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Fantastique/Merveilleux
Vilmon : Mon ange Emmylou
 Publié le 10/09/24  -  6 commentaires  -  8623 caractères  -  32 lectures    Autres textes du même auteur

Un récit d’un ton tendre et mélancolique, comme ces adorables enfants qui grandissent trop vite, comme l’amour inconditionnel pour ces adolescents qui nous exaspèrent par leur caractère, comme ces jeunes adultes qui quittent le nid, source de fierté et de soucis pour les parents. Vous n’apprécierez pas sa fin triste, son aspect vampirique de l’amour et tous ces bouts de berceuses entrecoupés de narration simple et descriptive.


Mon ange Emmylou


Au milieu de la nuit, un cauchemar vite oublié la réveille. Mais le sentiment de crainte reste et elle est tout en pleurs. Elle entend le sifflement qu’elle reconnaît, une mélodie qu’elle associe aux bras chauds, aux caresses et aux câlins de son père. En écoutant cette jolie musique s’approcher, elle calme ses cris sans pour autant sécher ses larmes qui ruissellent sur ses joues roses. Une silhouette ayant une odeur familière se penche sur elle et la soulève tendrement, délicatement. Dans cette chaleur réconfortante, elle est tout ouïe, sachant que de douces paroles lui seront bientôt chuchotées pour la rassurer. La voix grave vibre dans le torse contre lequel elle se love, la bouche et les yeux grands ouverts, elle s’offre, tout attentive à la berceuse.


Blue, blue, are your eyes so blue?

Blue, blue, angel Emmylou.

True, true, are your blues so true?

True, true, angel Emmylou.

You, you, take my smile with you,

You’re my angel Emmylou.


Fou, fou, tes rêv’ sont-ils fous ?

Fou, fou, mon ange Emmylou.

Doux, doux, tu fais les yeux doux,

Doux, doux, mon ange Emmylou.

Tout, tout, pour toi j’offre tout,

Tout doux, mon ange Emmylou.


Son père lui tend le petit doigt qu’elle suce avidement comme si c’était son biberon. Avec un léger sourire, sa main appuyée affectueusement sur le cœur de son père, elle se rendort après la cinquième envolée de la berceuse. Il la dépose doucement dans son berceau et flatte légèrement sa fine chevelure. Il l’observe et ses pensées s’envolent très loin dans un futur imaginaire. Il la voit faire ses premiers pas, courir pour l’envol d’un cerf-volant, faire une ronde en riant avec d’autres enfants, poursuivre et réussir ses études, aimer plusieurs beaux garçons et en marier un qui saura la rendre heureuse. Un mari qui pourra prendre sa place quand il ne pourra plus être auprès d’elle. Et comme à toutes ces occasions, il n’aperçoit pas la cicatrice au bout de son doigt.


En l’observant grandir, son père ajoute de nouveaux couplets à la berceuse.


Flew, flew, how the time just flew,

You flew angel Emmylou.

Blue, blue, why are you so blue?

Mock blue angel Emmylou.

Drew, drew, boys are drew to you,

Drew to angel Emmylou.


Roux, roux, tes cheveux sont roux,

Tout roux, mon ange Emmylou.

Chouchou, tu fais des jaloux,

Bisous, mon ange Emmylou.

Joujou, à quel jeu tu joues ?

Voyou, mon ange Emmylou.


Le temps file, le bébé devient une enfant qui se faufile à quatre pattes.


À trois ans, la rousse fillette demande sans cesse d'être portée dans les bras de son père. À ces occasions, elle appuie sa tête contre lui et applique sa bouche contre son épaule. Elle le mord tendrement au raz du col et lui suce quelques gouttes de sang. Chaque fois, la douce morsure se cicatrise rapidement, cachée sous le collet du gilet. Après consultation, les médecins disent qu’elle a une propension pour l’agression mignonne, un problème psychologique qui devrait disparaître avec l’âge. Ils observent aussi un complexe d’Électre puisqu’elle éprouve un énorme attachement pour son père.


Les feuilles du calendrier s’envolent, la fille à quatre pattes se promène maintenant sur deux pieds.


À cinq ans, elle n’a de l’affection que pour son père, aucune pour sa mère, ce qui envenime la situation familiale déjà précaire. Le drame se conclut par une demande de divorce par la mère. Inexplicablement, cette petite fille la révulse, créant en elle un désordre psychique et une détresse sentimentale. L’enfant est des plus heureuses, elle s’approprie à elle seule toute l’attention de l’homme, le mordillant à l’occasion pour se délecter de cet amour inconditionnel. Elle sait user de ses charmes pour lui faire oublier ses petites agressions sanguinaires.


Les années passent, la fillette devient une enfant qui court et qui s’amuse avec les autres.


