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Poésie libre
Eskisse : À l'unisson rossignol et vent
 Publié le 11/12/23  -  8 commentaires  -  903 caractères  -  254 lectures    Autres textes du même auteur

Écrit sur Fratres d'Arvo Pärt.


À l'unisson rossignol et vent



Il y a ce couple qui a pris fin
comme on éteint une lampe
dans la poussière des lambeaux

Son amour est toujours grand
de soies, de lettres et de sauts
La larme n’est pas celle du chemin
elle s’est retirée hors des corps

Ils sont deux mélopées
qui se séparent
faute de sobriété
Ils n’ont plus que leurs trilles
pour appui consenti

Il faudra une autre ère
pour donner à la nuit
son fard et ses fossettes

En attendant
ils sont deux dans cette nuit
à vouloir un espace, une aria, une lueur
sans jamais gémir devant leurs gestes élargis
sans méconnaître l’autre
à vouloir l’absolu
dans leurs veines
des rires à plus soif
dans le regard de leur fontaine

C’est là qu’il faut s’éveiller
contrer l’absence

À l’unisson rossignol et vent


 
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   Jemabi   
25/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Un texte superbe, hautement poétique, aux images puissantes, à l'écriture fluide, et dont l'idée principale (la correspondance entre des liens amoureux qui s'effritent et des morceaux de musique qui se succèdent) est bien maîtrisée. En même temps, ça en dit long sans trop en dire et, au final et après plusieurs lectures, le texte conserve tout son mystère, toute sa beauté.

   fanny   
29/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Ce poème est parfaitement à l'image de la pièce musicale, beau, complexe et offert aux interprétations.
C'est le genre de libre dont j'ai parfois autant de mal à cerner le cheminement des mots qu'à en trouver pour commenter, mais je suis néanmoins réceptive à la sensibilité qui s'exprime dans cette histoire d'amour, je trouve son traitement original et son recul intéressant.

Que reste-t-il après la séparation lorsque l'amour est toujours grand : des mélopées, des trilles, et de l'espoir puisqu'il faut s'éveiller contre l'absence, en attendant qu'une autre ère donne à la nuit son fard et ses fossettes.

Une jolie partition sur les liens distendus qui restent cependant ténus et une poésie qui exprime toute la complexité de certains liens affectifs.

Fanny en El, un appui consenti.

   Eki   
2/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Somptueux...
C'est comme un moment suspendu, une petite musique de nuit.
Fragilité et nostalgie se mêlent avec subtilité et nous offrent ce très joli texte.

Son amour est toujours grand
de soies, de lettres et de sauts
La larme n’est pas celle du chemin
elle s’est retirée hors des corps

Tout est beau !

Les trois derniers vers étincelants nous emmènent en pleine lumière.

Merci !

   EtienneNorvins   
14/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Comme Für Alina, la source d’inspiration est musicale, œuvre d’un compositeur cher à l’auteure. Fratres (‘Frères’ en latin) célèbre une communion ‘musicale et spirituelle’ – une communion ‘fraternelle’, ce qui exclut la dimension physique de la communion entre deux amants, par exemple.

On y insiste dès le titre. L’unisson n’est pas l’union, au sens fusionnel, mais l’émission simultanée de deux sons à des hauteurs ou octaves différents / le son produit simultanément par plusieurs voix. L’unisson n’est donc pas ‘fusion’ mais ‘consonance’ : c’est une 'vibration ensemble', harmonieuse mais à distance – entre un « rossignol » (chant?) et le « vent » (souffle?) dont la musique emmêlée devra pourtant demeurer distincte.

On ne le comprendra pleinement qu’à la fin du poème (le titre étant le vers ultime).

La strophe 1 est la description d’une banale (« Il y a ») séparation / dissolution (mais pas encore divorce) d’un couple. Sans doute un couple au sens sentimental, mais pas nécessairement : il semble que Fratres ait été composé pour célébrer une communion artistique entre Pärt et Britten, à la mort de ce dernier (merci Wikipedia…) - or il sera question de "contrer l'absence" en strophe 6...

