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Fantastique/Merveilleux
solidane : Dîner anxiété
 Publié le 23/11/09  -  12 commentaires  -  9502 caractères  -  75 lectures    Autres textes du même auteur

D'où vient cette anxiété dont seul un coucher de soleil sur le désert pourrait venir à bout ?


Dîner anxiété


Cela faisait plus d’un an que je n’avais pas reçu d’amis. Long, très long, mais c’était impossible. Allez donc comprendre un tel phénomène quand, pour autant, tout était du domaine du réalisable. Enfin, je m’apprêtais à le faire, mon anxiété était forte. Rien à voir avec une crainte de ne pas réussir ce repas, il est des choses qui ne s’oublient pas. Sensation trouble de ne pas savoir être avec eux, de ne rien avoir à leur offrir. Je ne peux expliquer mieux.


Nous étions cinq et prîmes un apéritif prolongé. Tous se connaissaient, mais ils n’étaient pas proches, s’étaient, tout au plus, croisés à différentes occasions. La discussion, ses épisodes humoristiques, allaient bon train, tout était plus aisé que je ne l’avais redouté. Philippe et Michou monopolisaient quelque peu la parole, Béa et Rachel ne semblaient cependant pas s’ennuyer. Et moi, moi, « je veillais au grain ». J’effectuais des allers retours fréquents à la cuisine ; j’avais décliné toute aide. Leur bien-être m’importait, cette sourde angoisse persistait.


Mes entrées s’alignaient sur la table de la cuisine, il ne me resterait qu’à effectuer le transport le moment venu ; le rôti se prélassait dans son plat depuis plus d’une heure, il serait là, à point, quand viendrait son tour. Je revins une nouvelle fois vers mes convives, la conversation roulait sur les fêtes de fin d’année qui ne manqueraient pas de survenir. Famille à Noël, copains au Jour de l’an, rien que du classique, petits groupes, grandes assemblées, les goûts de chacun s’exprimaient. Je fus heureux de n’être pas interrogé, ils me savaient et ne manquaient certes pas de tact.


Philippe avait sa dose de pastis, Rachel sirotait son vin blanc, Michou avait repris du rouge et Béa déclina un dernier Picon bière ; tout ressemblait définitivement à… avant. Je décidai de les convier à s’installer à table. Transport des êtres, des verres, déplacement des chaises, là encore tout se passait à merveille. Je regagnai la cuisine, rapportai en deux voyages les assiettes chargées de charcuterie. Philippe s’inquiéta de la suite… « Rôti de porc, pommes de terre et purée de champignons » put-il lire sur le menu dont je m’étais précipitamment affublé en homme-sandwich averti de ce genre de demande. « Beaucoup de cochon » me dit-il en riant. Je le regardai, fis demi-tour et revins chargé de ma poubelle de cinquante litres. Je pris leurs assiettes une à une et en versai le contenu dans le sac plastique. Je ramenai l’avale-tout à sa place et revins portant des assiettes où différents poissons fumés côtoyaient une chiffonnade de salade verte. Ils se tenaient tournés vers moi légèrement troublés semblait-il. Rachel, gênée, me dit ne pas aimer le poisson fumé. Ce fut un nouveau voyage, chaque assiette effectua le même versement, rejoignant les charcuteries au fond du sac. Nouveau trajet et nouvelles assiettes contenant cette fois des crudités. Michou me déclara alors ne pas comprendre un tel gâchis. Je lui répondis que cela n’avait aucune importance, que le sac avaleur était neuf et qu’une récupération pour tri et recyclage sélectif restait possible. Ils étaient interdits. Leur faire plaisir était ma seule préoccupation, quoi de plus simple à comprendre. Nul ne contesta sa part de tomates tranchées, d’asperges entassées, de betteraves en petits dés. Le simple bonheur de cette soirée entre amis reprenait le dessus. Mon propre bonheur de ce moment prendrait corps avec le leur. Rien d’une démarche intellectuelle, cette sombre angoisse qui perdurait.


