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Poésie contemporaine
Edgard : La mouche
 Publié le 22/09/13  -  8 commentaires  -  1912 caractères  -  258 lectures    Autres textes du même auteur

Edmond Kaiser écrivait : "Si l'on ouvrait la marmite du monde, sa clameur ferait reculer le ciel et la terre. Car ni la terre ni le ciel, ni aucun d'entre nous n'a vraiment mesuré l'envergure terrifiante du malheur des enfants, ni des pouvoirs qui les broient."
J'ai choisi un angle différent pour effleurer ce thème de l'enfance sacrifiée par la barbarie humaine.


La mouche



Une frêle petite mouche
Une mouche désolée
S’est posée, elle a osé
C’est hier que ça s’est passé
Hier bien vite oublié
Qu’est-ce qui est moins qu’une mouche ?
La mémoire est si farouche
Et le passant si pressé

Tant de choses étaient à voir
Tant de bonheurs à danser
Tant de fleurs pour les bouquets
Tant d’amour et tant d’espoir !

Une mouche s’est posée
Petite mouche apeurée
Sur la lèvre fort serrée
Au bord d’un chemin d’Afrique
Où tout s’était arrêté
Qu’est-ce qui est moins qu’un chemin
Ici ou aux Amériques
Qui ne mène à un matin ?

Une mouche s’est posée
Sur une lèvre asséchée
Qui ne disait plus j’ai faim
Sur la bouche sans refrain
D’une petite fille noire
Posée au milieu du soir
Au pied d’un grand arbre à pain
Qu’est-ce qui est moins qu’un beau soir
Sans personne pour le voir ?

D’un petit vol de satin
Tandis que comme un fer rouge
Le soleil s’accroche au loin
Un long soir où rien ne bouge
La mouche va sur la main
Maigre fine à se briser
Qu’est-ce qui est moins qu’une main
La main qui ne tient plus rien ?

La mouche sur la paupière
Se pose au bord de l’œil noir
Sans éclat larme ni regard
D’une petite fille noire
L’œil déjà perdu au loin
Plus loin que la nuit qui vient
Qu’est-ce qui est moins qu’un regard
Un si grand œil pour ne rien voir ?

Une frêle petite mouche
Une mouche désolée
S’est posée, elle a osé
C’est hier que ça s’est passé
Hier bien vite oublié
Qu’est-ce qui est moins qu’une mouche ?
La mémoire est si farouche
Et le passant si pressé

Tant de choses étaient à voir
Tant de bonheurs à danser
Tant de fleurs pour les bouquets
Tant d’amour et tant d’espoir !


 
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   Anonyme   
7/9/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir. Voilà une poésie libre qui me parle et me touche.
Il fallait beaucoup d'imagination pour mettre en scène une petite mouche sans importance sur un petit cadavre qui n'en a guère plus aux yeux du monde...
Toute la misère des enfants d'Afrique et plus largement du monde est concentrée dans ce très beau poème et pourtant...

Tant de choses étaient à voir
Tant de bonheurs à danser
Tant de fleurs pour les bouquets
Tant d’amour et tant d’espoir !

Merci d'avoir traîté cette abomination avec tant de tact et d'humanité

   macaron   
22/9/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Beaucoup de pudeur, et une simplicité qui nous touche au coeur dans ce joli poème. Les questions posées, en léger décalage, nous révèlent toute l'absurdité de ces morts qu'on pourrait éviter.

   Anonyme   
22/9/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un poème touchant et pudique et qui dit beaucoup...Comme quoi la prétérition quand elle est bien filé est une figure remarquablement efficace. Et qui a-t-il de plus, parfois, que ce qui n'est pas dit ?
Un bel emploi de l'alternance octo/hepta qui donne ce qu'il faut de décalage dans le rythme pour générer l’imperceptible inconfort nécessaire à la lecture d'un tel récit.

Et puis cette superbe métaphore implicite de la si frêle petite mouche...

J'ai beaucoup aimé, vraiment.

   troupi   
22/9/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Que de délicatesse pour parvenir à décrire une telle horreur, et utiliser l'insignifiance d'une mouche par rapport à la scène est une trouvaille en soi.
"Tant de choses étaient à voir
Tant de bonheurs à danser
Tant de fleurs pour les bouquets
Tant d’amour et tant d’espoir !"
Tant d'existences qui n'en sont pas dans ce continent oublié - sauf par les multinationales - où la vie compte pour si peu.
J'ai été très ému par votre poème, sûrement à cause de quelques pérégrinations dans ces pays où j'ai vu ce que vous décrivez.

   pieralun   
22/9/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
Coup d'essai, coup de maitre.

J'ai beaucoup aimé ce texte Edgard!
Je l'ai aimé parce que la souffrance, la plus grande laideur de l'humanité, y est abordée de front, violemment, et pourtant en restant effleurée par les mots, portée par la douce musique que constituent ces vers: la mouche est frêle, apeurée, et reste pourtant l'insecte charognard qui attend que le pire des dénuements entraine la mort.
Je l'ai aimé parce qu'il m'a plongé dans la culpabilité et l'impuissance à regarder cette petite fille et tous les stigmates de la souffrance qu'elle porte sur l'ensemble de son être.
Je l'ai aimé parce que, malgré tout, il me ré imprègne de cette Afrique que j'adore au travers de ses soirs, de ses odeurs au soleil brûlant.
Je l'ai adoré car malgré la montée en puissance de l'horreur, la mouche au vol de satin est toujours là, désolée, et qu'il n'y a rien de plus fort que de dénoncer l'horreur au travers du filtre de la beauté.
La vraie poésie qui s'engage, c'est cela! parce que c'est celle qui touche.

   Anonyme   
22/9/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Il n'y a pas de morale enfonçant les portes ouvertes là-dedans, mais un regret terrible et dérangeant, exprimé sous la forme d'une ritournelle.
J'apprécie.

C'est un sujet qui donne prise au pathos, au cortège des bons sentiments, à l'excès d'émotion etc.

L'auteur, avec cette petite (et affreuse) complainte au lexique très sobre, et à la grande décence, a évité cette facilité, qui lui aurait assuré un succès certain et convenu auprès de tous les cœurs mièvres de ses lecteurs : saluons-le pour son habileté.

   Arielle   
22/9/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Cette frêle mouche noire, la mort qu'elle symbolise deviendraient presque aimables comme le soulagement, la délivrance offertes à cette petite fille dont on devine les souffrances endurées durant sa courte vie.
C'est le miracle de la poésie qui transfigure ce qu'elle touche quand elle le fait avec pudeur et simplicité et donne, sans effets de manches, l'impression d' une émotion sincère.
Un sujet extrêmement difficile à traiter sans sombrer dans le plus lourd, le plus répugnant des mélos. Bravo pour cette petite chanson triste et terriblement émouvante.

   Mona79   
27/9/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Elle est terriblement efficace, voire dérangeante, cette mouche : elle tourbillonne sur le poème, insistante, tenace, elle s'abreuve du sang innocent et donne prise à la mauvaise conscience. C'était le but ? Il fallait le comprendre, c'est tellement banal une mouche, tellement agaçant aussi... C'est fait, je n'en verrai plus une seule sans penser à ce poème et aux conséquences qu'il implique.


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