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Poésie néo-classique
Charivari : Cervantesques chimères
 Publié le 28/08/14  -  10 commentaires  -  848 caractères  -  295 lectures    Autres textes du même auteur

"Le rêve de la Raison engendre des monstres", Francisco Goya.

Vision surréaliste de la crise espagnole.


Cervantesques chimères



Les monstres engendrés par la Raison qui rêve
Ne peuvent être vus que par les yeux des fous ;
Sur le fil du rasoir, quand leurs orbites crèvent,
Dans l’ombre de Goya fuient les chiens andalous.

L’insensé se révèle au prisme des Lumières,
Ses yeux en négatif voient dans l’Espagne noire
Aigles de Guernica, charognardes chimères
Et vieux démons enfouis dans les trous de mémoire.

Aveugle est le mendiant guidé par Lazarille
Qui lui crache à la gueule et lui dit qu’il a plu ;
Aveugle, le taureau bardé de banderilles
Et le dévot voûté sur son monde reclus.

Dans le spectre infrarouge, attendent, clairvoyants,
Des armées d’indignés, six millions d’invisibles,
Aux portes du soleil, contre rois et géants,
Les fils de Don Quichotte exigent l’impossible.


 
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   Francis   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un poème qui me fait penser à la Parabole des aveugles, tableau de Pieter Brughel. Un poème bicolore: rouge et noir. Fils de Don Quichotte ou fils de Jaures, ces armées d'indignés cherchant la lumière grossissent chaque jour au delà des frontières de l'Espagne !
"Les monstres engendrés par la raison qui rêvent" peuvent conduire au cauchemar illustré par des expressions telles que rasoir, banderille, aigle, charognardes, orbites crevées, gueule...

   Anonyme   
28/8/2014
Salut Charivari

Il m'a fallu plusieurs lectures (et de consultations de mon moteur de recherche) pour apprécier à sa juste valeur ce poème engagé.

Je me méfie d'un genre ou souvent la passion de l'auteur lui fait oublier l'indispensable qualité de l'écriture.

Ce n'est pas le cas ici.

Ces alexandrins de bonne facture sont bourrés de références dont j'avoue que je les découvre grâce à toi. A commencer par l'oxymore de Goyat.

Je ne connaissais pas non plus le picaresque Lazarille.

Forts de ces cautions

"Dans le spectre infrarouge, attendent, clairvoyants,
Des armées d’indignés, six millions d’invisibles,
Aux portes du soleil, contre rois et géants,
Les fils de Don Quichotte exigent l’impossible."

Je tire bien bas mon chapeau devant la force de ce quatrain qui conclut en beauté ce poème.

Merci Charivari et bravo

   Anonyme   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte à l'image de votre pseudo ! Je n'y vois pas trop de surréalisme comme annoncé dans l'incipit excepté au niveau de quelques références aux surréalistes eux-mêmes. Le texte est plutôt "poétiquement parlant explicite" quant à lui.
Je n'aime pas trop lorsque l'on personnalise des concepts avec une majuscule comme s'ils étaient d'une constitution unique.
D'autant plus lorsque l'on parle de la "Raison"... qui est sans doute un concept aussi multiple qu'il y a de gens qui pensent...
A moins qu'il ne s'agisse d'une référence (dont le texte fourmille) qui m'échappe....

L'oeil crevé du Chien andalou est sans doute l'une des scènes qui me choque le plus. Vous avez donc soulevé en moi ce matin l'envie de ne pas prendre de petit-déjeuner...

Au-delà de ce détail, je vous avoue avoir de la peine a percevoir le sens de votre poème, d'y discerner le message.
Quel impossible est-il exigé ?
J'en retire une impression de violence éparpillée. C'est, sans doute, l'un de vos objectfs. L'écriture en est le parfait reflet. On lit tellement souvent du classique un peu mièvre que cette lecture valait bien un petit-déjeuner !

   Anonyme   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour

C'est un joli poème dont j'aime bien les images surréalistes.
De beaux vers entre autres :

Les monstres engendrés par la Raison qui rêve
Ne peuvent être vus que par les yeux des fous ;

L’insensé se révèle au prisme des Lumières,

Une vision des choses qui correspond bien à Cervantès.

   LeopoldPartisan   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
Beaucoup de densité et de matière dans ce très beau poème, dont je serais presque jaloux tant il met en exergue ce que j'aime dans ces cervantesques chimères.

