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Poésie libre
Eskisse : Après les réverbères
 Publié le 23/04/25  -  8 commentaires  -  1127 caractères  -  183 lectures    Autres textes du même auteur


Après les réverbères



Les réverbères s’envolaient
elle courait de brume et de larmes

Sa joie courtisait les hauteurs
festonnant le jour, égarant les mots

Et dans l’affleurement de la peine
l’échancrure du matin s’avança


Sur un matelas gris couturé de menaces
elle s’agite et gigote
personne pour expliquer
la pièce vide et dans le dérisoire espace
les yeux noirs sur elle rivés

De ces yeux qui la noient dans un huis clos étrange
au-delà de la vitre, la fixant, la défiant
comme autant d’ennemis arrimés à l’instant

C’est sa nuit qui s’affole
elle sombre dans l’ombre


Et elle flotte indolente autour de silhouettes
un théâtre muet, de masques marionnettes
une scène inconnue baignée de soleil vert

Tout est silencieux, même celui qui bouge
dans le pavillon rouge

L’un ramasse le sol, l’autre armé d’un pinceau
voit son ombre mêlée aux lubies d’un oiseau

Dans la salle à manger
aux angles de travers
il n’y a plus de visages
que des âmes à l’envers


 
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   Myndie   
7/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Magnifique ! Cette poésie là me touche profondément, autant par ses belles trouvailles d'écriture que par la tendresse mélancolique, triste même qui l'imprègne.
En vérité, j'ai bien une idée de son cheminement, j'imagine à quelles sources souterraines elle s'est abreuvée pour m'offrir une telle émotion.
Pour ce qu'elle m'apporte de souvenirs, la dernière strophe est une apothéose.

Que dire d'autre à part vous gratifier d'un « passionnément ++ » et vous dire merci infiniment pour ce poème vibrant de sensibilité et de délicatesse.

   Cyrill   
16/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Je ne vais pas prétendre avoir su interpréter cet ensemble d’images surréalistes, mais je salue l’art de la mise en scène à l’œuvre ici.
Hermétique, sans être pour autant brumeux comme dans certains poèmes où je ne lis que de la dentelle et pas d’ouvrage, ce poème-là ne se paie pas de mots. Il accouche d’un scénario inquiétant, de douleurs sublimes ou sublimées. Il souffle le chaud et le froid des couleurs : un « soleil vert », un « pavillon rouge ». Il me transporte autant qu’il me déroute et me tourmente.
La scansion est soutenue par les dodécasyllabes qui reviennent réguliers, en maîtres des images, le film en déroule de superbes :
« L’un ramasse le sol, l’autre armé d’un pinceau
voit son ombre mêlée aux lubies d’un oiseau »
l’auteur(e) nous dira peut-être de quoi il retourne, mais pour ma part, les masques d’un théâtre muet me conviennent et assouvissent ma quête poétique.

   Provencao   
23/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Eskisse,

Ce n’est pas vers les réverbères qu'elle courait... Ce n’est pas une vision du matelas gris couturé de menaces que le silence impose. Son regard n’est même pas tourné vers elle-même. Elle  flotte...Un silence. Plus de visages. Des âmes dont le regard est sourd....

Est-ce celà l’ultime nuit qui s'affole? Le prix que l’un, consent à payer – l'ombre mêlée aux lubies d'un oiseau qu’il consent à ramasser – pour continuer un instant de se croire libre...

