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Récit poétique
hersen : Des écailles scintillant dans le reflet des étoiles et puis c’est tout
 Publié le 16/11/20  -  9 commentaires  -  3832 caractères  -  88 lectures    Autres textes du même auteur


Des écailles scintillant dans le reflet des étoiles et puis c’est tout



Pourquoi la tortue aurait-elle sur le dos le monde et ses lumières ? Elle se promène, elle achève un univers sans fin, elle dandine ses minutes et ses pas.
Elle me dit, je traîne ma carapace – d’un trop grand prix –, mais je dois continuer, c’est ma maison, mon havre, ma protection. Où irais-je, si je ne veux plus te voir ? Je sais bien que je peux aller sur la plage y déposer ma ribambelle d’œufs, mais tu vas me les voler. Tu as faim toi aussi. Enfin, je crois.
As-tu si faim ?
Puis elle s’en va, tout doucement, au seul rythme qu’elle connaisse.



Dans les lianes d’eau vertes et bleues, elle nage, dans tous les océans de la planète verte et bleue, elle nage entre deux eaux. C’est l’instant où elle s’oublie, où elle m’oublie. La rondeur de l’eau l’enveloppe. Elle laisse le flot sous-marin l’abriter. Pense-elle à ses œufs qu’elle a laissé se détacher d’elle ? Pense-t-elle ? Puis elle me voit, harpon au bout de la langue, ou de la main, elle ne voit pas bien.
Elle me dit, je savais que tu reviendrais, dans la lenteur infinie de mon temps, je savais que tu reviendrais. Mais tu as vieilli. Je te sens las.



Elle balance la tête au gré de l’onde. Le harpon fiché dans la chair s’incline légèrement. Elle pose sa tête sur ma cuisse et me regarde. Et moi je regarde l’océan, je sais qu’elle dit vrai. Je suis las. Las de ne savoir faire autre chose, d’imaginer toujours des connections à d’autres mondes, quand je devrais juste laisser aller le vent au moment où il s’empare du tambour de l’écume. Quand je devrais juste vivre dans le monde unique de la tortue.
Je suis un imposteur.
Je la crois morte déjà, sa tête pèse sur ma jambe. Mais elle n’est qu’assoupie.
Elle me dit, dans un sursaut, et toi, penses-tu aussi à tes enfants, quelquefois ?



La nuit tombe, elle tombe en vertige et ne peut plus retenir sa noirceur. Je veux maintenant enlever ce fichu harpon, embrasser la chair tuméfiée de ma proie, # sauver la tortue pour le dire à tout le monde. Mais la nuit m’assaille. Oh elle a vu clair dans mon jeu, la nuit ! Un jeu vert et bleu de pagaille et de paille et de chamaille. Elle sait, elle qui a suivi tous mes rêves et tous mes cauchemars aussi. Un jeu de déchu dupé par ses trop gros yeux, sa trop grande faim sans faim. Alors elle éteint tout. Comme ça, d’un coup. Disparu le reflet d’étoiles sur les écailles. Les ténèbres maudites m’entourent et ricanent, la marée s’est tue sur la plage. Je suis définitivement seul. Avec une tête de tortue posée sur la cuisse. Trop tard, je l’embrasse. Ses écailles sont encore fraîches, elles sont lisses. Je les caresse et je pleure.
Elle me dit d’un souffle faible alors que je la croyais déjà perdue, est-ce tout ce que tu sais faire, pleurer ?



Les ténèbres maintenant ont cessé leurs rires méchants tandis que la marée reprend mollement son tempo. La tortue vient de me quitter pour toujours. Je veux crier, crier au ciel noir ce que j’ai fait, ce qu’il sait que j’ai fait, mais je dois le lui dire, c’est mon poids. Avant qu’il ne soit plus temps, avant que je me sois effondré, j’ouvre grand la bouche pour expulser ce souffle délétère qui m’habite et



des craquements, jolis mignons tout plein, crépitent sur la plage. Je me redresse, hébété, cherche un nom sur ces sons. Les étoiles se rallument. La nuit, fâchée encore, me lance sèchement, n’en abuse pas, de cette lumière que je t’offre ! Et j’ai juste le temps de voir, dans un reflet de la nuit, les petites tortues courir lentement vers leur destinée marine. J’entends la voix lointaine de leur mère, comme un chuchotis.
Elle me dit, as-tu appris, maintenant ? Tu ne vaincras pas le temps.

Mes enfants prendront soin de toi.


 
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   Anonyme   
4/11/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Un beau récit, je trouve, triste et bienveillant. Je trouve la tortue bien optimiste, car si le narrateur las a appris quelque chose, j'ai l'impression qu'il peut très bien et très vite l'oublier, ne sommes-nous pas doués, humains, pour cela ?