À huit ans, elle découvre son attrait pour les garçons, bien qu’elle préfère de loin son père. Elle joue souvent à cache-cache avec eux. Ils semblent tous adorer ses longs cheveux roux qui volent au vent. Lorsqu’elle retrouve l’un d’eux, elle chuchote à son oreille en lui mordillant le pavillon, aspirant le sang qui y perle. Aucun ne s’en plaint, trop heureux de lui plaire et partager ses rires. Avec ceux-ci, elle aiguise ses ruses, son charme et son pouvoir hypnotique.


Le temps s’envole, l’enfant devient une attirante adolescente au caractère sauvage.


À seize ans, elle s’adonne à d’étranges passe-temps en solitaire. Souvent, elle se prélasse sur un banc dans le parc près du lycée et regarde les garçons passer. Lorsque l’un d’eux lui plaît, elle fait la moue et laisse couler quelques larmes. Chaque fois, inéluctablement, il s’approche pour la consoler et pour la cajoler. Après un échange courtois, elle lui embrasse la main pour le remercier. Un baiser en toute innocence qui se prolonge et qui laisse une petite cicatrice sur la main du garçon. Elle le quitte avec la promesse de le revoir et une tache rosée à la commissure de ses lèvres. Elle apprend à taire les témoins en les toisant du regard avec hostilité et ceux-ci s’éloignent en oubliant la scène.


Son père lui chante la berceuse chaque fois qu’elle le lui demande, l’adaptant pour la jeune adulte qu’elle est devenue.


Woe, woe, are your griefs so through?

Boohoo, angel Emmylou.

Woo, woo, men are courting you,

Bedding angel Emmylou.

Two, two, want to be with you,

Two with angel Emmylou.


Moue, moue, ne fais pas cet’ moue,

Souris mon ange Emmylou.

Froufrou, ta robe les rend fou,

Tabou, mon ange Emmylou.

Vaudou, tu vol’ et prends tout,

Courroux, mon ange Emmylou.


Le sablier s’égrène, l’adolescente devient une charmante jeune femme exigeante.


À vingt ans, pour ses copains à l’université, elle s’amuse à lire les lignes de la main en échange d’une petite incision au bout d’un de leurs doigts. Elle lèche leur sang et explique qu’ainsi elle peut prédire leur avenir qu’elle invente de toutes pièces. Fascinés par son imaginaire et attirés par son charisme, ils reviennent jour après jour pour s’enquérir de leur destin.


L’eau de la rivière s’écoule, la jeune adulte devient une dame séduisante et autoritaire.


À vingt-cinq ans, elle est une femme émancipée et autonome. Montée sur talons aiguilles, elle fait tourner la tête des hommes et les embrase avec ses habillements décolletés. Ils tombent aisément sous son charme charnel. Elle s’attire les regards jaloux des autres femmes auxquels elle riposte avec un sourire de conquérante. L’homme qu’elle emporte dans son lit se réveille tout épuisé le lendemain, son corps parcouru de morsures cicatrisées.


La Terre tourne, cependant, elle ne semble prendre aucune ride.


À cinquante ans, son visage lisse et son corps athlétique cachent bien son âge. Elle séduit les jeunes hommes et immanquablement, l’un d’eux lui propose le mariage. Comme les perles à son collier, elle accumule les unions et tous ses conjoints meurent après quelques saisons. Elle rend visite à son vénérable père régulièrement. Elle est aux petits soins en sa compagnie, le couvrant d’attention tout comme il l’avait fait pour elle. Il est cependant inconsolable : il souhaite tant que l’un de ces amants puisse le remplacer pour guider son ange avant qu’il ne la quitte pour toujours. À chacune de ces visites, il lui chante la berceuse et elle lui prend une goutte de son sang, de son amour.


Les saisons se succèdent, la femme mûre est accablée, la mort rôde près de celui qu’elle aime.


En ce jour gris et pluvieux, elle est au chevet de son père. Il approche la centaine, elle semble toujours être dans la trentaine. Il respire difficilement, son torse bombe à peine à chaque inspiration. Elle y dépose sa main et sent le faible battement de son cœur. Étrangement, elle se remémore ces fois où il venait la bercer au milieu de la nuit lorsqu’elle n’était qu’un bébé. Elle se souvient de sa main contre ce cœur qui battait si fort, si fort. Elle ne sent plus cette pulsation sous ses doigts, le torse est immobile. Une immense tristesse l’envahit, une digue qui éclate et dont les eaux emportent tout sur son passage. Elle grimpe sur le lit, se love contre lui et l’encercle de ses bras, comme autrefois, sa tête appuyée à la joue de son père. Elle pleure sans pouvoir cesser le flot, toutes ces gouttes de sang qu’elle lui a récoltées s’écoulent en larmes au creux de l’épaule de son seul et véritable amour, un amour inconditionnel. Elle y meurt desséchée comme une momie.


You, you, take my smile with you

You’re my angel Emmylou.

Tout, tout, pour toi j’offre tout,

Tout doux, mon ange Emmylou.