J'ai beaucoup aimé lire cette profondeur dans ces émotions que je qualifierai de spirituelles.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

 

   papipoete   
23/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Eskisse
Lorsque de ma prosaïque écriture, je lis ailleurs où il faut imaginer, se faire une idée ; parfois pour qui est érudit voir tout de suite, la patte la signature le trait au fusain d'une oeuvre si connue...rien de tout cela chez moi, alors je tâche d'interpréter ce que mon esprit semble vouloir me dire.
" Après les réverbères " et leur lueur blafarde, sa joie du jour, sur un matelas gigote, et des yeux noirs qui fixent elle...je ne peux m'empêcher de fredonner la chanson de Barbara
l'aigle noir
qui me fait haïr " qui peut faire du mal à un enfant " et lui souhaiter aucune réinsertion sociale possible, après qu'il ait payé au centuple, ne serait-ce que l'idée d'y songer.
NB je m'égare sûrement, mais pour une fois ne serait pas coutume, je crois à la véracité de mon scénario ?
c'est sûr que tout ce que vous tracez, à l'encre de votre plume originale ( si j'ai juste ), je l'aurais écrit avec rage et noirceur ; dans vos lignes, rien de tout cela mais un silence, des silhouettes, des gestes méticuleux dans leur tragédie.
Sur un matelas gris... est mon passage préféré
" dans le pavillon rouge " ? m'expliquerez-vous ?

ne m'en veuillez point si je suis " à l'Ouest ", mais je suis venu, j'ai lu, ce me plut.

   ALDO   
23/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Après plusieurs lectures je ne sais toujours pas comment exprimer mon malaise.

Il se dégage de ce texte une angoisse, une terreur ...
Et je ne suis pas sûr de vouloir savoir la vérité de ce pavillon rouge,
de ce matelas et de cette vitre qui me rappellent
un hôpital...
De ce retour vide à la salle à manger vide.

Eskisse, vous avez du talent puisque vous faites peur ...

très aboutie / ne sait pas encore ...ne saura jamais vraiment...

Mais le sol ramassé l'emporte ...

   Cristale   
23/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Eskisse,

Mon impression est forte d'un drame qui se déroule en huis-clos.
L'innocence assassinée ?

Ces premiers vers d'entame empreints d'une naïve liberté, au bon sens du terme, s'enfoncent dans des lignes faussement méandreuses mais au contraire parfaitement organisées sur un tempo en douze-six allant crescendo, comme des roulements de tambour, des échos de rimes comme des coups.

Le final bref, impersonnel, pareil à une vision extra-corporelle, semble ne plus respirer, seul un drame suspendu, glacial, clôt le poème.

Voilà ce que j'ai entendu de ma lecture.

Merci beaucoup Eskisse.

   Metsys   
25/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
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Une histoire fin de siècle dans un tableau glauque de Magritte, ou le contraire, entre le jour et la nuit ; enfin c'est ce que j'y vois.
Mais quel que soit l'effet recherché, il est visiblement atteint. De la belle ouvrage, à petites touches.

   Louis   
28/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Le poème distingue un avant et un après.
Les six premiers vers, écrits au passé, constituent cet « avant ».
Le réverbère établit un point de repère, le point de bascule entre un avant et un après.
Panneau lumineux d’une lumière indicatrice, d’une voie sereine.
Les réverbères ont, en effet, cette particularité de créer l’impression dans la nuit, par leur aura, d’un monde de rêve, non de cauchemar ; associés le plus souvent à un sentiment de sécurité personnelle, ils dissipent les ténèbres inquiétantes, éloignent les terreurs nocturnes.
Mais voilà, ils se sont « envolés ».
Le premier vers évoque cet évènement crucial : « les réverbères s’envolaient »
Sans en connaître la cause, les réverbères ont disparu.
En conséquence : « elle courait de brume et de larmes »

« Elle » n’a pas d’identité. Anonyme adulte, jeune femme, ou enfant ? Peut-être une projection de soi. Un fantasme.
Elle court ; en fuite elle suit les réverbères. On n’est pas dans leur "après" temporel, mais dans un espace fantasmatique où elle vole dans leur direction ; court et vole "après" les réverbères, comme pour les rejoindre.
En larmes : mais larmes de joies. « Sa joie courtisait les hauteurs »
Elle accompagne les réverbères, s’élève avec eux, suit leur lumière. Avec eux, elle prend de la hauteur, s’élève par-dessus les souffrances du monde, augmente sa puissance de vivre, accède à une part de sérénité, soulage sa peine.
La hauteur prise aide à vaincre la nuit.
« Festonnant le jour », elle salue et fête la pleine lumière qui dissipe les ténèbres effrayantes de la nuit
« Égarant les mots » et les maux.
La peine « affleurait » seulement, toujours présente, mais « l’échancrure du matin s’avança », comme une poitrine lumineuse sur laquelle s’appuyer et se blottir.