Espagne terre de contradiction et de passion, terre de Dali, de Goya et de Gaudi. Terre d'une république massacrée par une guerre fratricide entre Madrid la très catholique et Barcelone l'anarchiste. Terre de Picasso, de Miro et de Bunuel... Terre de passion pour christ acétique et anémique. Terre de corrida et de passionaria's équarlate.

Est-ce à Madrid ou à Barcelone après avoir déambulé dans des venelles que j'ai découvert cette inscription en latin datant de 1937 : "les chrétiens aux lions..."

   Arielle   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Beaucoup de force et de grandeur dans cette vision de l'Espagne actuelle à travers le prisme de l'histoire de l'art qui témoigne des remous du passé.
Le constat est amer, le rêve semblant s'écraser contre le mur de l'impossible.
Je n'ai sans doute pas saisi toutes les références mais je suis impressionnée par la puissance des images et la clarté de la syntaxe.
Pour m'émouvoir il eut peut-être fallu sortir un peu des généralités mais tel n'était pas le but de l'auteur je suppose.
J'ai particulièrement apprécié le troisième quatrain, son ton désabusé devant les illusions humaines.

   Miguel   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Si j'aborde l'aspect idéologique du texte, je suis un peu gêné par cette vieille et trop facile associatipn du fascisme et de la foi, et je me méfie des indignés comme de tous les gens qui prétendent détenir la clé de tout : le jour où on les voit à l'oeuvre, en général on déchante (je ne m'étonne pas que l'ami LeopoldPartisan ait donné "exceptionnel"). Mais je suis sensible au souffle, au mouvement, à l'énergie galvanisante de ce poème, nourri des grandes figures picaresques des lectures de ma jeunesse. Les vers sont beaux, pleins d'un lyrisme qu'on ressent comme authentique, élégants et puissants. Goya y apporte encore de l'ampleur. Bref, la poésie est bien là, et tout à fait à sa place dans cette révolte pleine de rêverie.

   Anonyme   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Charivari. Un poème engagé qui ne manque pas souffle et m'aura permis de découvrir Lazarillo.
Une simple remarque, le vers 8 serait, me semble t-il, plus mélodieux comme suit à condition de mettre une virgule à la fin du 7 :Vieux démons enfouis dans les trous de mémoire.

Bien aimé le dernier quatrain mais le terme impossible me chagrine un peu car selon Larousse la définition de ce substantif est la suivante : Qui ne saurait se réaliser...

Ces six millions d'invisibles n'auraient-ils donc aucune chance d'atteindre leur but ?

   David   
28/8/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Charivari,

Je trouve les phrases des quatrains bien amenées, il y a une sorte de crescendo, depuis les "les chiens andalous", "l'insensé", "le mendiant/le taureau" jusqu'aux "fils de Don Quichotte", c'est je crois une métaphore filée d'une Espagne en crise soignée par des saignées moyen-âgeuses.

L'atmosphère est assez dense et prenante, avec un peu comme dans un tango une harmonie triste et révoltée à la fois.

   Louis   
31/8/2014
Que voit-on en Espagne ?
On y voit des « monstres engendrés par la raison qui rêve ».
Une référence, bien sûr, à la gravure de Goya intitulée : « Le sommeil de la raison engendre des monstres ».
Une ambiguïté est présente dans le titre même que Goya a donné à son œuvre, qui est formulé ainsi en espagnol : « el sueño de la razon.. », or il semble que le mot « sueño » signifie à la fois rêve et sommeil. Si la raison donc est en sommeil, elle est absente, cesse d'être active et laisse place à l'imagination. Si la raison « rêve », alors on peut comprendre qu'elle reste présente et active, que c'est elle alors qui est cause de l'enfantement des monstres de cauchemars, et non l'imagination.
Le poème se prononce, me semble-t-il, pour la première interprétation.
La raison qui « rêve », c'est une raison en sommeil, c'est à dire absente, passive, qui laisse place active à la seule imagination, et l'imagination, livrée à elle-même, en délire, engendre des « monstres » inquiétants.

Ces monstres «  ne peuvent être vus que par les yeux des fous ».
Ces fous, dont on disait, avant qu'ils ne deviennent des « malades mentaux », qu'ils ont « perdu la raison ».
Les « monstres » désignent avant tout l'inhumain, des chimères inquiétantes, des êtres de cauchemars effrayants, souvent figurés par des animaux. Dans la gravure de Goya, apparaissent en arrière plan du rêveur, des chauves-souris, des hiboux, des chats, animaux nocturnes, traditionnellement associés au mal.

