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Fantastique/Merveilleux
thierry : La réapparition
 Publié le 21/04/19  -  8 commentaires  -  3374 caractères  -  115 lectures    Autres textes du même auteur

Un gouvernement interdit la lettre E.


La réapparition


(Pour l’ami George)

En ces temps reculés, le gouvernement d’Ubris, petit état coincé entre la Moldavie et la mer, prit une décision inattendue et radicale : interdire la lettre E.


Vladimir Perec, chef d’État autocrate mais contesté, justifia ainsi la mesure dont il était personnellement à l’origine : « Oui ! Nous avons choisi la loi qu’il faut pour la nation. Ainsi, nous avons compris l’urg… » lorsqu’il fut abattu devant les caméras qui diffusaient l’allocution. Face à la panique, son fils, Donald Perec, prit le pouvoir et, résolu qu’il était à garder la tête froide devant les esprits échauffés, maintint la décision de son père. À son tour, il dit, mais à la radio cette fois : « Continuons, avançons, nous irons au bout ! Soyons purs, soyons sains, nous vaincrons ! ».

On comprit dès lors que non seulement il était interdit d’imprimer la lettre E mais encore que sa prononciation rendait coupable son locuteur d’une peine de prison d’un, trois, cinq, six, huit ou dix ans. Pour les récidivistes, dix-huit ans étaient prévus.

Les journaux essayèrent bien quelques numéros, mais la rédaction d’un article prenant plusieurs jours n’avait plus d’intérêt, la radio ne diffusa plus que de la musique classique, du jazz, de l’électro, mais pas de chanson, pas d’opéra ni de rap. On ne voyait plus que du sport à la télévision, sans qu’il soit toujours fait mention des pays d’origine : pas de concurrents espagnols, ni des États-Unis, ni russes. Il n’y avait que des Chinois, des Français et des Anglais. Les écoliers n’avaient plus le droit d’hésiter, les « euh » étant considérés comme une évidente rébellion. Les commerçants trouvaient quant à eux toujours un moyen de s’arranger : on achetait de la « salad » des « carotts » ou des « poms de tr » en bénéficiant toujours de « promos flashs » et de « points Whaouh ! ». L’euro étant désormais banni, on ne pouvait payer qu’en dollar ou en yuan chinois, ce qui était peu commode. Sur le plan diplomatique, les choses n’étaient pas simples non plus. On put accueillir Trump, Xi Jinping et Macron, mais pas Elisabeth d’E. On alla en Angola, au Pakistan et au Japon mais pas en Éthiopie.

Quelques malins défilaient sous les fenêtres de Perec (qui se faisait depuis appeler Donald Prc) avec des panneaux « Pourquoi ? » qu’ils agitaient jusqu’à une charge de la Poliz mais les gens finirent par comprendre que le mieux restait de ne rien dire et de ne rien écrire. De ce fait, on arrêta de penser. Et sans pensées, sans réflexions, il devient impossible de produire. Les Ubrisiens devinrent donc très vite oisifs et apathiques. Or, il n’est rien de plus fatiguant que de ne rien faire. Les usines étaient vides, les rues désertées, les bureaux silencieux. Le pays était en panne, les gens épuisés.

Ce sont les muets qui renversèrent Perec. « La majorité des E sont comme nous » était leur slogan. Le langage des signes avait échappé à l’autorité et de même qu’au royaume des aveugles les borgnes sont rois, au pays où le E est interdit, les muets prennent le pouvoir.

Ils permirent aux Ubrisiens de recouvrer leur liberté, notamment celle de parler pour ne rien dire, ils redonnèrent leur dignité aux habitants de ce pays qui pour leur rendre hommage prirent l’habitude de souligner tous les E muets dès qu’ils en voyaient un. Le « s’il vous plaît » n’avait jamais disparu mais on put enfin dire « merci ».


 
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   Sylvaine   
5/4/2019
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Petite nouvelle assez amusante, où les conséquences de la "disparition" obéissent à une réjouissante logique de l'absurde. Je l'aurais plutôt vue dans la catégorie "humour" que dans la catégorie "fantastique." Il me semble aussi que la conclusion est trop rapide, que l'on pourrait traiter avec plus de fantaisie et de détails la révolution initiée par les muets. De même, on aimerait savoir qui exécute Vladimir, et en vertu de quoi, puisque les peines prévues ne sont que de prison. Sur le plan formel, je n'aime pas le tour "dont il était à l'origine", qui me paraît très lourd et peut-être (ce serait à vérifier) syntaxiquement incorrect. Bref, une bonne idée, mais dont l'exploitation reste plus ou moins à l'état d'ébauche. Elle mériterait un plus long développement.

   Donaldo75   
21/4/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour thierry,

Autant le dire de suite, j'ai adoré. Je me suis revigoré les neurones avec cette nouvelle ultra-courte et rythmée, à la force satirique sans précédent dans mes lectures oniriennes, pleine de messages et pas des moindres.

Je préfère largement lire des textes aussi courts mais puissants, quitte à passer pour un lecteur feignant, aux nouvelles qui s'étirent en longueur, qui sentent le labeur de la fourmi littéraire mais ne me font pas vibrer.

Vivent les cigales !
Vive le printemps !
Joyeuses Paques !

Et rétablissons les "e" dans toute la galaxie.

Bravo !
Merci.

Donaldo

   Corto   
21/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Ah non !

"Moldavie" ainsi qu "mer" comport nt un E.

J n p ux ri n crir d'autr .

D sol .

Eh, Eh, nE riEz pas, c'Est trop sEriEux.

MErci.

   senglar   
21/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Thierry,


J'ai trouvé cette nouvelle adroite et même que vous vous en êtes plutôt bien bien sorti. Adroit le recours aux muets, adroite aussi pour finir "l'habitude de souligner tous les E muets". C'est bien écrit par quelqu'un qui sait ce qu'est l'écriture et pas désagréable à lire du tout.

Bonne diversion. Bon divertissement :)

   hersen   
21/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
je trouve l'idée excellente. c'est de l'humour, de l'absurde, du cynisme. Sans trop se casser la tête, nous pourrions bien trouver des équivalents à la mort du E dans notre monde.

J'ai vraiment aimé le retournement de situation, des muets qui développèrent, en secret, le langage des signes qui prend vie sous le manteau.

   GillesP   
22/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'idée me plait, la nouvelle est bien écrite, la chute est bonne (la révolte menée par les muets), mais je trouve l'histoire un peu trop sage pour un texte qui se fonde sur l'absurde. Par ailleurs, les clins d'œil à Perec sont trop appuyés pour moi. Mais la lecture est plaisante.
Au plaisir de vous relire.

   Bidis   
23/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Intelligence, humour et belle écriture (dans le désordre).
Quoi de plus jubilatoire pour commencer la journée. Merci.

   plumette   
25/4/2019
Bonjour Thierry

Ce texte me laisse pleine de perplexité et je me demande si je ne suis pas " résistante " à une certaine forme d'absurde.

J'avais envie de vous proposer un défi: faire disparaître les e de votre texte pour les y réintroduire peu à peu!

Vladimir et Donald, à l'origine de cette loi absurde , la charge est un peu lourde ! mais surtout cela me contrarie de voir ces figures associées à celle du génial Perec.

De même que je n'arrive pas à adhérer à l'idée qu'arrêter de penser empêche de produire... Car dans ma vision du monde, la production est souvent l'oeuvre de ceux que l'on empêche de penser.

Bon, ce petit texte qui avait pour but de nous faire sourire m'a déroutée, mais j'ai l'air d'être un peu seule à réagir ainsi, alors, je n'évalue pas.


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