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Sentimental/Romanesque
Taou : À la croisée des chemins [Sélection GL]
 Publié le 16/08/12  -  6 commentaires  -  68087 caractères  -  119 lectures    Autres textes du même auteur

L. est fiancée à Marc mais vit encore chez sa mère. Lorsque le hasard permet que ses deux « anges gardiens » s’absentent en même temps, c'est une nouvelle liberté qui s'offre à elle. Mais voilà qu'elle fait la connaissance de Paul, qui est aussi blanc que Marc est noir. Épaulée par son amie Mariatou, L. part à la découverte d’elle-même, avec l'angoisse de devoir choisir à un moment, à moins que le destin ne finisse par décider à sa place.


À la croisée des chemins [Sélection GL]


Je regarde autour de moi et d’un grand saut j’atterris sur le grand lit. Les bras en croix, je fixe le plafond du regard. Je suis heureuse et ne peux m’empêcher de glousser joyeusement. Trois mois ! J’ai trois mois de liberté et d’indépendance totales. Personne à qui rendre des comptes, personne pour vérifier mes faits et gestes. Je suis seule, enfin seule ! Pas de mère sur mon dos, ni de fiancé à l’horizon. Je saute sur mes jambes et me dirige vers le salon où j’augmente le volume de la chaîne hi-fi. Debout devant mon miroir, je me trémousse dans tous les sens, mon corps s’entortillant au rythme de la musique de Mory Kanté. Ma mère partie, je peux enfin jouir de l’espace qui m’entoure. Bientôt, je pourrai appeler qui je veux sans avoir à me cacher. Les seules fois où ma mère s’éclipse et ne me demande pas un compte-rendu de mes conversations téléphoniques, c’est lorsque je parle avec Marc au téléphone. Drôle de coïncidence, il a fallu que celui-ci s’absente en même temps qu’elle, me libérant de toute obligation. Il faut dire qu’entre ces deux-là, je n’ai pas beaucoup de temps pour moi. Leur départ simultané est une libération pour moi, enfin je vais pouvoir souffler et m’occuper de moi. Surtout, je vais pouvoir sortir à ma guise, sans que Marc se sente obligé de m’accompagner, d’autant plus que généralement il reste dans un coin, à me regarder évoluer sur la piste de danse, ce qui n’arrive pas souvent, lui n’étant pas du genre à sortir en boîte. À m’entendre on croirait que je ne l’aime pas. Ce n’est pas vrai. Je l’aime. C’est le seul homme que j'ai jamais aimé. Lui et ma mère sont les deux êtres qui me sont les plus chers. Mais ils ont tendance tous les deux à vouloir me surprotéger, alors vous pensez bien que leur absence est un répit pour moi.


D’ailleurs à l’heure qu’il est, l’avion de ma mère doit avoir décollé de l’aéroport. C’est l’un de mes frères qui l’a accompagnée. Avant on y allait tous, on débarquait en troupeau, avec mes frères, leurs femmes et enfants et les dix bagages de ma mère remplis de cadeaux pour la famille et autres objets à distribuer aux connaissances. Et comme à chaque fois elle dépassait le poids autorisé, mes frères étaient obligés de payer pour éviter des drames, parce que c’était impensable pour elle de rentrer les mains vides, sous-entendu il était hors de question qu’elle réduise le nombre de ses bagages, comme si sa vie en dépendait. On ne repartait de l’aéroport qu’une fois assurés que l’avion avait bien décollé. Heureusement, depuis qu’elle ne travaille plus et qu’elle fait des allers-retours réguliers au bled, c’est devenu une telle routine qu’elle se contente de l’un de nous en général. Puisque mon frère est le seul de nous tous à avoir une voiture, c’est lui qui s’y colle à chaque voyage. Ces voyages préparent ma mère à son retour définitif au pays. Après trente ans passés en France, elle dit avoir besoin de se réadapter au bled, avant de s’y fixer à nouveau. Je me demande à quoi elle doit s’adapter. Avec sa vision du monde, j’ai parfois eu l’impression qu’elle n’était jamais partie de là-bas : comme si seul son corps était venu ici et que son esprit était resté là-bas, avec ses ancêtres. La seule chose qui la retient ici est mon mariage. En tant que son dernier enfant et sa seule fille, elle attendra que je sois à mon tour casée pour avoir cette impression d’avoir accompli son devoir de mère. À chaque voyage, elle retrouve mon père qui vit avec sa seconde femme, ainsi que mon frère aîné qui n’a jamais réussi à s’adapter à la France et qui avait suivi mon père à la première occasion. Lorsque mon père a décidé de retourner au pays pour y monter une affaire, qui, la chance aidant, a bien tourné, il a clairement signifié à ma mère qu’il ne comptait pas rester seul. C’est donc avec le consentement de celle-ci qu’il a épousé en secondes noces une jeune femme qui n’est pas loin de l’âge de mon grand frère. Ensemble, ils ont eu trois enfants, des demi-frères et sœur à qui j’envoie régulièrement des cadeaux. Si je suis la dernière chez ma mère, je ne suis que le cinquième enfant chez mon père, et l’aîné des filles. J’ai donc six frères et une sœur. Un de mes frères vit à vingt minutes à pied de chez moi, les deux autres ayant préféré la grande banlieue. En l’occurrence, ceux-ci jouent les gardes de substitution, en l’absence de mes deux gardiens habituels. Je sais qu’ils peuvent passer à l’improviste pour s’assurer que tout va bien, d’autant plus que chacun d’eux possède encore un double des clés de l’appartement. Tout ce que j’espère c’est qu’ils vont être suffisamment occupés par leur propre vie pour se préoccuper de la mienne. Tous rêvent du jour de mon mariage, auquel cas ils n’auront plus à me surveiller et ma mère pourra jouir du prestige d’avoir marié tous ses enfants. Mes fiançailles avec Marc ont été accueillies avec joie dans la famille, et tous attendent avec impatience le jour de notre mariage. Issus du même pays, appartenant au même clan ethnique, rien ne pouvait faire plus plaisir à mes parents, qui regardent toujours d’un œil désapprobateur ces jeunes filles qui épousent des Blancs, sous prétexte qu’ils vivent en France. Quant à Marc, je sais qu’il ne m’a pas choisie à cause de ma couleur de peau, ou encore parce nos parents se connaissaient, mais parce qu’il a eu le coup de foudre pour moi. Nous ne nous connaissions pas alors que nos parents étaient amis. Amies d’enfance, nos mères s’étaient perdues de vue, jusqu’au jour où une connaissance commune les avait remises en relation. Et puis un jour, ma mère a invité sa mère à venir dîner à la maison. Celle-ci ne s’était pas présentée seule, elle était venue accompagnée de son fils aîné. Cette rencontre, orchestrée par nos mères, eut l’effet escompté. Ce soir-là, Marc ne me quitta des yeux, et cela dura des semaines, puis des mois et pour finalement se compter en années.

Ce n’est pas la première fois que nous nous retrouvons séparés Marc et moi, disons que c’est la première que cela excède un mois. Le stage de Marc devrait durer trois mois. Au début j’ai eu peur de me retrouver sans lui, mais lorsque j’ai su que ma mère partait en même temps, j’ai très vite relativisé. C’était l’occasion pour moi de profiter de cette liberté inopinée pour vivre un peu pour moi-même. Et puis ce sera une bonne expérience à vivre juste avant le mariage.

Avant Marc, je n’étais jamais sortie avec un garçon. Il faut dire qu’avec une mère comme la mienne, il était hors de question que je fréquente qui que ce soit. Jusqu’au lycée, je n’avais pas le droit de traîner dehors. Mes amies étaient triées sur le volet, elles ne devaient porter ni décolleté, ni mini-jupe, ni trop de maquillage, signes de mauvaise influence. Quant à moi, je ne mettais que des vêtements qui cachaient mes formes. Pourtant, j’arrivais à plaire aux garçons, malgré mon accoutrement. Je reflétais l’image de la fille sérieuse, ce qui devait sans doute rassurer tous ceux qui avaient peur de se faire cocu, mais jamais je ne cédais aux avances d’aucun d’entre eux. J’étais la cadette de cinq enfants, et la seule fille. Je n’étais donc pas seulement sous la surveillance de ma mère, mais aussi de mes quatre frères. J’ai appris à aider ma mère dans les tâches ménagères très tôt. Aujourd’hui je sais tenir une maison, m’occuper d’enfants (j’ai servi de baby-sitter à pratiquement tous mes neveux), faire à manger, rafistoler un vêtement, et depuis qu’il était question de mariage avec Marc, mes tantes ont pris soin de m’expliquer toutes les méthodes pour satisfaire un homme : la règle principale étant de ne jamais se refuser à lui, en gros ne pas lui donner de raison d’aller voir ailleurs. Le but dans le mariage était de garder son mari coûte que coûte. Mon bonheur devait passer par le sien. Marc devenait alors ma principale raison de vivre. Quand j’en parle encore aujourd’hui avec mes copines, toutes se payent ma tête : je ne peux pas être sérieuse. Elles disent que je ne peux pas faire de mon mari ma principale raison de vivre. Ma réponse : pourquoi pas ? Après tout, Marc est jeune, intelligent, bien élevé, bosseur. Certes, ce n’est pas un canon de la beauté mais il a son charme, mais surtout c’est quelqu’un de bien, et puis il est amoureux de moi. Qu’y a-t-il donc de mal à cela ? Je leur disais qu’elles étaient toutes jalouses de mon histoire d’amour, elles me traitaient de naïve en retour. Naïve ou pas, je suis amoureuse et heureuse de l’être. Seule ma copine Mariatou ne me condamne, à mon grand étonnement d’ailleurs. Mariatou ! Je ne sais toujours pas comment on en est venues à être meilleures amies ! Il faut dire qu’elle représente tout ce que ma mère juge indigne d’une fille fréquentable. Elle parle et rit fort, n’a pas peur de dire aux gens ce qu’elle pense d’eux, donne toujours l’impression de chercher la bagarre, elle a un piercing à la langue et l’autre au nez, ne sort jamais sans hauts talons et lorsqu’on lui demande ce qu’elle fait dans la vie, elle répond « pute », alors qu’elle est en école de commerce. Quand je lui demande pourquoi elle se fait passer pour ce qu’elle n’est pas, elle répond : « Mais parce ce que c’est ce que les gens croient que je suis dès qu’ils me voient, alors pourquoi les décevoir ? » Et chaque fois je lui demande : « Mais pourquoi les induire en erreur ? Tu ne les aides pas à mieux t’apprécier ! » Alors elle me regarde de son air qui veut dire « ma pauvre, quelle naïve tu fais » mais me dit que c’est tout simplement parce que les gens ne l’intéressent pas et que tout ce qu’elle veut c’est qu’ils lui fichent la paix.