Ce couple a pris fin subitement et presque facilement, mécaniquement – il s’est évanoui comme « on éteint » en pressant le bouton « d’une lampe » - et que la lumière se dissipe instantanément dans l’obscurité. Ce couple a soudain pris un caractère fantomatique – comme pulvérisé (« poussière ») dans des vestiges (« lambeaux »). Cela semble sous-entendre qu’il n’a pu résister au passage / à l’usure des impératifs du quotidien.

La strophe 2 souligne que pourtant, quelque chose a survécu – le partage d’un amour pour ce qui est tissé (« soies ») – imprimé (« lettres ») – dansé (« sauts »).

C’est une sorte de complicité, car il n’y a pas chez ce couple de regret à ne pas avoir réussi à durer plus longtemps, à devenir un ‘vieux couple’ dans une sorte d’évidence, de train-train tout tracé (sa « larme n’est pas celle du chemin » qu’on n’a pu parcourir jusqu’au bout) – ni de regret de l’étreinte et du plaisir (« retirée hors des corps »).

La strophe 3 est un constat. « Ils » sont désormais nettement deux (le mot « couple » a disparu, comme le singulier de « son amour … de » / « la larme »). « Ils » sont comme deux lignes musicales « séparées faute de sobriété ». J’avoue avoir buté sur ce mot, que je comprends finalement comme l’indication d’un « manque de modestie » : « ils » n’ont pas su aller à l’essentiel, ont voulu « trop embrasser » - ont peut être demandé plus que ce qui peut être donné par l’exercice de l’Ars Amandi ? On peut lire aussi la tentation d’un confort matériel ?

Seules restent des « trilles » pour se soutenir l’un l’autre (« appui consenti »), ces ‘enjolivures’ où excellent les virtuoses, mais qui semblent demander plus de technique que d’âme : ce qui reste entre « eux » semble être très formel, peut-être vide de sens, voire vain.

La strophe 4 souligne qu’il « faudra » (donc dans un temps à venir) avec un autre ‘partenaire musical’ (« ère » / air) pour qu’ils trouvent, chacun de leur côté, une forme renouvelée d’union – dans une « nuit » connotée comme propice aux jeux de séduction puis aux plaisirs des sens (dans cette allusion au « fard » et aux « fossettes »). Une nuit comme ‘attente d’une nouvelle aube’.

Comme dans Katabasis, la strophe 5 marque un temps d’attente (« en attendant »), mais connoté négativement. La « nuit » dans laquelle « Ils » sont bien « deux » est ici ténèbres où l’on tâtonne, où la complicité entre les deux ‘ex’ demeurent si forte qu’ils ne parviennent pas à se libérer pleinement l’un de l’autre. Seuls leurs gestes sont « élargis »… Ils sont incapables de se « méconnaître » - il reste entre eux un mystérieux lien physique (ce « connaître » biblique?) fait d’une recherche d’absolu qui leur est consubstantielle et qu’ils ont partagée.

La strophe 6 est une injonction, un appel à passer à l’acte, en écho là aussi à Katabasis. Un sursaut est donc nécessaire. Il faut s’extraire de cette relation ‘empoisonnante’, « contrer l’absence » encore trop présente, faire le deuil de cet autre auquel on est si mystérieusement lié.e.

Alors, comme un éclair : la strophe 7 – un seul vers, mais pivot, qui ouvre sur ce blanc qui suit tout poème, en même temps qu’il renvoie au / qu’il est le titre : il faut prendre un nouvel envol ‘dans l’air’, qu’il soit souffle ou qu’il soit chant – en harmonie mais séparé. Ecrit comme ça, c’est très moche. Le vers est lui magnifique.

Nous avons donc affaire, à nouveau, à une œuvre subtile et multiple (à l'image de celle d'Arvo Pärt ? - qui existe en 17 versions différentes, semble-t-il !), une rhapsodie :) qui conserve après lecture sa part d'ombre et de mystère.

Merci, Eskisse.

EDIT :
La fin appelle pour moi en écho celle du Cimetière Marin :
"Non, non !… Debout ! Dans l’ère successive !
Brisez, mon corps, cette forme pensive !
(...)
Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre !"

Et du même coup l'avant dernier chef d'oeuvre de Miyazaki - et son couple aussi uni qu'impossible - Jirō / Nahoko.

