisque c’est le thème que vous avez choisi. Et non pas cette morale à deux balles avec la dernière phrase qui fiche tout par terre ! Vraiment dommage car vous étiez parvenu à instaurer une ambiance lourde, poser un cadre intéressant qui au final ne débouche sur rien. Assurément vous avez du potentiel mais il faut vous débarrassez d’un conformisme qui empêche vos textes de décoller.

   Robot   
12/11/2021

   papipoete   
12/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
bonjour Robot
... d'actualité hélas, ce récit narre ce que dans les journaux, on trouve comme presque banal, tant le féminicide marque de sang nos esprits !
On ne peut s'empêcher de coller cette histoire, à l'une ou à l'autre qui marquèrent nos esprits, avec une fin qui soulage tous ces êtres qui espéraient, enfin commencer leur deuil... le cadavre de la victime retrouvé.
NB on grelotte de peur, et de froid aux côtés de celui qui avouera " oui, c'est ma femme, je l'ai assassinée ! "
Restera aux enquêteurs de savoir si ces dires sont véridiques , si la femme fut bien tuée par son mari ? s'il ne se défausse pas pour couvrir un autre ?
Le décor colle bien ( comme la boue aux chaussures ) avec ces lignes, où le glauque de la scène s'est marié au temps, faisant pleuvoir comme larmes...
La dernière partie redonne un semblant d'humanité au " présumé " assassin, quand il constate " peut-être dans ce tableau tragique manque-t-il la présence d'un pasteur ? "
Je félicite l'auteur pour sa réussite ( un poème et une nouvelle parus dans la foulée ! )

   Vincente   
12/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Quelle percussion sourde, à la fois sereine et froide !
Sérénité de l'écriture, très assurée, qui avance entre le factuel de l'imposition des éléments extérieurs et le ressenti physique du narrateur ; mais chez ce personnage, même l'esprit semble se condenser dans son état physique basique.
Rigueur et raideur semblent ainsi se maintenir, voire se conforter dans le froid qui règne. Froideur de la scène perçue par cet homme en état second, comme sous neuroleptique à forte dose. Froideur de cet homme qui répète incontinent son froid (le leitmotiv est très opportun dans chacune de ses occurrences), comme s'intéressant d'abord à lui-même, sa sensation comme impérieuse, comme exclusive, lui, lui, lui… le reste apparait en décor, presque dénaturé, artificiel ; et pourtant quelle dureté dans l'événement. Au lieu du ressenti du locuteur qui pourrait faire penser qu'il s'agit d'un moment peu agréable mais relativement anodin, l'on découvre qu'à hauteur de "spectateur", donc aussi de lecteur, la scène est terrible, d'une dureté insupportable.

Oui, c'est bien la tenue très maîtrisée de l'écriture qui m'a d'abord emporté à la découverte d'un personnage "hors du commun" ; vu la révélation finale, l'on pourrait se réjouir de cette exceptionnalité. Et pourtant, ce type semble un individu lambda qui a "dérapé" et s'est ensuite établi dans un habit psychique le protégeant… de tout sauf du froid climatique apparemment !

La première phrase nous pousse à une empathie première ; l'on voit un bonhomme comme tant d'autres qui n'hésite pas à s'avouer vulnérable ; en tous les cas, on veut bien l'écouter se plaindre du froid. Et puis il paraît si modeste, assez simple. Intelligent, il analyse et retrace avec acuité ce qui se passe. Jusque là, on est avec lui, on le comprend, et on s'interroge. Nous nous interrogeons.
Lui pas.
Mais on ne le sait pas encore. Seules les deux dernières phrases forment aveux, mais pas comme des aveux d'un être affligé, terrifié par ce qu'il a fait, par son échappée de lui-même… Non l'homme est dans un état second, fruit d'une résilience infernale, ou causé par un traitement médicamenteux puissant, ou celui d'un être basculé dans l'horreur d'une descente aux enfers ; il dit être le "salaud coupable…" comme énonçant "à froid" ce qu'on lui a dit de lui, et qu'il veut bien croire…

La progression narrative fonctionne très bien, l'on peut se glisser dans la peau du personnage, adopter la scène, s'y confronter, et ce n'est que dans les derniers instants que l'on veut s'échapper de cette horreur calme, pour quitter à tout prix cet habit que l'auteur nous proposait.
J'ai trouvé tout ça bien "costaud" d'un point de vue littéraire !

   hersen   
14/11/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Si le début, même si on devine un peu vite quand même à cause de trop de détails (la position des mains par exemple, mais il y en a d'autres, le déroulement me semble bon.
par contre, si j'ai bien lu les "j'ai froid" répétés tout au long du texte, je m'aperçois à la fin que c'était juste... du froid ?
Car la fin ne va pas du tout à mon avis, elle embrouille complètement. On ne perçoit pas ce que ressent le personnage. On a juste l'info qu'il y a eu féminicide. je ne trouve aucun écho dans sa réaction qui enfoncerait le clou sur l'horreur que ce soit un féminicide. Après tout, ce serait un infanticide ou un homicide, ce serait tout aussi horrible, non ?

Alors je ne sais rien de ce qui a amené à cette situation.
Je pense que dans ce qui se déroule auparavant, l'exhumation du corps, il aurait dû y avoir des pistes.
Est-ce normal si en fin de lecture je ne sais toujours pas s'il a du remords ou non ?

la fin ainsi formulée pourrait apporter un écho de compréhension avec un corps de texte plus élaboré dans la personnalité du tueur. Mais tel quel, il y a un manque.

