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Récit poétique
dimitrip : (sans titre)
 Publié le 12/02/24  -  5 commentaires  -  2988 caractères  -  73 lectures    Autres textes du même auteur

Un peu de surréalisme. Et l'introduction d'un personnage qui reviendra ailleurs si vous voulez bien : Andretilo Crinio.


(sans titre)



Il poussa la porte, aussitôt accueilli par un carillon qui jouait l'impromptu de l'Alma et le sourire binoculaire du bouquiniste.

– Que puis-je pour nous ?

Tiens, un honnête homme, pensa Crinio sans déjà plus savoir pourquoi.

– Je voudrais trente grammes de roman de énième main.
– Bien sûr. Quelle couleur ?
– Euh…
– Pour l'instant je vends beaucoup de fuchsia caloque et de vert brebis. Sinon, le terre de Sienne a du succès, et bien sûr le noir J&B, indémodable.
– … ah !

L’œil droit et le lobe cervical gauche du commerçant, respectivement perçant et sympathique, et communément éprouvés, repérèrent soudain l'orange vif de la modeste écharpe de Crinio.
Négligeant le rayon X et le rayon laser, il se dirigea sans hésiter vers un rayon de soleil où de magnifiques livres bleu cirage transformaient la lumière du soir en infrarouges atonaux.
Il extirpa un volume dont une grosse partie des feuilles tombèrent sur le sol comme des vagues molles de tracts électoraux. Feuilles qu'il prit soin de remettre au hasard à leur place.
Puis, dosant la tranche au jugé, il trancha le dos (qui, il faut le dire, avait déjà commencé le travail). Le livre accoucha donc par les reins de sa moitié qui instantanément devint approximativement son égale sans du tout être son double. L'homme prit soin de sélectionner le début du livre, geste délicat pour lequel Crinio exprima sa reconnaissance d'une accentuation de ses pattes-d'oie.

– Il y en a un peu plus… je vous mets quand même ?

Andretilo ouvrit son porte-monnaie et, constatant qu'en sus des quatre pièces de 23 cents qu'il lui restait, il possédait encore une attache-trombone de taille respectable, acquiesça.

– Je vous emballe ?

L'homme, toujours souriant, brandissait la page des programmes télévisés du Nord Éclair de l'avant-veille.

– Non merci. C'est pour consommer tout de suite. De toute manière, vous ne pourriez pas faire trois plis il me semble.

L'air de rien, en retournant complètement la tête, Crinio avait vérifié la date de préemption écrite sur la couverture : « À lire de préférence après hier ». Satisfait, il renversa sa bourse sur le carrelage et prit possession de l'objet. La couverture en était craquelée et pliée, formant une fractale de dimension tournant autour de 1,8 et des poussières de Cantor. Les coins, élégamment cornés, telle une approximation discrète de portamento aléatoire, dés(+s)inaient (-en) une parabole large et incertaine, au sein de laquelle une demi-tache élégante de thé au beurre de yak rance avait depuis longtemps fini son expansion. Un bel objet, en vérité. Et appétissant.

– Au revoir et merci, dit Crinio.
– Merci et au revoir, fit le boutiquier.

L'impromptu de l'Alma reprit son seul et unique mouvement de manière plus enjouée encore.
Je reviendrai ici, se dit-il. Le service y est vraiment excellent.


 
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   Eki   
27/1/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Beaucoup plus riche qu'il n'y paraît ce texte...
Je viens de compléter mes petites connaissances sur le métier de libraire et celui de bouquiniste...Oui, grâce à vous et à Internet.
Quant aux poussières de Cantor, ma lecture était un remue méninge...mais je sais qui est Cantor...Encore grâce à vous.

"Il extirpa un volume dont une grosse partie des feuilles tombèrent sur le sol comme des vagues molles de tracts électoraux. Feuilles qu'il prit soin de remettre au hasard à leur place".
Ces mots amusants de l'auteur me renvoient à cette citation de Tristan Bernard :
"Comme tous les gens d'imagination, il adore les volumes où il manque des pages."

L'impromptu de l'Alma...ça donne tout de suite le côté théâtral de cette historiette...L'auteur joue avec les mots, sa plume fanfaronne, nous offre ces accents burlesques...
Ce n'est pas un pavé lourd. C'est un texte attrayant, lu avec grand plaisir. Il y a du rythme sans point mort. Ce texte est vivant.

   Cornelius   
12/2/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Ce texte aurait sans doute pu faire l'objet d'une nouvelle plus étoffée ce qui ne l'empêchait pas d'être poétique.
Et s'il est surréaliste cela ne me dérange pas bien au contraire.
Et s'il enrichit mon vocabulaire personnel cela ne me dérange pas non plus.
Et si en plus il y a un zeste d'humour c'est encore mieux.

En résumé j'ai bien aimé ce texte poético-surréaliste et le format choisi n'a finalement que peu d'importance car ce qui compte le plus c'est le plaisir de la lecture.
Merci donc pour ce texte qui je l'espère ne sera pas recouvert par la poussière fut-elle de Cantor.

   papipoete   
12/2/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour dimitrip
Certes, il faut être de la partie pour apprécier tout le sel de votre récit, où l'on ne parle pas en terme d'auteur, mais en couleur de reliures.
NB j'aime bien ce marchand et client, qui parlent
" à emporter ?
- non, à consommer sur place !"
J'ai proposé dernièrement ( sans succès ) un poème, où il était question de vente, comme sur un marché aux légumes, de poésie en tout genre...
alors, je suis heureux pour Vous que votre " commerce " fonctionne !
cela me rappelle une découverte, que nous fîmes ma fille et moi, lors d'une ballade en forêt, alors que la neige était fort épaisse :
sous un tertre neigeux, nous grattâmes cet intrigant dôme quand nous apparut une montagne de livres, aux reliures de cuir de toute couleur !
la petite et moi étions béats ( mais trop loin de toute vie, pour en rapporter... )
j'aime bien votre aventure, mais la richesse du vocabulaire...

   Provencao   
12/2/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour dimitrip,et bienvenue,

J"ai beaucoup aimé cet écrit où vous nous offrez ces deux faces: désarçonnant et déconcertant cet accueil bercé par le carillon et le sourire binoculaire du bouquiniste, nous offrant des échanges les plus sérieux d'un coté ridicule et drôle à la fois.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   EtienneNorvins   
13/2/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Un récit faussement léger, semble-t-il placé sous le signe de Plume ? Il reprend les processus du rêve pour emboîter avec humour les infinis les uns dans les autres (référence à Cantor oblige ?).

J'aime beaucoup la description des livres non comme objets physiques, fétichisme de bouquiniste, mais comme objets de lecture, où l'ordre des pages importe peu, où chaque ligne peut accoucher d'une autre, égale sans être double, dans la tête du lecteur. Ce qui permet cette espèce de télépathie suggérée en début de texte, entre 'happy few' - emballée dans les programmes bavards de la télé, dont on ne peut pas faire 'trois plis'...

Je reviendrai aussi, si comme annoncé Andretilo (Stiletto ?) Crinio a droit à d'autres aventures - en suggérant simplement un usage moins surabondant des adjectifs, qui rend certains passages un peu trop 'mécaniques'.


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