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Récit poétique
Egloguefunebre : Tuer les oiseaux
 Publié le 05/12/21  -  5 commentaires  -  3551 caractères  -  68 lectures    Autres textes du même auteur

Ce récit est la suite d'un autre, nommé « Les oiseaux ». Ils peuvent se lire séparément ou l'un à la suite de l'autre.

Ici, le narrateur joue l'avocat du diable pour la Tristesse. Il trouve à son malheur les traits plus agréables qu'à la joie et tente de convaincre son auditoire.


Tuer les oiseaux



Âcre trésor qui vous abhorre, je serre entre mes phalanges ses joyaux ruisselants. Cristallins cristaux salins pansent les maux infligés par le rire incisif des jours heureux. Profondes, les plaies de Bonheur tenaillent les cœurs. Placides, les sutures de Malheur. Il n'est plus solide plastron que la cuirasse du malheureux dont la peau s'est vue, par cent fois, assouplie par les coups du destin.

Mal perçue, injustement reniée au profit de son voisin, Mélancolie se voit fort incomprise, fort mal apprise. Fatal poison aux yeux ingénus, elle se fait nectar sous ceux qui en explorent les reliefs.

Il y a, chez Malheur, une candeur dont Bonheur et ses vices sont usurpateurs. Symphonie d'assourdissants sussures vendus par le charlatan comme l'Idéal. Calice offrant au gosier du premier venu les prétendus secrets de l'homme comme une facilité. L'unique doctrine, la sainte, l'évidente, l'existence ne se vaut qu'aux côtés de Joie.

Il n'est à aucun moment envisageable de se pencher au-dessus de la figure de Malheur pour en apprécier les traits. Faites-le, pourtant. Voyez comme il est paisible lorsque personne ne le convoite. Réalisez que se confondre dans ses bras n'est nulle sensation de froid. Appréciez la satiété, fruit de ceux qui se repaissent de sa sûreté.

Bonheur n'est qu'un croupier, maître du plus grand jeu de hasard de tous les temps. Approchez, misez, perdez à tous les coups, il n'y a pas de gagnant. Bonheur est le saint patron de l'éphémère, figure évanescente de l'insaisissable.

Mélancolie qui, elle, se tapit, silencieuse et inéluctable, ne menace jamais ceux qui l'affectionnent. Aux premiers abords, il faut l'accorder, elle n'a pas les atouts de son adversaire. L'écume des rires charme alors que le fracas de l'âme accable. Et si, à son commencement, Malheur voit sa masse prépondérante couler ses porteurs, il s'allège et se fait un poids rassurant. À la manière d'un autre corps, il s'allonge aux côtés de ses adorateurs, tendre présence.

Bonheur, lui, entourloupe ses partisans à grand renfort de ses lames tentatrices qui laissent les plus jolies cicatrices. Il vrombit, essaim dans l'estomac, colonise l'esprit pour flouter le moindre contour du réel. Il impose à ses fidèles une vision factice, dénuée de nuances. Un royaume où le borgne règne.

Sans autres prémices, l'image craquelle en douloureux lambeaux d'autrefois. Elle s'écroule et ne laisse que la terre inatteignable des souvenirs. Landes où les levers de soleil sont si beaux qu'ils en deviennent des fables que l'on se conte. Il y a dans les ruines de Bonheur une incommensurable évidence : en l'échange de l'euphorie d'un instant, l'inconstance des cœurs béants.

Malheur érige des temples solitaires où la réflexion trouve refuge. Il est aux artistes une bouffée d'air, aux inconscients un remède, aux désespérés une accroche. En proie à une sincérité sans bornes, il ne laisse pas l'espoir vain d'une vérité redessinée.

Là où il n'y a ni vague, ni tonnerre, ni tremblement, l'ataraxie est accessible à celui qui tendra les doigts pour la cueillir. Elle s'offre comme une évidence à qui accepte l'idée du bonheur comme étant le principal responsable des douleurs qui transpercent l'âme de l'homme.

Il y a, dans la tristesse, le bénéfice de la limite finalement atteinte. La divine sensation du point de non-retour, vecteur de certitude. Le visage dans la poussière ne voit plus d'autres chutes. Le silence n'entend pas mourir les rires.


 
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   Cyrill   
25/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Beau titre.
L’avocat du diable m’a convaincu !

Je déclare Tristesse, Mélancolie et Malheur innocents de tout forfait. Ce récit fait un sort à Bonheur et à ses acolytes, je dis bravo.
Il érige ses contraires en hérauts avec des arguments auxquels j’adhère au moins pour le temps de ma lecture, c’est toute sa force.
L’écriture est tout en subtilités, le texte se lit avec gourmandise. Je n’ai aucune remarque négative à faire.

Mais dans ma vraie vie, j’aime parfois goûter au simple bonheur, si corrosif pourtant, tant qu’il ne vient pas d’un hard discount, tout de même !

   Eskisse   
5/12/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Egloguefunèbre,

Un récit poétique très bien écrit, avec notamment des rythmes ternaires :
"Il est aux artistes une bouffée d'air, aux inconscients un remède, aux désespérés une accroche." qui rendent ce malheur paradoxalement apaisant. Des images bien trouvées : le Bonheur croupier, le Bonheur factice ou illusoire, " Un royaume où le borgne règne" ...Mais un récit poétique également très cérébral, voire clinique qui ne fait pas naître en moi d'émotions comme l'on pourrait en attendre d'une plaidoirie pour le Malheur, la Tristesse...

   Lariviere   
5/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

Très bon texte, avec du sens, de la réflexion qui n'inhibe pas la poétique, des allitérations, une belle musicalité, surtout dans la première partie...

J'ai beaucoup aimé ce récit de Malheur, Bonheur et Mélancolie !

Merci pour ce bon moment de lecture

   Robot   
8/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Aprés avoir lu cette prose on s'interroge: "Et si c'était la réalité" S'il y avait à prendre dans l'adversité des leçons pour apprécier le bonheur. Toute la différence entre malheureux ou mal heureux. J'ai apprécié ce moment d'esthétique de l'adversité.

   Marite   
9/12/2021
J'aimerais percevoir ce qui se cache dans ce récit. Après trois lectures je n'arrive pas à comprendre le titre mais je crois qu'il y a un premier récit intitulé "Les oiseaux" qui peut-être m'éclairerait ... Je ne trouve pas ce texte sur Oniris ... où se cache-t-il ?
Ah ! Merci pour la découvert du mot "Eglogue" surtout que pour votre pseudo j'ai cru que c'était un "jeu" car j'ai dévié tout de suite vers "Elogefunèbre" qui me paraissait d'emblée en liaison avec le titre ... pardonnez-moi si vous trouvez cela blessant, ce n'est pas mon intention.


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