Le pain vint à manquer, je ne serai pas pris de court. J’avais fait composer spécialement une baguette de quelque quatre mètres de long. L’incurver pour la transporter de la cuisine à la salle à manger ne fut pas une mince à faire. Elle devait rester intacte, être débitée à demande, je dus faire appel à leur aide. Nous ne fûmes pas trop de trois pour y parvenir, les filles ne s’en mêlèrent pas. Michou semblait fatigué, longue journée de plongée en apnée, il n’avait pas eu le temps d’ôter ses palmes. Celles-ci dégoulinaient d’eau de mer sur mon parquet et ses déplacements se faisaient hasardeux. Chacun reprit sa place, les chaises raclèrent à nouveau le plancher et la discussion reprit. Béa me sourit gentiment, elle était avec moi, je m’en rendais compte, je lui en savais gré. Le vin rouge s’exprimait avec de moins en moins de retenue. Les rires coloraient la table sur laquelle je n’avais pas pris la peine de poser une nappe. J’évoquai un prochain voyage en Espagne lors des vacances de Noël ; réveillon andalou, Séville s’éveille, Cordoue au corps doux et plus loin encore Salamanque… « de sel », m’interrompit Philippe qui pourtant terminait son assiette. Je revins à la réalité : « Bon sang le rôti ! » m’exclamai-je.


Pas précipité vers la cuisine, ouverture de la porte du four. Il était là tranquille, détendu, baignant dans son jus, se retournant de temps à autre sur le ventre, sur le dos, une jouissance complète, extase vertigineuse. Je lui fis signe qu’il était temps, il me réclama encore cinq minutes. Je décidai de les lui accorder, la dorure y gagnerait. Les pommes de terre en revanche semblaient pressées de sortir du bain. Cinq minutes ; le compromis était raisonnable. Le temps de débarrasser les assiettes de mes amis ; je ne pus empêcher Béa de m’aider. J’aimais ces gens, je regagnais enfin un peu de simplicité. Le rôti tenta d’obtenir un ultime délai, les patates protestèrent, il n’était plus temps. Je sortis le plat du four, découpai la viande et réinstallai tout le monde au fond d’un plat. Deux bouteilles de rouge s’avançaient à ma suite en sautillant. J’eus l’impression d’avoir trop abusé de dessins animés avec des foules de petits Mickeys. Il ne manquait plus que le tire-bouchon, les couverts à salade, que sais-je encore, participassent à la parade. Les bouteilles sautèrent sur la table au moment même où je posai le plat. Rachel s’offrit à faire le service.


Les tranches de rôti s’assoupissaient mollement au fond des assiettes, la conversation se dirigea vers le sport. Philippe en fut le principal animateur, Michou s’y intéressa assez tièdement bien que pratiquant assidu, quant à Béa, Rachel et moi nous préférâmes prendre l’air d’avoir autre chose à faire, les aires d’autres espaces à explorer. C’est vrai que la bonne humeur gagnait à chaque instant, cette turpitude insidieuse se décidant enfin à me lâcher. Morceaux de rires collés au plafond à présent, la coloration de nos assiettes gagnait en diversité. « Le match France - Pologne » entendis-je formuler ; Philippe n’avait décidément pas quitté son terrain de foot. Rachel parlait avec Béa, le fromage s’impatientait à la cuisine, je l’entendais clairement. Nouvelle valse de plats, la danse me devenait aisée.


Vint le dessert, j’eus droit aux classiques quolibets des garçons, à l’aimable réassurance des filles. La laideur du papier peint de cet appartement que je louais se posa un temps sur la conversation, je les priai alors de rire plus encore jusqu’à le recouvrir définitivement. L’inévitable discussion politique frappait à la porte, il faudrait bien y passer et tant mieux ; chacun s’exprimerait, la virulence s’installerait pour un temps, nos écœurements respectifs trouveraient oreilles, l’absence d’une solution globale et rapide aux maux de notre société ponctuerait inévitablement cet épisode. Simple pause, le temps de recharger nos batteries de rire et de plaisir.


Je leur servis un café, une infusion pour Béa. La fatigue se faisait sentir chez certains, chez certaines serait plus juste. Je proposai malgré cela de faire un jeu. Et l’idée fut retenue. Deux équipes de deux personnes, Rachel se cantonnerait au simple rôle d’observatrice, en position allongée et les yeux mi-clos pour être précis. J’avais embauché au dernier moment deux employés qui finiraient la décoration commencée en soirée. Alors que nous avancions nos pions, répondions aux questions posées, ils déplaçaient fort discrètement leurs escabeaux, étalant la peinture que nous avions projetée par nos rires au plafond et sur les murs. Travail de professionnel, notre univers se métamorphosait. Le simple bonheur du jeu et celui de ce décor reconstitué redoublèrent notre plaisir et les deux ouvriers avaient bien de la peine à suivre le rythme. De grandes fresques apparaissaient soudain pour mieux disparaître et se trouver remplacées par d’autres. J’espérais désespérément les voir reconstituer un paysage de désert flamboyant qui me tenait à cœur. Quelques contestations bienvenues venaient émailler le jeu, dans le même temps nos deux travailleurs rajoutaient quelques touches de couleur par nous oubliées. Un soleil couchant posé sur des dunes irradia la pièce, nous dûmes un instant fermer les yeux. Philippe en profita pour une dernière fois avancer son pion et déclarer la victoire de son équipe. C’était une tricherie magistrale et nous fûmes obligés de reconnaître notre défaite dans un dernier éclat de rire.


