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Poésie libre
fanny : À qui appartient le lopin ?
 Publié le 28/11/23  -  14 commentaires  -  1671 caractères  -  250 lectures    Autres textes du même auteur


À qui appartient le lopin ?



De ce petit lopin de terre
il ne se souvenait plus bien
s’il se trouvait être le sien
ou celui de sa mère ou d’un proche voisin.
Il y tenait beaucoup
et en prenait grand soin
coloriait les pistils, décoiffait les lutins
enluminait les cils qui fanaient en brumaire.
À l’orée du printemps, lorsque venait la faim
il plantait des sourires aux vents des champs ouverts
puis cueillait un à un les fruits de la lumière.

C’est un petit lopin de terre
qui ne vaut pas deux sous
des sillons de cratères
des obus pour cailloux.
Ce n’est pas son terrain ni celui de son père
ni d’un lointain cousin
mais il lui plaît beaucoup
il en prendra grand soin.
Soufflera la poussière échappée des verrous,
fleurira la barrière épuisée de gadoue,
rebouchera les trous stigmates de la guerre
que creusèrent les hommes qui se jettent des houes.

Ne lui demandez pas à qui appartient ce jardin
torturé, décharné, labouré de crocs.
Il l’a trouvé un matin
égaré, effaré, éreinté
alors qu’il cherchait son chemin
un jour qu’il revenait de loin
de là où il laissa son nom de famille au verso
d’un champ de ruines sans ex-voto.

Désormais il sait qu’il cultive des roses
dans un charmant lopin
lorsqu’elles sont écloses
les offre à son prochain.
Puis semant l’éphémère
baigne sa paix aux noues
qui bordent les odeurs et couleurs qui s’ébrouent
pour tresser l’avenir qui n’ambitionne rien,
si ce n’est de construire en guirlandes de houx
un sentier de fortune à l’abri du malin.


 
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   Robot   
12/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Le fait d'avoir voulu rimer sur du libre n'a pas du faciliter l'écriture. Cependant j'ai trouvé du charme à ce petit lopin. Du charme et de la profondeur en pensant à celui qui le cultive pour semble-t-il la beauté du geste. Et puis , ce regard de paix qui se pose à l'avant dernier paragraphe et se poursuit au dernier rehausse encore ce beau texte.

   Cyrill   
28/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Fanny,

Un bien beau texte en forme de conte bien rythmé, sonore, où le message de paix est distillé avec une grande finesse allégorique.
Le verbe est baladin, pléthore d’images rendent universel ce lopin qui renverse avec habileté le concept de propriété.
Message utopiste s’il en est, dont la simplicité pourtant semble désarmante.
Je suis conquis, l’espoir est contagieux !

Merci pour cet optimisme matutinal.

   papipoete   
28/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour fanny
je vous mets deux mots, pour que Vous sachiez que je vous commenterai... tout-à-l'heure, à mon retour de voyage.
me revoilà !
Comme c'est beau ! c'aurait été dommage de ne pas s'arrêter, sur ce petit lopin de terre à " personne ", en fait à " tout le monde ", depuis que des obus l'ont percé de cratères, remuant sa terre en grasse houe.
NB et voilà le récit aux interprétations diverses :
- celle du champ de bataille, où s'établirait un pauvre hère...
- soit " son " lopin de terre, dont le héros a oublié qu'il est bien à lui...
Dans les deux cas de figure, mon scénario peut se tenir... comme pour moi, lorsque je fis l'acquisition de mon terrain, voici 45 ans.
Ronces, et sol sens dessus dessous ; devenir plus tard mon havre... et devoir en partir en 2019.
Votre texte montre un " Monnet " oeuvrant sur cette terre, à la pioche, à la serpette, au sécateur comme empruntant des teintes à sa palette multicolore.
L'avant-dernière strophe et l'ultime, sont magnifiques ! est-ce une fée, une rose qui écrit ? tant ce petit coin de jardin resplendit, embaume de mille parfums, attendrit le lecteur ( ex-jardinier ) que je suis ?
Très beau, oui très beau !