– Quand on veut la paix, on se fait discrète, lui ai-je crié un jour où on s’était encore chamaillées avec des inconnus dans le métro à cause d’elle.


C’était une des rares fois où j’en voulais à ma copine d’être comme elle était. Mariatou et moi sommes aux antipodes de l’une et l’autre, et pourtant jamais l’une de nous n’a essayé de changer l’autre. C’est ainsi que l’on s’aime. Je ne l’aurais pas voulue autrement. Quant à moi, je sais que je suis la femme qu’elle aurait voulu épouser si elle avait été un homme.


Avec le départ de mes deux anges gardiens, j’en profite donc pour sortir. Il est si rare que je sorte sans Marc. J’enfile un « skinny » jeans et un haut sans manche, avec par-dessus un gros pull. Ce soir je vais à un concert de rock avec deux bonnes copines de fac. Sans être une vraie fan, je me dis que c’est une occasion de sortir. Mais je dois avouer que le chanteur du groupe est un acteur que j’aime et je suis super excitée à l’idée de le voir de près. Pas d’écran qui nous sépare, juste une scène. Je m’imagine en train de jouer à la groupie. Sa bande joue dans une toute petite salle dans le 10e arrondissement de Paris. Je me maquille légèrement, fourre ma pièce d’identité et mon titre de transport dans la poche arrière de mon jean, quelques billets dans l’autre, mon portable dans une main, mes clés dans la poche avant et c’est parti. Je retrouve mes copines comme prévu à la sortie du métro. Ensemble, nous nous dirigeons vers le lieu du concert, bavardant comme des collégiennes qui se rendent à leur première boum. Il y a déjà la queue, ce qui signifie qu’il faudra serrer des coudes si on veut se retrouver juste sous l’estrade. Une fois à l’intérieur, on nous indique des escaliers qui descendent vers une salle obscure d’où nous parvient une musique tout aussi obscure. Le concert a lieu dans un sous-sol. Pas de fenêtres, pas de système d’aération. Je ne suis plus sûre de vouloir encore assister à ce concert. Très vite les membres du groupe montent sur scène et à l’arrivée du chanteur, les filles deviennent hystériques, moi comme les autres et ensemble on se met toutes à scander son nom. Mon enthousiasme retombe aussitôt que je le vois allumer une cigarette. Il est interdit de fumer, sans système d’aération, la claustrophobe en moi s’éveille. Je ne peux pas rester devant, ça ne le fera pas pour moi. Résultat, je bats très vite en retraite et me poste au pied des escaliers où je finis la soirée. Rassurée, j’en oublie presque la chaleur étouffante, l’odeur de cigarettes mêlée à celle de la sueur et me laisse emporter par l’ambiance. Le concert dure une heure et demie. Nous remontons les escaliers comme on sort d’un rêve, un rêve un peu bruyant mais un rêve quand même. On traîne un peu sur place, on discute, commande à boire mais très vite nous devons nous séparer. Il est tard et il ne faut surtout pas rater le dernier métro.


Nous nous engouffrons dans la bouche du métro. Mes copines vont dans la direction opposée. On se fait des bises rapides, des promesses de s’appeler et c’est presque en courant que j’arrive sur le quai. Je m’arrête dans mon élan et mon regard s’attarde sur lui. Il est assis sur un banc, un livre ouvert devant lui. Au moment où le métro approche, il lève les yeux et nos regards se croisent. Je n’ai pas le temps de réfléchir. Tout ce que je constate, c’est qu’il a le choix entre deux rames, celle vers laquelle je me dirige ou celle qui est juste devant lui. Je monte et me retiens pour ne pas jeter un coup d’œil dans sa direction. N’y tenant plus, je me retourne soudainement pour réaliser qu’il est monté dans l’autre wagon. Je suis à la fois soulagée et déçue. Cependant, j’ai cette vague impression de l’avoir déjà croisé quelque part. Un air de déjà vu. Sans doute un habitué de la ligne. On arrive au terminus qui est aussi ma station. Je descends et me dirige vers la sortie. Je me laisse transporter par l’escalator. Trois jeunes aux cheveux longs et tout habillés de noir me dépassent presque en courant. Je me pousse pour les laisser passer. Je reconnais l’un d’entre eux ; il était aussi au concert. Perdue dans mes pensées, je sens malgré tout une présence dans mon dos et tourne instinctivement la tête. Mon cœur manque de chavirer. C’est lui ; il est juste derrière moi. Il me sourit. J’esquisse un faible sourire en retour. Je me sens comme une enfant prise en flagrant délit. Au bout de l’escalator, deux sorties s’offrent à moi. Une fois de plus le même dilemme, laquelle va-t-il prendre ? Je traîne un peu les pieds en me dirigeant vers la porte de gauche et me mets à monter les escaliers. Avec un peu de chance, il prendra la même sortie que moi, me dis-je sans trop y croire. Au moment d’atteindre la dernière marche, je tente un rapide coup d’œil dans mon dos. Personne. Il a pris l’autre sortie. Même impression de déception, mêlée de soulagement. Dehors il fait nuit noire mais les températures sont douces pour un mois d’avril. Je presse un peu le pas. J’ose un dernier coup d’œil derrière moi. Il doit être loin. Je me retourne et reste figée sur place. Debout de l’autre côté de la rue, il m’a vue et me fait signe. Que dois-je faire ? Il est presque minuit. Je ferais mieux de l’ignorer et de rentrer chez moi. Mais je ne bouge pas pour autant. Immobile sur le trottoir, je le regarde se diriger vers moi. L’instant d’après, il est devant moi et me regarde, le sourire aux lèvres, l’air aussi incertain que moi.


– Salut, me dit-il.


Son visage s’illuminant d’un grand sourire. Il a des grands yeux : des yeux d’enfant émerveillé. Il se balance sur une jambe. Il finit par se présenter : Paul, il s’appelle.


– Et toi ? dit-il.


Je le regarde d’un air surpris.


– Et moi quoi ? lui dis-je.


Il hésite et puis me dit :


– Ben, c’est quoi ton prénom ?


Je me sens bête, alors j’éclate de rire et finis par lui répondre : L. Je m’appelle L. Il rit de plus belle et répète en chuchotant « L », comme pour s’imprégner du prénom.

S’ensuivent quelques rires. Je me sens bien. En tout cas, je n’ai pas peur. Pourtant, il n y a plus personne dans la rue. Juste nous deux, deux inconnus et le manteau noir de la nuit qui nous enveloppe. Seules les étoiles seront les témoins de cette rencontre.


– Enchanté L.

– Enchantée, Paul.

– Je t’inviterais volontiers à prendre un café mais j’ai bien peur qu’il ne se fasse tard…

– Je le crains aussi.


Je voudrais lui dire que j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part mais je n’ose pas. J’attends de voir ce qu’il a d’autre à me dire. Tout ce que je sais, c’est que je voudrais que la conversation se prolonge un peu plus.


– Alors on se voit demain ? propose-t-il.

– Bien sûr, mais à quelle heure ? je réponds spontanément.

– Que dirais-tu de sept heures ?

– Du soir ?

– Non, du matin.

– Sept heures du matin ?

– Oui.

– Et tu n’as pas trouvé plus tôt ?

– Si, il y a toujours six heures mais je me dis que la demoiselle voudrait peut-être prolonger son sommeil.

– C’est gentil de penser à elle.


Je ris de nouveau. Je ne peux pas m’empêcher. Il doit vraiment penser que je ne suis pas bien futée.


– Alors c’est ok ?

– C’est ok. Demain matin. Sept heures. Mais où ?

– Au bistrot qui fait le coin de la rue.


Il me pointe du doigt un café situé à cinquante mètres. On peut y lire l’enseigne « Tabac ».


– Entendu. À demain.

– Tu veux peut-être qu’on échange nos numéros ?

– Non, ce n’est pas la peine. Bonne nuit.

– Bonne nuit.

M’a-t-il suivie des yeux après que j’ai tourné les talons ? Je ne le saurai jamais, ayant évité de me retourner cette fois-ci. En rentrant, je tombe sur un message de Marc. Je lui manque et il espère me parler demain au réveil. Je me déshabille et enfile mon pyjama. Un démaquillage rapide et me voilà au lit. Je m’assure auparavant que le réveil est bien réglé sur six heures et demie. Je verrai bien si j’arrive à me lever.