Je réglai ce que je devais aux ouvriers, y rajoutai un surplus amplement mérité. Leur matériel disparut aussi secrètement qu’il avait fait son entrée. La pièce rutilait d’or et de soleil. L’image reste pauvre, imaginez ce sera aussi bien. Nous nous séparâmes alors que le soleil s’enfonçait définitivement au creux des ergs. Il y eut un dernier rayon intense, mes amis franchirent la porte, je m’allongeai au creux d’une dune, remontai un édredon de sable sur mes épaules, les nuits restent fraîches dans le désert, et je m’assoupis enfin rassuré.


 
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   Anonyme   
23/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour solidane
J'ai pris un grand plaisir à lire cette nouvelle.
Juste un bémol, j'étais vraiment bien, j'allais de surprise en surprise me demandant où l'auteur voulait en venir (le passage de l'avaleur est saisissant) je m'imagine à cette table... Bref, voilà que le papier peint tombe au-dessus de mon dessert. J'ai été désarçonnée.
Si le début est déroutant, surprenant, déjanté la fin est magique.
J'ai aimé les phrases, cet air de rien qui suit le narrateur. les images suggérées.
Bravo et merci pour ce très agréable moment.

   jaimme   
23/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bon, je vais essayer de ne pas me faire modérer là. Je m'explique et je ne critique ni le choix de l'auteur ni celui du site: pour moi cette nouvelle est de la poésie, c'est comme cela que je l'ai ressentie. Il n'y a pas de merveilleux, tout est dans l'angoisse apaisée. Une baguette de 4 mètres de long, pourquoi pas (si on trouve un four assez grand)! Un rôti qui se tourne tout seul dans le four, s'il a envie ou s'il est sur une broche. Des ouvriers qui redécorent à la mesure de l'apaisement, ou pas...
Alors on serait même dans le vrai registre du fantastique/poétique: réel ou imaginé, au choix du lecteur.
J'aime énormément le fond de cette histoire, que j'aurais aimé plus longue.
J'ai trouvé le style un peu lourd au départ, il faudrait l'alléger à mon goût pour que le lecteur se laisse plus aisément porter. En particulier le second paragraphe. Et quelques phrases ici et là.
Mais je n'ai pas envie ici de rentrer dans les détails. Une histoire aussi poétique, aussi Mary Poppins et Saint-Exupéry, et... Solidane, c'est un beau moment de lecture.

Salamanque de sel.... pfff!!! On dirait mes blagues à la noix!

   Selenim   
23/11/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai eu du mal à rentrer dans le texte, la faute a un style qui manque de charme et une rupture qui n'arrive que trop tardivement.

Les deux premiers paragraphes m'ont semblé trop hachés par l'abondance de virgules. La lecture est rendue plus délicate et l'action moins percutante. C'est vraiment le plus gros reproche sur le style. L'auteur sait jongler avec les mots même si il reste à mon goût trop cantonné à l'action et ne laisse pas assez son écriture s'envoler.

Pour ce qui est de l'histoire, je dois avouer m'être ennuyé. Avant les premiers effets de l'alcool, avant que le rôti et son cortège ne s'animent, que le pain ne devienne python, que le décor ne se désertifie, il ne se passe que banalités autour de cette table. On assiste à un repas sans évènements où les plats se suivent et les convives stagnent. Je comprends qu'il s'agit là de créer un contraste fort avec la fin du texte et ses errements colorés, mais en tant que lecteur difficile de ne pas sauter des lignes. Heureusement, le récit est relativement court.


Paradoxalement, je regrette que le texte n'ait pas été plus long. Ainsi, les divagations et autres absurdités auraient pu se diffuser avec plus de nuance et de langueur.

