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Poésie en prose
EtienneNorvins : Trespassing
 Publié le 14/11/24  -  9 commentaires  -  1124 caractères  -  240 lectures    Autres textes du même auteur

Pauvre homme ! Nous allons te confier un secret…
Guillaume Apollinaire, L’Enchanteur pourrissant


Trespassing



C’est malin. À force de n’en faire qu’à ta tête, te voici rendu à ce point de blancheur où les horloges indiquent toutes les heures et les boussoles, toutes les directions. Comme deux araignées à bout de toile, tes mains agitent en vain leurs pattes dans l’air pourtant vif, mais pas le moindre morceau, petit pantin pendu à des ficelles de mots qui semblaient si solides de remonter là-haut, loin dans la nuit des temps…

Jacob, quoique boiteux, passé le gué croyait à l’Ange – mais toi, de tes yeux désormais sans paupières, tu vois tes deux belles jambes gesticuler dans le vide. Tu ne tiens debout que par féerie de langage, ton nez aussi long que tu te croyais grand ; et c’est ta voix de ventriloque que tu entends pleurer : « Gepetto ! Gepetto ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Maintenant ?

Vas-tu, cessant de connaître l’eau des fleuves et la rosée des nuages, tendre toi aussi à tes fenêtres tes fils de fiel, de flouze et de foutre ?

Ou bien préfères-tu pour épitaphe : « Ci-gît un vagabond à rien qui, voulant vivre de l’or du temps, mourut quêteur mélancolique » ?


 
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   papipoete   
14/11/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
bonjour EtienneNorvins
" c'est malin ; c'est ce que tu cherchais, à force de défier le destin, à travers tes records à la con ! t'es content maintenant que t'es mort ? je ne suis pas sûr que ça se bouscule au portillon, celui des pochetrons pas venus à ta der des ders... "
NB ceci est mon interprétation, qui vaut que ce qu'elle vaut... mais je ne vois pas d'autre sens à votre prose, alors...
la dernière ligne a ma préférence.

   Pouet   
14/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Slt,

j'ai bien aimé ce texte que j'ai trouvé original, intéressant dans la forme, la construction , une sombre histoire d'intrication d'ailes et de créateur de lumière.

De la recherche nait la perte ( et la renaissance?), c'est ma vision de ces lignes, mais aussi et à l'inverse, Jacob, dans sa bataille avec l'ange, trouve sa bénédiction dans la "recherche " d'une " confrontation" avec Dieu. Heureusement. Il y'a toujours ambivalence... cavernes et ampoules, ampoules embuées bien entendu...

Quoiqu'il en soit, à l'instar de Gepetto, à la naissance nous ne sommes pas orphelins de marionnettes tirés que nous sommes vers un ciel de terre, embûches sur le chemin déposées par un souffle hasardeux ?

Et un enfant qui n'est plus peut devenir ange de bois coloré de mémoire rouillée et d'amour translucide.

Est-il besoin de bénir ou de maudire la conscience ?

Il y a peut-être aussi une manière de "dire" l'action ou les gelures de l'après et les onguents du "devoir accompli ", l'adoubement ne suffisant (heureusement ?) pas.

Comme une quête d'espoir désespéré qui ne serait "téléguidée" , telles des dentelles battues par le vent du destin entravé dans ses "fils" ; une déconnections, des déconnections, d'un Monde où ne serions les derniers "Grands Humains" à n'en saisir la situation dans la pâleur du pantin des arts gesticulé...

Mais bon.

Mieux vaut écrire les épitaphes sur les fleuves.
Nous savons bien que la mort se noie.

   Eskisse   
14/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Etienne,

Ce texte me plaît beaucoup par ses thématiques ( l'art de la marionnette, le langage, la manipulation, la mort ) et sa poésie : " féérie de langage" et la citation de Rimbaud: " j'ai tendu des guirlandes de fenêtres à fenêtres" / "vas-tu (...) " tendre toi aussi à tes fenêtres tes fils de fiel, de flouze et de foutre ").
Or bizarrement je me sens comme enfermée dans la première phrase, ( que je trouve par ailleurs très réussie) déboussolée. Et je sais que son auteur a le goût du symbole et des significations. Alors je "creuse".
Ce poème me procure une certaine frustration car il ne délivre pas son "ventre" de baleine, pour moi.
Je me suis accrochée au titre ( intrusion), il reste flou;
Mais j'aime ces "ficelles de mots" comme si Gepetto le manipulait en lui donnant la maîtrise du langage. J'aime : " Tu ne tiens debout que par féerie de langage" , métaphore que je trouve suggestive, reliant magie et mots.
Le mot "abandonné" me renvoie à la déréliction., cet abandon de l'homme par Dieu.
Moi aussi je suis "abandonnée" ( par l'auteur qui me laisse face à la rude énigme du sens) :) Peut-être la finitude ? la noirceur de l'homme...ou de quelqu'un de précis ?

   ALDO   
14/11/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Prise dans la toile du sens tissée de mots, ma raison se débat.

Qu'elle commence à construire un scénario, on vient la contredire.
Mais quelque chose ficelle le tout, une étrange cohérence.

