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Poésie contemporaine
Jemabi : Au gré des regrets
 Publié le 15/11/23  -  7 commentaires  -  846 caractères  -  159 lectures    Autres textes du même auteur

La vie s'est moquée de nous.


Au gré des regrets



Horizon décharné de nos souvenirs pâles,
Au chevet de la plaie ouverte par les maux,
Dans le ciel rabougri rempli d'anges normaux,
Rien ne saura jamais restaurer les opales.

Lâches sont les miroirs qui traînent nos aveux,
Ils bernent en leur cœur le froid de la pénombre,
Ainsi se tait le vrai pourchassé par une ombre,
Comme un soldat serein est la cible des gueux.

Poursuivis par l'élan, nous oublions de vivre,
Le présent se détache alors du mot espoir,
D'une minute à l'autre à deux doigts du trou noir,
Il revient sur ses pas et meurt dans nos bras, ivre.

Le serment de l'après a brûlé tout son soûl,
Il nous force à périr au milieu de sa source,
Nous, les vieux combattants sans arme ni ressource,
Aux mains pleines de vent, piégés par le refoul.


 
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   Gemini   
27/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Je pense que la rime pâles/opales (328/291 Warnant) sera signalée par le comité éditorial afin de préserver la catégorie. Mais ce sera dur à réparer avec un seul mot. Je n'ai trouvé la définition de "refoul" v16, que dans le Littré et le Wiktionnaire, mot rare et seulement synonyme de refoulage qui concerne la fabrication de vins. Le lien avec "ivre" v12 et "soûl" v13 n'est pas évident à faire sans cette définition.

Le titre est joli avec ce petit jeu de mots qui, relié à l'exergue, donne le sens du texte : une rétrospective ("les miroirs"), un jugement sur ce qu'est, et a été la vie, avec une noirceur (une rancoeur ?) certaine dans le propos, comme si le destin était le seul coupable : "La vie s’est moquée de nous".

On en traîne tous de ces regrets qui font mal et sur lesquels on n’y peut mais (chienne de vie !). Mais des regrets au remords, il semble que le pas ne soit pas franchi. Pas de place ici pour ce sentiment de conscience... On décrit une certaine fatalité qui nous pousse à vivre ? ("à deux doigts du trou noir") avec nos revers, et à s’en accommoder, faute de mieux. Traîne ton boulet l’ami, et meurt avec.

J’ai bien aimé ce texte sombre et réaliste, qui va fouiller dans les recoins intimes de l’esprit, sans occulter notre lâcheté, nos errements, nos écarts, et qui semble décrier cette satanée mémoire, pas assez sélective, qui, à l’insu de notre plein gré, a le culot de nous rappeler les mauvais moments plus que les bons… Une sorte de constat désabusé sur la façon dont se passent ces choses, et un pleur sur notre impuissance ("sans arme ni ressource") à changer quoi que ce soit. Oubli que fais-tu ?
Les tournures, images, métaphores, sont bonnes, voire excellentes : "Le présent se détache alors du mot espoir", et la colère, sourde, bien exprimée. On la ressent qui vibre dans les vers.

Les rimes ombre/pénombre et souce/ressource sont fortement déconseillées en classique (mots de même famille).

   Miguel   
28/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Une élégie en vers très soutenus, un lyrisme amer et lucide, de belles images, des sonorités et des rythmes qui emmènent l'esprit dans cette désillusion et cette désespérance. C'est triste et beau.

   Lebarde   
29/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
La valse des poèmes classiques se poursuit, ce qui n’est pas pour déplaire. Les maîtres et les maîtresses en la matière sont toujours là pour developper leur art.
Bravo une fois encore pour l’auteur(e) de celui-ci qui fait montre d’une belle dextérité dans la prosodie que je n’imagine même pas un brin fautive: les alexandrins marchent d’un bon pas sur un bon rythme, les rimes sont bien comme il faut, je ne cherche même pas les hiatus étant sûr de ne pas en trouver et la poésie est là au fil des vers.

Le propos, un peu sombre et désabusé, est bien quelquefois énigmatique et mystérieux mais qu’importe sa lecture est très séduisante.

Merci

En EL

Lebarde

   papipoete   
15/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonsoir Jemabi
la Toussaint semble perdurer, et ces lignes fort poétiques, dont leur phrasé sort des chemins où personnellement j'avance mes mots, me trouble quelque peu.
Un texte tellement triste sans conteste, mais il me faudrait une palette et baguette magique pour que j'en goûte tout le sel.
NB quand l'art abstrait laisse coi et semble dire
- cherche pas ! tu ne comprendras pas...
j'aimerais pourtant bien que l'auteur, au bord de cet abîme me guide, et par ses clés me fasse dire
-ah oui, mais c'est bien sûr !
techniquement, voyant des alexandrins sans faute... serait-ce que " pâles et opales " ne riment pas ?
dans notre Jura, nous prononçons le O sans accent, de façon pointue
alors que le Ô se dit " au ou eau..."
me souvenir que cette subtilité, dans ces colonnes firent, jadis débat !

   fanny   
15/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Si j'ai bien compris c'est la journée du regret, alors allons y pour fêter le retour de ce qui a été un moment les regrettées parutions bi-quotidiennes.

