Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Sentimental/Romanesque
Zultabix : 100 Raisons d'adorer et de haïr Jeanne Berto
 Publié le 10/10/23  -  12 commentaires  -  20552 caractères  -  175 lectures    Autres textes du même auteur

On dit que les premiers amours tiennent terriblement, par-delà les ruptures les plus cruelles. J'avais dix-neuf ans. Elle en avait seize, à peine. Elle était de ces anges qui ont le diable au corps.


100 Raisons d'adorer et de haïr Jeanne Berto


0. Jeanne Berto.


1. Avait seize ans.


2. Était poisson, oiseau de nuit.


3. Blonde comme Bardot, les cheveux parfilés d'or et gaufrés quelquefois.


4. Aussi sensuelle qu'un soleil levant, aussi poignante qu'un soleil couchant, elle adorait Huysmans.


5. Mais encore Sibelius, Jackson Pollock, Giacometti, les mini-jupes léopard, la tequila sunrise, boire des petits crèmes aux Halles, communiquer, échanger, rire, rencontrer des gens, des foules de gens.


6. Le front perlé de sueur, faisait du stop à Pigalle au sortir d'une boîte de lesbiennes, était enjouée, parfumée de folie douce avec cette note agrume délurée qui chavire les timides.


7. S’est accoudée à la vitre ouverte de ma voiture, m'a souri, laissant apparaître ses dents étincelantes dont l'une était joliment ébréchée, m’a parlé sans chichi comme si nous étions de vieilles connaissances du cosmos.


8. Ne comptait pas dormir, voulait éterniser l’ivresse, filer droit dans la nuit, m'a raccompagné chez moi à Fontenay-sous-Bois en me tenant la main sur le levier de vitesse.


9. M'a retourné d’un coup, m’a embrassé suavement, divinement bien, assez longtemps sur le seuil de mon studio.


10. A éteint la lampe que j'avais allumée pour faire glisser sa robe légère, rouge garance, sur les dalles froides de mon studio.


11. N'a pas eu besoin d'enlever une culotte.


12. N'a pas eu besoin d'ôter un soutien-gorge.


13. A guidé mes mains, a frotté ses seins lourds de velours contre ma poitrine malingre, puis a sombré à mes pieds dans un ténébreux ralenti.


14. A fait grossir mon sexe dans sa bouche inouïe de tiédeur, m'a offert le meilleur de sa tendresse et un zeste de sa sauvagerie.


15. Sur le drap miraculeux, m'a chevauché telle une Amazone, m’a fait oublier le Temps, la démence du monde, a foré soudainement dans mon cœur une source, de celles qui font reverdir les merveilles du printemps, a ensoleillé ma nuit jusqu'à l'aube.


16. M'a appris aux croissants qu'elle était d'Amiens, qu'elle avait quitté à quinze ans ses parents, sa sœur qu'elle adorait, et aussi son chat Bébert, baptisé ainsi en hommage au chat de Louis-Ferdinand Céline.


17. M'a révélé qu'elle avait débarqué à Paris pour devenir comédienne ou cinéaste ou liseuse de beaux livres chez les rupins cacochymes.


18. M'a confié qu'elle ne tombait amoureuse que de mecs brillants, qu'elle m'aimait déjà parce que j'étais doux, drôle, intelligent et qu’elle me sentait généreux.


19. M'a demandé si elle pouvait rester avec moi quelque temps, juste quelque temps, puis s'est endormie sur mon ventre en le couvrant de baisers.


20. Le lendemain, a ramené un sac en cuir fauve de je ne sais où, a rangé ses affaires dans ma petite armoire, ses rares culottes, ses mini-jupes, ses livres Folio jaunis, écornés, annotés, lus et relus, m'a préparé un ragoût qui a cramé parce que nous faisions l'amour dans le feu.


21. A commencé à prendre des cours au théâtre école de Montreuil qui avaient lieu dans un vaste établissement désaffecté.


22. M'a dit au bout de trois mois que Bertold Brecht commençait à lui ouvrir sa conscience politique, que Tchekhov lui laissait entrevoir son âme russe, mais que Molière la faisait chier parce qu’il avait plagié plein d’auteurs espagnols et italiens, m'a convaincu un soir de l'accompagner à une représentation de Lorenzaccio, juste pour voir.


23. M'a fait découvrir au fil du temps Aristophane, Goldoni, Feydeau, Labiche, Garcia Lorca, Brecht, Beckett, Ionesco, Pinter, Camus, me déclamait Antigone depuis la lunette des chiottes, rêvait de jouer Claire dans Les bonnes à l’Odéon, m'a demandé un jour de lui écrire une pièce dans laquelle elle tiendrait le rôle d'une égérie du genre humain ou d’une vampire qui inocule aux gens l’amour fou.


24. Était infiniment folâtre lorsque nous jouions aux clowns, mimions Guignol et Madelon, ou revêtions des masques de comedia dell'arte.


25. A commencé à mettre des sparadraps sur son ennui, à me demander un peu d’argent pour aller boire des bocks aux Halles l'après-midi alors que je n'étais pas bien riche, me donnait un baiser langoureux ou me montrait sa radieuse petite chatte rose pour les quelque cinq francs que je lui laissais chaque matin avant d'aller travailler comme coursier.


26. A commencé à vouloir de nouveau sortir en boîte, à tutoyer la nuit pour voir les gens sous leur vrai jour, à reprendre sa collection de numéros de téléphone, de voluptés et de vertiges.


27. Chaloupait comme une diablesse sur les pistes de danse, offrait aux sunlights sa liberté, son impudicité, valsait de la tignasse, du derrière et des hanches, excitait les puceaux et les hommes maqués, allumait tous les types, avait un franc succès.


28. S'est égarée une nuit lors d'une fête dans une vaste demeure, a commencé à me faire perdre la raison, à me faire japper comme un petit chien battu puis abandonné, à me faire découvrir le sens du mot « jalousie ».


29. N'était pas perdue pour tout le monde, était en définitive nue comme Ève sur un type à califourchon, au premier étage, dans la chambre qui servait de vestiaire, écrasé par la honte m'a forcé à m'enfuir, ivre, sonné, titubant, et à rouler sur l'autoroute avec un œil fermé, manquant plusieurs fois de percuter la glissière, au son de A Forest des Cure : I hear her voice calling my name. The sound is deep in the dark. I hear her voice, and start to run into the trees, into the trees.


30. Contre toute attente, est venue frapper à ma porte au petit matin, chavirée de larmes, de folles excuses, de contrition, et lorsque je lui ai ouvert m’est tombée dans les bras.


31. A imploré mon pardon, échevelée, tragiquement belle, puis s'est dévêtue d'un trait, m'a fait l'amour en y mettant tout son cœur sur le « Lacrimosa » du Requiem de Mozart, où les cordes débutent piano sur un rythme de bercement entrecoupé de soupirs, et où le chœur tout-puissant s’achève sur Amen.


32. Rassasiée d’orgasmes, m'a dit à la nuit tombée : « Attends, je vais t'apprendre un truc », s'est alors assise sur mon sexe pour me lécher les globes oculaires, m'a enseigné que c'était de l'oculolinctus, un jeu érotique très prisé des Japonais, m'a dit que si je suivais tous les caprices de sa libido, nous pourrions devenir les plus fabuleux amants du monde.


33. A fait de rares fois la vaisselle, a préparé de rares fois à manger, balayait rarement les dalles froides de mon studio, préférait se peindre méticuleusement les ongles de pieds, roter après boisson gazeuse, rire pour un rien, se moquer de tout, faisait des mots fléchés entre deux siestes, passait du temps aux toilettes, tirait rarement la chasse.