 
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   jeanphi   
10/9/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour Vilmon,

C'est une superbe nouvelle, douce et cruelle. Une sorte de comptine de forme allégorique, dont j'ignore si elle doit être décortiquée sous l'angle œdipien ou encore au regard des légendes scandinaves...
Une histoire courte et cependant très complète, suggestive et universelle qui justifie l'usage de l'anglais. Peut-être quelques éléments factuels pourraient-ils être modifiés afin de labeliser si j'ose dire, cet aspect universel, encore que, comme ça de mémoire, je ne vois pas lesquels.
J'ai également beaucoup apprécié l'incipit, très habité, empreint d'une tonalité intimiste, dont la longueur sert bien l'introduction de ce récit fatidique aux apparences naïves.

   papipoete   
12/9/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
bonjour Vilmon
Ce bébé à qui le père tend son pouce, qu'elle suce comme un biberon ( je l'ai tant fait avec mon bébé ), qui grandit prend des formes et affriole garçons et bientôt hommes, me fait peur à la façon d'un inceste qui pourrait se profiler... et puis non, finalement jusqu'au dernier souffle de ce papa adoré, Emmylou le chérira au point de l'accompagner, dans la mort tel Quasimodo pour son Esmeralda.
NB tout au long de cette ascension, jusque vers l'âge adulte, on se demande si ce père ne va pas devenir " l'aigle noir " face cet " angel Emmylou ".
Est-ce le voeu de l'auteur, de laisser planer cette lancinante ambiance ? malgré son côté Vampire cruel, qui se repaît de ses amants, on ne parvient pas à haïr cette " monstrous angel "
Le final qui marie pour l'éternité, le père et l'enfant dans la mort, put rajouter quelques mots ; combien de jours, de nuits lui fallut-elle pour rendre l'âme, se vidant de tout ce sang qu'elle prit à son père durant ces décennies ?
PS j'avais oublié de dire, que j'aimais beaucoup les couplets de la berceuse " blue, blue, are your eyes so blue ? " sur lesquels, je fredonnai un air...

   Malitorne   
13/9/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Ce n’est pas la joie les commentaires en ce moment, de pire en pire. Comme le Désert des Tartares, on attend mais on ne voit rien venir. À se questionner sur la pertinence de proposer ses écrits...
Bref, pour revenir à votre texte, c’est une histoire de vampire originale, plutôt captivante. On se demande comment la jeune fille va évoluer. Mais c’est là justement où ça devient décevant. De manière logique sa soif de sang aurait dû augmenter avec l’âge, or elle continue de se contenter de peu. La maturité n’entraîne pas d’appétit croissant, il y a là une incohérence. Il aurait été de bon ton de faire plus gore et d'amener le récit sur un terrain dramatique, tragique, en l’état il reste trop gentil. C’est comme le final, qu’elle absorbe en totalité son père mourant, par amour, pour le conserver en elle, aurait été bien plus fort que cette espèce de tire-larme.
Un bémol aussi sur le poème en anglais, inutile. J’ai toujours du mal avec les textes qui abusent de la langue de Shakespeare, elle nous envahit déjà suffisamment.
À part ces critiques, globalement j'ai été emporté par l'idée.

   poldutor   
14/9/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Vilmon
Pas vraiment fan de nouvelles, j'ai cependant lu la vôtre par curiosité d'abord, puis avec plaisir. J'ai bien aimé cette histoire d'amour paternel entre ce père et cette fille vampire, qui comme tout vampire ne vieillit pas tant qu'il peut s'alimenter de sang, mais son amour pour son père reste entier et sa vie s'achève en même temps que lui.
C'est bien écrit, les différentes étapes de la vie de cette femme sont bien étagées, et les berceuses sont très douces, j'ai même pu traduire celles qui étaient en anglais !
Bravo pour ce texte.
poldutor

   Vilmon   
15/9/2024
Bonjour,
Par ICI
pour les remerciements et quelques éclaircissements à propos de ce récit.
Vilmon

   Cleamolettre   
23/9/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Très joli texte ! Malgré l'aspect vampire, il fait un peu le même effet que la berceuse du papa à son ange : il berce, est doux et apaisant. Sans doute parce qu'il parle d'un amour que je connais bien en tant que femme et ancienne petite fille : celui d'un père et de sa fille. Bon, je ne lui ai jamais aspiré le sang ni ne l'ai mordu :)

J'aime bien cette idée de l'amour qui s'incarne dans la prise d'un peu de sang, que ce soit celui du père ou des hommes rencontrés dans sa vie, ce qui est clair c'est qu'elle n'aime vraiment que les hommes, ni sa mère, ni des amies filles ! C'est un parti pris, je le regrette un peu mais comme tout tourne autour du papa et que c'est lui qui venait la consoler, je peux le concevoir.

Donc voilà, j'ai bien aimé l'idée, le texte, et la lecture. Mon bémol sera pour la double berceuse, en anglais et en français, les couplets ne disent pas vraiment la même chose dans les deux langues donc il n'y a pas redondance, mais je les trouve plus jolis en anglais, et pourtant... j'aurai pas parié dessus !


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