Le tueur a froid. Mais de quel froid souffre-t-il pendant l'exhumation ? C'est un point primordial.

   ferrandeix   
14/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Récit captivant dont on ne soupçonne l'issue qu'en lisant les dernières lignes, terribles. C'est la description lancinante du froid et de la pluie, très bien détaillée et suggérée qui domine le texte, description remarquable qui retarde la chute sans lasser l'auditeur (en tous cas pour moi) en raison d'une très habile variation du discours descriptif. Quoique la chute, dans son caractère inattendu et tragique crée un effet très puissant, elle crée (toujours pour ma subjectivité) un malaise indéfinissable. Ce(te) narrateur(trice) anonyme, les bras croisés sur le bas-ventre (ce qui est sans doute symbolique) apparaît plutôt fragile, sensible, à l'encontre de sa véritable nature que révèle la chute. Il apparaît donc à mon sens une contradiction. Le symbole des mains croisées sur le bas-ventre me paraît également ambigu et me suggère plutôt une réaction de protection. J'ai même cru que ce personnage était une femme Il aurait fallu peut-être évoquer le personnage selon une dimension dure, violente, presque démonique à la limite de la psychopathie. J'ai donc au final une impression mitigé. Je choisis cependant l'avis "j'aime beaucoup" car le texte est très bien écrit. La démonstration de la qualité littéraire dans la description me paraît essentielle.

   wancyrs   
15/11/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Salut Robot,

J'apprécie le travail effectué pour construire l'intrigue, mais j'aime moins la fin : elle enlève de la crédibilité à l'histoire. Il y a un déséquilibre dans le temps de narration entre le premier paragraphe et le reste du texte. Je trouve l'utilisation de la mini excavatrice un peu exagéré : elle aurait pu endommager le cadavre, en plus cela veut dire que le meurtrier a creusé vraiment profond... c'est rare !

Merci pour le partage !

Wan

   gage   
20/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Salut Robot. Je voulais pour ma part parler succinctement de votre style. J'aime beaucoup dès le début le contraste entre une langue plutôt poétique, et les détails pratiques et techniques de ce qui est en train de se passer devant le narrateur. Vous reproduisez (bien brièvement, du coup, et forcément superficiellement) ce qui me plaît tant chez Maylis de Kerangal. Des observations précises tant sur un processus qui est en train de se dérouler, que dans l'esprit du personnage, avec en prime les détails triviaux de ses sensations. Je n'ai rien à redire sur le sens de ce qui se passe. C'est forcément intéressant de tenter pour un auteur, de se glisser dans l'esprit de celui qui vit une telle situation.

Je crois que je rejoins d'autres lecteurs si je vous confirme que les 8 derniers mots sont de trop. Une conversation plus approfondie permettrait sans doute de vous expliquer ce que j'en pense.

En attendant je vous remercie pour ce texte plutôt réussi à mon goût.

   Myo   
25/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Robot,

La mise en garde de l'exergue me semble superflue :-)

Votre style est avenant, le décor bien planté et votre personnage décrit avec minutie.
Je regrette un peu qu'il n'y ai chez lui aucun état d'âme. Il vit la scène sans y être vraiment si ce n'est par rapport au décor et aux éléments.
Mais c'est sans doute voulu.
Quelques petites incohérences à mes yeux, ce froid, quelques flocons et un peu plus loin " comme ci la nature voulait achever, éclatante, cette journée de printemps"

"L'eau qui s'écoule par le creux des orbites.... " le long des yeux peut-être

La fin me semble tomber bien à plat, ce qui est dommage.

Mais dans l'ensemble, j'ai pris plaisir à vous lire.

   Marite   
11/12/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Le temps de la lecture j'ai été transportée sur le lieu de l'action, pouvant tout observer autour de moi comme si c'était moi qui me trouvais à la place du narrateur. Sans doute est-ce la qualité de l'écriture qui m'a accrochée dès le début du récit. Bien sûr on se doute un peu de l'objet de la procédure policière avec la recherche dans le sol d'une éventuelle victime ... Ce qui est frappant c'est l'indifférence qui semble habiter le supposé coupable mais comment juger lorsque l'on ne sait rien des circonstances qui l'ont amené à commettre le crime, fut-ce un féminicide ?

   IsaD   
15/2/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Dès le début, j'ai su qui était l'homme "encadré, les "mains croisés sur le bas ventre". Un peu dommage parce que l'écriture est belle et traduit bien l'ambiance générale. En lisant, j'avais aussi les pieds dans la boue, et j'imaginais le froid s'infiltrer. Mais, un peu à votre décharge, votre nouvelle étant dans la catégorie "policier, thriller...", je me doutais bien qu'il y avait un coupable quelque part.

Pour moi, les indices sont trop visibles : les "deux compagnons" m'ont immédiatement fait songer à deux policiers encadrant le meurtrier, l'imperméable "prêté pour la circonstance", l'"excavatrice", "les tranchées de fondation"... c'est un peu trop parlant. Aucune surprise, donc, à la fin mais une déception. Il y aurait eu un rebondissement, cela aurait sans doute donné du peps à votre histoire.

Quelque chose m'a aussi gênée dans votre préambule. Avant même de commencer l'histoire, vous demandez au lecteur de ne pas associer le personnage avec vous (entre guillemet, indice de plus induisant que celui qui parle est le coupable). Cela créé une distance entre le narrateur et le personnage principal que j'ai ressentie tout au long de la nouvelle. Or, pour moi, il est important d'aimer son héros (comme tous les personnages qui tournent autour), et de quelque nature qu'il soit. Quelque part, c'est s'incarner dans ce qu'il est, même si c'est un monstre. Et là, pour moi, il y avait une distance, un recul, qui donne à votre histoire une ambiance d'indifférence empêchant de s'investir dedans.

En tout cas, merci pour le partage.


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