J'ai bien aimé la nuit qui se fâche et éteint ses lumières, les rires méchants des ténèbres, la rondeur de l'eau qui enveloppe. J'aime beaucoup moins
Un jeu vert et bleu de pagaille et de paille et de chamaille
où le jeu sur les sonorités est trop apparent à mes yeux, trop flamboyant pour ce récit crépusculaire.

Ah, une mention pour le titre ! Voilà, c'est tout.

   Anonyme   
10/11/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Je suis toujours très curieuse des "récits poétiques" catégorie nouvelle sur Oniris et partant par vraiment simples à commenter.
Dans le détail au fil de ma lecture :
Un titre long et intrigant qui donne vraiment envie de lire le récit.
"Dans les lianes d’eau vertes et bleues, elle nage, dans tous les océans de la planète verte et bleue", l'inversion des couleurs dans la seconde partie de la phrase aurait été un plus, à mes yeux.
Le paragraphe 3 me semble à la fois plus obscur et moins "connecté" au récit.
Au paragraphe 4, je n'ai pas compris la présence du "dièse" ici :
" # sauver la tortue " (allusion aux réseaux sociaux ?)
J'ai aimé les répétitions volontaires et les allitérations.
J'ai beaucoup aimé que le paragraphe 5 ne se termine pas sur un point.
Une poésie qui est bien présente tout au long du récit.

Une bien belle lecture à mon goût. Le thème est dans mes favoris. Doit-on y lire une métaphore ? On peut et j'apprécie.
Merci du partage,
Éclaircie

   Vincente   
16/11/2020
 a aimé ce texte 
Bien
À une séduction initiale par le titre, puis cette formulation inspirées dans la deuxième phrase : "elle dandine ses minutes", (d'ailleurs le "et ses pas"ne m'a pas semblé nécessaire, il vient comme une "explication" inutile mangeant une part de la poésie de l'expression qu'elle prolonge), est venu une difficulté à bien saisir de quoi il était question.

Je me suis senti à la fois bercé par un flot de mots attendris, attentifs au sort de la tortue, mère emblématique de son espèce, sympathique bien qu'un peu enfantin, presqu'ingénu alors que l'enjeu semblait demander une prise de conscience très mature d'une situation délétère, à une échelle macroscopique, voire cosmique…

En fait en écoutant ce "récit", je pensais, naïvement peut-être, que l'auteur me raconterait quelque chose ; donc me mènerait par sa narration dans une invitation à comprendre, à m'associer, à me saisir de son évocation. Je n'ai pas eu l'impression en final que son intention avait décidé une voie facile pour cela. Je ne veux pas dire que ce soit "improductif" pour créer émotion et intérêt, la poésie et l'attention à son sujet ayant l'ambition d'être suffisant pour l'apprécier, on peut trouver un certain plaisir dans la proposition ainsi énoncée.

Bon disons qu'après recherches, non exhaustives bien entendues, il me semble que la tortue, un être primitif emblématique de la vie sur terre, considère le narrateur qui est un homme archétypal, à la fois admirateur de la nature potentiel protecteur, mais aussi consommateur dépendant de la société qui le fait vivre et qu'il entretient. Avec sa "langue-harpon", ses belles paroles mais aussi ses actions plus ou moins involontaires et in fine blessantes, et puis ce fait qui le rassure que toujours semble-t-il de nouvelles générations réapparaissent pour dire que ce n'est pas fini… mais jusqu'à quand ?

Vraiment, je regrette que la "lecture" de la problématique ne soit pas moins confuse, un fond plus "cerné" d'un point de vu narratif profiterait plus bénéfiquement à mon sens de cette expression vagabonde et poétique.

J'ai trouvé plutôt intéressant cette présentation en micro-chapitres, avec les trois pointillés en intervalle, et inspiré cet espèce d'enjambement entre les deux derniers ; ce "qui m'habite et" qui tombe sur un vide est des plus évocateurs du doute qui s'impose à ce stade du récit.

J'ai trouvé l'idée poétique belle et le message qu'elle apporte nécessaire, essentiel même, mais la mise en forme dans sa conceptualisation "récitée" ne semble pas aboutie, il ne manque pourtant pas grand-chose je crois.

   Luz   
16/11/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour hersen,

Bon, moi je suis plutôt spécialisé en escargot. Mais une tortue, ce n'est jamais, après tout, qu'un gros escargot qui a appris à nager, enfin, je crois...
J'aime bien cette tortue-là qui évolue dans le vert et le bleu, c'est un très beau texte poétique. Ce n'est pas une poésie dense, c'est une poésie qui prend son temps et gagne à la fin.
J'aime beaucoup la quatrième partie y compris avec les sonorités en aille et le titre magnifique.
Merci.