Je suis la première au rendez-vous, pile à l’heure. Je commande un café et m’installe à une table près de la fenêtre. Il fait beau dehors malgré le froid. Encore quelques jours et ce sera le printemps. Le monde afflue peu à peu, des habitués qui prennent le temps de s’octroyer un bon petit déjeuner avant d’entamer une journée qui sera probablement longue. Je regarde ma montre et vois le serveur qui se dirige vers moi, ma commande sur un plateau. En se baissant pour poser ma tasse sur la table, j’entends une voix dire derrière moi :


– Un autre s’il vous plaît.


Je me retourne et souris. C’est lui. Il a la même tête que la veille. Ce même regard d’enfant.


– Désolé du retard, dit-il en s’asseyant.

– Oh ce n’est pas grave, dis-je.


Je le pense, je suis juste contente qu’il soit là.


– Je ne pensais pas que tu viendrais.

– Alors pourquoi m’avoir donné rendez-vous ?

– J’espérais que tu viendrais mais je n’en étais pas sûr.

– C’est une bonne surprise alors !

– Une très bonne, oui.

– Tu habites le coin ?

– Oui mais pas depuis bien longtemps. Je viens de province.

– Sérieux ?

– Oui. Je viens du sud.

– Et qu’es-tu venu faire à Paris ?

– Du théâtre.

– Du théâtre ?

– Oui. Tu as un comédien en face de toi.

– Tu es inscrit dans une troupe ?

– Oui.

– J’ai une amie qui fait du théâtre aussi, dis-je d’un air pensif.

– Peut-être que le prochain que tu iras voir sur scène sera moi.

– Peut-être.


Paul a des grands yeux verts qui lui donnent un air de petit garçon, malgré sa taille, plus d’un mètre quatre-vingt-cinq. Quel âge a-t-il ? Je lui donne le même que moi. Il finira par le confirmer. En effet, on n’a qu’un an de différence, sauf que c’est moi la vieille dans l’histoire.

Tout comme la veille au soir, nous discutons comme des vieilles connaissances. Il n’y a pas de gêne entre nous, du moins je n’en ressens aucune. Au bout de vingt minutes, nous décidons de lever le camp. Je lui propose de visiter le coin, sauf qu’il n’y a pas grand-chose à voir, sauf le parc qui est à une station de métro. On décide alors d’y aller à pied. On marche côte à côte, notre bavardage est parfois ponctué d’un rire ou d’une boutade. À ce moment, je ne pense plus à Marc, il n’est plus qu’un souvenir enfoui dans ma tête. Je me force à le laisser là où il est. Il est un peu plus de huit heures lorsque nous atteignons le parc. Il n’y a presque personne, mis à part quelques coureurs. Nous nous dirigeons vers une caverne, artificielle comme le reste du parc. Un monsieur ramasse les feuilles mortes, il nous salue d’un signe de tête discret. Nous repartons aussitôt, de peur de le déranger dans sa besogne. L’exploration des lieux, que nous connaissons bien tous les deux finalement, ne dure pas longtemps. Les premiers vrais rayons de soleil viennent se poser sur nos visages. Ça donnerait presque l’envie de s’allonger sur herbe, sauf qu’elle est mouillée à cause de la rosée du matin. Un maître, avec son chien, marche à petits pas. Je remarque ses chaussettes blanches qui dépassent de son jogging. Il porte des chaussures de ville. Le chien s’attarde sur nous quelques secondes avant de reprendre sa promenade. Nous nous sommes posés sur un banc, assis face à face. Il me regarde, un léger sourire flottant sur son visage. Autour de nous la vie s’est arrêtée. J’enfouis mes mains dans mes poches et le regarde rouler son tabac. D’un geste machinal, il sort un briquet de sa poche et l’allume. Ensuite, il me le tend. Je secoue la tête. Il sourit, l’air approbateur. Je lui souris en retour. J’ai l’impression que je ne fais que ça, sourire. Pendant quelques secondes, nous n’échangeons rien d’autre que des sourires. Il émet des volutes de fumée qui montent au ciel en se dissipant. Puis, sans prévenir, il prend mon visage entre ses mains et l’approche du sien. Avant que ses lèvres ne touchent les miennes, je me détache subitement et détourne le regard. Il n’a pas l’air embarrassé mais prend quand même la peine de s’excuser. Non, il n’a pas à s’excuser, c’est de ma faute, lui dis-je. Je me sens si stupide, si enfantine. Que suis-je en train de faire ? À quoi je pense ? J’aurais dû le lui dire tout de suite. Je n’aurais jamais dû venir. Je lui explique que j’ai déjà quelqu’un. Je suis désolée. Il me promet que cela ne se reproduira plus. Il sourit et change de conversation. La vie reprend aussitôt son cours. La magie est rompue. Il est temps pour lui de partir de toutes les façons. Son premier cours de théâtre est à neuf heures, il est déjà en retard. Ensuite, il enchaîne avec autre chose toute la journée jusqu’au soir. Je n’ai pas envie qu’il parte, en tout cas pas tout de suite, mais je me tais. Je viens de lui casser son trip, ne manquerait plus que je lui demande de passer la matinée avec moi. Il me donne son numéro de portable. Il ne me demande pas le mien. Je regrette, j’aurais voulu que les choses se passent autrement. Il rit. Je n’ai pas à regretter quoi que ce soit. Cela ne change rien pour lui. Il me propose de me raccompagner. Je refuse. Je vais rentrer doucement, à pied. Il m’embrasse sur la joue et s’éloigne. Je le suis du regard, à la fois déroutée et soulagée. Je serre son numéro de téléphone dans ma main puis le glisse dans la poche de ma veste.


Je rentre juste à temps pour répondre au téléphone. C’est Marc. Il a essayé d’appeler un quart d’heure plus tôt, je lui dis que j’étais sortie chercher du pain. Il me dit qu’il me rappellera le soir, il est déjà en retard pour son travail. Il voudrait que j’aille lui rendre visite, je lui explique que j’attendrai le retour de ma mère et la fin de son stage pour profiter de jouer aux touristes. Lorsqu’il raccroche, je me rendors et me réveille une heure plus tard, juste à temps pour aller en cours. Je retrouve mes copines de la veille et on reparle du concert. Toute la journée je repense à Paul, je n’ai qu’une envie, c’est de le rappeler, mais j’ai surtout hâte de le revoir. Je pense l’inviter à la maison, le premier garçon que j’inviterai chez moi en dehors de Marc. Je me dis que je ne devrais pas, mon voisin se ferait un plaisir de le répéter à ma mère. Il ne m’aime pas beaucoup celui-là, tout cela parce qu’un jour j’ai refusé de sortir son chien, oubliant toutes les autres fois où je l’ai fait, gratuitement en plus. Ce soir-là, il regardait son programme préféré et ne voulait pas en rater une miette, sauf que de mon côté je n’étais pas d’humeur à sortir sous le froid. Depuis il m’a prise en grippe, alors qu’il me connaît depuis toujours. On se connaît tous dans l’immeuble, d’autant plus que depuis la mort de sa femme, ma mère ne manque jamais de cuisiner pour lui aussi. Chaque soir elle frappe à sa porte, s’assurant qu’il va bien et surtout qu’il a bien mangé. M. V. et sa femme habitaient déjà l’immeuble lorsque mes parents avaient emménagé. C’est Mme V. qui avait montré à ma mère où faire ses courses, elle lui avait fait découvrir le quartier, l’avait amenée à la mairie pour les inscriptions à l’école, l’avait présentée aux autres locataires qui ne voyaient pas tous d’un bon œil cette famille africaine qui débarquait dans leur vie. Elle lui avait même appris à cuisiner des plats français, tandis que ma mère lui faisait découvrir les plats africains. Elles avaient été amies pendant vingt ans, jusqu’à la mort de celle-ci deux ans plus tôt. Ma mère avait pleuré la mort de son amie comme on pleurerait celle d’un parent. Et cela fait donc deux ans qu’elle ne manque jamais de frapper à la porte de M. V. pour prendre de ses nouvelles ou lui tenir compagnie, parfois ils sortent faire quelques pas dans le quartier ou s’asseyent sur un banc et donnent à manger aux oiseaux, l’occupation favorite de M. V. depuis la mort de sa femme. Ma mère connaît ses goûts culinaires, ses habitudes et elle est bien la seule à ne pas se laisser démonter par son caractère grognon. Quand mon père est parti, c’est vers lui que s’étaient tournés mes frères. Avec sa femme, ils avaient fait partie de chaque événement spécial de notre vie. Les passants qui les voient ainsi assis côte à côte sur un banc ou marcher dans la rue bras dessus, bras dessous – M. V. ayant besoin d’un point d’appui pour avancer –, ceux-là ne voient qu’un vieux monsieur blanc se promenant avec sa dame de compagnie noire. C’est à ma mère que l’infirmière fait le compte-rendu de ses visites ; M. V. n’ayant pas de famille proche pour s’occuper de lui. Et en l’absence de ma mère, c’est à moi qu’elle se confie. En fait, il a un fils qui lui rend visite de temps à autre, sauf que les deux hommes ne s’entendent plus, M. V. n’ayant jamais accepté l’homosexualité de son garçon. Moi aussi, au début, j’avais eu du mal à l’accepter, ayant été secrètement amoureuse de lui toute mon adolescence.


