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Poésie libre
Aconcagua : El Alto, la fin du rêve
 Publié le 08/01/20  -  5 commentaires  -  2504 caractères  -  109 lectures    Autres textes du même auteur

(Vingt-trois morts en Bolivie et le peuple aymara orphelin de l'espoir.)


El Alto, la fin du rêve



Mon père était mineur,
il mâchait la coca à longueur de rêve
avec des absences voyageuses
et des mots aymaras
qui sentaient la terre et les dos cassés.
La mine a fermé et nous nous sommes incarcérés à El Alto.
El Alto c’est l’enfer au ciel,
c’est la lame de fond du vent froid
qui effiloche les herbes fauves de l’Altiplano,
c’est un parterre d’immondices
qui distille des senteurs anarchiques,
c’est la maladie qui roule en berline
et les enfants des rues qui s’inventent des écoles,
c’est la vie qui joue sa chance
à la roulette russe.
Pas la peine de manger,
ou bien de temps en temps
pour passer le temps.

Et puis Evo est venu,
avec son visage de lune heureuse.
Alors j’ai pris du poids,
le poids du respect qui bouscule,
de la fierté qui chevauche nos veines
comme l’alcool des agaves,
du savoir en fête
qui dévore le vide
dans l’ivresse des écoles,
le poids des ventres pleins
quand la récolte est belle,
le poids des palabres
et des mots qui jaillissent
comme des sources fraîches.

Et puis Evo est venu,
il a lancé des fils d’acier
où s’accrochent des œufs colorés
qui déambulent dans l’azur,
muets de tant de bonheur.
La Paz et El Alto,
richesse et dénuement,
métis en costume triste et
Aymara au petit chapeau plein de vie,
parfums subtils des apparitions et
odeurs entêtantes des épices,
La Paz et El Alto,
la greffe suspendue
de deux corps insouciants.

Et puis Evo a été chassé,
la misère a poussé la porte
et dans les vapeurs de révolte
les morts ont tenu congrès,
un grand banquet, à vingt-trois,
avec des silences de sang
et des sourires de porcelaine en fleur.
L’espoir a changé de camp,
les chatoyants ont ressorti leur morgue
et leur costume griffés,
les milords ont cherché la lumière
pour être là le jour de la curée,
pour amputer le corps malade d’El Alto,
pour remettre les pauvres à leur place.
Notre avenir est d’un noir sans transparence,
nous avançons les mains
pour nous protéger de la chute,
nous respirons pour oublier de survivre,
je voudrais faire disparaître le noir.

Nous sommes orphelins de l’avenir,
nous sommes devenus
les combattants du cauchemar.


Mane le 30/11/2019


 
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   Anonyme   
9/12/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Un poème très fort émotionnellement, mais sans pathos, sobre, donc, glaçant de ce désespoir premier, un jour effacé et puis retombé sur El Alto.
Un poème engagé, militant qui sait ne pas oublier la poésie.
Ce poème inspire respect tout en offrant une poétique évidente.

(et merci de m'avoir incitée à consulter le net, pour mieux situer le texte)

Merci du partage.

Éclaircie

   Alfin   
9/12/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Voilà un texte fort et engagé. Bravo ! c'est trop rare et donc important à souligner.

La narration est forte et un peu fouillis, je pense que de nombreuses phrases sont inutiles pour faire passer le message.

Personnellement je ne vois pas l'apport de la partie
"La Paz et El Alto,
Richesse et dénuement,
métis en costume triste et
aymara au petit chapeau plein de vie,
parfums subtils des apparitions et
odeurs entêtantes des épices,
La Paz et El Alto,
la greffe suspendue
de deux corps insouciants."

ce qui me dérange c'est l'apparition à plusieurs reprise du "et" (on va me taxer de raciste des conjonctions de coordinations car j'y reviens souvent dans mes commentaires :-)
Ici le "et" rends la phrase longue, très longue et encre longue;-)

c'est évidemment personnel, l'espoir dans le texte y est mitigé et ne connaissant pas la Bolivie, les images me parlent moins

Pour l'ensemble, j'aime beaucoup votre approche et votre façon de dénoncer les retournements récents de l'actualité.

au plaisir de vous lire

Alfin qui fuit toujours le bruit des bottes

   Gemini   
18/12/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je vais (tenter de) prendre des pincettes pour commenter ce texte, clairement dirigé, puisque je ne sais pas si, à ce sujet, Oniris admet l’échange d’opinion dans le vif du commentaire. Remarquez que ce n’est pas moi qui lance le sujet. Un nom est cité. L’avocat de la défense prend la parole. Seul. J’aimerais donc débattre sur le fond, comme le font tous les commentateurs, mais je vais d’abord commenter la forme pour m’éviter une possible « modération » (ce qui serait la seconde concernant cet auteur).