34. M'a fait l'amour dans la forêt de Fontainebleau, dans les catacombes, dans une casse de voitures, dans les toilettes de l'hôtel George V, m'a branlé une nuit sous la tour Eiffel, a embrassé devant moi Michel Polnareff au Privilège, s'est vantée au restaurant des Bains Douches devant moult fêtards qu'elle avait déjà mis un doigt dans le cul de Richard Anconina et qu'il avait adoré ça.


35. Lors d'une énième fête, s'est retrouvée nue dans une baignoire à remous avec une superbe femme mariée d'environ trente ans, dominait le sujet, initiait son aînée, la bouleversait, m'a demandé de refermer poliment la porte par respect pour son intimité, avec en fond sonore Message in a Bottle du groupe Police.


36. M'a prié de la prendre en photo de nuit au fond des impasses, sur les quais de Seine et encore dans le bois de Vincennes, ne portait alors que des escarpins rouges et parfois une fleur dans les cheveux.


37. A commencé à rentrer de plus en plus tard, 22 heures, 23 heures, minuit, au-delà de minuit, à plus d'heure, a commencé à me mentir, gentils mensonges et grands mensonges, puis a fini par me dire la vérité lorsque je ne la croyais plus.


38. M'a confessé un jour qu'en dehors de moi, elle voyait un mec génial qui vouait un culte au livre À rebours de Huysmans et au livre Oblomov de l'écrivain russe Gontcharov, que ce type génial cultivait comme un bien précieux son penchant à la paresse, à l'hédonisme, à la décadence, tout en faisant de nombreux allers-retours dans un hôpital psychiatrique, m’a déclaré un autre jour que l’amour sans folie ne valait pas une sardine, que rien au monde n’était plus horrible que d’aimer sans se sentir libre.


39. M'a étranglé subitement le cou une nuit alors que nous faisions l'amour comme des séraphins, devant ma stupeur a tenté de m’amadouer en me disant que l'asphyxie érotique n'était absolument pas dangereuse, qu'elle pouvait amplifier la jouissance des partenaires s'ils restaient assez lucides de la conséquence de leur acte, m'a alors appris à éjaculer au bon moment lorsque j’étais à deux doigts de perdre connaissance.


40. M'a révélé juste après que c'était le mec génial de l'HP qui lui apprenait ce genre de trucs et que cela l'envoyait directement au ciel, qu'elle ne trouvait plus aucun attrait aux bourgeoises levrettes et positions du missionnaire, a enquêté sur mes fantasmes, les a trouvés médiocres, m’a parlé d’un appartement grand standing dans le 16e où la haute s'encanaillait et partouzait à toute heure.


41. M’a supplié une autre nuit de l’étrangler en lui disant « je t’aime », et de serrer son cou plus fort, encore plus fort, et encore plus fort.


42. M'a exhorté un autre jour à me mettre debout dans la baignoire, désirait que je lui pisse sur les seins, le ventre et dans la bouche, voulait faire l’amaroli avec mon élixir doré, m’a certifié qu’il n’y avait rien de sale à ça, que le dieu indien Shiva nommait la pisse « nectar de l’immortalité », que ses effets étaient salutaires pour prévenir le cancer, que les fœtus eux-mêmes se développaient dans leur propre urine et qu’aucune mère n’en savait rien.


43. Un matin, a tendu une toile cirée sur le sol, m'a exhorté le plus sérieusement du monde à mirer son trou de balle tandis qu'elle me chierait dessus, argumenta que je devais tout goûter d'elle, soie et pourriture, devant mon effarement m'a dit que j'étais vieux jeu, coincé, pimbêche, que je ne savais pas jouir des surprises de la vie, que je n'aimais d'elle que sa part noble, alors que les porcs mangeaient tout.


44. M’a demandé si j’avais déjà pensé au suicide, m’a mentionné Jules Renard, le grand aphoriste : « Suicide : monter au ciel par une corde de pendu », puis m’a cité Épicure qu’elle découvrait, Épicure qui louait la mort comme un complément de sa morale, qui disait que la seule fin de l’homme étant le bonheur ou l’espérance du bonheur, pour qui souffrait et souffrait sans espoir la mort devenait un bien, et que se la donner volontairement était un dernier acte de bon sens, m’a demandé si je voyais où elle voulait en venir au cas où elle ne trouverait pas sur terre l’amour absolu.


45. A commencé à rentrer à l'aube.


46. A commencé à disparaître durant deux jours, trois jours, quatre interminables jours, invoquait sa fatigue festive, l’impérieuse nécessité d’aller respirer la mer, prétextait des ennuis en Bretagne, de graves ennuis dont elle ne pouvait pas parler, s’inventait une vieille tante malade qui lui promettait un legs de bijoux.


47. M'a ramené un soir un jeune type azimuté dans mon lit, cheveux longs noir corbeau, pâle comme linge, que ma présence ne semblait pas déranger outre mesure, au matin s'est laissée prendre par le corbeau en me regardant effrontément dans les yeux.


48. M'a ramené un autre soir un nouveau mec beau comme un dieu et sa nana aux joues grêlées, hardie, narquoise, les cheveux rouges tels ceux de Nina Hagen.


49. M'a appris une semaine après qu'entre le mec beau comme un dieu et Nina Hagen, c'était fini.


50. Est parvenue je ne sais comment à me faire coucher par terre sur un petit matelas pour pouvoir boulotter la chatte de Nina Hagen en toute quiétude et en travers du lit.


51. M'a fait coucher par terre durant deux mois, sur ce stupide matelas, parce que Nina Hagen supportait de moins en moins l'odeur des mecs.


52. A fait pleurer mon âme, m'a réduit insidieusement à l'état de carpette, a osé me demander pourquoi je supportais tout cela en silence.


53. A ri de nombreuses fois avec Nina Hagen de ma pitoyable indolence, m'a invité à les rejoindre un soir si je leur filais 100 balles à chacune.


54. A rangé un matin ses affaires dans son sac couleur fauve et a refermé doucement la porte, pensant que je dormais encore.


55. M'a appelé quinze jours plus tard de Bretagne pour me demander de venir la récupérer le lendemain à la gare Montparnasse.


56. Est revenue de Saint-Malo avec le creux de l'avant-bras tout bleui où affleuraient encore de minuscules trous violets, m'a juré que c'était la première et la dernière fois qu'elle se piquousait.


57. M’a avoué qu’elle avait dû coucher une fois, juste une fois, pour s’offrir ses doses, avec un black boiteux mais très intelligent.


58. M'a confessé que la vie l'ennuyait jusqu'au martyre, qu'elle ne faisait que chercher Dieu et l'Amour pur, mais que Dieu ne résidait malheureusement pas dans les culs-de-sac.


59. M'a juré alors sans vergogne qu'elle n'avait jamais aimé que moi, rien que moi, que tous les autres n'étaient que des ombres fugitives, des glands sans queue ni tête, de ridicules bonbons Krema.


60. M'a juré qu'elle allait prendre désormais de bonnes résolutions, me concocter de bons petits plats, lessiver les dalles froides de mon studio, ne plus porter de mini-jupes, ne plus s’envoyer en l’air avec le premier venu et préparer le concours d'entrée à l'Institut des Hautes Études Cinématographiques.


61. M'a demandé de lui offrir mon premier court-métrage en 8 millimètres pour le présenter à l'IDHEC et de remplacer mon nom par le sien afin qu'elle passe pour la réalisatrice.