Ici,
si je suis un explorateur polaire perdu, un pantin de bois orphelin, un chercheur déçu de l'or du temps, un poète,

je ne suis toujours qu'un Arthur Pimp dont la cause remonte "loin dans la nuit des temps"
et dont les effets se perdent en gesticulations,
en vertiges, en mensonges, en fluides corporels,
en lumière blanche...

Et si c'est la fin des fééries, il me reste à tisser du gaspillage
ou bien me résigner à l'amertume.

Je n'ai sans doute rien compris.

Pavlov.

   Dimou   
15/11/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Etienne

c’est là un faux-prophète que vous dépeignez, j’hésite, soit les cieux lui ont menti, soit il a mené sa barque par roublardise, lui qui pourtant avait tout mis en place et était réellement envoyé par les cieux, les cieux lui ayant dicté le message divin. Mais il aura fini par tirer la couverture vers soi et refusé son utilité à remettre l’église au centre du village.

vous n’avez pas d’empathie, aucune, pour ce triste personnage, vous ne lui laissez que peu de répit en sa perte, en son fourvoiement, et surtout êtes froid et implacable quant à l’issue de son odieux destin :

vas-tu crever en rêveur mélancolique personnage, ou vas-tu te complaire dans cette orgie satanique dont tu as toujours rêvé et pour laquelle tu t’es tant battu et as tant patienté ?

J’ai le sang glacé.

je ne l’ai pas fini mais je suis en train d’illustrer ce poème donc restez à l’affut du diaponiris dans les jours à venir.

merci pour le partage. Tchuss

   Provencao   
15/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour EtienneNorvins,

"Vas-tu, cessant de connaître l’eau des fleuves et la rosée des nuages, tendre toi aussi à tes fenêtres tes fils de fiel, de flouze et de foutre ?

Ou bien préfères-tu pour épitaphe : « Ci-gît un vagabond à rien qui, voulant vivre de l’or du temps, mourut quêteur mélancolique » ?"


N'est peut-être pas illicite, pour croquer un premier pas, de se demander ce qui lui est encore promis aujourd’hui, à quel horloge du temps et à quel avenir radieux lui pouvait-il prétendre.?
Reste-t-il une promesse ou bien toutes les promesses se sont-elles éteintes ?

Un texte qui me laisse un goût amer et un monceau de cendres, totalement profane de l'après-promesse.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Catelena   
17/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Après les paysages enjoués de « From Afar with love », c'est une toute autre destination qui nous invite au voyage. Celle du doute, de la colère, et d'une tristesse immense dans un monologue désabusé.

Je viens y jouer l'intruse, aguichée par le pantin qui gesticule perdu pour n'en avoir fait qu'à sa tête.

Si le pantin semble en colère, il semble aussi douter et demander de l'aide. Peut-être a t-il été, lui aussi, trompé et enchanté par la dame du lac...

Oui, mais, de l'aide à qui et pour quoi faire ?
À Gepetto, pour qu'il gomme le mensonge dont il l'a affligé ?
À Jacob, pour qu'il lui prête son échelle pour accéder au ciel ?

Se pourrait-il aussi que la colère du locuteur contre le monde « de fiel, de fric et de foutre » à ses fenêtres se retourne sur lui-même, pour avoir gobé les mots tout crus ?

Bon, je vais arrêter de poser des questions – puisque l'on ne pose que les questions dont on connaît déjà les réponses (cf. un sage du temps jadis). ^^

   EtienneNorvins   
20/11/2024
Remerciements
Et illustration du texte par Dimou ici, pour qu'ils puissent continuer à dialoguer !

   Hiraeth   
20/11/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Un poème énigmatique, à caractère symbolique, qui associe l'image de Pinocchio à ce qu'on imagine être un type d'homme matérialiste et hédoniste, mais aussi profondément perdu (arrivé à "ce point de blancheur où les horloges indiquent toutes les heures") et mélancolique. Un personnage que les anglais dans leur tradition littéraire appelle un "malcontent", et dont je ne sais plus si on a une bonne traduction en français.

"Tu ne tiens debout que par féérie du langage" : cela fait réfléchir. Il y a bien sûr un écho évident au caractère fictif de Pinocchio qui n'existe que dans le langage du livre ou du script, mais le vers semble aussi contenir une méditation sur le caractère illusoire de l'identité de ce Pinocchio (que nous sommes tous un peu, ou avons déjà un peu été ?), construite sur les récits (les bobards, en vérité) qu'il se raconte. Quant à la référence biblique située juste avant, elle dessine, en contre-modèle au sujet du poème, la figure d'un homme qui malgré ses souffrances a la certitude que tout est bien, car l'ange existe, donc Dieu aussi, hip hip hourra.

J'ai bien aimé cette prose dont je n'ai pas réussi à percer tous les secrets (notamment le titre), mais ce n'est pas grave, et c'est le jeu n'est-ce pas. Tous les puzzles n'ont pas vocation à être entièrement résolus.

PS : sympa, la référence à Rimbaud ; mais pas sûr que des fils de foutre soient suffisamment solides pour pouvoir danser dessus


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