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Poésie en prose
Donaldo75 : Dimanche sur le champ de bataille
 Publié le 17/11/23  -  6 commentaires  -  2155 caractères  -  70 lectures    Autres textes du même auteur

"A place to stay, enough to eat
Somewhere, old heroes shuffle safely down the street
Where you can speak out loud about your doubts and fears
And what's more, no one ever disappears
You never hear their standard issue kicking in your door
You can relax on both sides of the tracks
And maniacs don't blow holes in bandsmen by remote control"

Roger Waters - The gunner's dream


Dimanche sur le champ de bataille



Petit à petit, le ciel meurt avec nous, dans la grisaille de la terre européenne. Les nuages matinaux étouffent le soleil naissant. La lande ne tremble plus, comme si les hommes avaient décidé ce dimanche d’arrêter un peu la tuerie. Nous nous regardons hagards, des fantômes dans un théâtre de poussière, des ombres perdues dans les tranchées. Les héros d’hier ne sont plus que de tristes silhouettes aux tronches noircies, errant à la recherche de quoi manger, d’un bout de sol pas trop dur où reposer leurs muscles transis.

Je ne sais pas pourquoi je suis ici et depuis quand.
Il doit y avoir une raison à tout ceci.

La radio diffuse des mots, des phrases mais je ne les comprends pas. Personne n’en saisit plus le sens. Ces messages résonnent dans le vide d’esprits fatigués, de volontés rompues, le terminal de notre humanité en perdition. Les autres, les ombres en face de nous, atteignent probablement le bout du rouleau eux aussi. Je les imagine ramper, laper les derniers morceaux de leurs maigres rations, soigner leurs blessures et penser à leurs femmes, leurs enfants, leurs parents, leur maison. Ils ne nous haïssent pas. Nous ne sommes que l’un de leurs travaux de forçats enchaînés à la même chaîne appelée mère Patrie. Comme nous.

Quelqu’un nous regarde d’en haut je l’espère.
Un jour il viendra nous dire d’arrêter.

Les premières notes du chant dominical s’élèvent dans le gris. Je ne sais pas qui a commencé, eux ou nous. Au moins nous partageons cette croyance. Les paroles semblent différentes, dans une autre langue si proche et en même temps si lointaine mais la musique nous emmène au-delà de ce qui nous sépare. Des hommes enterrés tentent de sortir par le haut, juste pour une journée, de leur voix pathétique. Ils sont nous. Nous sommes eux. Des bras et des jambes. Des yeux et des bouches. De la chair à canon dispersée sur une carte d’état-major sous la forme simplifiée d’icônes drapées dans les couleurs d’une grande nation. Des riens moulés dans un tout.

Je peux fermer les yeux et rêver d’un ailleurs.
Il existe je le crois un monde bien meilleur.


 
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   Robot   
5/11/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Une réflexion intéressante sur l'absurdité et l'horreur de la guerre.
Un texte qui a mon avis se serait bien passé sans problème des vers intermédiaires et surtout des deux vers de fin qui nous sortent du contexte et ne laisse pas le lecteur libre de sa propre vision.

   Cyrill   
8/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Une prose presque hallucinatoire où l'humain devient un tout indifférencié, fait d'une pâte à patrie malaxée. La petite voix qui vient en contrepoint du chant dominical s'oppose avec la fragilité de l'espoir au broyage d'une guerre interminable.
Elle semble venir d’un locuteur ayant traversé le temps d’un théâtre d’opérations à l’autre : «Je ne sais pas pourquoi je suis ici et depuis quand ». 
Le « bout du rouleau » sonne comme un écho au « terminal de notre humanité en perdition ».
J’ai aimé l’idée de fraternisation à travers le chant et la musique, lorsque la chair à canon ne fait qu’une d’un côté comme de l’autre, «Ils sont nous. Nous sommes eux. Des bras et des jambes », commune au-delà des différences et loin des décisions des états-majors, un peu comme la cérémonie païenne d’un tableau surréaliste.
Un bien beau texte, humaniste, engagé et poétique, avec au centre le champ de bataille qui me fait l'effet d'un personnage dont on entend battre le chœur.

   fanny   
17/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Un texte parfaitement en adéquation avec l'esprit de la chanson, tourné vers l'espoir d'un monde meilleur, vers l'espoir que toute horreur sur terre a un sens et porte en elle une justification.

"Il doit y avoir une raison à tout ceci", dernier argument de l'homme déboussolé, déshumanisé, sommé de tuer sous peine de mort, qui s'en remet à d'éventuelles forces supérieures, dernière projection positive à laquelle l'esprit humain peut se raccrocher.

Chant dominical, en Europe, on pense bien sûr à la guerre en Ukraine dont on imagine volontiers qu'une fois de plus, nombre de soldats ukrainiens et russes se demandent ce qu'ils font là, mais cette prose peut s'appliquer à n'importe quelle guerre.

J'aime beaucoup cette phrase "de la chair à canons.......d'une grande nation"

Un beau texte qui fait état de l'absurdité des injonctions gouvernementales et de celle de la notion de mère patrie, alors que celle-ci est grandement dilluée dans la mondialisation. La seule patrie des marchands d'armes ce sont les paradis fiscaux, très à l'abri des bombes.

Reste l'espérance,

"Prends soin du rêve
Prends en soin"

   papipoete   
17/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
bonsoir Donaldo
Un dimanche-soir sur le front, en tranchées, quand a cessé la mitraille, que les corbeaux de tripes font ripaille...
Un soldat pense ; il pense qu'en face aussi, aux leurs ils pensent sous leur barda.
Ils ont une femme, une fiancée, quelqu'un qui les attend : et eux attendent qu'on hurle " à l'assaut ! "
NB l'atmosphère est bien rendue, dans cette prose où ne gicle pas le sang, pas encore...
Le ciel semble réconfort pour qui croit, pour qui ne croit pas ; songer aux anges avant qu'à nouveau l'Enfer entre en éruption !
J'ai bien aimé ; songé à Cheval de Guerre par exemple

   Quistero   
18/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Si je n’ai rien perçu de nouveau dans l’écriture, j’ai plutôt aimé l’atmosphère générale et oppressive avec seulement cette petite musique qui transperce l’ensemble mais qui n’adoucit ni les mœurs ni les morts et résonne bien plus comme une sempiternelle ritournelle. Merci.

   Annick   
18/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Toute l'absurdité de la guerre se trouve dans vos mots. Pas de héros, juste des pions, des fonctionnaires qui fonctionnent sans penser. Le pourraient-ils ? Peut-on être un héros quand on a faim, quand on a mal ?
Les hommes côtoient l'horreur, ne la comprennent pas. Ils ont perdu leur repères et semblent errer sans but.
L'écriture est magnifique car juste, vraie, sans fioriture, sans esthétisme déplacé. Non, la guerre n'est pas belle, même quand on la raconte.


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