N’y tenant plus, j’appelle Paul le soir même mais je tombe sur son répondeur. Je me contente de lui laisser un petit message, dans l’espoir qu’il me rappelle. Je voudrais demander conseil à mes copines, mais je me retiens, ce sera bien la première fois que je leur parlerai d’un autre garçon que Marc. Finalement, je décide de garder tout cela pour moi. Paul, ce sera mon jardin secret à moi. Finalement, c’est Marc qui me rappelle. Je l’écoute me parler du projet sur lequel il travaille. Je lui pose quelques questions. Il a l’air content, il insiste pour que je le rejoigne, après tout l’Angleterre n’est pas si loin. Je lui répète que j’irai pour la fin de son stage, comme cela il aura un peu plus de temps à me consacrer. Finalement je finis par raccrocher et j’attends l’appel de Paul, en vain. Je finis par me mettre au lit. Je suis tirée de mon réveil par la sonnerie du téléphone. Il est neuf heures du matin. C’est lui. Je lui explique que je n’ai pas cours ce jour-là. Il me dit qu’il est libre jusqu’à quatre heures de l’après-midi. Je lui propose qu’on déjeune ensemble. Pourquoi pas le petit déjeuner ? propose-t-il. En effet, pourquoi pas. Il apporte les croissants, je fournirai le reste. Je comprends qu’il est déjà en route. Je saute du lit et me précipite dans la salle de bains. Je fais un pipi rapide, me lave le visage à la va-vite, pas le temps de laver les dents. Je retourne dans la chambre où j’enfile en vitesse un T-shirt que j’enlève aussitôt pour en mette un autre à la place. J’en suis à mon troisième T-shirt lorsque l’on sonne à la porte. Mince ! Je ramasse les vêtements qui traînent sur mon lit, on ne sait jamais et les jette en boule dans l’armoire que je referme d’un coup sec. Je fouille dans mon sac à main, posé par terre près du lit et en ressors deux Tic Tac que je jette dans la bouche. Un dernier coup d’œil rapide dans le miroir, et je vais lui ouvrir. Vêtu d’un manteau kaki, Paul se tient debout dans l’embrasure de la porte. Ses yeux me sourient. Je me pousse pour le laisser entrer. Je lui indique la cuisine. Il peut poser ses affaires au salon. Il ôte son manteau qu’il jette négligemment sur le canapé en même temps qu’il scrute la pièce. Il me demande si je vis seule. Je lui explique que c’est l’appartement dans lequel j’ai grandi. J’y vis avec ma mère mais insiste sur le fait que ce n’est plus pour longtemps. Toujours ce besoin de me justifier. À chaque fois que j’annonce à quelqu’un que j’habite toujours chez ma mère, je sens revenir la petite fille en moi qui a peur d’être jugée négativement. Alors qu’en Afrique, ce serait bien vu voire même recommandé tant que je ne suis pas mariée, en Europe c’est presque considéré comme si tu avais une tare quelconque qui t’empêcherait d’être autonome. Paul ne me demande pas si je compte déménager. Il se contente de me dire que pendant quelques secondes il s’était dit que c’était bien grand pour une seule personne, étudiante de surcroît. Je souris en grimaçant et me dirige vers la cuisine où je verse de l’eau dans une casserole que je pose sur la plaque chauffante.


– Thé ou café ? je lui demande.

– Thé, répond-il.


Il s’assoit sur une chaise, la même que prend Marc à chaque fois. Il me fait remarquer qu’il n’y a aucune photo de moi nulle part dans le salon. Je lui explique que ma mère ne met des photos de ses enfants sur les murs seulement lorsqu’ils quittent la maison. Il me dit que je devrais partir alors. Je lui réponds que j’y songe, que j’ai hâte de voir trôner ma photo au milieu du salon. Un grand portrait de moi. Je lui parle de mes études, je suis en dernière année, il me parle de ses cours de théâtre. Je me fais la remarque qu’il a l’air passionné par ce qu’il fait, en tout cas plus que moi. Je suis allée à la fac parce que c’était la voie à suivre. J’ai suivi une filière dans laquelle je m’assurais d’avoir plus ou moins des bonnes notes. Qu’est-ce qui m’attend à la sortie ? Ça, ce sera la surprise. Il me parle d’une des pièces sur lesquelles il est en train de travailler. Il me demande de l’aider à répéter. Je n’ai pas à jouer le personnage, juste lui donner la réplique. Je m’exécute. Chaque phrase est ponctuée de rires. Je me rends compte que je me sens vraiment bien avec lui, un peu trop bien peut-être. Je me retiens pour ne pas le lui dire. On passe deux heures ensemble, deux heures que je voudrais prolonger, mais c’est sans prévenir qu’il se lève et me dit qu’il doit partir. Je ne peux pas cacher ma surprise, mais j’essaie de ne pas montrer ma déception. Je n’ose pas lui avouer que je pensais passer la journée avec lui. Je lui demande à tout hasard à quelle heure il rentre. Vers vingt heures, répond-il. D’un geste machinal, il ramasse ses affaires, me fait la bise et la seconde d’après, il est dans l’ascenseur. Je me jette sur le canapé et regarde autour de moi. J’ai vraiment hâte de voir ma photo apparaître sur un des murs.


C’est Mariatou qui me sort de mes rêveries. Elle m’annonce qu’elle arrive et qu’elle compte probablement passer la nuit chez moi. Je n’habite certes pas le plus beau quartier de Paris, mais j’habite Paris, un atout pour Mariatou qui vit en résidence universitaire en banlieue. Elle s’est débrouillée pour partir de chez ses parents sur un malentendu. Lorsqu’elle a posé sa candidature pour la chambre universitaire, la personne qui s’est occupée de son dossier a vu en elle une pauvre jeune fille noire qui devait sûrement vivre dans des conditions atroces et qui avait sûrement besoin d’un espace personnel pour s’épanouir et poursuivre ses études. Se serait-elle penchée un peu plus sur son cas, elle aurait vite découvert que cette malheureuse jeune fille en question vivait dans un appartement quatre pièces avec son grand frère et ses parents, ce qui signifiait qu’elle avait sa propre chambre, qu’elle n’était pas boursière parce que ses parents gagnaient suffisamment et que la résidence universitaire en question n’était pas bien éloignée de son domicile familial, ce qui voulait dire que d’un point de vue distance par rapport à sa fac, elle n’y gagnait que quinze minutes en trajet. Mais ils lui ont donné la chambre, à sa propre surprise, sans parler de celle de ses parents qui, jusqu’à ce jour ne comprennent toujours pas les motivations de leur fille pour quitter la maison, moi non plus d’ailleurs. Le revers de la médaille est qu’elle doit travailler pour payer son petit loyer et subvenir à ses propres besoins. Elle s’habille dans des friperies, se nourrit la plupart du temps de céréales, enchaîne les petits boulots mais s’arrange toujours pour assister à tous ses cours. Elle ne sera pas aide-soignante comme sa mère ou la mienne. Elle ne sera pas non plus femme au foyer comme toutes ses tantes, elle n’est même pas sûre de vouloir des enfants. Autant je rêve de la famille que je vais fonder avec Marc, autant Mariatou rêve de vivre dans un pays où son nom et sa couleur de peau compteront moins que ses compétences. Bon courage avec ça, je ne cesse de lui répéter. Je sais bien que c’est possible, mais il faudrait qu’elle s’accroche dur ou qu’elle quitte la France pour cela et cette dernière perspective ne m’enchante pas vraiment ; je ne veux pas perdre ma meilleure amie. Elle me dit qu’on devrait déménager au Canada, Marc, elle et moi. Elle dit que ce n’est pas normal que Marc n’ait toujours pas trouvé de travail trois ans après la fin de ses études, qu’il serait mieux ailleurs. Je lui affirme qu’il finira par trouver, il lui faut juste un peu de temps et de l’expérience. Je sais que cela ne dépendrait que de Marc, il serait déjà parti vivre à l’étranger. C’est moi qui le retiens, je le sais même s’il ne me le dit pas, mais je ne veux pas aller vivre loin de ma famille, de mes amis, je ne m’en sens pas le courage. Mariatou a une soif de liberté doublée d’une sérieuse envie de réussir, un de ses plus gros atouts étant son physique. Mon amie a un beau visage avec une jolie couleur ébène homogène, et si elle porte autant les mini-jupes, c’est parce qu’elle a des jambes fines qui font toujours pâlir ses copines de jalousie, moi la première. Son physique lui a permis jusqu’ici d’enchaîner les petits boulots et les petits copains. Elle attire les hommes comme le miel les abeilles. Pour eux, elle est synonyme d’exotisme et de jeunesse.

Je me dis que sa présence va probablement me faire du bien, au moins je vais arrêter de penser à Paul et vais pouvoir me concentrer à nouveau sur ma petite vie. Je lui dis de se dépêcher parce que j’ai des choses importantes à lui dire.


– Quoi ? Tu es enceinte de Marc ? me lance-t-elle sur le ton de la plaisanterie.


– Non, il ne s’agit pas de Marc !

– Pas de Marc ? Alors j’arrive, non que dis-je ; j’accours ! dit-elle en raccrochant sur un grand éclat de rire.