De ce je vois, cette tentative en classique a échoué, mais finalement de peu et vous avez été vaillant, (je compatis, moi rien qu'en néo déjà j'avais bien peiné).
Je n'avais pas relevé le problème des rimes, mais plutôt des formules un peu hasardeuses liées aux obligations de la technique : "les anges normaux", "le soldat serein" , et autres petites complications.

Mais la thématique me plait, ce serment de l'après au gré des regrets est très éloquent et me parle, j'aime beaucoup le joli vers, bien qu'il ait éte source du changement de catégorie, " rien ne saura jamais restaurer les opales" et les deux derniers, bien vus, qui donnent tout leur sens à la poésie et aux souvenirs pâles, alors que la vie s'est moquée de nous et n'a pas tenu ses promesses.

   Cyrill   
21/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Le ton plus qu’amer d’un locuteur regardant dans un rétro qui préfère refléter nos petites misères que « restaurer les opales ».
Une image parlante, telles d’autres du même tonneau : « lâches sont les miroirs », « Aux mains pleines de vent ».
J’ai bien aimé aussi ce « ciel rabougri rempli d'anges normaux », tellement narquois. Et ce premier vers qui annonce une nouvelle fois la couleur présente dans l’exergue.
L’inanité de la vie menée jusqu’au néant.
À l’opposé, je lis quelques formules poussives ou assez triviales : « Le présent se détache alors du mot espoir »… « Ainsi se tait le vrai ». qui me sortent de la magie métaphorique pour m’expliquer trivialement comment ça se passe et qu’en est-il de ces étapes de la vie.
je comprends refoul comme étant un reflux ( de souvenirs refoulés ), je ne connais pas ce terme, mais je l’ai trouvé, par sa sonorité, bien positionné en clôture.
Édité pour l'appréciation, où avais-je la tête ?!

   Louis   
21/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Les alexandrins de ce poème composent une mélodie, d’une grande tristesse et d’une profonde mélancolie.
Ils se rapportent au vécu temporel, et plus particulièrement au passé, quand il est envisagé sur le mode triste du « regret ».
Une des thématiques du texte, celle du combat : « Nous, vieux combattants », se présente dès la première strophe, implicitement, afin de dire une impuissance dans la lutte pourtant "acharnée" que nous menons pour tenter de restaurer un passé qui n’est plus, nous combattants du "temps perdu", en ce que le regret est la manifestation d’un désir, toujours frustré, et donc toujours triste ; désir de revivre à l’identique, ou différemment, un passé révolu ; « Le regret ne diffère pas essentiellement du désir, mais il désire une chose passée. » confirme Vladimir Jankélévitch dans L’irréversible et la nostalgie.

Le premier vers évoque donc ce passé par les « souvenirs » :

« Horizon décharné de nos souvenirs pâles »

Mais ces souvenirs apparaissent dans une pâleur, en ce qu’ils manquent de netteté, de clarté, et de précision. Ils ne restituent pas le passé dans l’éclat du présent vécu, dans l’intensité d’un aujourd’hui. « Pâles », comme déteints, ils manquent de cette couleur vive, de cette intensité vibrante que leur donne le présent. Pâleur de ce qui va s’évanouissant dans les brumes de l’oubli. Pâles heures d’un regret, celles du désir qui vient tard, toujours trop tard.
Cette perte d’intensité du vécu se trouve accentuée dans « l’horizon décharné » de ces souvenirs. Au plus lointain de ces réminiscences, à la lisière avec l’oubli, leur apparence est ainsi : « décharnée ».
Maigreur donc des souvenirs, dépouillés de la chair vive d’un vécu actuel ; réalité amoindrie, affaiblie, réduite à son squelette, au mince canevas d’une image flétrie, à la mince nervure d’une feuille éphémère.

Le passé du souvenir est, dans ce vers, comme incarné, mais pour montrer aussitôt que le corps du souvenir a subi ce mouvement cruel du temps qui le laisse asséché, sans chair vive, en plus de lui donner le teint d’une pâleur diaphane.
Nous avons beau alors, avec nos regrets, nous "acharner" à retrouver le temps perdu, nous n’aurons affaire qu’à du "décharné", à la vie anémiée du souvenir, à cet étiolement du vécu que la mémoire ne peut éviter.

Ainsi :

« Rien ne saura jamais restaurer les opales »

Nous nous retrouvons dans cette impossibilité, cette impuissance de notre part, comme de la nature entière, à redonner leur éclat d’antan, le lustre précieux, ces « opales », aux moments vécus d’autrefois. Tant de poètes l’ont chanté tristement, et déjà François Villon : « Mais où sont les neiges d’antan ? ».
Est impliqué ici le cours irréversible du temps, son caractère linéaire et non cyclique.
Le passé s’en va s’évanouissant, et rien ne peut le rendre à sa fraîcheur native.
Le malheur s’attache au désir désespéré de retrouver ou de restaurer le passé, dans une impuissance insurmontable. Et « nos mains sont pleines de vent ».
La mémoire ne fait pas vraiment revivre le passé, elle n’a affaire qu’aux dernière vapeurs d’une réalité vécue, et comme désincarnée.

