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Fantastique/Merveilleux
solidane : Manif
 Publié le 31/03/09  -  9 commentaires  -  6242 caractères  -  33 lectures    Autres textes du même auteur

Quand une manifestation revendicative se transforme en un joyeux carnaval....


Manif


Je m’étais levé très tôt, cinq heures du matin. La journée promettait d’être longue, très difficile. Manifestation nationale à Paris ; on attendait un million de personnes. J’avais failli déclarer forfait au dernier moment : trop fatigué. Un certain sens, très particulier, m’avait amené à renoncer à cette « désertion ». Et me voici donc, en compagnie de quelques centaines de milliers de salariés en train d’attendre un hypothétique départ du cortège sur le pavé parisien.


Au réveil, j’avais fourbi mon sac à dos : sandwiches tout préparés, bouteilles d’eau, paquet de gâteaux, carte d’identité, argent liquide… En vidant le sac auparavant, j’étais tombé sur une bouteille de shampoing. Alors que j’allais la retirer, j’ai changé d’avis, ça pouvait servir. À quoi ? Aucune idée, une intuition.


Cinq heures de voyage, pause comprise. Et nous voici, dans la rue Picpus, attendant cet improbable et interminable départ. Trois heures depuis que le début du cortège a démarré, il est déjà arrivé. Et nous sommes là, c’est une vraie fête, à laquelle je participe timidement ; je vous l’ai dit : trop fatigué.


Une pluie assez violente s’est manifestée, pluie d’orage à moins que ce ne soit l’hélicoptère de la police qui nous survole régulièrement qui ait lâché quelque produit condensant, propre à amalgamer l’humidité de l’air pour la transformer en averse. Sale coup pour les manifestants. Eh bien non, chaque passage provoque un tonnerre de cris, un festival de drapeaux agités, de sifflets. Alors que je cherche dans le fond du sac un biscuit à grignoter, mes doigts rencontrent le flacon de shampoing. Je savais qu’il servirait. L’air parisien graisse les cheveux en si peu de temps que les miens sont déjà tout poisseux.


Profitant de l’ondée, j’ouvre la bouteille verse un peu de savon au creux de ma paume, m’en frotte les cheveux et… ça mousse ; la pluie abondante suffira au rinçage. Alors que je me frotte vigoureusement le crâne, un breton tend le bras, je lui passe machinalement la bouteille. Il procède alors à la même opération. Le flacon circule de main en main. Ça mousse, ça mousse ! Le liquide coule à profusion, ce sont près de cinq mille personnes autour de moi qui se lavent les cheveux. La rue Picpus se couvre de bulles blanches. Vu d’hélicoptère, cela doit faire très joli. Le pilote et les autres servants sont inquiets, auraient-ils pulvérisé par erreur un produit nocif, un quelconque défoliant. Les passages de l’engin se font de moins en moins fréquents. Un soupçon de culpabilité ? Dans la rue, c’est la folie, l’épaisseur de mousse atteint par endroits près de cinquante centimètres, ce qui suffit à convaincre quelques-uns d’opter pour un bain complet.


Les effets volent un peu partout, s’accrochent aux grilles, aux balcons. Sur ces derniers, quelques parisiens, auparavant navrés de ce remue-ménage, se prennent à sourire, à jouer avec les bulles qui s’élèvent parfois au-dessus de la mêlée. Mes cheveux dégoulinent, je suis le premier à en avoir terminé. Tous les ustensiles amenés pour l’événement flottent au hasard des courants que les mouvements de cette foule en liesse dessinent dans l’océan de bulles. Celles-ci d’ailleurs remontent lentement vers la Place de la Nation, à croire que ma bouteille est inépuisable. Plus d’hélicoptère, il commence à nous manquer.


Un manifestant, plus professeur de géographie que les autres, consulte régulièrement son plan de la capitale afin de bien mémoriser notre trajet. Il me fait suivre du doigt la progression des bulles que l’on voit clairement se matérialiser sur la carte. Les festivités prévues par les uns ou les autres s’en trouvent profondément modifiées. Les banderoles flottent, face tournée vers le ciel, autour des manifestants. Je regrette l’absence de l’hélicoptère, pour le coup les photos auraient été splendides. Du jamais vu. Mais que fait Yann Arthus-Bertrand ?


Les bulles ont maintenant franchi la Seine et progressent vers la Place d’Italie. Mon « imprégné de géographie » me montre à nouveau son plan de Paris, c’est très net. Et pourtant, nous en fin de cortège, nous n’avons toujours pas avancé d’un pas. Par lignes entières nous avons inventé un nouveau jeu. Nous tenant par la main, nous avançons d’un seul pas précipité, créant ainsi à chaque mouvement, une vague impétueuse, qui progresse, réactivée par chaque ligne de participants. Fluctuat nec mergitur. Paris n’a jamais tant mérité sa devise, et la Seine fait grise mine, un peu jalouse assurément. Le gouvernement, entend-on sur les radios, est déconcerté, il ne s’attendait pas à une telle stratégie de la part des organisations syndicales. Il devrait faire sous peu une déclaration. Et les bulles s’étendent inexorablement. Aucun des grands parcs d’attraction alentour n’a jamais réuni tant de monde en si peu de temps. La liesse est à son comble. Cette manifestation restera dans les annales, c’est une réussite totale.