Je repense à la situation dans laquelle je me trouve et réalise que depuis que j’ai rencontré Paul, je n’ai pas ressenti une seule fois une once de culpabilité. Je ne compte pas cesser de le voir et n’ai absolument pas idée de ce que je vais faire une fois Marc de retour. En tant que fiancés, Marc a le droit de dormir chez moi ou moi chez lui sans que cela gêne nos familles respectives. Nos fiançailles ont eu lieu six mois plus tôt. Contrairement à moi, Marc est né au bled et est arrivé en France seulement à l’âge de dix ans. Il avait été adopté par sa tante qui vivait en France et qui voulait un garçon après avoir accouché de quatre filles. Étant donné que sa propre sœur avait déjà six enfants, Marc étant le cinquième, elle n’avait eu qu’à se servir. C’est un peu dit avec légèreté mais c’est une pratique assez courante en Afrique. Les oncles et les tantes élèvent leurs neveux et nièces sans que personne ne cherche à savoir qui est le parent biologique. Par ailleurs, elle était littéralement la « grande maman » de son neveu, sa propre sœur étant la « petite maman » de ses filles. Marc retournait parfois au bled pour visiter sa famille, même si entre temps sa tante et son oncle étaient devenus ses véritables parents. Tout comme moi, il avait deux prénoms : un prénom « authentique », d’origine africaine et un prénom occidental, certes qui rappelait le passage du colon mais qui permettait de se fondre dans la masse. Le jour de nos fiançailles, c’est mon oncle maternel et un des amis très proches de l’oncle de Marc, que celui-ci considérait comme un frère, qui avaient négocié la dot. Lors de la cérémonie, les pères des futurs mariés n’ont pas leur mot à dire ; tout a été négocié à l’avance au sein de chaque famille, les oncles se contentent de rapporter ce qui a été décidé préalablement. En procédant ainsi, on évite que les deux familles se fritent, ce qui arrive souvent lorsque la future belle-famille estime que les parents de la mariée surestiment la valeur de leur fille. Être négociée comme du bétail, parfois contre du bétail, n’était pas une façon glorieuse de célébrer ses fiançailles, mais je savais l’importance que cela représentait aux yeux de nos deux familles, et même si Marc et moi y accordions peu d’importance, oser aller à l’encontre de la volonté générale aurait été un moyen de jeter l’opprobre sur notre union, ce que ni lui ni moi ne souhaitions. Une fois nos fiançailles célébrées, nous étions considérés comme mari et femme au sein de nos familles respectives, bien que le passage à la mairie demeure une obligation pour officialiser le tout. C’est pour cela qu’il était facile pour Marc de venir dormir chez moi, même en présence de ma mère, étant donné qu’à ses yeux nous étions déjà mariés.

Mariatou arrive en fin d’après-midi, un bagage à la main. Elle compte rester plus d’une nuit, cela est certain, mais je ne dis rien. Elle a toujours procédé ainsi.


– « Une nuit » tu disais ? lui dis-je quand même sur un ton ironique.

– Je n’allais pas te laisser seule en l’absence de tes anges gardiens !

– Oh si, tu pouvais, je t’assure !

– Oh fais au moins semblant d’être contente.

– Oui, ma Mariatou, comme je suis contente que tu viennes passer quelques jours avec moi. Moi qui n’en pouvais plus de cette solitude libératrice…


Je n’ai pas fini ma phrase qu’elle me pousse contre le mur et va poser son sac dans la chambre en même temps qu’elle se jette sur mon lit.


– Qu’est-ce qu’il y a à manger, je meurs de faim, s’écrie-t-elle en se relevant d’un bond.


Elle se dirige vers la cuisine et ouvre les casseroles. Il reste du riz et des légumes que j’avais préparés la veille. Instinctivement, elle ouvre le réfrigérateur et sort un plat de viande.


– Quel type de viande ? me demande-t-elle en inspectant le plat d’un air hésitant.

– Je n’ai pas encore goûté, c’est ma belle-sœur qui l’a préparé. Mon frère me l’a déposé hier.

– Quelle belle-sœur ? dit-elle en piochant dans le plat.


J’éclate de rire ; elle a raison de se méfier. Parmi mes frères, l’un d’eux avait épousé une Française de souche, une Normande. Bien qu’elle fût parfaitement intégrée dans la famille, sa préparation de cuisine africaine laissait encore à désirer. Cependant, là où d’autres auraient baissé les bras et se seraient contentées de préparer ce qu’elles savaient faire, elle insistait pour apprendre et m’appelait régulièrement pour me demander les recettes de tel ou tel plat. Avant, lorsque ma mère voyageait, j’allais toujours rester chez l’un ou l’autre de mes frères. Moi qui n’avais pas eu de sœur, j’avais trouvé en mes belles-sœurs, aussi différentes fussent-elles l’une de l’autre, des grandes sœurs avec lesquelles j’avais développé une certaine complicité. Mariatou n’attend ma réponse et se sert une bonne platée. Je la regarde manger, à la fois médusée et admirative de la voir avaler autant de quantité, sachant qu’elle ne prendrait pas un gramme pour autant. J’attends qu’elle finisse pour lui parler. Je me retiens pour ne pas appeler Paul en sa présence, je veux qu’elle entende au moins sa voix. C’est très révélateur une voix. Une fois j’avais fait la connaissance d’un joli garçon. Il habitait dans mon quartier et on se croisait chaque matin en allant au lycée. Un jour que j’eus enfin l’audace d’aller lui parler, quelle ne fut pas ma grande surprise de constater qu’il avait une voix fluette, une voix de fille. Marc avait une voix grave, bien masculine. Celle de Paul était chaude, comme le sud, et je voulais que Mariatou me le confirme.


– Alors, de qui s’agit-il ?

– Mange, je te raconte après.

– Je peux manger et t’écouter tu sais !


C’est vrai ! D’autant plus qu’elle ne mangeait pas seulement beaucoup, elle mangeait aussi très lentement. Je lui raconte tout, du concert au petit déjeuner. Elle m’écoute sans dire un mot, et continue de se taire une fois que j’ai fini. J’attends une réaction qui ne vient pas. Je finis par m’écrier :


– Et alors ? C’est tout ce que tu as à me dire ?

– Que comptes-tu faire ? me demande-t-elle sur un ton neutre.


Je la regarde avec étonnement. Je sais ce qu’elle entend par là. Allais-je rompre avec Marc, cesser de voir Paul ?


– Justement, je ne compte rien faire, lui dis-je brusquement. Non, je ne compte rien faire.

– On verra bien où ça nous mène alors ! finit par dire mon amie, dont l’expression neutre me trouble un peu quand même.


Je sais que je peux compter sur elle, et j’apprécie le fait qu’elle n’essaye pas de me convaincre d’oublier toute cette histoire. Pourtant, elle est bien consciente que si mon histoire avec Marc échoue à cause de Paul, elle serait à blâmer, parce que tout le monde saura qu’elle était au courant et tout le monde lui en voudrait de n’avoir rien fait pour m’arrêter dans ma folie. Elle retourne se resservir et je ne peux m’empêcher de faire la remarque.


– Comment tu fais pour manger autant !

– C’est dur la vie d’étudiante ma chérie, tu n’as pas idée.

– Je ne veux pas avoir idée.

– Enfant gâtée va !


Mariatou a apporté un film qu’on regarde d’un œil distrait, occupées à nous raconter nos histoires. Mais comme souvent, c’est surtout elle qui parle et moi qui écoute. En ce moment, elle travaille comme serveuse le soir dans un grand restaurant et a toujours des anecdotes à me raconter. Il est presque minuit lorsque le téléphone sonne. À cette heure-ci, cela ne peut être que Marc. Je me précipite pour décrocher.


– J’ai vu de la lumière chez toi, j’en ai conclu que tu ne dormais pas.


Il est en bas de chez moi. Je me penche à la fenêtre et reconnais sa silhouette qui se dessine à la lueur du lampadaire. Je cherche mes mots lorsque Mariatou me fait signe de l’inviter à monter. Elle a compris. J’hésite. Elle insiste. Je finis par lui demander s’il veut monter, il ne se fait pas prier. Mariatou s’éclipse dans la chambre de ma mère et referme la porte derrière elle. Je jette un coup d’œil rapide dans le miroir, j’ai oublié que je suis en pyjama et démaquillée. Je me contente d’arranger mes cheveux. Il est déjà là. Il ne sonne ni ne frappe, mais fait comme les chats, il grattouille la porte avec ses ongles. Il a la même tenue que le matin lors du déjeuner, son sac en bandoulière sur l’épaule. Je me pousse pour le laisser passer. Il a l’air un peu gêné, sans doute vient-il de réaliser qu’il est un peu tard pour une visite.


– C’est à cette heure-ci que tu rentres ?

– Désolé mon amour, mais j’ai été pris dans les répétitions, répond-il, un sourire moqueur au coin des lèvres.


J’étouffe un rire et m’excuse. Sans le vouloir, j’ai posé la question sur un ton accusateur, une femme à son mari, une mère à son fils. Je lui demande s’il veut manger quelque chose. Il me regarde, l’air confondu.


– Tu dois avoir faim, non ?

– Oui, mais…

– Y a pas de mais qui tienne. Tu as faim, j’ai de quoi nourrir tout un régiment…


Je le tire vers la cuisine et le pousse à s’asseoir sur une chaise. Je sors une assiette, sers riz, légumes et viande, mets le tout au micro-ondes, pendant que je pose couverts et verre d’eau sur la table. La surprise a laissé la place à un air amusé.


– Goûte, c’est un plat africain, lui dis-je en m’installant face à lui.

– C’est toi ou toutes les Africaines sont comme ça ?


C’est à mon tour de le regarder avec un air étonné. Je me mets subitement à sa place et réalise l’amplitude de mes gestes. Il a l’air de discerner mon embarras.


– En tout cas, j’apprécie parce qu’à vrai dire je mourais de faim et c’est super bon.