   Cornelius   
28/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Ce poème serait-il inspiré par la chanson de Francis Cabrel "Les murs de poussière":
Il n'a pas trouvé mieux
Que son lopin de terre
Que son vieil arbre tordu au milieu.

En tout cas c'est sans doute un endroit où l'on peut être heureux et peu importe à qui il appartient. J'ai moi-même un petit lopin où je cultive des roses. Je vous les envoie par la pensée.

Merci pour cette agréable poésie.

   Eskisse   
29/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Fanny,

J'ai été séduite par cette rengaine du terrain qui n'appartient à personne ou à tout le monde qui devient un éden pour le protagoniste avec ses roses et ses sourires plantés .

Je suis même touchée car ce thème fait écho en moi...à une lecture, celle de Des souris et des hommes où Lennie et Georges rêvent d'acquérir un lopin de terre.

C'est un poème humaniste où la réalité devient rêve.

(Pour l'écriture, je n'aurais pas placé les deux énumérations à la suite l'une de l'autre. Mais c'est un détail qui n'engage que moi.)

Merci.

   Ornicar   
28/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
C'est un bien beau poème, fait de bric et de broc, de bouts de ficelle, qui met l'accent sur la beauté des choses et des gestes ordinaires, ceux qui soignent et réparent. Un homme, un bout de terrain et c'est tout. Au milieu, des mots simples qui lient le tout. L'homme est un revenant, le terrain, en déshérence.

Tout respire l'humilité et l'humanité. Le terrain est un "lopin", "petit" de surcroît, et bien mal en point, "torturé, décharné, labouré de crocs". L'homme, lui, ne vaut "guerre" mieux. Lequel des deux est le reflet de l'autre ? Ces deux là vont faire connaisance, s'apprivoiser et panser mutuellement leurs plaies. Poème du "care" et de la résilience qui véhicule avec un optimisme tranquille, "paix-ible" et la force de l'évidence, la nécessité de "cultiver son jardin" et de prendre soin de ce qui nous entoure. Ici, le lopin soigné par la main de l'homme, reprend vie, devient jardin et soigne en retour l'homme meurtri, par la beauté de ses roses écloses, soit une parcimonieuse parcelle de la beauté du monde, de celle qui console.
Les pieds bien ancrés sur terre, mais la tête dans les étoiles.

L'écriture navigue ainsi entre réalisme et onirisme (seconde moitié de la première strophe à partir de "coloriait les pistils" et seconde moitié de la dernière à partir de "Puis semant l'éphémère"). J'aime ce "sentier de fortune".
Le poème mélant les genres et les codes, des rimes d'un coté, des vers libres de l'autre, est à l'image de ces petits jardins "partagés", anciennement jardins "ouvriers", où de belles plantes décoratives poussent au pied des lègumes du potager dans un joyeux désordre apparent.

Je remarque deux "herbes folles" dans ce ravissant parterre.
- à la fin de la deuxième strophe, "les hommes qui se jettent des houes" : l'image des "houes", instrument agricole ne me parle pas. Avec les "stigmates de la guerre" au vers précédent, j'aurais mieux compris "les hommes devenus fous".
- deuxième et troisième strophes, "Ne lui demandez pas à qui appartient ce jardin" et "Désormais il sait qu'il cultive des roses / dans un charmant lopin". Je crois lire et voir une progression dans votre poème du laid vers le beau, de la douleur vers la paix, aussi je procèderais à l'inversion des termes, "lopin" d'abord et "jardin " pour finir.

   Provencao   
29/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Fanny,

"Ne lui demandez pas à qui appartient ce jardin
torturé, décharné, labouré de crocs.
Il l’a trouvé un matin
égaré, effaré, éreinté
alors qu’il cherchait son chemin
un jour qu’il revenait de loin
de là où il laissa son nom de famille au verso
d’un champ de ruines sans ex-voto."

J'aime ce passage où ici c'est la nature elle-même., en immuable licier, dont les secrets mystérieux échappent à la compréhension de l'humain ...