62. L'été venu, est partie en vacances en Corse avec deux comédiens de la troupe du T.E.M., l'un assez beau, l'autre assez laid, deux amis auxquels je tenais énormément, m'a dit qu'ils avaient passé des heures entières à se pisser dessus dans le sable fin, à l'abri des dunes et des broussailles.


63. A disparu de ma vie du jour au lendemain, sans un mot d'explication.


64. Est réapparue dans ma vie trois mois plus tard, complètement par hasard, faisant la manche à la gare Montparnasse avec des lunettes noires, des bas noirs, et une robe noire toute simple comme celle de Piaf.


65. Ne tenait pas bien sur ses jambes, a retiré alors lentement ses lunettes pour me dévoiler deux yeux blancs, pathétiquement révulsés.


66. M'a présenté ses trois amis bretons somnambules qui penchaient eux aussi comme la tour de Pise, lesquels m’apprit-elle dépouillaient parfois les gens, lorsque la manche ne marchait pas.


67. M'a demandé d'avoir pitié d'elle, de lui laisser une dernière chance, une toute dernière chance.


68. M'a informé que le mec génial de l'HP, qui adorait À rebours, avait fini par se suicider, qu’au dernier instant elle avait refusé de le suivre dans sa lâcheté, m’a dit qu’elle était faite en définitive pour se repaître de jouissances avec des peaux d’hommes et de femmes, rompre, repartir en chasse, et en baver jusqu’à l’écœurement, m’a demandé si je voulais bien l’accompagner à l’enterrement de son ami rimbaldien, et devant mon refus n’a pas insisté.


69. De retour du cimetière, m'a préparé un ragoût délicieux, nue comme Ève, docile comme Cosette, a lessivé les dalles froides de mon studio, a remplacé mes rideaux pisseux par de jolis rideaux à fleurs, a ramassé les crottes de mes deux rats blancs, Titi et Toto, que j'avais achetés pour les faire jouer dans mon premier court-métrage.


70. A lavé ensuite chaque partie de mon corps dans la baignoire, religieusement, comme si j'étais Jésus et elle Marie de Magdala, m’a essuyé avec tendresse, puis m'a léché les orteils jusqu’au vertige avec sa langue tiède.


71. Un week-end, m'a emmené à Amiens, m'a présenté à ses parents, profs de français, et à sa sœur, noble vénusté, qui était l'antithèse de sa cadette, plus calme, plus studieuse, plus pondérée, ayant la tête sur les épaules, et un fiancé des plus charmants.


72. M'a appris la semaine suivante qu'elle avait été recalée au concours d'entrée de l'IDHEC, que mon court-métrage, pourtant visionné et apprécié par Éric Rohmer, avait été jugé trop amateur.


73. M'a appris également qu'elle n'allait plus boire de petits crèmes aux Halles, mais qu'elle lisait dorénavant À rebours et Là-bas à une vieille bourgeoise aveugle habitant à Passy.


74. Puis m'a fait croire durant quelques jours que le bonheur était à portée de ma main.


75. Pourtant m'a bientôt déchiré le cœur sur l'oreiller, en me sanglotant qu'elle cherchait l'amour du matin au soir parce qu'elle ne savait pas aimer, parce que depuis toute petite elle apprenait douloureusement à aimer, et puis m'a murmuré qu'après elle, je rencontrerais sûrement la femme de ma vie, parce que mes pas me mèneraient naturellement vers l'exact contraire de sa personnalité dérangée.


76. Est rentrée un soir tout ébouriffée, le rimmel en vrac, m'a avoué qu'elle venait de « peut-être » se faire violer par deux ou trois types, qu'elle ne se souvenait plus trop si elle avait été oui ou non consentante, m'a dit encore que ce n'était pas si grave, qu'un jour ou l'autre cela devait bien arriver, en allumant machinalement sa clope au bout rougeoyant de ma clope.


77. M'a giflé soudain, m'a tabassé, puis m'a demandé de la cogner en retour, de la punir de toutes mes forces, m'a provoqué parce que je ne réagissais pas, se demandait souvent ce qu'elle pouvait bien foutre avec un pauvre type comme moi, aimer en moi, et pour finir m'a hurlé que je n'étais qu'une merde de l'amour.


78. A pleuré jusqu'à l'aube dans mes bras, fortement, incoerciblement, et de plus en plus faiblement, toutes les larmes de son corps, de son magnifique corps de velours et d'albâtre qui était à présent devenu une triste pâte avilie par les griffures, les morsures et les bleus.


79. M'a enfin donné 200 francs au matin, toutes ses économies, qu'elle a tirés de son petit sac à main rouge, et m'a dit qu'une vie entière ne lui suffirait pas pour me remercier de ma générosité.


80. A disparu de mes tendres regards du jour au lendemain.


81. Me téléphonait de temps à autre d'une cabine lointaine en bord de mer, pilonnée par la pluie ou secouée par les vents.


82. M'a appelé moins souvent.


83. Ne m'a plus appelé du tout.


84. M'a envoyé une lettre trois mois plus tard avec juste ces mots tracés à l'encre violette : « Pardonne-moi », sur lesquels semblaient être tombées quelques larmes sincères.


85. M'a envoyé une seconde lettre une semaine après avec juste ces mots : pardonne-moi, je suis impardonnable !


86. Puis m'oublia.


87. M'oublia, peut-être.


88. M'oublia, sans doute.


89. M'oublia, sûrement.


90. Mais non, n'avait pu m'oublier.


91. Alors que je l'avais presque totalement oubliée sans pouvoir l'oublier, frappa à ma porte six mois plus tard, à trois heures du matin.


92. Était, mon Dieu, les Anges, déguisée en bauta, cape noire, tricorne noir, masque de céruse blanc en carton bouilli, ongles noirs, lèvres peintes rouge garance, telle une princesse altière du carnaval de Venise, était un rêve de Perrault, une apparition féerique, le carrousel à un pas de l'enfant émerveillé.


93. Derrière son loup, m’a demandé : qui suis-je ?


94. Puis, bouche entrouverte, a laissé tomber sa soierie sur le sol, est venue enfouir son corps brûlant au creux de mes bras, avait des paillettes d'or sur le visage et sur les seins.


95. M'a fait l'amour, s'est abandonnée à l'amour, m'a donné l'amour, était enfin l'Amour, m'a offert son âme, mon Dieu, les Anges.


96. M'a demandé de ne pas parler, de juste la respirer, de juste m'enivrer de l'instant.


97. M'a susurré dès l’aube venue que je resterais pour la vie son plus grand, son plus noble, son plus bel amour.


98. Mais qu'elle devait quitter Paris le jour même, à tout jamais.


99. Pour aller se marier avec un gentil maçon dans les Cévennes, et vivre dans une baraque perchée au sommet d'une colline, sans eau, sans électricité.


100. M'a consolé en me laissant entendre qu'elle entretiendrait la mémoire de notre amour, m'a dit que je resterais dans ses veines, que les véritables adieux n'existaient pas, que même loin des yeux personne ne quittait personne, et que, du haut de sa colline, elle guetterait dans le ciel l’arrivée d'un nuage vaporeux dont les traits éphémères lui rappelleraient les miens.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   cherbiacuespe   
30/9/2023
trouve l'écriture
très perfectible
et
n'aime pas
C'est peut-être innovant, je n'en sait rien, par contre, ce n'est pas une nouvelle. Ainsi comment parler du style alors qu'il s'agit d'une énumération dans le pur style, justement, liste des courses? Qu'ai-je ressenti? Pas grand chose. En vérité,rien. Bref, je ne suis vraiment pas fan!