Luz

   emilia   
16/11/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un récit poétique dont le titre m’a attirée comme une réminiscence du récit du « Petit Prince », le regard perdu pour écouter rire les étoiles avant de mourir en prononçant ses dernières paroles : « Voilà… C’est tout… » et évoquant la fragilité de sa fleur (ici transposée à la tortue) qu’il doit protéger contre le monde et dont il se sent responsable… Cette proximité avec le monde animal plus apte semble-t-il à la sagesse, comme le rappelle le narrateur de ce récit concernant la tortue : « Elle pose sa tête sur ma cuisse et me regarde (regard tendre mais sans doute accusateur…) Et moi je regarde l’océan, je sais qu’elle dit vrai », entraînant le narrateur vers cette auto-analyse introspective : le sentiment d’être un prédateur harponneur, « un imposteur », jouant un « jeu de déchu dupé… par sa trop grande faim sans faim ». La fin du récit nous renvoie également à la culpabilité face à la descendance de la tortue qui vient d’éclore indiquant que la vie se poursuit, malgré la mort, et que l’espérance réside dans ce questionnement d’une leçon reçue ou pas : « As-tu appris, maintenant ? » La nuit ajoutant : « n’en abuse pas, de cette lumière que je t’offre ! » et qui résonne comme un avertissement et un conseil très pertinent… ; un récit poétique sensible et édifiant…

   hersen   
17/11/2020

   Pouet   
17/11/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

un texte que je n'ai pas trouvé évident à appréhender, que j'ai compris sans comprendre, que j'ai plutôt ressenti. Est-il question de "prise de conscience", d'ambivalence et de la culpabilité dilettante des humains envers "l'espèce animale" à laquelle ils appartiennent?
J'ai trouvé ici comme une envie de fantasmagorie pragmatique.

J'ai fort goûté à l'écriture, une écriture "recherchée" sans être pesante, du rythme, des sonorités. Vraiment très agréable. S'il faut dire quelque chose, le "joli mignon tout plein" ne m'a pas trop parlé, mais bon ce n'est que moi.


Oui, j'ai été touché par ce texte, je crois.

   Anonyme   
17/11/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est un road movie à dos de tortue, au travers de l'éternel recommencement de la vie, ''sous des écailles scintillant dans le reflet des étoiles, et puis c'est tout..,'' que tu nous offres là, Hersen.

Je vois bien l'unique et long plan-séquence : sur une plage s'étirant sans fin, jusqu'à se fondre dans la mer, là-bas, presque sur la ligne d'horizon, l'homme à terre, accablé, sur ses genoux berce la tortue blessée à mort.
La lumière qui baigne le décor a le trouble d'un début du Monde. En musique de fond, le ressac léger, insistant, d'une marée douce et opiniâtre qui expire puis renaît sans relâche de la grève.

Il n'y a pas grand-chose à dire sur un récit poétique : il est poétique ou il ne l'est pas. C'est à peu près tout.

Sans conteste, le tien m'a embarquée dans une ambiance. Si j'ai compris le message que tu as voulu lui insuffler, m'importe peu, au final. L'essentiel pour moi, c'est de vibrer et de m'émouvoir à partir du film que je me fais, de me sentir vivante au fil des images suscitées par les mots écrits.

Interréaction réussie pour moi.

J'aime beaucoup le récit poétique. Je le vois comme une longue dérive des pensées, qui ne devrait pas nécessiter, ou du moins ne pas laisser transparaître la somme de travail nécessaire à son élaboration. C'est l'impression que tu me donnes ici.

Merci pour le partage.

Cat

   Angieblue   
18/11/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Hello,

J'ai été très touchée par ce récit poétique que j'ai ressenti comme une fable philosophique. Il y a une belle interrogation sur le sens de la vie et son cycle comme un éternel recommencement mais avec d'autres qui prendront le relai...

Les descriptions sont très poétiques, il y a de très belles formulations:

"elle dandine ses minutes et ses pas"

"Dans les lianes d’eau vertes et bleues"

"Elle balance la tête au gré de l’onde"

" je devrais juste laisser aller le vent au moment où il s’empare du tambour de l’écume."

"La nuit tombe, elle tombe en vertige..." (très belle personnification de la nuit)

Les images et l'histoire nous laissent entrevoir toute la beauté et la désespérance du monde.

Très beau aussi la résignation de la tortue. Elle transmet à l'homme son humanité, ils ne sont pas si différents. C'est aussi une belle ode à la nature qui nous apprend beaucoup sur nous et le monde. La nature consolatrice, révélatrice, et qui éveille...

Enfin, il y a une belle leçon de vie, de résilience, de modestie. L'homme n'est pas au-dessus de tout, il ne doit pas être égocentré...
"Elle me dit, as-tu appris, maintenant ? Tu ne vaincras pas le temps."

Bravo pour la poésie, l'émerveillement, l'émotion et le message!


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