Très beau regard porté en regard d'humilité et de modestie.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Cristale   
29/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Le jour d'hier est passé et la nuit s'en est suivie avec en tête "ce petit lopin" visité à pas menus dans le plus grand silence, silence que je viens rompre de quelques mots à voix basse pour ne pas déranger "les fruits de la lumière".
Terre désolée, porteuse des stigmates de la cruauté humaine, ces imbéciles d'humains, prédateurs de leur propre espèce.

"Soufflera la poussière échappée des verrous,
fleurira la barrière épuisée de gadoue,
rebouchera les trous stigmates de la guerre
que creusèrent les hommes qui se jettent des houes."

Ce "Il" qui revient mais qui pourtant ne semble jamais parti :

"un jour qu’il revenait de loin
de là où il laissa son nom de famille au verso
d’un champ de ruines sans ex-voto."

Nul doute qu'Il prendra soin "de ce petit lopin de terre" qu'il soit "le sien, ou celui de sa mère ou d'un proche voisin." il pansera ses blessures ramassant un à un ces obus qui ressemblent à des cailloux...

Beaucoup de poésie dans ces vers où les couleurs de l'optimisme et du courage dominent le gris poussiéreux des terres brûlées par la guerre.

   hersen   
29/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Le renouveau après la folie des hommes ne tient qu'à nous, il suffit de cultiver son jardin et le partager. Des roses à la place des trous d'obus.
Naturellement, cette vision est souvent évoquée (mais pas assez souvent sans doute puisqu'on s'acharne à fabriquer encore tant d'obus !)
La plaie ouverte ne peut se combler que par le don, le don de ce que chacun peut faire, envers son prochain, son égal, et non pas par la surenchère.
C'est un poème sur l'humanité qui nous habite, et qu'avons-nous de mieux que cette humanité ?
Le moyen utilisé par l'auteur, ce ton paisible, est exactement ce qui convient aux mots du poème, quels qu'ils soient, pour (se) reconstruire.
Ainsi, l'homme ne sait que construire, détruire et reconstruire, sans doute.
J'aime tout dans ce poème.
Merci de la lecture.

   Myndie   
29/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Fanny,

je me débarrasse d'abord de ce qui fâche (entre guillemets je l'espère): je ne suis pas fan de la rime à tout prix puisque nous sommes en « libre » et je pense ici que vous auriez pu vous en exonérer et laisser la bride encore plus lâche à votre plume car cela lui sied bien.
Et je peux à présent vous dire tout le bien que je pense de votre poème qui me parle vraiment pour le réalisme cru de ses images et le magnifique espoir qui s'exprime à travers vos vers, cette foi en l'humanité, cette vision positive de l'avenir qui fait du bien car, je vous l'avoue, il me semble de plus en plus m'en éloigner.

Je suis d'une région qui porte encore à ciel ouvert de longues balafres, des « sillons de cratères » et des trous d'obus, ce territoire de séquelles guerrières que vous décrivez si bien. Avec en contrechamp la blancheur immaculée d'un magnifique mémorial qui vient sublimer le souvenir en s'élançant dans le ciel.

Je salue votre vocabulaire riche qui trahit une érudition de jardinière ^^ et qui m'a fait chercher le sens des « noues ».

Merci Fanny pour cette émouvante bouffée d'oxygène.

   Eki   
1/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Fanny, vous ne faites pas dans "l'ortie culture"...
Voici un petit jardin humble dont chaque parcelle respire l'humanité.
La quiétude a chassé chaque souvenir ténébreux, un petit bonheur y pousse. La paix s'y est installée et la terre cicatrice les plaies du chaos.

J'ai aimé flâner ici, cueillir les belles images poétiques, respirer la fragilité d'un petit monde merveilleux.

Vos mots ont semé l'éphémère avec tant de délicatesse.

Un poème très réussi...

   Polza   
1/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Fanny,

J’ai vraiment apprécié ce petit lopin de terre.
Je me suis dit que ça pourrait être une chanson chantée par Bourvil.
J’ai pensé au petit bal perdu bien que votre texte ne raconte pas du tout la même chose !