Cherbi Acuéspè
En EL

   Dugenou   
10/10/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bonjour Zultabix, et bienvenue.

Au travers du portrait d'une Jeanne Berto versatile et dévoyée, transparaît un autre portrait, encore moins flatteur : celui du narrateur, qui semble être 'une vraie flèche', comme on dit.

Mais c'est malheureusement le seul intérêt de votre texte.

Une autre fois, peut-être ?

   Lariviere   
10/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Zultabix,

J'ai beaucoup aimé ce texte profondément décadent où l'effet liste un peu saoulant certes nous livre une mise à nu non linéaire d'un amour que l'on devine compliquée voire complexe entre deux êtres qui ne le demeure pas moins.

L'effet liste donc s'il est rébarbatif permet un certain effet de style et une mise à distance du narrateur et du récit ce qui est une bonne idée sur la forme.

Sur la forme encore l'écriture est belle, ample et soignée... Elle retranscrit bien les affres et les joies de cet amour singulier.

Au plaisir de vous lire et bonne continuation !

   Catelena   
26/10/2023
Une nouvelle lue en E.L. Alors que je n'avais pas les moyens pour la commenter.
Je suis contente de la voir publiée aujourd'hui. Elle le mérite amplement.

Il fallait oser le pari de la liste. C'est justement ce que j'ai apprécié, car à chaque numéro la romance progresse en finesse pour nous en apprendre davantage. Une façon comme une autre pour aller droit au but en évitant les radotages inutiles.

Au fil des lignes se dessine les portraits de protagonistes touchants, chacun avec leur fragilité, au travers de l'histoire d'un premier amour pas banal entre la bad girl borderline et le pur innocent émerveillé mais conscient, et qui veut boire la potion magique jusqu'à la lie.

Tout est amené par touches sensibles et émouvantes. Cela rend le tout particulièrement vivant.

Merci pour cette tranche de vie, entre le narrateur et une Jeanne Berto, un brin Bardot, un brin diablesse possédée par une envie de vie à la puissance mille.


Elena

EDIT : suite à une relecture plus attentive, due au commentaire très perspicace de Geigei, il se trouve que je suis moins emballée que lors de mon passage rapide en E.L.
Mais puisque ce qui est dit est dit, je me contente d'ôter mon appréciation.

   hersen   
10/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
J'ai vraiment aimé ce texte innovant par sa forme. l'effet liste est dans un premier temps surprenant, pour ne pas dire rebutant, mais c'est justement ça qui donne une distanciation du narrateur par rapport à son propos. Cela donne une atmosphère, "voilà, c'est arrivé, c'était comme ça, et maintenant je fais quoi ?". Je n'y lis pas de tristesse, pas de jugement dans ce qui est dit, mais je ressens plutôt le désarroi du narrateur.
C'est une liste où chaque point s'articule, l'incohérence disparaît au profit d'une cohérence qui soutient complètement l'histoire.
Car c'est bien une histoire, pas une course à la liste.
merci pour cet écrit bien écrit original !

   Malitorne   
11/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
J’aurais plutôt vu ce texte dans la catégorie « Laborinis » mais c’est un détail qui n’enlève rien à son originalité et à sa qualité. Dès que je me suis aperçu qu’il parlait cul de façon crue, ça m’a plu. J’ai suivi avec intérêt le développement quasi masochiste de ce rapport amoureux et en ai conclu que vous avez dressé le portrait d’une petite joliment frappée ! Tout l’air d’une bipolaire en errance. Le narrateur aurait d’ailleurs dû lui conseillé d’aller consulter, ça ne lui aurait pas fait de mal…
Ceci dit et permettez mon « blâme de salon » (sic), Jeanne Berto fait quand même trop personnage de roman, accumule un excès invraisemblable de tempérament et de déviances. Davantage de mesure l’aurait rendue plus humaine, plus accessible à la dimension du lecteur. Vous nous servez une créature fascinante, certes, cependant intouchable, hors de la réalité. Bref, un fantasme.

   Zultabix   
13/10/2023
Modéré : Commentaire de l'auteur sous son texte.

(voir le retour sur commentaires fait par l'auteur :
http://www.oniris.be/forum/un-grand-merci-aux-lecteurs-de-100-raisons-d-adorer-et-de-hair-jeanne-berto-t31425s0.html#forumpost455966 )

   Cyrill   
12/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Ce n’est pas un texte que se prête à la décortication, la passion qui se dégage de ces lignes vaut bien qu’on le prenne tel quel, dans l’empathie avec le narrateur.
Bonne idée que ce listing qui n’a en fait rien d’une liste parce que bourré de sentiments exacerbés parmi des détails triviaux et qui nous dit non seulement qui est Jeanne Berto, à la ville comme au lit, au mental comme au physique, mais aussi ce qu’elle représente pour un narrateur pantelant.
L’histoire d’une liaison mouvementée qui se déroule sur plusieurs plans : érotique, amoureux, littéraire, anecdotique, et se détricote doucement jusqu’à un 100 ultra-romantique.
Fantasme ou réalité ? Je ne lis pas, en général, pour avoir une réponse à cette question. Je dirais même qu’il est dommage, voire désagréable, pour moi, que l’auteur m’apporte ce genre de précision, parce qu'elle me semble saboter totalement son intention littéraire.

   Eskisse   
13/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Zultabix,

Le style journalistique ou même télégraphique m'a bien plu : la réception des frasques, revirements et autres réapparitions soudaines par le narrateur, qui doit être violente, en est atténuée par le temps qui a passé.
Cette idylle trash est nimbée de littérature et de touches philosophiques ce qui dresse un portrait complet de l'être aimée.
Il y a par ailleurs un style poétique dans le travail sur les comparaisons, justes et cohérentes.
Ce qui me frappe dans ce parcours, c'est l'idée de seuils : entrée et sortie dans la vie de l'autre. De la violence que cela représente et de la sensibilité ( du narrateur) qui va avec.

La fin a un côté Petit Prince...

Esk pas un brin prude !

   Geigei   
26/10/2023
trouve l'écriture
très perfectible
et
n'aime pas
L'idée de séparer les faits relatés est excellente.


0. Jeanne Berto.
Soit

1. Avait seize ans.
C'était quand ? Majeure ?

2. Était poisson, oiseau de nuit.
Née entre le 19 février et le 20 mars, elle est toujours poisson. Pourquoi utiliser l'imparfait ?

3. Blonde comme Bardot, les cheveux parfilés d'or et gaufrés quelquefois.
Adorer ? Haïr ? Je reste indifférent.

4. Aussi sensuelle qu'un soleil levant, aussi poignante qu'un soleil couchant, elle adorait Huysmans.
Que Huysmans ?

5. Mais encore Sibelius, Jackson Pollock, Giacometti, les mini-jupes léopard, la tequila sunrise, boire des petits crèmes aux Halles, communiquer, échanger, rire, rencontrer des gens, des foules de gens.
Ah bon. J'adore. Elle aurait aimé la Piña Colada, je l'adorais aussi.

6. Le front perlé de sueur, faisait du stop à Pigalle au sortir d'une boîte de lesbiennes, était enjouée, parfumée de folie douce avec cette note agrume délurée qui chavire les timides.
Des associations sans rapport. C'est snob mais pas très grave.

7. S’est accoudée à la vitre ouverte de ma voiture, m'a souri, laissant apparaître ses dents étincelantes dont l'une était joliment ébréchée, m’a parlé sans chichi comme si nous étions de vieilles connaissances du cosmos.
Permis ? Majeur, donc. Et elle, mineure.