Inutile de nier que j’ai reconnu l’auteur : au-delà du thème, et de son expression, sa signature le révèle. On sait qu’il publie, ne remercie pas, n’ouvre pas de fil (pour ne pas avoir à débattre ?) et ne commente pas. Je pense donc que le site lui sert de plateforme pour faire passer une idéologie (la sienne). Personne ne peut lui ôter ce droit, mais est-il en droit de l’imposer sans qu’on y trouve à redire ?

Concernant l’écriture, je reconnais (c’est peu de le dire) une claire disposition pour faire passer le message. Le sujet est parfaitement maîtrisé, il y a de nombreuses images et des détails travaillés qui projettent le lecteur dans le direct de l’affaire, le style vif, et le rythme percutant enluminent parfaitement la qualité littéraire de ce récit. Je pense qu’à ce stade j’en ai assez dit, en toute honnêteté, pour que le texte puisse paraître (je le note d’ailleurs en conséquence), et je pense que je peux désormais m’atteler au fond sans craindre une quelconque foudre éditoriale.

L’auteur nous ayant largement signalé son positionnement sur l’échiquier politique, je commence à le trouver redondant. On est dans le dogme. Seules changent les situations géographiques (dans le but doctrinal des insoumis de démontrer que la révolution est mondiale). Pourquoi alors ne pas nous faire une ode poétique sur la mortalité des journalistes maltais ? La douceur asiatique des policiers hongkongais ? Sur la richesse de l’étal des épiceries vénézuéliennes ? Sur les libertés de l’internaute russe ? D’ailleurs, c’est bien la marque de fabrique de ces partis d’extrême gauche qui, s’adjugeant le monopole de l’humanité, pensent pouvoir parler au nom de l’Humanité (en filtrant toutefois ce qu’il est important de taire, et en mettant souvent la veuve et l’orphelin en première ligne pour être sûr d’apitoyer plus de monde : comment vendre un chien ? Mettez les chiots en vitrine). Une fois le martyr trouvé, il n’y a plus qu’à tirer sur la ficelle. On a l’impression d’une recette. Rien dans les communiqués de presse ne souligne que les 23 morts soient tous des Aymaras, mais on sait (d’après mes sources) que les premiers à tomber n’ont pas été victimes de répressions policières, mais d’affrontements entre manifestants.

Personnellement, j’aurais préféré que l’angle d’attaque soit plus neutre, et qu’on en arrive plutôt sur le rôle du Big Brother américain dans la destitution du président, et surtout qu’on s’interroge sur le pourquoi de cette intervention (la cocaïne peut-être ?). Vous parlez des mineurs, mais pas des paysans.

Je n’ai rien contre Morales (dont les résultats économiques ont été reconnus), je ne suis même pas du bord de ses ennemis, mais je trouve dans votre façon de défendre vos victimes une outrance ("nous respirons pour oublier de survivre") que n’avaient ni Hugo (avec Gavroche) ni Zola (avec Lantier), écrivains de gauche, prosélytes, mais pas orthodoxes, et de fait, n’ayant pas besoin de recourir à la mauvaise foi.
Je respecte cependant votre opinion, parce que je sais que la mienne n’est pas forcément meilleure (c’est impossible de s’autoproclamer de bonne foi). Mais pouvoir l’exprimer en public (si votre texte et mon commentaire paraissent) me suffit. Sinon, si votre message n’est pas remis en cause et que je suis censuré, tant mieux pour vous, vous ne la connaîtrez qu’en ouvrant un fil (peut-être).

Gemini

   Donaldo75   
10/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Aconcagua,

J’avoue que j’ai trouvé ce poème un brin trop raconté – ce qui n’est pas forcément ma tasse de thé, à part dans les fables – mais sa tonalité a pris le pas sur sa narration et ma lecture s’en est trouvée magnifiée. En clair, je suis rentré dans ce poème et ne l’ai plus quitté. Je ne rentrerai pas dans un débat sur le fond parce que le forum sert à ça et qu’en plus ça me gonfle d’avance. Ce qui est intéressant, c’est la forme au service du fond ou comment faire passer des idées, des convictions, une vision du monde, à travers un texte à visée poétique sans ennuyer le lecteur, sans engager une marche de gilets jaunes enflammés. A ce titre, c’est réussi.

Bravo !

Donaldo

   josy   
19/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
"la misére a poussé la porte "
oui c est la pénombre pour certains
"je voudrais faire disparaitre le noir "
des formulations qui font mal là ;où est le coeur
un engagement fort dans ta prose
et une poésie tourmentée mais bien réelle
j aime beaucoup;
"Et puis Evo est venu,
avec son visage de lune heureuse.
Alors j’ai pris du poids,
le poids du respect qui bouscule,
de la fierté qui chevauche nos veines
comme l’alcool des agaves,
du savoir en fête
qui dévore le vide
dans l’ivresse des écoles,
le poids des ventres pleins
quand la récolte est belle,
le poids des palabres
et des mots qui jaillissent
comme des sources fraîches."

c est de toute beauté dans ce fleuve de larmes

merci Christian


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