La deuxième partie du poème est écrite au présent. Le temps est venu d’« après les réverbères ». Un « après » temporel, cette fois, et non plus spatial.
Les réverbères se sont complètement envolés ; ils se sont évanouis.
Temps de leur absence.
Ils laissent place, pendant la nuit, à une autre lumière. Plus crue. Terrifiante. Cauchemardesque.
Ils laissent place à un monde de couleurs vives, "fauves". Plus de douce lumière songeuse comme celle que diffusent les réverbères.
Cet « après » ne constitue pas une histoire, il comporte peu d’action, mais se présente sous l’aspect d’une série de scènes, sans liens apparents entre elles ; une série de tableaux, de "peintures", mais en mouvement.
Si le premier temps du texte, celui de l’avant, s’apparentait à une scène surréaliste tirée de Magritte ( il avait peint un réverbère placé au plein milieu d'une pièce d’appartement), désormais dominent des tonalités "fauves" et "expressionnistes".

La première scène la place, « elle », « Sur un matelas gris couturé de menaces »
La couleur n’a pas encore fait irruption.
Le matelas ne s’avère pas un simple lieu où elle se situe, mais le support des craintes et d’appréhensions, il apparaît en effet inquiétant, « couturé de menaces », tissé, non de songes émerveillés, mais de peur.
Il ne constitue pas non plus un lieu de calme et de tranquillité ; sur lui :
« elle s’agite et gigote ».
Dort- t-elle ou est-elle éveillée ? Sommeil ou insomnie ? On ne le sait pas.

Elle n’agit pas, elle s’agite.
Elle ne « courtise » plus les « hauteurs », mais se trouve ravalée au niveau du sol, sur un simple matelas, au plus bas.
De façon incompréhensible, pour des raisons inconnues, elle se découvre présente « dans une pièce vide » qui lui semble étrangère, et
« personne pour expliquer », pour justifier sa présence en ce lieu.
Non seulement, la pièce est « vide », mais aussi minuscule, « un dérisoire espace », tout à l’inverse de l’infini des « hauteurs ».
Pourtant elle remarque la présence d’un ou plusieurs regards :
« des yeux noirs sur elle rivés »
Dans cet « après », elle n’est pas actrice, plutôt spectatrice. Elle est regard, mais un regard regardé ; ses yeux, ceux de son corps ou de son imagination, rencontrent d’autres yeux.
La noirceur des yeux qui l’observent n’indique rien de bienveillant.
Ils la « noient dans un huis-clos étrange »
Un sentiment naît, de clôture, d’enfermement, comme en un ‘"huis-clos", où elle se sent « noyée », où elle "baigne" ( « noyée » comme on dit : "de grosses larmes noyaient ses yeux")
Elle se perçoit comme dans un bocal, un aquarium, car les yeux qui l’observent se situent « au-delà de la vitre ».
Une cloison vitrée la sépare donc d’yeux qui l’épient, la "fixent ", la "défient".
Ces regards ne sont pas amicaux, mais hostiles, « comme autant d’ennemis arrimés à l’instant ».
Pas de corps, pas de visages, juste des yeux.
Des menaces, une hostilité, rien de rassurant en ce lieu étranger.
L’ambiance se fait cauchemardesque.

« c’est sa nuit qui s’affole »
Une panique, une folie, s’empare d’elle, qui prend des allures paranoïaques.