8. Ne comptait pas dormir, voulait éterniser l’ivresse, filer droit dans la nuit, m'a raccompagné chez moi à Fontenay-sous-Bois en me tenant la main sur le levier de vitesse.
Nuit d'ivresse. On pourrait en faire une pièce de théâtre et un film.

9. M'a retourné d’un coup, m’a embrassé suavement, divinement bien, assez longtemps sur le seuil de mon studio.
Difficile de la haïr, là.

10. A éteint la lampe que j'avais allumée pour faire glisser sa robe légère, rouge garance, sur les dalles froides de mon studio.
J'adore.

11. N'a pas eu besoin d'enlever une culotte.
Comme Magali. Mais ce n'est pas mon texte. Pardon.

12. N'a pas eu besoin d'ôter un soutien-gorge.
Pareil. Dans les 70's, c'était la base. Le cours des sous-vêtements avait chuté. C'était même d'un conformisme achevé que d'être nue sous sa mini jupe, voire très réac si on considère que les femmes n'ont pas porté de culotte du Moyen Âge jusqu’au XIXème siècle.

13. A guidé mes mains, a frotté ses seins lourds de velours contre ma poitrine malingre, puis a sombré à mes pieds dans un ténébreux ralenti.
Précoce la gamine. Surdouée.

14. A fait grossir mon sexe dans sa bouche inouïe de tiédeur, m'a offert le meilleur de sa tendresse et un zeste de sa sauvagerie.
Quand je pense qu'on m'a refusé un texte parce que la Princesse faisait faire la vaisselle à 7 nains nus. Même pas pour un excès de sensualité gratuite, pour une prosaïque question d'hygiène...

15. Sur le drap miraculeux, m'a chevauché telle une Amazone, m’a fait oublier le Temps, la démence du monde, a foré soudainement dans mon cœur une source, de celles qui font reverdir les merveilles du printemps, a ensoleillé ma nuit jusqu'à l'aube.
Je suppose que ce n°15 sera l'acmé poétique du texte.

16. M'a appris aux croissants qu'elle était d'Amiens, qu'elle avait quitté à quinze ans ses parents, sa sœur qu'elle adorait, et aussi son chat Bébert, baptisé ainsi en hommage au chat de Louis-Ferdinand Céline.
Oui, le 15 était mieux. je l'avais bien senti.

17. M'a révélé qu'elle avait débarqué à Paris pour devenir comédienne ou cinéaste ou liseuse de beaux livres chez les rupins cacochymes.
La liseuse. Encore un film.

18. M'a confié qu'elle ne tombait amoureuse que de mecs brillants, qu'elle m'aimait déjà parce que j'étais doux, drôle, intelligent et qu’elle me sentait généreux.
Pareil pour Joëlle. Et Sarah. Aïcha me l'a dit aussi. Si elles le disent toutes, ça compte pas.

19. M'a demandé si elle pouvait rester avec moi quelque temps, juste quelque temps, puis s'est endormie sur mon ventre en le couvrant de baisers.
Genre couette. J'adore. Sympa.

20. Le lendemain, a ramené un sac en cuir fauve de je ne sais où, a rangé ses affaires dans ma petite armoire, ses rares culottes, ses mini-jupes, ses livres Folio jaunis, écornés, annotés, lus et relus, m'a préparé un ragoût qui a cramé parce que nous faisions l'amour dans le feu.
Des culottes ? Quelle incongruité.

21. A commencé à prendre des cours au théâtre école de Montreuil qui avaient lieu dans un vaste établissement désaffecté.
Soit.

22. M'a dit au bout de trois mois que Bertold Brecht commençait à lui ouvrir sa conscience politique, que Tchekhov lui laissait entrevoir son âme russe, mais que Molière la faisait chier parce qu’il avait plagié plein d’auteurs espagnols et italiens, m'a convaincu un soir de l'accompagner à une représentation de Lorenzaccio, juste pour voir.
Pas le soir de la finale de Coupe d'Europe quand même, si ? J'adore. C'est héroïque.

23. M'a fait découvrir au fil du temps Aristophane, Goldoni, Feydeau, Labiche, Garcia Lorca, Brecht, Beckett, Ionesco, Pinter, Camus, me déclamait Antigone depuis la lunette des chiottes, rêvait de jouer Claire dans Les bonnes à l’Odéon, m'a demandé un jour de lui écrire une pièce dans laquelle elle tiendrait le rôle d'une égérie du genre humain ou d’une vampire qui inocule aux gens l’amour fou.
"Vampire de l'amour" - Dionysos l'a plagiée.

24. Était infiniment folâtre lorsque nous jouions aux clowns, mimions Guignol et Madelon, ou revêtions des masques de comedia dell'arte.
Soit. C'est permis.

25. A commencé à mettre des sparadraps sur son ennui, à me demander un peu d’argent pour aller boire des bocks aux Halles l'après-midi alors que je n'étais pas bien riche, me donnait un baiser langoureux ou me montrait sa radieuse petite chatte rose pour les quelque cinq francs que je lui laissais chaque matin avant d'aller travailler comme coursier.
L'ennui. On en parle ?

26. A commencé à vouloir de nouveau sortir en boîte, à tutoyer la nuit pour voir les gens sous leur vrai jour, à reprendre sa collection de numéros de téléphone, de voluptés et de vertiges.
C'est la chanson de Ferré " "Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles, À certaines heures pâles de la nuit"

27. Chaloupait comme une diablesse sur les pistes de danse, offrait aux sunlights sa liberté, son impudicité, valsait de la tignasse, du derrière et des hanches, excitait les puceaux et les hommes maqués, allumait tous les types, avait un franc succès.
Un corps non désiré reste une surface sans consistance…

28. S'est égarée une nuit lors d'une fête dans une vaste demeure, a commencé à me faire perdre la raison, à me faire japper comme un petit chien battu puis abandonné, à me faire découvrir le sens du mot « jalousie ».
Eyes Wide Shut ?

29. N'était pas perdue pour tout le monde, était en définitive nue comme Ève sur un type à califourchon, au premier étage, dans la chambre qui servait de vestiaire, écrasé par la honte m'a forcé à m'enfuir, ivre, sonné, titubant, et à rouler sur l'autoroute avec un œil fermé, manquant plusieurs fois de percuter la glissière, au son de A Forest des Cure : I hear her voice calling my name. The sound is deep in the dark. I hear her voice, and start to run into the trees, into the trees.
Les Cure ? 80's alors...

30. Contre toute attente, est venue frapper à ma porte au petit matin, chavirée de larmes, de folles excuses, de contrition, et lorsque je lui ai ouvert m’est tombée dans les bras.
Instable, la précoce. Borderline.

31. A imploré mon pardon, échevelée, tragiquement belle, puis s'est dévêtue d'un trait, m'a fait l'amour en y mettant tout son cœur sur le « Lacrimosa » du Requiem de Mozart, où les cordes débutent piano sur un rythme de bercement entrecoupé de soupirs, et où le chœur tout-puissant s’achève sur Amen.
Je ne retiens pas ce n°31. Je ne peux pas baiser sur du Mozart. Ou je baise, ou j'écoute Mozart.

32. Rassasiée d’orgasmes, m'a dit à la nuit tombée : « Attends, je vais t'apprendre un truc », s'est alors assise sur mon sexe pour me lécher les globes oculaires, m'a enseigné que c'était de l'oculolinctus, un jeu érotique très prisé des Japonais, m'a dit que si je suivais tous les caprices de sa libido, nous pourrions devenir les plus fabuleux amants du monde.
Je valide. Faire l'amour à l’œil n'a rien à voir avec la baise tarifée.