Je lui adresse mon plus beau sourire et me lève pour me préparer une tisane, une habitude de ma mère. Est-ce toutes les Africaines qui sont comme cela ? C’est possible ! Je ne me rappelle pas avoir vu ma mère accueillir quelqu’un sans lui proposer à manger. Une fois elle a même préparé une assiette pour le facteur qui terminait sa tournée dans notre immeuble. Mes frères se moquent souvent de moi en disant qu’à force de vivre avec elle, je finis par faire les choses comme elle. Je lui ressemble déjà physiquement, de là à agir comme elle, il n’y a qu’un pas. Je me dis que c’est sans doute le lot de beaucoup de jeunes femmes, après tout on apprend par imitation non ? Lorsque Paul se lève pour partir, l’aube n’est pas loin de se lever. Il m’a raconté sa vie, sa décision de lâcher ses études d’ingénieur pour monter à Paris réaliser son rêve de devenir comédien, l’impact que cela a eu sur sa vie sentimentale. J’ai alors essayé d’imaginer Marc abandonnant un métier sûr pour une carrière à l’avenir incertain et me suis rassurée en me disant que cela avait très peu de chances de se produire ; Marc est bien trop réfléchi, bien trop sérieux pour ça et c’est aussi une des raisons pour lesquelles je suis avec lui. Moi qui ai toujours vécu dans le même arrondissement à Paris, l’idée même d’aller habiter en banlieue me terrorise, même si Marc m’a assuré que cela me ferait du bien de m’éloigner un peu de mon « territoire ».

J’ai l’impression d’avoir à peine fermé l’œil lorsque le téléphone sonne. C’est Marc ! Un sentiment de culpabilité m’envahit, je l’ai presque oublié. Il sent un changement de ton dans ma voix, je lui assure que c’est dû à la présence de Mariatou et que l’on a passé la soirée à discuter. Il me dit que son stage risque de finir plus tôt que prévu, le projet sur lequel ils travaillent avançait plus vite que prévu. Il me parle de budget, de l’équipe de travail, du produit sur lequel il travaille. Je l’écoute d’une oreille et mets une casserole d’eau à chauffer. Il faudrait que je dise à mes frères d’offrir une cafetière à notre mère, ce serait plus pratique que d’avoir à chauffer l’eau à chaque tasse. Marc a trois ans de plus que moi, ma mère aurait voulu qu’il en ait sept, le décalage idéal entre un homme et sa femme, dit-elle. Cela fait donc trois ans qu’il a fini ses études et qu’il enchaîne des stages de formation. Je lui rappelle que j’ai mes derniers partiels qui approchent et que le temps que je finisse, il sera sûrement de retour. La vérité est que je n’ai plus tellement envie de le rejoindre. Je veux profiter un peu plus de ma liberté, de Paul, avant son retour et celui de ma mère. Je sens une légère déception dans sa voix et me presse de lui recommander de prolonger son séjour comme prévu, qu’il en profite pour tout visiter et lui fais promettre qu’on y retournerait ensemble un jour. C’est la première fois que je lui mens de la sorte mais j’ai besoin de plus de temps loin de lui. Je retourne me coucher aussitôt le combiné posé et dors jusqu’à midi. Au réveil, je réalise que je suis en train de rater une journée de cours et que Mariatou n’est pas là. La peur au ventre je me rue dans la cuisine, j’avais laissé l’eau sur le feu. À la place, c’est une tasse de café froid qui m’attend. Je pousse un gros soupir de soulagement. Je n’ose pas imaginer l’horreur si Mariatou n’avait pas été là. Je frémis rien que d’y penser. J’ouvre les fenêtres et laisse l’air frais pénétrer l’appartement. Je me jette sur le canapé et regarde autour de moi. Je connais cet appartement où j’ai grandi par cœur. Je sais exactement où situer chaque objet les yeux fermés. Je pousse un petit soupir, me lève et traîne les pieds jusqu’à la salle de bains. Je me débarbouille vite fait le visage ensuite je descends à la boulangerie me prendre des croissants aux amandes, mes préférés, et retourne à la maison. Mes pensées vaguent de Marc à Paul, de Paul à Marc. Voilà deux jeunes hommes aux antipodes l’un de l’autre, jusque dans leur couleur de peau, et pourtant je n’arrive pas à me décider vers lequel je veux me tourner. Je les veux tous les deux dans ma vie, bien que je sache que c’est impossible. Je n’ai jamais connu un autre garçon que Marc et l’idée qu’un jour je puisse être attirée par un autre que lui ne m’avait jamais traversé l’esprit, jusqu’à aujourd’hui. Je sens que Mariatou ne veut pas influencer mon jugement. Bien qu’elle apprécie énormément Marc, cela lui serait égal avec qui je finis ma vie, tant que c’est mon choix. Je sais que lorsqu’elle vivait encore chez ses parents, des hommes ne cessaient de venir lui demander sa main et à chaque fois c’était un problème parce qu’elle se montrait malpolie. Même si ses parents ne l’ont jamais forcée à accepter une quelconque proposition de mariage, il y a quand même eu quelques prétendants qu’ils auraient voulu avoir en tant que gendres, si seulement leur fille n’était pas aussi difficile. À force de vouloir l’élever à l’occidentale, ils en payaient le prix, se disaient-ils, ne pouvant se soustraire aux commentaires et regards accusateurs de leurs compatriotes. J’ai envie de retrouver Paul mais n’ai pas idée de l’endroit où il habite. Je passe la journée à la maison, à attendre le retour de Mariatou qui n’arrive pas. Alors je me tourne vers mes cours et pendant que je révise, j’arrive à oublier ce qui me préoccupait quelques minutes plus tôt.


Les deux mois s’écoulent rapidement. J’ai l’occasion de présenter Paul à Mariatou. Au début je ne suis pas certaine de vouloir le faire mais il est important pour moi qu’ils se connaissent. J’en parle à ma belle-sœur Geneviève, la première à me trouver plus épanouie que d’habitude. Je lui fais promettre de ne rien dire à mon frère, de peur de voir ma mère débarquer le lendemain. Elle me promet de ne rien lui dire, à condition que je la tienne au courant du dénouement de la situation.


– Surtout ne fais rien d’irréfléchi, finit-elle par me dire.


Nous sommes dans la cuisine lorsque Paul aborde le sujet. Je suis en train de préparer un plat de pâtes lorsqu’il me dit :


– Je me vois bien vivre avec toi.


Je me retourne et lui sourit. Son regard est fixe ; je ne peux pas dire s’il attend une réponse ou non ou s’il a dit ça comme ça ! En rentrant des cours, je suis tombée sur lui qui m’attendait en bas de l’immeuble. Il passe parfois à l’improviste, sans prévenir, et souvent à des heures improbables. Cette fois-ci il est à peine trois heures de l’après-midi et je meurs de faim.


– Et si on se mariait cet été ?


On est début mai, Marc est censé être de retour dans trois semaines. Je ne réponds pas mais continue de lui sourire. Comment lui expliquer que je suis déjà « mariée » ? Va-t-il comprendre ? Et surtout comment va-t-il réagir ? Avec Marc, dès que l’on a commencé à se fréquenter et que nos deux familles ont été mises au courant, la suite allait de soi. Il me regarde manger en silence. Pas une minute ne s’écoule que la porte s’ouvre et Mariatou fait son entrée. Elle approche une chaise, prend une fourchette et se met à manger dans mon assiette. La présence de Paul ne la dérange pas, elle se met à nous raconter sa journée. Elle a ce naturel que je lui envie parfois, ce côté « je-m’en-foutiste » que je ne connais pas. Ce serait moi, je me serais d’abord assurée que je ne dérangeais pas avant de me poser. Elle vient d’être embauchée dans un nouveau restaurant et pense que le patron trompe sa femme avec une des clientes. On l’écoute dans un silence ponctué de petits rires. Une fois qu’elle a fini de manger, elle se lève et va dans la chambre. Je finis de débarrasser lorsque Paul se lève à son tour. Je le regarde avec un air ébahi lorsqu’il me dit qu’il va à un concert avec son colocataire. Je sens la colère monter en moi. Comment cela il doit partir ? Il me parle mariage et deux secondes après il s’apprête à partir comme si de rien n’était ? Alors, sans réfléchir, je me jette sur lui et l’embrasse. D’abord surpris, il finit par me rendre mon baiser. Un scénario auquel on a rêvé tous les deux sans jamais y croire. Il me serre fort dans ses bras, balbutie quelques mots et avant que j’aie le temps de dire quoi que ce soit, il est parti. Des larmes me viennent aux yeux. Je les essuie d’un coup de main et vais rejoindre Mariatou dans la chambre. Elle est assise sur le lit, son téléphone portable dans une main. En voyant ma tête, elle se redresse et vient vers moi. Elle pousse les vêtements qui traînent sur le lit et me force à m’asseoir à côté d’elle.


– Il m’a demandé de l’épouser, dis-je d’un air penaud.

– Et… ?

– Comment ça « et » ? Cela veut dire quoi « et » ?

– Ben, oui, Paul je veux bien t’épouser, non Paul je ne peux pas parce que je suis déjà fiancée à un autre.

– Tu trouves ça drôle hein ? Cela doit bien te faire rire. La pauvre L., toute retournée parce qu’un garçon autre que son fiancé s’intéresse à elle.

– Non, cela ne m’amuse pas du tout. J’aime beaucoup Marc et je pense vraiment que c’est le mec idéal pour toi, mais depuis que tu as fait la connaissance de Paul, disons que tu es différente.

– Différente ? Comment ça différente ? je m’écrie, prise d’épouvante.


Je me rappelle les paroles de ma belle-sœur qui m’a trouvée plus épanouie. Et si tout le monde le savait ? Je m’imagine que tout le monde est au courant, ma mère, Marc !


– Ne le prends pas mal, et arrête de t’agiter comme ça. Ce que je veux dire par là, c’est que tu as l’air plus épanouie, plus sûre de toi. Il y a quelque chose de changé chez toi, et quand on te connaît, on ne peut pas manquer de le voir.

– Qu’est-ce que je vais devenir ? dis-je en m’effondrant sur le lit.

– Si j’étais toi, me dit Mariatou, j’épouserais Marc comme prévu et prendrais Paul comme amant.


Je lui donne un grand coup dans les côtes qui la fait se plier en deux. Je sais qu’elle le pense, pire, que si elle avait été à ma place, c’est exactement ce qu’elle aurait fait.