Selenim

   Anonyme   
23/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Vraiment beaucoup aimé cette balade au cours d'un repas entre amis Ca m'a un peu rappelé l'écume des jours par l'univers et cette façon qu'a Solidane d'introduire l'absurde au détour de la phrase mine de rien
Le 1er paragraphe est intéressant, en ce sens qu'il soulève bien des questions sans réponses (en fait j'aurais aimé qu'il y en ait)
J'ai aimé le ballet cuisine-salle, le sac avaleur qui m'a fait douter un instant

En fait il y a une belle progression dans l'étrange, qui marque un gros travail

Merci

Xrys

   liryc   
23/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai apprécié l'univers surréaliste qui ramène agréablement à du connu. L'imagination de l'auteur est féconde et originale, et c'est tout un univers qu'il nous fait découvrir dans un texte divertissant.
La fin est un peu facile, sans surprise, mais ce texte m'a plu.
Liryc

   florilange   
23/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Vrai que cet univers surréaliste rappelle l'Écume des Jours. J'aimerais bien faire partie des invités d'1 tel dîner. Ça changerait des repas compassés auxquels on est parfois obligé de prendre part. Bien sûr, rien à dire sur le style.
Cette nouvelle m'a amusée, merci de cette agréable lecture.
Florilange.

   Anonyme   
24/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est très beau (je commence par le dire parce que c'est vraiment ce qui m'a le plus frappé dans ce texte, sa beauté poètique) mais, une chose m'a dérangée: L'impression de lire quelque chose que j'avais déjà lu ailleurs. Bon c'est pas grave cela dit, j'adore relire ce qui m'a plu.

Très joli texte, Solidane. Vraiment, j'ai beaucoup apprécié. Bravo.

Electre

   Anonyme   
24/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

j'ai apprécié ce texte, principalement pour son écriture élégante, recherchée et poétique aussi. J'ai l'impression d'avoir déjà lu ou vu peut-être cette idée de repeindre le monde par des rires ou des paroles, et le frétillement des ingrédients est aussi un clin d'oeil à du déjà-vu, mais j'ai aimé l'ensemble, cette façon de glisser peu à peu dans un surréalisme doux.
Il ne manque qu'une chose à ton récit, à mon avis bien sûr, c'est le pourquoi de l'angoisse de cet homme, que tu éludes en une ligne. J'aurais aimé que tu m'embarques dans ce qui lui était arrivé voilà un an.
Un joli texte en tout cas.
Bonne continuation.

   Anonyme   
26/11/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Comment transformer une soirée entre amis classique et ennuyeuse en une escapade euh... fantasmagorique ? délirante ? rêveuse ? C'est ici que réside mon problème, j'ai eu le sentiment à la fin, que tu avais eu une sorte d'urgence à rendre ton histoire moins "banale" (mais j'aime les histoires "banales" moi, et je n'emploie pas ce terme de manière péjorative)
Du coup, je n'ai pas compris ton intention de fin, pour moi elle gâche ton histoire au lieu de "l'enluminer", enfin voilà, c'est ce que je ressens en tout cas...
Mais j'ai bien aimé ta façon de nous présenter cette fameuse soirée entre amis, que nous avons tous vécus, originale en elle-même dans l'écriture tendre et humoristique ... moi déjà, cela me suffisait ^^

   NICOLE   
29/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'aime bien l'idée du dîner soporifique qui dérape doucement vers le merveilleux, sauf qu'ici tout est parfaitement normal pendant un peu trop longtemps, et que la déraison me semble bien policée. J'aurais voulu plus de folie et de rêve, au lieu de ça, on m'a servi une poubelle de cinquante litres et une invasion de charcuteries.
Le roti de veau reléve nettement le niveau (j'ai eu mal pour lui au découpage), et les patates ronchonnes m'ont fait sourire.
Je mettrai un bien pour l'imagination, ingrédient indispensable, mais je reste un peu sur ma faim en ce qui concerne le traitement.

   littlej   
19/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Mmmmmmm, pendant cette lecture et ce défilé de plats savoureux, l'odeur irrésistible d'un bon poulet rôti venait à moi dans ma chambre. Ce qui double l'effet des descriptions. J'ai vraiment salivé !

Il faut dire qu'il y a de bons ingrédients. Le style, l'imagination... mais comme Nicole, il me reste un goût de trop peu. Comme dans ces restaurants où on vous sert quelque chose de bon mais peu en quantité.

Oublions ces divagations ; je me suis ennuyé des fois quand ça tournait en rond.

Mais ça reste une bonne lecture.

j

   ROBERTO   
21/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bravo pour la qualité du style, le texte nous propose un français de très bon niveau et cela doit être salué!
Par contre la lecture est assez ennuyeuse, malgré quelques belles images.
En fait, il ne se passe rien et on reste interdit devant ce genre de texte.


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