33. A fait de rares fois la vaisselle, a préparé de rares fois à manger, balayait rarement les dalles froides de mon studio, préférait se peindre méticuleusement les ongles de pieds, roter après boisson gazeuse, rire pour un rien, se moquer de tout, faisait des mots fléchés entre deux siestes, passait du temps aux toilettes, tirait rarement la chasse.
" dalles froides de mon studio" déjà lu ça plus haut. C'est 37°2 le matin. Un intello, écrivain, sans pognon, fait des petits boulots et vit une histoire d'amour sensuelle et passionnée avec une jeune femme impulsive et incontrôlable...

34. M'a fait l'amour dans la forêt de Fontainebleau, dans les catacombes, dans une casse de voitures, dans les toilettes de l'hôtel George V, m'a branlé une nuit sous la tour Eiffel, a embrassé devant moi Michel Polnareff au Privilège, s'est vantée au restaurant des Bains Douches devant moult fêtards qu'elle avait déjà mis un doigt dans le cul de Richard Anconina et qu'il avait adoré ça.
À 16 ans ? Sans pognon ? C'est une performance.

35. Lors d'une énième fête, s'est retrouvée nue dans une baignoire à remous avec une superbe femme mariée d'environ trente ans, dominait le sujet, initiait son aînée, la bouleversait, m'a demandé de refermer poliment la porte par respect pour son intimité, avec en fond sonore Message in a Bottle du groupe Police.
La référence musicale. Important, ça, pour la rock attitude.

36. M'a prié de la prendre en photo de nuit au fond des impasses, sur les quais de Seine et encore dans le bois de Vincennes, ne portait alors que des escarpins rouges et parfois une fleur dans les cheveux.
Soit.

37. A commencé à rentrer de plus en plus tard, 22 heures, 23 heures, minuit, au-delà de minuit, à plus d'heure, a commencé à me mentir, gentils mensonges et grands mensonges, puis a fini par me dire la vérité lorsque je ne la croyais plus.
Hyperactive.

38. M'a confessé un jour qu'en dehors de moi, elle voyait un mec génial qui vouait un culte au livre À rebours de Huysmans et au livre Oblomov de l'écrivain russe Gontcharov, que ce type génial cultivait comme un bien précieux son penchant à la paresse, à l'hédonisme, à la décadence, tout en faisant de nombreux allers-retours dans un hôpital psychiatrique, m’a déclaré un autre jour que l’amour sans folie ne valait pas une sardine, que rien au monde n’était plus horrible que d’aimer sans se sentir libre.
Attirée par les mecs brillants, donc. S'est-il cloué le scrotum sur les pavés de la Place Rouge ?

39. M'a étranglé subitement le cou une nuit alors que nous faisions l'amour comme des séraphins, devant ma stupeur a tenté de m’amadouer en me disant que l'asphyxie érotique n'était absolument pas dangereuse, qu'elle pouvait amplifier la jouissance des partenaires s'ils restaient assez lucides de la conséquence de leur acte, m'a alors appris à éjaculer au bon moment lorsque j’étais à deux doigts de perdre connaissance.
"L"empire des sens" a fait école. L'éducation nationale, avec des rapporteurs et ses équerres, ne peut pas lutter avec le cinéma.

40. M'a révélé juste après que c'était le mec génial de l'HP qui lui apprenait ce genre de trucs et que cela l'envoyait directement au ciel, qu'elle ne trouvait plus aucun attrait aux bourgeoises levrettes et positions du missionnaire, a enquêté sur mes fantasmes, les a trouvés médiocres, m’a parlé d’un appartement grand standing dans le 16e où la haute s'encanaillait et partouzait à toute heure.
Important, ça. On n'est vraiment révolutionnaire qu'en annonçant comme bourgeois tout ce qui est connu des autres. C'est de la "révolution bourgeoise", selon moi, au risque de m'embroncher dans mon oxymore. Ou du snobisme.

41. M’a supplié une autre nuit de l’étrangler en lui disant « je t’aime », et de serrer son cou plus fort, encore plus fort, et encore plus fort.
Boris Vian. "Fais-moi mal, chéri, envoie-moi au ciel". Pas nouveau. Et Sade était mort depuis longtemps.

42. M'a exhorté un autre jour à me mettre debout dans la baignoire, désirait que je lui pisse sur les seins, le ventre et dans la bouche, voulait faire l’amaroli avec mon élixir doré, m’a certifié qu’il n’y avait rien de sale à ça, que le dieu indien Shiva nommait la pisse « nectar de l’immortalité », que ses effets étaient salutaires pour prévenir le cancer, que les fœtus eux-mêmes se développaient dans leur propre urine et qu’aucune mère n’en savait rien.
Très cultivée à 16 ans. Rien de tel dans mes Spirou...

43. Un matin, a tendu une toile cirée sur le sol, m'a exhorté le plus sérieusement du monde à mirer son trou de balle tandis qu'elle me chierait dessus, argumenta que je devais tout goûter d'elle, soie et pourriture, devant mon effarement m'a dit que j'étais vieux jeu, coincé, pimbêche, que je ne savais pas jouir des surprises de la vie, que je n'aimais d'elle que sa part noble, alors que les porcs mangeaient tout.
Il y a plusieurs écoles. Je n'aime pas que la pratique de l'une culpabilise les autres. Je connais plusieurs couples de partouzeurs. Et j'ai fait un sondage. Qui pratique la fellation après la sodomie ? Eh bien, c'était 50/50. Toutes les femmes n'ont pas envie de sucer leur merde. (je ne parle pas des pro du porno qui font un lavement du rectum avant) Perso, j'ai un avis : laissons les vivre. Tous et toutes.

44. M’a demandé si j’avais déjà pensé au suicide, m’a mentionné Jules Renard, le grand aphoriste : « Suicide : monter au ciel par une corde de pendu », puis m’a cité Épicure qu’elle découvrait, Épicure qui louait la mort comme un complément de sa morale, qui disait que la seule fin de l’homme étant le bonheur ou l’espérance du bonheur, pour qui souffrait et souffrait sans espoir la mort devenait un bien, et que se la donner volontairement était un dernier acte de bon sens, m’a demandé si je voyais où elle voulait en venir au cas où elle ne trouverait pas sur terre l’amour absolu.
Nous connaissons de nombreux terroristes qui ont cette même vision.

45. A commencé à rentrer à l'aube.
Soit.

46. A commencé à disparaître durant deux jours, trois jours, quatre interminables jours, invoquait sa fatigue festive, l’impérieuse nécessité d’aller respirer la mer, prétextait des ennuis en Bretagne, de graves ennuis dont elle ne pouvait pas parler, s’inventait une vieille tante malade qui lui promettait un legs de bijoux.
Soit. Je lis.

47. M'a ramené un soir un jeune type azimuté dans mon lit, cheveux longs noir corbeau, pâle comme linge, que ma présence ne semblait pas déranger outre mesure, au matin s'est laissée prendre par le corbeau en me regardant effrontément dans les yeux.
Sympa. Élégant. Le goût du partage. Une belle âme.

48. M'a ramené un autre soir un nouveau mec beau comme un dieu et sa nana aux joues grêlées, hardie, narquoise, les cheveux rouges tels ceux de Nina Hagen.
Encore la musique énervée.

49. M'a appris une semaine après qu'entre le mec beau comme un dieu et Nina Hagen, c'était fini.
Soit.

50. Est parvenue je ne sais comment à me faire coucher par terre sur un petit matelas pour pouvoir boulotter la chatte de Nina Hagen en toute quiétude et en travers du lit.
Petit à petit, lentement, nous glissons dans la perversion.