– Voilà ce que ça donne quand on donne son avis. Et puis quel mec demande une fille en mariage alors qu’ils se connaissent à peine, dit-elle en s’éloignant.


Je reçois un texto de Paul le lendemain matin assez tôt. Il prend le train pour rentrer chez ses parents, une urgence. Il compte rentrer en fin de semaine, samedi ou dimanche. On est mardi soir. Cinq jours sans lui ; ça va être long. Après je n’aurai plus beaucoup de temps à passer avec lui avant que Marc rentre. Il me renvoie un deuxième texto me demandant si je veux le rejoindre. Pendant quelques secondes, je me mets à songer à ce que je pourrai emporter, mais dois me raviser. Je dois vite me rendre à l’évidence ; je ne peux simplement pas ! Je prétends des partiels, honteuse de devoir lui avouer que je ne peux pas partir sur un coup de tête sans d’abord prévenir mes frères, et Marc. Je regarde Mariatou qui se prépare à aller en cours et pour la première fois comprends ses choix de vie et lui envie sa liberté. Elle ne se serait pas posé de question, elle aurait sauté sur l’occasion et aurait géré les conséquences après. Moi je gère les conséquences avant même qu’elles se présentent. Je réalise aussi que ma famille a toujours su où je suis et ce que je fais. J’ai toujours mis un point d’honneur à les laisser connaître mes faits et gestes, pour les rassurer, pour que ma mère n’ait pas à s’inquiéter. J’étais la fille idéale, celle que toutes les mères rêvaient d’avoir, celle qui ne pose jamais de problème, celle que l’on voit venir à des kilomètres, la fille prévisible et invisible à la fois. Sans le vouloir, je me suis moi-même enfermée dans une sorte de prison où il m’est psychologiquement impossible d’en sortir. Il m’est difficile, voire impossible de mentir à ma famille sans me sentir coupable d’avoir enfreint la loi. Quelle loi ? Celle que je me suis fixée moi-même. À vingt-quatre ans, j’ai soudain l’impression d’en avoir à nouveau quinze. Je sais que mes frères attendent impatiemment le jour de mon mariage pour se départir de toute responsabilité envers moi. Passer de leur coupe sous celle de Marc ne m’a jamais perturbée jusqu’à présent. Je sens un sentiment de haine et de colère monter en moi. J’en veux à Marc pour nos fiançailles, à ma mère pour m’avoir mis en tête toutes ces idées préconçues concernant l’éducation d’une fille bien, m’aurait-elle moins aimée si je m’étais rebellée ? Je songe à mes frères qui ont accepté de jouer le rôle du père qui nous a abandonnés et à ce dernier d’être parti tout simplement. J’en veux à Mariatou d’être aussi libre qu’elle l’est. On a reçu pratiquement la même éducation, pourquoi a-t-il fallu qu’elle rejette cette partie de nous que j’ai décidé d’embrasser ? Mais surtout je m’en veux à moi-même de ne pas être capable de prendre une décision, de ne pas savoir ce que je veux exactement. Mariatou s’approche et s’agenouille près de moi. Je n’ai pas réalisé les larmes qui ruissellent comme des perles sur mes joues.


– Si tu veux, je t’accompagne, me dit-elle d’une voix si douce que j’éclate en sanglots.


Je pleure si fort que mon corps entier tremblote. Mariatou se lève et disparaît. Quelques minutes plus tard, elle revient avec des tablettes de chocolat et des croissants aux amandes. Je me penche sur son épaule et continue de pleurer en silence.


– Si tu savais combien je te déteste, lui dis-je, combien je déteste le monde entier.


Elle ne dit rien. M’a-t-elle au moins entendue ? Je la laisse décrocher lorsque Marc appelle, je ne sais pas ce qu’elle lui dit, mais je l’entends rire au téléphone. Je reçois un texto de Paul qui me dit qu’il trouve cela dommage que je ne puisse pas le rejoindre mais qu’en même temps il comprend. Il me promet de s’y prendre plus tôt la fois prochaine. Je souris entre deux larmes en lisant le texto. Sauf qu’il n’y a jamais eu de prochaine fois. Arrivé vendredi soir, je reçois un nouveau texto m’annonçant qu’il prolonge son séjour de trois jours, sauf qu’entre-temps Marc a avancé son retour d’une semaine, mais cela je ne le sais pas encore.


On est jeudi soir. Paul est rentré la veille et il est censé m’appeler pour me dire à quelle heure il compte passer. Je suis au cinéma avec une vieille copine et à la sortie on s’arrête manger quelque chose sur la route. Mariatou s’est trouvé un nouveau copain et m’a appelée pour me prévenir qu’elle ne comptait pas rentrer de la soirée. Son séjour chez moi arrive à sa fin de toutes les façons, avec le retour imminent de ma mère et surtout celui de Marc. J’essaye néanmoins de ne pas rentrer trop tard, de peur de rater Paul. Il m’a manqué et je suis contente à l’idée de le revoir. J’essaye d’imaginer des scénarios de nos retrouvailles. Va-t-il me faire la bise ? M’embrasser ? Il m’a laissé entendre au téléphone qu’il me ramenait un petit cadeau qu’il voulait me donner dès son arrivée. Il est vingt heures lorsque je rentre chez moi. En mettant la clé dans la serrure, je réalise que la porte n’est pas verrouillée. Il y a de la lumière dans le salon et j’entends l’eau couler dans la baignoire. Je souris à l’idée que Mariatou est rentrée plus tôt que prévu ; son rendez-vous amoureux a dû mal se passer, à moins qu’elle ne soit rentrée se changer pour ressortir juste après. Je me dirige vers la salle de bains et ouvre la porte. Mon sang se fige lorsque j’aperçois la silhouette d’un homme se dessiner derrière le rideau de bain. Je suis sur le point de crier lorsque l’homme arrête la douche et se penche pour prendre une serviette de bain : Marc ! Je suis un peu désorientée, je n’ose pas bouger, encore sous l’effet du choc.


– Alors, s’écrie-t-il, ruisselant d’eau. Moi qui voulais te surprendre, on peut dire que j’ai réussi. Ceci dit, tu verrais ta tête, on dirait que tu as vu un revenant.


Il me soulève de terre, me rappelant à quel point il n’est plus le jeune garçon dont j’ai fait connaissance quelques années auparavant, et m’embrasse en pleine bouche.


– Dieu que tu m’as manqué. C’était bien mais trop long sans toi, dit-il en fourrant sa tête dans mon cou.


Je finis par me ressaisir et l’entoure à mon tour de mes bras. Je ressens une joie douce-amère m’envahir. Mes yeux me piquent. Je lui reproche d’une part de m’avoir fait peur et d’autre part de ne pas m’avoir prévenue de son retour. Il a prévenu mes frères, finit-il par avouer. Je lui demande s’il voulait que je lui prépare quelque chose à manger. Il n’a pas faim, me dit-il. Je lui suggère alors de déballer ses bagages pendant qu’à mon tour je prends une douche rapide. Il dit avoir une meilleure idée, en reprendre une avec moi. Je le repousse gentiment, je n’en ai pas pour longtemps. Dès qu’il sort, je me rue sur la mousse à raser et cherche fébrilement un nouveau rasoir que je passe sur mes jambes, maillot, aisselles, tout y passe. En arrêtant l’eau de la douche, une pensée me traverse l’esprit et je pousse un petit cri intérieur : « Paul ! »


Je m’enroule dans une serviette et me précipite sur mon téléphone portable qui est resté dans ma veste qui traîne par terre avec le reste de mes vêtements. Ouf, il n’a pas appelé. J’augmente le volume du téléphone et rajoute un « e » à son nom. C’est à ce moment précis que Marc revient et m’entraîne dans la chambre. Je me lève au milieu de la nuit pour vérifier s’il a appelé. Non, pas de coup de fil. J’envoie un texto rapide à Mariatou pour la mettre au courant de la situation et retourne me coucher. Je m’attends à son coup de fil le lendemain pour s’excuser de ne pas être passé comme prévu. Rien. Alors je décide de lui envoyer un texto pour savoir s’il est de retour mais pas de réponse, c’est silence total. Deux jours plus tard, je recherche le numéro de ses parents dans les pages blanches. Je découvre avec stupéfaction qu’ils sont des centaines à porter son nom de famille. Je réduis ma recherche à sa ville. Là aussi je suis surprise de constater qu’il y a au moins dix personnes portant son nom. Heureusement pour moi l’une d’elles s’avère être sa sœur qui m’assure que Paul est bien de retour à Paris. Je décide de passer chez lui et suis accueillie par son colocataire qui m’annonce qu’il vient de déménager. Je ne demande pas sa nouvelle adresse. Peut-être le fait de passer quelques jours loin de moi a servi à lui ouvrir les yeux. Sans doute s’est-il rendu compte que finalement tout ceci ne menait à rien ? Je ravale mes larmes. En rentrant je tombe sur un message de Marc. La boîte pour laquelle il a fait son dernier stage veut l’engager : six mois plus tard, on va pouvoir se marier dans les règles de l’art.



Je suis en train de plier le linge lorsque l’on frappe à la porte. C’est Mariatou qui m’apporte des croissants.


– Comment te sens-tu ? me demande-t-elle en posant son regard sur mon ventre.

– Grosse, je lui réponds en souriant.

– Alors ça bouge là-dedans ? Combien de temps déjà avant que je devienne tata ?

– Plus que deux mois à patienter !

– Tu vas tenir jusque-là ?

– Comme si j’avais le choix ! dis-je en riant.

– J’en sais rien moi, me dit-elle d’un air perplexe.