Quand cette vision de la folie devient aveugle ( « quand leurs orbites crèvent » ), alors :
« Dans l'ombre de Goya fuient les chiens andalous »
La référence est cette fois à Buñuel et à Dali. Fuient leurs visions surréalistes, chimériques, désignées par « les chiens andalous ». Ou bien une vision délirante, ou bien l'aveuglement.

Aux visions folles, cauchemardesques, du réel et de l'Espagne, par des Espagnols eux-mêmes, s'ajoutent dans le deuxième quatrain, les visions de « l'insensé ».
Insensé révélé « aux prismes des Lumières », celles du mouvement culturel du 18ème siècle, qui privilégie la raison, contre l'obscurantisme, contre l'irrationnel, contre la superstition comme croyance aux « chimères ».
L'insensé ne voit que « charognardes chimères », « aigles de Guernica », aigles, symboles de la légion Condor, responsable du massacre de la ville de Guernica.
L'insensé ne voit de l'Espagne que « l'Espagne noire » et les « vieux démons enfouis dans les trous de mémoire ».

Aveuglement sur l'Espagne réelle, sur l'Espagne d'aujourd'hui, mais aveuglement de l'Espagne sur elle-même :
« Aveugle est le mendiant guidé par Lazarille » : référence au roman picaresque La vie de Lazarillo de Tormes. Le personnage enfant, Lazarille, entre au service d'un mendiant aveugle.
Aveuglement de l'Espagne qui entre au service d'aveugles ;
aveuglement provoqué des taureaux dans la corrida ;
aveuglement religieux des « dévots ».
L'Espagne est parfois aveugle, se rend aveugle sur elle-même.


Mais ce qu'il faut voir en Espagne, ce sont des « invisibles », « des armées d'indignés, sis millions d'invisibles ». Ceux que l'on ne voit pas sont « clairvoyants ».
On ne voit de l'Espagne que des aveuglements et des folies, on ne voit pas « les invisibles ».
Nous ne voyons que ceux qui ne voient pas, ou ne voient que des chimères, nous sommes nous aussi aveugles.
Les invisibles clairvoyants, ceux qu'on ne voit pas mais qui voient, qui voient clair, sont pourtant « Aux portes du soleil» : eux sont en pleine lumière, dans la lucidité, dans la lumière de la raison, cette « lumière naturelle » comme on la désignait dans les siècles précédents. En pleine lumière, on ne les voit pas : aveuglement de l'éblouissement.

« Les fils de Don Quichotte exigent l'impossible » : dit le dernier vers.
On pourrait donc penser que tous ces indignés (les invisibles) sont encore des fous et des insensés, ou des aveugles, comme ceux qui ont été évoqués dans les strophes précédentes. Fils de Don Quichotte, ils se battraient encore contre des chimères, des moulins à vent. On n'en sortirait pas de la folie et de l'aveuglement.
Il n'en est rien.
Les « indignés » sont « clairvoyants » et se battent en pleine lumière. Mais « ils exigent l'impossible », n'est-ce pas insensé, déraisonnable, une nouvelle défaite de la raison ?
Il semble plutôt que soit faite une référence implicite à un slogan de mai 68 : Soyez réalistes, demandez l'impossible » ou « Soyez raisonnables, demandez l'impossible ».
Ils sont des rêveurs, mais n'engendrent pas de monstres ; leurs rêves ne sont pas des cauchemars ; ils rêvent d'un monde meilleur, qui semble « impossible », en opposition à notre monde, absurde et déraisonnable.
L'impossible n'est pas l'inaccessible. L'impossible d'aujourd'hui peut être le possible de demain.
Le désir d'impossible nourrit le désir de changer la réalité sociale dans le sens d'un monde meilleur. « Un désir d'impossible » est souvent l'argument de la résignation. Et même si cet impossible est inaccessible, il constitue un idéal, jamais réalisable, mais qui donne un horizon, un sens à un devenir, à une action à une société, ce dont nous manquons tant aujourd'hui. Ce qui donne du sens ne peut donc être insensé. Nous manquons justement de sens. La réalité présente est absurde, il s'agit de lui en donner, du sens.

Le poème demande donc que l'on soit moins aveugle sur l'Espagne, et sur le monde présent plus généralement ; l'Espagne ne produit pas seulement des monstres et des chimères, n'est pas tout entière tournée vers le passé, il y a en elle des « Invisibles » clairvoyants, capables de se projeter vers l'avenir, tournés vers le futur et rêvant, non de « chimères », mais d'un « impossible » meilleur, sensé, qui n'est ni délire ni folie.

Bravo Charivari, un poème intéressant par son contenu.


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