51. M'a fait coucher par terre durant deux mois, sur ce stupide matelas, parce que Nina Hagen supportait de moins en moins l'odeur des mecs.
La solution maso aurait consisté à utiliser un parfum féminin, plutôt que Brut de Fabergé.

52. A fait pleurer mon âme, m'a réduit insidieusement à l'état de carpette, a osé me demander pourquoi je supportais tout cela en silence.
De mon point de vue, sa question était pertinente.

53. A ri de nombreuses fois avec Nina Hagen de ma pitoyable indolence, m'a invité à les rejoindre un soir si je leur filais 100 balles à chacune.
Et l'amour à l’œil ? L'oculolinctus ?

54. A rangé un matin ses affaires dans son sac couleur fauve et a refermé doucement la porte, pensant que je dormais encore.
Soit.

55. M'a appelé quinze jours plus tard de Bretagne pour me demander de venir la récupérer le lendemain à la gare Montparnasse.
Soit.

56. Est revenue de Saint-Malo avec le creux de l'avant-bras tout bleui où affleuraient encore de minuscules trous violets, m'a juré que c'était la première et la dernière fois qu'elle se piquousait.
Fallait essayer.

57. M’a avoué qu’elle avait dû coucher une fois, juste une fois, pour s’offrir ses doses, avec un black boiteux mais très intelligent.
Pourquoi "mais" ? Pourquoi pas "et" ? Bon, si c'est autobiographique, nous dirons que la précoce était comme ça.

58. M'a confessé que la vie l'ennuyait jusqu'au martyre, qu'elle ne faisait que chercher Dieu et l'Amour pur, mais que Dieu ne résidait malheureusement pas dans les culs-de-sac.
L'ennui. On en reparle ?

59. M'a juré alors sans vergogne qu'elle n'avait jamais aimé que moi, rien que moi, que tous les autres n'étaient que des ombres fugitives, des glands sans queue ni tête, de ridicules bonbons Krema.
J'ai cru comprendre que la demoiselle était instable. Le personnage masculin de l'histoire, cultivé et observateur, a dû le comprendre aussi.

60. M'a juré qu'elle allait prendre désormais de bonnes résolutions, me concocter de bons petits plats, lessiver les dalles froides de mon studio, ne plus porter de mini-jupes, ne plus s’envoyer en l’air avec le premier venu et préparer le concours d'entrée à l'Institut des Hautes Études Cinématographiques.
" dalles froides de mon studio" Pas sûr pour ce running gag.

61. M'a demandé de lui offrir mon premier court-métrage en 8 millimètres pour le présenter à l'IDHEC et de remplacer mon nom par le sien afin qu'elle passe pour la réalisatrice.
Perverse, donc. Je connais cette perversion. J'ai déjà demandé plusieurs textes à des auteurs prestigieux de ce forum. Tous ont refusé.

62. L'été venu, est partie en vacances en Corse avec deux comédiens de la troupe du T.E.M., l'un assez beau, l'autre assez laid, deux amis auxquels je tenais énormément, m'a dit qu'ils avaient passé des heures entières à se pisser dessus dans le sable fin, à l'abri des dunes et des broussailles.
Soit. Toutes les mixions ne sont pas impossibles.

63. A disparu de ma vie du jour au lendemain, sans un mot d'explication.
Soit.

64. Est réapparue dans ma vie trois mois plus tard, complètement par hasard, faisant la manche à la gare Montparnasse avec des lunettes noires, des bas noirs, et une robe noire toute simple comme celle de Piaf.
Me disait aussi...

65. Ne tenait pas bien sur ses jambes, a retiré alors lentement ses lunettes pour me dévoiler deux yeux blancs, pathétiquement révulsés.
Morte ?

66. M'a présenté ses trois amis bretons somnambules qui penchaient eux aussi comme la tour de Pise, lesquels m’apprit-elle dépouillaient parfois les gens, lorsque la manche ne marchait pas.
Punks avec ou sans chien ?

67. M'a demandé d'avoir pitié d'elle, de lui laisser une dernière chance, une toute dernière chance.
Borderline, mais je crois l'avoir déjà écrit. Aussi souvent que "les dalles froides du studio".

68. M'a informé que le mec génial de l'HP, qui adorait À rebours, avait fini par se suicider, qu’au dernier instant elle avait refusé de le suivre dans sa lâcheté, m’a dit qu’elle était faite en définitive pour se repaître de jouissances avec des peaux d’hommes et de femmes, rompre, repartir en chasse, et en baver jusqu’à l’écœurement, m’a demandé si je voulais bien l’accompagner à l’enterrement de son ami rimbaldien, et devant mon refus n’a pas insisté.
Joli sursaut ! Ma lecture s'en éclaire presque.

69. De retour du cimetière, m'a préparé un ragoût délicieux, nue comme Ève, docile comme Cosette, a lessivé les dalles froides de mon studio, a remplacé mes rideaux pisseux par de jolis rideaux à fleurs, a ramassé les crottes de mes deux rats blancs, Titi et Toto, que j'avais achetés pour les faire jouer dans mon premier court-métrage.
Soit. Les crottes pour assaisonner le ragoût ?

70. A lavé ensuite chaque partie de mon corps dans la baignoire, religieusement, comme si j'étais Jésus et elle Marie de Magdala, m’a essuyé avec tendresse, puis m'a léché les orteils jusqu’au vertige avec sa langue tiède.
Où nous apprenons qu'elle aime les champignons. Il faut tout essayer.

71. Un week-end, m'a emmené à Amiens, m'a présenté à ses parents, profs de français, et à sa sœur, noble vénusté, qui était l'antithèse de sa cadette, plus calme, plus studieuse, plus pondérée, ayant la tête sur les épaules, et un fiancé des plus charmants.
Je garde "noble vénusté". C'est précieux, mais ça passe.

72. M'a appris la semaine suivante qu'elle avait été recalée au concours d'entrée de l'IDHEC, que mon court-métrage, pourtant visionné et apprécié par Éric Rohmer, avait été jugé trop amateur.
Roh. Les goûts de Rohmer...

73. M'a appris également qu'elle n'allait plus boire de petits crèmes aux Halles, mais qu'elle lisait dorénavant À rebours et Là-bas à une vieille bourgeoise aveugle habitant à Passy.
La précoce a de la suite dans les idées, paradoxalement. Ou l'auteur, je ne le saurai jamais.

74. Puis m'a fait croire durant quelques jours que le bonheur était à portée de ma main.
Soit.

75. Pourtant m'a bientôt déchiré le cœur sur l'oreiller, en me sanglotant qu'elle cherchait l'amour du matin au soir parce qu'elle ne savait pas aimer, parce que depuis toute petite elle apprenait douloureusement à aimer, et puis m'a murmuré qu'après elle, je rencontrerais sûrement la femme de ma vie, parce que mes pas me mèneraient naturellement vers l'exact contraire de sa personnalité dérangée.
Lucide.

76. Est rentrée un soir tout ébouriffée, le rimmel en vrac, m'a avoué qu'elle venait de « peut-être » se faire violer par deux ou trois types, qu'elle ne se souvenait plus trop si elle avait été oui ou non consentante, m'a dit encore que ce n'était pas si grave, qu'un jour ou l'autre cela devait bien arriver, en allumant machinalement sa clope au bout rougeoyant de ma clope.
Ça tangue. Ça roule. Il y a de la gîte et de l'eau dans la cale...