Je crains d’avoir du mal à récupérer ma bouteille de shampoing. La pluie a cessé avec le départ de l’hélicoptère. Serait-ce suffisant pour étayer ma théorie ? Ces vagues régulières que nous émettons, ont créé le mouvement. Le cortège s’ébranle, il est probable que l’onde produite a suffi à dégager la Place d’Italie, terme de la manif, où s’entassaient les premiers arrivants. On avance ; la rumeur s’en répand. Nombre de manifestants sont contraints de renoncer à récupérer leurs vêtements. Certains marchent, d’autres nagent, une ou deux ambulances ramassent ceux qui flottent. Malaise ! L’hélicoptère est revenu timidement pour vite disparaître. L’explosion de joie est devenue simple gaîté, on va gagner. Les six cent mille personnes sont redevenues des manifestants.


Ce petit flacon de shampoing aura eu une destinée à laquelle aucun de nous ne pourra aspirer. Quelques détritus, trop d’ailleurs, flottent alentour. Et c’est parmi ceux-ci, qui voudra me croire, que j’ai retrouvé ma bouteille. Il me reste tout juste une dose de savon. Il était temps, mes cheveux sont à nouveau trop gras, salis par cette maudite atmosphère huileuse.


Le soleil brille, les banderoles flottent, les sifflets crachent, et moi, j’attends le retour de l’hélicoptère, j’ai besoin d’eau pour me refaire un shampoing, cela devient urgent.



 
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   Selenim   
31/3/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Un texte d'atmosphère qui se lit tranquillement.

Une petite farce de l'auteur qui ne se fait pas trop mousser.

   Anonyme   
31/3/2009
Ce "bain" de foule est bien sympathique. La nouvelle est classée en "merveilleux"...Heureusement, car il en faut de l'imagination pour imaginer Paris sous la mousse grâce à une seule bouteille de shampoing.
C'est toujours mieux que les lacrymogènes...et le kärcher...

   Menvussa   
31/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un petit conte urbain. Une sorte de rêve éveillé. j'imagine bien le personnage pris dans la masse mouvante, laissant vagabonder son esprit, imaginant, échafaudant entre deux slogans.

L'écriture est fluide, le texte est agréable à lire.

   liryc   
31/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bravo solidane, la progression narrative et le ton de ta nouvelle m'ont beaucoup plu pour conduire cette belle idée.

   victhis0   
1/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
mouais...L'idée est marrante, vraiment, mais le style ne la sert pas : c'est sec, ça manque de folie dans les termes, ça manque d'une vraie légèreté poètique. Et ça flanque tout par terre !
Avec un délire plus ssumé sur la forme, jaurais pu passer un moment aérien, hélas je suis resté à battre la pavé sous la pluie...

   Anonyme   
1/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
j'ai aimé le ton et le vocabulaire.
Pas trop de mots en ant-ent-and-emment et autres ans... j'apprécie l'effort.

L'histoire est gentillette mais... euh... je suis chiante tu commences à le savoir... bon :

- Comment que ça se fait que la bouts de shampooing elle permet à 5000 personnes de se laver les cheveux et pis après il en reste encore une dose? à moins que tout le monde ait eu son shmpoo ce qui est démenti par la bouts qui revient quasi vide... jpige pas.

- 50 cm de flotte au moins, moi à m'n'idée parce qu'on a eu une innondation dans mon bled... les voitures repartent pas de suite. La combustion est un rien noyée... bon après on voit au nombre de cm près mais je pense que c'est quasi improbable que les manifestants et les ambulances puissent rouler... enfin, si?

- Les temps, tu commence au passé composé tu suis au passé simple, au présent pour la fin... jsais pas ça m'a perturbée.

Sinon c'est rigolo apocalyptico-rigolo même.

Merci

   Anonyme   
1/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte qui m'a vraiment plus. Pas parce que le style est renversant (il est un peu trop haché pour moi, peut être par un problème de temps, de mots récurrents), mais parce que l'idée est belle.

J'aime cette idée de manifestation où il n'y a aucun CRS, pas de heurts, et où les bulles font voyager les grévistes. C'est peut être la simplicité de ce texte qui en fait sa force.

   costic   
5/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Prochaine manif, j'oublie pas mon shampoing! Au moins ça fait rêver! Le texte gagnerait peut-être à être raccourci. J'ai vraiment bien aimé l'idée.

   estelane   
6/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
c'est super drôle !
qui s'attend à des bulles dans une histoire de manif ?
l'auteur nous ballade et c'est bien amené.
Merci pour ce moment de détente.


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