Je suis enceinte de sept mois et mariée depuis deux ans. Je pose deux verres sur la table et sors du jus de mangue du réfrigérateur. J’en verse dans les verres et pousse un des verres vers Mariatou.


– Sinon que qu’est-ce que tu racontes de beau ? je lui demande en avalant mon jus d’un trait.

– La même chose qu’hier, ou presque, me dit-elle en me tendant son verre que j’avale également d’un trait.

– Presque ? Ça va ? je lui demande en me resservant un verre de jus de mangue que je mélange à du jus d’orange.

– Oh moi ça va très bien. C’est juste que j’ai fait une drôle de rencontre hier soir.

– Tout va bien avec…


Je n’ai pas le temps de finir ma phrase.


– Tout va super avec lui. Deux ans que ça dure, je touche du bois, dit-elle en tapant sur la table.

– Alors c’est quoi ?


Je scrute son visage, essayant d’y trouver un indice.


– Ben, disons qu’hier, je suis allée voir une pièce de théâtre amateur mais dont apparemment tout le monde dit du grand bien.


Je l’écoute en silence, ne voyant pas où elle veut en venir. Son fiancé est un amateur de pièces de théâtre et d’art en général et ne manque jamais une occasion de la traîner avec elle. Elle l’a rencontré peu avant le retour de Marc et depuis tous deux filent le parfait amour. Un Américain expatrié à Paris dont le contrat s’était terminé quelques mois plus tôt. Depuis il faisait des allers-retours entre les États-Unis et la France, Mariatou ayant décidé qu’elle n’irait nulle part tant que je n’aurai pas accouché. Elle marque une pause, semblant chercher ses mots.


– Et… !? lui dis-je, l’air de dire « c’est tout ? »

– Et imagine-toi que je connaissais le personnage principal.


Elle marque une pause avant d’enchaîner :


– C’était Paul.


Un silence lourd tombe dans la pièce. Mariatou continue son récit :


– À la fin de la pièce, je l’ai attendu à la sortie. Imagine sa surprise quand il m’a reconnue. Il m’a invitée à me joindre aux artistes, ils allaient boire un verre dans le bistro d’en face. Et c’est là, entre deux bières, qu’il m’a raconté ce qu’il s’était passé ce fameux soir à partir duquel il n’a plus donné de news.


Des souvenirs pas si lointains que ça. Pendant des mois je m’étais interrogée sur ce qui l’avait poussé à couper les ponts, ses motifs exacts. Par la suite je m’étais fait une raison, puis les événements s’étaient enchaînés au point où j’avais fini par ne plus y accorder de l’importance.


– D’après lui il était censé t’appeler à son arrivée à la gare, sauf qu’il n’avait pas de réception, son portable ne captait pas ou captait mal. Il avait donc pris le métro en se disant qu’il t’appellerait en arrivant mais dans son enthousiasme, il avait voulu te faire la surprise. En arrivant en bas, il avait vu la lumière chez toi, et comme quelqu’un sortait de l’immeuble juste à ce moment-là, il était monté spontanément. Il savait que ta mère ne rentrait pas avant encore plusieurs semaines, et avait pensé que dans le pire des cas, si ce n’était pas toi, ce serait moi, donc il allait attendre ton retour. Sans compter qu’il t’avait ramené un cadeau et voulait vraiment t’en faire la surprise. Alors imagine la sienne, surprise, lorsqu’en frappant, ce fut un homme torse nu, recouvert d’une serviette autour de la taille qui lui ouvrit la porte. Il n’avait pas besoin d’être voyant pour comprendre. Il avait prétendu s’être trompé de porte et était reparti. Il n’a su que bien plus tard que tu avais appelé chez sa sœur et que tu étais passée voir son coloc. Si tu te demandais toujours pourquoi il avait disparu dans la nature, maintenant tu sais pourquoi.


Je prends la main de Mariatou et la pose sur mon ventre. Elle pousse un cri de joie en sentant le bébé bouger.


– Les choses sont mieux comme ça, lui dis-je.


Elle me regarde droit dans les yeux, je ne détourne pas mon regard. Je souris. Je suis heureuse. Je vais être maman, voilà ce que mon sourire signifie, le reste compte peu dorénavant. Elle sourit aussi, elle comprend. Toutes les deux savons que Marc n’a pas besoin de savoir. Je sais que ce n’est ni elle, ni ma belle-sœur Geneviève qui lui diront quoi que ce soit. Bientôt elle s’en ira vivre à l’autre bout du monde. C’est quelque chose dont on ne parle pas beaucoup. Mais Marc m’a déjà laissé entendre qu’avec sa formation, il pourrait facilement trouver du travail là-bas. J’y songe. Avec ma mère retournée vivre en Afrique, mes amies que je vois de moins en moins parce que c’est fini la vie d’étudiantes, mes frères qui ont leur vie, en dehors de mon mari, Mariatou est l’autre seule présence constante dans ma vie. Et puis, il est peut-être temps que je m’aventure hors de cet appart où j’ai grandi.


 
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   Anonyme   
16/7/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien aimé cette histoire qui prend la narratrice à un moment où les choses pourraient peut-être basculer mais finalement ne le font pas ; c'est bien vu, je trouve, qu'il n'y ait pas de drame, pas de réel regret non plus : la vie coule, c'est comme ça. Ce côté fataliste du texte m'a bien plu. Je trouve vraiment intéressante la manière dont la narratrice trouve son chemin entre tradition qu'elle ressent parfois comme écrasante mais dont elle ne s'arrange pas si mal, et modernité encadrée.

Cela dit, j'ai trouvé le début du texte laborieux parce que la situation est mine de rien complexe à poser pour que le lecteur saisisse bien tous les enjeux ; j'ai eu l'impression que vous essayiez de caser le plus vite possible toutes les informations pertinentes, et par moments j'ai eu une impression de saturation.

Mais, dans l'ensemble, l'histoire m'a plu, je l'ai trouvée bien amenée et bien clôturée.

   jaimme   
6/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Une histoire que j'ai lue avec un réel plaisir. C'est bien écrit et l'histoire est tout à fait crédible. Le personnage central est vivant, le ton est juste.
Cette jeune femme équilibre autant qu'elle le peut ses deux cultures et n'est pas malheureuse pour autant. C'est du moins ce qu'elle affirme, au lecteur de faire le reste. L'amour qu'elle porte à sa famille, aux siens, à son amie sont autant d'indices délicatement posés.
L'accélération du rythme temporel est bienvenu à la fin. Seul reproche, mais ce n'est que mon goût, le personnage de Paul, tout autant que celui de Marc d'ailleurs, n'est pas assez décrit, pas assez incarné.
Une belle lecture! Bonne continuation.

   Marite   
13/8/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Très longue nouvelle avec une multitude de choses intéressantes qui m’amènent à penser qu’il y a là, suffisamment de matière pour servir de base à la trame d’un roman.
Les quelques maladresses ou incorrections dans le style ne sont pas un problème insurmontable et pourraient facilement être corrigées pour que le style soit plus fluide.
La première des choses à faire, à mon avis, serait de découper l’ensemble en plusieurs parties. Je crois aussi qu’il s’agit là d’un premier jet d’écriture et que l’auteur, ayant le souci de ne rien laisser de côté dans son histoire, égare parfois le lecteur. On commence dans une direction et en chemin on se retrouve dans les détails d’une autre situation avant de revenir à celle d’origine. J’encourage l’auteur à reconsidérer l’ensemble dans l’optique précisée ci-dessus. Ceci est bien entendu très subjectif.

   Anonyme   
16/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour à toi TAOU,
Je trouve ce texte très expressif, je ne saurais dire pourquoi mais il y a quelque chose dans ton style TAOU, qui me laisse perplexe, cependant, l'histoire est plutôt interressante. Je mettrais juste un petit bémole pour le manque d'originalité mais bon, l'art du roman sentimental est dur à maîtriser. Un petit conseil, rend l'histoire plus dramatique pour sensibiliser le publique. Sinon très beau style, développe le!
Amicalement,
Erelios

   Boulingrin   
20/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Voilà une nouvelle consistante qui tient au corps, à l'image de cette cuisine dont il est question dans le texte ! J'ai trouvé le style fluide, naturel, agréable. L'ambivalence des sentiments de l'héroïne est bien rendue. Le tout se lit d'un trait, presque sans effort.

Mon regret est peut-être que le récit soit un peu trop "factuel", qu'il s'attache davantage à décrire des situations (d'assez belle manière cela dit) qu'à vraiment creuser dans l'intimité de l'héroïne. A l'arrivée je garde donc l'impression d'une belle histoire, mais racontée avec un tout petit peu trop de froideur, de distance. A titre personnel, j'aurais aimé par exemple que les relations de l'héroïne avec sa famille soient traitées plus en profondeur d'autant qu'elles semblent avoir beaucoup d'importance dans sa vie, et qu'elles expliquent en partie son comportement en amour.

J'ai passé un agréable moment de lecture, et je ne peux que vous encourager à continuer, surtout ce format : la nouvelle est longue par rapport aux autres publications sur Oniris, mais elle n'en reste pas moins une nouvelle et c'est à mon sens sur cette longueur que l'on creuse le mieux des histoires comme celle que vous avez écrite. Je lirai vos autres travaux avec plaisir.

   Aurelia   
3/10/2012
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé cette nouvelle qui nous plonge dans une culture différente, ça change. J'ai bien aimé le style aussi, ce texte se lit tout seul. Il n'y a que la fin que j'ai un peu moins appréciée car je trouve dommage que le questionnement que cette rencontre a fait naître chez le personnage n'ait finalement rien changé, comme si cette rencontre n'avait servi à rien.


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