77. M'a giflé soudain, m'a tabassé, puis m'a demandé de la cogner en retour, de la punir de toutes mes forces, m'a provoqué parce que je ne réagissais pas, se demandait souvent ce qu'elle pouvait bien foutre avec un pauvre type comme moi, aimer en moi, et pour finir m'a hurlé que je n'étais qu'une merde de l'amour.
" personnalité dérangée", donc.

78. A pleuré jusqu'à l'aube dans mes bras, fortement, incoerciblement, et de plus en plus faiblement, toutes les larmes de son corps, de son magnifique corps de velours et d'albâtre qui était à présent devenu une triste pâte avilie par les griffures, les morsures et les bleus.
Le n°78 est triste.

79. M'a enfin donné 200 francs au matin, toutes ses économies, qu'elle a tirés de son petit sac à main rouge, et m'a dit qu'une vie entière ne lui suffirait pas pour me remercier de ma générosité.
??????????????????????

80. A disparu de mes tendres regards du jour au lendemain.
Soit.

81. Me téléphonait de temps à autre d'une cabine lointaine en bord de mer, pilonnée par la pluie ou secouée par les vents.
Poétique.

82. M'a appelé moins souvent.
Ah

83. Ne m'a plus appelé du tout.
Roh

84. M'a envoyé une lettre trois mois plus tard avec juste ces mots tracés à l'encre violette : « Pardonne-moi », sur lesquels semblaient être tombées quelques larmes sincères.
Soit.

85. M'a envoyé une seconde lettre une semaine après avec juste ces mots : pardonne-moi, je suis impardonnable !
Bon

86. Puis m'oublia.
Oui

87. M'oublia, peut-être.
Oui

88. M'oublia, sans doute.
Oui

89. M'oublia, sûrement.
On tire à la ligne pour arriver à 100, là...

90. Mais non, n'avait pu m'oublier.
Déni ?

91. Alors que je l'avais presque totalement oubliée sans pouvoir l'oublier, frappa à ma porte six mois plus tard, à trois heures du matin.
Tiens ! Surprise !

92. Était, mon Dieu, les Anges, déguisée en bauta, cape noire, tricorne noir, masque de céruse blanc en carton bouilli, ongles noirs, lèvres peintes rouge garance, telle une princesse altière du carnaval de Venise, était un rêve de Perrault, une apparition féerique, le carrousel à un pas de l'enfant émerveillé.
Le rouge garance revient. Pas en robe mais sur les ongles.

93. Derrière son loup, m’a demandé : qui suis-je ?
Oui. Qui êtes-vous ?

94. Puis, bouche entrouverte, a laissé tomber sa soierie sur le sol, est venue enfouir son corps brûlant au creux de mes bras, avait des paillettes d'or sur le visage et sur les seins.
"Au bal masqué". La Compagnie Créole. Chacun ses références. Ne me jugez pas.

95. M'a fait l'amour, s'est abandonnée à l'amour, m'a donné l'amour, était enfin l'Amour, m'a offert son âme, mon Dieu, les Anges.
Pas tout compris dans la formulation...

96. M'a demandé de ne pas parler, de juste la respirer, de juste m'enivrer de l'instant.
Autoritaire, la précoce ! Elle demande. Dirige. Elle sait.

97. M'a susurré dès l’aube venue que je resterais pour la vie son plus grand, son plus noble, son plus bel amour.
Sympa. Gratuit mais sympa.

98. Mais qu'elle devait quitter Paris le jour même, à tout jamais.
Soit.

99. Pour aller se marier avec un gentil maçon dans les Cévennes, et vivre dans une baraque perchée au sommet d'une colline, sans eau, sans électricité.
Le maçon va galérer. Je parle du manque d'eau. Pour maçonner, faut de l'eau.

100. M'a consolé en me laissant entendre qu'elle entretiendrait la mémoire de notre amour, m'a dit que je resterais dans ses veines, que les véritables adieux n'existaient pas, que même loin des yeux personne ne quittait personne, et que, du haut de sa colline, elle guetterait dans le ciel l’arrivée d'un nuage vaporeux dont les traits éphémères lui rappelleraient les miens.
Comparer le physique de son ex à un nuage vaporeux… Comment le prendre ?

Conclusion : Je retiens le 15, pour la poésie. 1 % donc.

Une autre fois.

   Babefaon   
2/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Zultabix,

Je viens de terminer la lecture de votre nouvelle et n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec « 37°2 le matin », de Beineix. Votre Jeanne m’a fait penser à sa Betty, à bien des égards. Elle ne se soucie pas des convenances, est libre et entraîne son acolyte dans une folle aventure qui ne le laissera pas indifférent et le chamboulera à tout jamais, à n’en pas douter, quoi qu’il en dise. Car ces rencontres ne laissent personne indifférent et ne peuvent que marquer indélébilement celles ou ceux qui les vivent.

Votre héroïne, que j’ai trouvée touchante, va loin, beaucoup plus loin que Betty dans le film (sur le plan sexuel, j’entends ☺), et reconnaît être « dérangée » au point, certainement, de pousser les expériences à l’extrême. Par peur de l’ennui, sans doute ! Ou peut-être guidée par une urgence de vivre à fond et plus intensément les choses, de peur de ne pas avoir le temps de vieillir. Il y a certaines personnes, comme ça, qui ont une aura incroyable, un fort pouvoir de séduction, et qui disparaissent à la fleur de l’âge, après avoir vécu dans une urgence absolue. Après, certainement parce que j’écris, aussi, je me demande toujours comment on peut arriver là. Qu’est-ce qui a fait que… d’autant que sa sœur aînée, elle, est d’apparence plus « rangée », à moins qu’elle ne cache bien son jeu, car je me méfie aussi beaucoup de l’eau qui dort et qui peut, au détour d’une grosse averse, se transformer en torrent dévastateur. Y a-t-il une explication ? Tout cela n’est peut-être, après tout, qu’une question de personnalité.

Bref, vous l’aurez compris, votre récit ne m’a pas laissé indifférent et a soulevé pas mal d’interrogations. C’est ce que je recherche aussi au travers de mes lectures et de l’écriture. Que dire de la forme ? Bien que surprenante, elle ne m’a pas dérangé, il y a une vraie progression, et ces cent points sont en parfaite adéquation avec le titre de votre nouvelle. Au plaisir de lire vos prochains écrits, ici ou ailleurs.

   EtienneNorvins   
3/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bravo, vous m'avez bien eu ! Je ne pensais pas lire d'une seule traite... et c'est fait !

J'admire la maîtrise musicale avec laquelle vous menez l'affaire et le lecteur par le bout du nez : c'est un véritable art de la fugue, au propre comme au figuré ! Et en même temps, cela donne l'impression d'un "joyeux" désordre, d'une collection de sentences et de scénettes croquées sur le vif...

J'aime aussi beaucoup l'aspect vaudeville, avec entrées / sorties des protagonistes, qui forment le trio classique : monsieur, madame et ses amant.e.s.Cela permet des scènes parfois très lestes mais qui m'ont épaté par la narration à la fois très (dé)culottée et très naturelle. Même limite scato, certains sont franchement poilantes, mention particulière à Richard Anconina ! Et puis paf, au détour d'une galipette, l'émotion des sentiments entre ce nouveau Des Grieux et sa moderne Manon - qui semblent bien être liés par un sacré fil à la patte, qui les dépasse l'un et l'autre...

Bref, c'es à la fois très drôlatique et très touchant ; j'attends donc avec impatience "une autre fois" ;) - votre prochain opus !

PS : après relecture, ma préférée est la raison 74... - peut être pour avoir su aussi ce que c'est que d'avoir ainsi déraisonnablement quelqu'un dans la peau. Merci !


Oniris Copyright © 2007-2023