« qui ne vaut pas deux sous » Pour éviter la possible confusion avec « dessous » à l’oral, j’aurais peut-être préféré « un ou trois sous ». Un sou ne vous faisait cependant pas de rime au pluriel avec cailloux me direz-vous.

« Ne lui demandez pas à qui appartient ce jardin/Désormais il sait qu’il cultive des roses dans un charmant lopin ». J’aurais préféré l’inverse, que le lopin reste lopin tout au long du poème et qu’à la fin il se transforme en un beau jardin où poussent de magnifiques roses. Je veux bien changer mon aboutie en très aboutie si vous changez votre dernier lopin en jardin, mais je ne vous force pas la main hein !

Par les temps qui courent, il est plus que réconfortant de pouvoir lire des poèmes comme le vôtre, des poèmes qui apaisent quand le malin fait rage aux quatre coins du monde…

   Louis   
4/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
On se souvient de cette scène spectaculaire et pathétique qui ouvre le Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes de J.J. Rousseau :
« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire, ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. »

Dans ce joli poème, la terre porte les stigmates d’une violence guerrière en de profondes cicatrices :

des sillons de cratères
des obus pour cailloux

Semble écrit en elle, dans cette terre dévastée, la vérité des affirmations de Rousseau ; et chaque « caillou » marque la place des morts sous les « obus », hommes, animaux et végétaux, victimes des « misères et des horreurs ».
Que de guerres pour conquérir ou défendre des "territoires".

Rousseau situe la scène, bien que "fictive", à l’origine de la société et des malheurs de l’homme, quand prend fin "l’état de nature".
Le poème semble, lui, nous ramener, alors que la catastrophe a eu lieu, à cet état d’avant la propriété, antérieur à la société injuste et inégalitaire.
Il donne à voir, en effet, un homme solitaire, et un « lopin de terre ».
La "propriété" légale devient tout à fait secondaire dans le rapport à la terre :

De ce petit lopin de terre
Il ne se souvenait plus bien
S’il se trouvait être le sien
Ou celui de sa mère ou d’un proche voisin.

La terre appartient à qui en prend soin, et peu importe l’appartenance légale.
Le personnage du poème aime la terre et la soigne :

Il y tenait beaucoup
et en prenait grand soin

Qu’elle lui appartienne ou qu’elle appartienne légalement à un autre, elle est disponible, il la travaille, et voilà l’essentiel.
Le rapport à la terre est premier, et non le rapport légal.
Ce n’est pas parce que la terre est sienne ou celle de sa famille, qu’il en prend soin, mais à l’inverse, c’est parce qu’il la soigne qu’elle est "sienne".
Le poème fait donc retour à un rapport premier à la terre, celui d’avant la légalité ; celui d’avant la société.
L'homme la travaille en artiste :

coloriait les pistils, décoiffait les lutins
enluminait les cils qui fanaient en brumaire

De la terre des morts, violentée, inféconde, il en fait « un jardin extraordinaire » pour reprendre les mots de Ch. Trenet.
Ce lopin n’est pas immédiatement transformé en jardin potager, mais en lieu de vie, un lieu où vivre encore, un lieu agréable et joli, "coloré", "enluminé".
Lieu de vie avant d’être un moyen de survie.
Il n’en fait pas « une exploitation agricole », et plante avant tout, avant carottes et choux, des sourires :

Il plantait des sourires aux vents des champs ouverts

Il accueille la terre, la recueille avant d’en cueillir quoi que ce soit ; s’en fait le compagnon, ne l’affronte pas, vit avec elle, en diapason. Si elle est "sienne", c’est au sens d’un ami ou d’une amie, ainsi que l’on dit « son » amie
Il ne se ferme pas sur lui et son lopin, mais salue les « champs ouverts », entretient la relation avec les champs voisins, leurs arbres, leurs plantes, leurs offrandes en graines et semences.
Il laissera les clôtures anciennes à l’outrage du temps :

Soufflera la poussière échappée des verrous,
Fleurira la barrière épuisée de gadoue

L’homme s’inscrit dans cette harmonie entre ciel, terre et soleil :

Puis cueillait un à un les fruits de la lumière

Le lopin de terre n’a pas de valeur financière :

... qui ne vaut pas deux sous

Le rapport à la terre ne s’ancre plus plus dans la volonté d’enrichissement personnel, dans cet "amour-propre" exacerbé, comme dit Rousseau, qui pousse les hommes à rechercher puissance, gloire et richesse.