Une scène nouvelle naît de la sensation de « flotter » « autour de « silhouettes ». Rien ici de tangible, dans ce qui est perçu.
Une impression de se trouver dans un « théâtre muet, de masques marionnettes », sans y prendre part. La scène se joue sans elle. Spectatrice et non actrice, comédienne ou tragédienne. Elle semble en dehors du jeu. Un jeu pourtant qui la concerne. Quelque chose se trame dont elle pourrait en être la victime.
On se croirait là dans un tableau de James Ensor, qui se met en mouvement ou, au milieu des Marionnettes de Paul Klee, alors qu’on peut l’imaginer, elle, figurée par une toile d’Egon Schiele.

Le visible cache, dans ce théâtre sans paroles, masque et rend invisible quelque chose de menaçant, de dangereux, une atteinte à l’intégrité même de cette femme, « elle ».
Quelque chose se joue dans une pièce qu’elle ne comprend pas, dont les enjeux ne lui apparaissent pas.
Cette « scène inconnue » est « baignée de soleil vert ».
Un vert qui n’a rien de rassurant, ( "vert de peur" : dit-on)

Et puis, un « pavillon rouge » apparaît, la teinte rouge est plus agressive, plus violente.
Les mots rassurent, ils font comprendre. Mais ici tout est muet, « tout est silencieux ».
Un homme « bouge » dans le « pavillon rouge ».
Toujours des tableaux animés, des tableaux qui semblent prendre vie, nulle vision figée.
L’homme bouge, il s’agite, mais on ne sait pas ce qu’il fait, il n’y a pas d’action, l’homme n’agit pas.
Des tableaux et quelques mouvements, mais rien ne s’accomplit dans les apparences ; tout se joue derrière elles, dans un invisible d’autant plus inquiétant du fait de son invisibilité même, et de l’ignorance qu’il engendre de ce qu’il pourrait en advenir.
Le langage voudrait dire ici, dans ce poème, ce que l’on ne peut pas voir, il voudrait traverser les apparences visibles, trouver la puissance de l’indicible, qu’il cherche dans une composition entre les mots et la figuration picturale.
Un peintre est bien présent, au sein même d’un tableau.
Un peintre « armé d’un pinceau ». Pinceau et peinture comme armes de défense, producteurs de figuration contre la menace invisible ?
Ce peintre a « son ombre mêlée aux lubies d’un oiseau » Peut-être prépare-t-il un nouvel envol, semblable à celui des réverbères.
Et « l’un ramasse le sol ». Il ne lève pas le voile des apparences, mais soulève le sol sur lequel repose toute la fantasmagorie de style pictural, il le renverse, il le bouleverse, et provoque l’envol des scènes fantasmagoriques.

Elle ne suit pas leurs lueurs inquiétantes, comme elle suivait les réverbères.
Mais fait retour à ce lieu qu’elle n’a sans doute jamais quitté : sa "salle à manger".
Pour la constater déformée. Plus d’yeux ne sont visibles, plus aucune silhouette, plus aucun visage. Mais des « âmes » restent perceptibles dans la déformation des contours de la pièce : « aux angles de travers ».
La fantasmagorie n’a pas laissé intact l’environnement familier.
L’illusion s’est évanouie mais, par son intervention, le monde autour de soi en est changé.
Le bouleversement en elle, où tout est « de travers », s’accompagne d’un bouleversement de son monde, comme si une autre dimension, celle de ses fantasmes, était en interaction avec le quotidien et la familiarité de son environnement.
Ainsi sommes-nous dans ce poème dans l’interférence entre les mondes, réels et imaginaires, qui la traversent, se mêlent dans ses perceptions, et se jouent d’elle.
Mais cet « après » les réverbères, pourrait bien être "l’avant" d’autres lanternes, ou d’autres lumières plus sereines.

Merci Eskisse.


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