   Myndie   
11/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
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Bonjour Eskisse,
c'est très beau. On ne sait dire si le texte sublime la musique d'Arvo Pärt ou si c'est le violon qui sublime les vers ; en tout cas, quelle émotion !
Tu as réussi à faire entrer un espace musical entier dans ton poème et je retrouve ici toute la poésie dont tu sais habiller les images, les situations, les bonheurs ou les drames que tu nous suggères. Ton poème vibre de belles harmonies et justement, la forme libre sied admirablement pour faire entendre la musique amère et nostalgique d'une rupture.
J'ai particulièrement apprécié la première strophe, de même que cette jolie trouvaille :
«  pour donner à la nuit
son fard et ses fossettes »,
ainsi que « le regard de leur fontaine »
J'aime beaucoup ce poème, à la fois plein de vivacité et de mélancolie.

Myndie

   Polza   
12/12/2023
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très aboutie
et
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Bonjouir Eskisse,

Puisque ce poème a été écrit sur Fratres d’Arvo Pärt, je suis d’abord allé écouter ce morceau que je ne connaissais pas avant de poursuivre ma lecture.

Il existe beaucoup de versions de ce morceau, mais celle que j’ai écoutée m’a interpellé, car sans être un expert en musique classique, il m’a bien semblé reconnaitre cette « attaque » au violon qu’a le violoniste Gil Shaham dans les quatre saisons de Vivaldi. En vérifiant, j’ai constaté qu’il s’agissait bien du même Gil Shaham sur cette composition de Pärt…

Il ya une sorte d’indicible grâce qui se dégage de votre poème.
Les références musicales sont savamment distillées tout au long de ce dernier sans qu’elles prennent le dessus sur l’ensemble harmonique.

Je ne suis pas sûr de saisir pleinement le sens de ce texte et pourtant, comme le chantait Frehel, tel qu’il est, il me plaît, il me fait de l’effet…

   Louis   
13/12/2023
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très aboutie
et
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Ce poème réunit, à partir de la musique d’Arvo Pärt, deux mouvements opposés : d’un côté, ce qui s’en va, s’éloigne, s’écarte ; et de l’autre, ce qui demeure et subsiste dans une proximité.
Le « vent » représente la puissance d’éloignement ; il emporte, rompt et brise.
Le rossignol, au contraire, est l’image de ce qui demeure, se perpétue, survit.
Ainsi le poète anglais John Keats voyait dans le « Nightingale » pour lequel il a écrit une ode célèbre une sorte d’oiseau "immortel", qui survit toujours à travers son chant. « Immortel rossignol, tu n'es pas un être pour la mort ! » écrivait-il.
J.L. Borges a pu commenter ainsi : « Keats… entendit l’éternel rossignol d’Ovide et de Shakespeare et il eut le sentiment de sa propre mortalité, par contraste avec la frêle voix, impérissable, de l’invisible oiseau. » 

Cette union dans un « unisson » de tendances opposées s’applique dans le poème à un couple :

« Il y a ce couple qui a pris fin »

Une fin comme une lueur qui s’éteint :

« comme on éteint une lampe »

Comme le vent éteint une bougie, pourrait-on dire encore.
Ainsi la belle clarté du couple aimant se fait nuit, obscurité ; ainsi "meurt" le couple.
Tout s’est éteint dans « la poussière des lambeaux », quand se sont détachés, en poussière, les morceaux de ce tout qui composait le couple ; quand celui-ci s’est effrité, pulvérisé, désintégré.
Et l’on imagine le vent qui soulève et emporte au loin les « poussières » ; on l’imagine encore comme la force d’un destin qui a poussé inexorablement les liens du couple vers la désagrégation.

Et pourtant, cette « fin » du couple ne coïncide pas avec la fin de l’amour :

« Son amour est toujours grand »

Le rossignol le chante encore. Il chante un amour de « soies », un amour douceur, de finesse et de tendresse, qui raccommode en quelque sorte les « lambeaux », mais sans reconstituer le couple uni-désuni. Un amour de « lettres » encore, qui peut être dans les écrits que l’on s’envoie, ou dans l’amour des lettres demeuré commun, et que l’on partage, celui de la poésie ou de la littérature. Un amour enfin de « sauts », l’idée est cette fois plus indéterminée, mais elle pourrait être dans ces élans et ces sursauts par lesquels le couple se rapproche, puis s’éloigne à nouveau, comme dans une danse, où s’unissent éloignement et rapprochement.