L’homme, après la catastrophe, semble redevenu nomade, revenu à l’errance primitive

Égaré, effaré, éreinté
Alors qu’il cherchait son chemin
Un jour qu’il revenait de loin

Il redevient pourtant sédentaire, pour cultiver et soigner la terre, mais en un sens différent de celui de l’appropriation exclusive.
Son nom et son identité ne sont plus en lien avec la terre, qui ne sera plus un "domaine" :

Il laissa son nom de famille au verso
D’un champ de ruines sans ex-voto

Désormais :
Il cultive l’éphémère.

Et ne rêve plus de "sol", de "racines’" qui donneraient pour toujours une identité, une permanence à leurs natifs propriétaires.

La dernière strophe exprime un rapport réfléchi à la terre ; la sagesse acquise par le personnage :

« Désormais il sait… »

Il sait qu’il cultive des roses, non pas tant la fleur elle-même, mais ce dont elle est le symbole : non seulement l’éphémère, mais une relation, non d’exclusion, d’inégalité et d’injustice envers autrui, mais dans ces fleurs qu’il « offre à son prochain », un rapport sur le modèle de l’amour-amitié, celui de la coopération plutôt que de la confrontation.
Il cultive la rose, et se « baigne aux noues »
Ce mot « noues » est riche de sens, riche de ce qu’il fait entendre :
« noues » et non pas barrière et fossé d’un isolement ;
« noues » comme ce qui ne sépare pas , mais tout au contraire ‘noue’ et tisse le lien avec autrui ;
« noues » tout comme le "nous" d’une communauté, en opposition au "je’", "Moi" d’une exclusivité.

« Nouer » alors et « tresser l’avenir qui n’ambitionne rien », mais un « rien » essentiel, qui vaut bien un "tout" : une paix, une justice, une fraternité, « un sentier de fortune à l’abri du malin », un havre préservé du mal, personnifié dans le « malin ».

Ce poème semble prendre l’allure d’un rêve utopique, mais peut être situé dans l’advenue de ce point crucial vers lequel nous nous acheminons, celui que Rousseau – lui par qui ce commentaire a commencé ; lui vers qui il convient de revenir une dernière fois ; désignait ainsi : « le genre humain périrait s’il ne changeait sa manière d’être. »
Le cours de l’histoire paraît mener vers ce point, et ce poème contribue, avec la force du rêve dont nous avons encore besoin, à indiquer le sens vers lequel "la manière d’être de l’homme" doit changer.

Merci Fanny

   Malitorne   
4/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
La phrase de Candide à Pangloss « Il faut cultiver notre jardin » vient immanquablement à l’esprit. Mais alors que Voltaire exprimait une volonté de s’accomplir par le travail, de mettre son talent au profit de la société plutôt que demeurer dans l’oisiveté, tu t’inscris dans une démarche individuelle de retrouvaille du bonheur. Un bonheur mis à mal par les guerres et les atteintes à la planète. Le sol est ravagé donc semons, retraçons des sillons, réparons ses blessures pour avoir le plaisir d'inspirer à nouveau la rose. Le problème c’est que les plaies ne sont plus guérissables…
Faute de mieux restons utopistes, berçons-nous de poésies illusoires. La tienne est réussie en ce sens qu’elle arrive presque à nous convaincre que tout est encore possible, portée par une articulation précise et un bel élan d’optimisme. Je te l’envie.
J'apprécie particulièrement : « enluminait les cils qui fanaient en brumaire ».


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