Les larmes ne coulent pas dans la séparation, « la larme s’est retirée hors des corps » ; elle ne coulent pas sur les visages ; comme les sourires ont pu quitter un portrait ( ainsi qu’il est rapporté dans le poème Migrations), les larmes on pu quitté les visages, et s’épancher dans "l’air" vécu par chacun, dans leur « mélopée »

Chacun dans ce couple, en effet, est assimilé à une « mélopée ». Chacun joue son air, sa musique, triste comme une complainte : ils se « séparent ». Ils se séparent sans "rompre"."
Une séparation faute de « sobriété ». Par manque de "mesure" dans la mélodie du couple, dans ce qui se joue en lui. Par démesure. Par une exubérance ou des excès dont le poème ne dira que plus loin la teneur. La séparation ne tient pas à un "pas-assez" mais à un "trop".

« Ils n’ont plus que leurs trilles
Pour appui consenti »

Mais par-delà cette séparation, un chant, celui du rossignol, « les trilles », les rassemble, les tient unis, sans "rupture", sans "coupure", et constitue leur « appui ».
Le rossignol chante encore sur la terre d’une séparation, lui « l’impérissable», pour dire la permanence malgré la désunion, et ce qui ne meurt pas malgré la séparation.
L’union se perpétue « fraternelle » rappelant le titre de l’œuvre de Prät : "Fratres"

Les « trilles » nocturnes pourtant ne suffisent pas à la reconstitution du couple :
« Il faudra une autre ère », un autre temps, une période nouvelle de la vie, un renouvellement,

« pour donner à la nuit
Son fard et ses fossettes »

Il faudrait que le rossignol devienne phénix.
La nuit nue n’a plus son visage des temps de lumière, quand « la lampe » n’était pas encore éteinte. Il n’a plus l’éclat que lui donnaient « fard et fossettes ». Un charme a été rompu.

« En attendant » : commence la cinquième strophe, au cours de ce temps qui précède « l’ère nouvelle », avant que le couple soit peut-être de nouveau réuni :

« ils sont deux dans cette nuit »

Séparés, sans union-fusion, deux à attendre dans la nuit l’aube d’un jour nouveau, chacun :

« à vouloir un espace, une aria, une lueur »

Peut-être s’indique là l’excès, le « défaut de sobriété » évoqué plus haut, dans une fusion excessive qui ne laissait pas assez d’espace pour l’épanouissement de chacun, pour que se joue la musique, « une aria » propre à chacun.
Chacun pourtant, dans cette séparation, ne néglige ni n’oublie l’autre:

« sans méconnaître l’autre ».

Chacun dans une quête d’ « absolu », à mêler rires et pleurs.

Toute cette situation du couple jusqu’ici évoquée ne relève-t-elle pas pour une part de l’illusion et du rêve ? Et :

« C’est là qu’il faut s’éveiller »

La réalité en effet se vit dans « l’absence », la souffrance de la solitude, et c’est elle qu’il faut « contrer ».

Les derniers mots du poème rappellent et le vent d’une fin, et le rossignol d’une permanence.
Deux souffles : celui du vent qui éloigne, et celui d’un chant qui rapproche et maintient uni.

Quel souffle l’emportera ?

Merci Eskisse pour ce beau poème

   papipoete   
15/12/2023
bonjour Eskisse
Je sais que vous poétisez, en faisant allusion, en laissant deviner de quoi vous parlez : comme je reviens ce jour sous vos vers, je tente de décoder ce dessin qu'à mi-mot vous peignez évanescent, à dessein.
NB rossignol et vent léger peuvent se marier, se séparer l'instant d'une bourrasque... et reprendre leurs vocalises
je vous lis, comme je lis toute écriture, par égard pour celui qui se voit publié, et dis combien j'ai aimé.
Là, je ne peux dire ni oui, ni non car bien des passages me chantent poésie
et d'autres m'embrouillent l'esprit...


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