Si le premier vers situe les souvenirs auprès des horizons décharnés, le deuxième vers nous place :

« Au chevet de la plaie ouverte par les maux »

Nous sommes confrontés à une douleur, une blessure : la tendance à "corporaliser", manifeste déjà dans le vers précédent, se poursuit avec cette « plaie ouverte ». Elle-même un "mal", elle est provoquée « par des maux », mais il n’est pas précisé quels sont ces maux, restant donc indéterminés.
Correspondent-ils à des douleurs qui subsistent du passé, auxquels on cherche un remède ? Ou bien à des souffrances présentes de ne pouvoir restituer un passé évanouissant ?
Le sens semble donc osciller entre un regret douloureux, proche de la nostalgie, qui serait le désir de revivre un passé heureux ; et un regret, plus proche du remords, qui voudrait revenir sur les décisions du passé, changer les voies sur lesquelles sa vie s’est engagée, et revivre autrement l’existence telle qu’elle s’est déroulée, décevante, insatisfaisante.
Ces « maux », quoi qu’il en soit, correspondent aux douleurs d’une perte, celle d’un révolu irrémédiable.

Le troisième vers met aussi en situation :

« Dans le ciel rabougri rempli d’anges normaux »

Quel est ce « ciel » ?
Sa qualification « rabougri » renvoie à ce qui est « décharné », amaigri, affaibli, à ce qui est diminué et sans force, c’est-à-dire les souvenirs. Le ciel est alors ce monde "éthéré" de la mémoire, de cette réalité passée conservée par la mémoire et l’imagination reproductrice.
Et « les anges normaux », pris dans la "norme" de ce qui est possible, évoquent des puissances incapables de "miracles" par lesquels le temps inverserait son cours, restaurant le passé, permettant de revivre ce qui a été vécu.

Si dans la première strophe, le regret semble pencher vers la nostalgie, il tend vers le remords dans la strophe suivante.
Centré sur les « aveux », par lesquels on reconnaît ne pas avoir agi dans le passé comme on aurait pu, dans des occasions manquées ; mais aussi comme on aurait dû, conformément aux exigences morales, la référence semble bien être celle de nos "manquements".
De tels aveux supposent du courage, peut-on penser, mais la deuxième strophe y voit pourtant une « lâcheté » : « Lâches sont les miroirs ».
Dans ce miroir que constitue la conscience réflexive, l’image rendue ne constitue pas une vérité : « Ainsi se tait le vrai… ». La clarté dans laquelle se donne la vérité s’accompagne d’« ombre » ou de « pénombre ». La révélation des aveux n’est que partielle. L’image n’est pas adéquate.
Mais comment le sait-on ? Comment est acquise cette vérité sur le passé pour la comparer à nos « aveux » toujours partiels ?
Le dernier vers de la strophe qui assimile la vérité à un « soldat serein » suggère que cette vérité, ou lumière sur le passé, n’a pas été faite, elle qui apporterait une sérénité, pour preuve cette quête incessante, cette inquiétude sans sérénité qui pourchasse sans cesse une introuvable vérité.
Ainsi les miroirs ne lâchent pas leurs prises sur image, ils les « traînent » tout au long de l’existence présente et à venir, ils perpétuent une lâcheté sans relâche. Dans une sorte d’infidélité à soi. Dans une sorte d’hypocrisie à l’égard de soi-même.
Combattants du temps perdu, nous voilà désormais soldats de la vérité

La troisième strophe semble tirer les conséquences de notre position à l’égard du passé.
« Nous oublions de vivre » : affirme le premier vers de cette strophe.
La vie n’est possible qu’au présent, comme on sait.
On s’attendrait à retrouver ici une pensée proche de celle de B. Pascal, lorsqu’il écrivait :
« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. »
Mais le vers suivant semble "regretter" la perte de l’espoir, et donc de l’avenir :

« Le présent se détache alors du mot espoir »

Le regret du passé semble pourtant entraîner l’espoir du retour, dans le futur, de ce qui fut.
Comment comprendre alors que le regret ferme la porte à l’espoir ?

Un présent s’avance vers un « trou noir » imminent : gouffre noir, sans perspectives. L’avenir n’est plus le champ grand ouvert des possibles.
Il est peut-être déjà trop tard. Et le trou noir figure l’abîme de la mort et du néant.
Et sommes sans cesse renvoyés vers le passé, comme si nous n’en avions jamais fini avec lui, comme si le passé ne voulait pas passer.

Dans la strophe finale, « refoul » constitue le dernier mot.
Il peut se comprendre comme un processus de refoulement, au sens d’une force qui repousse vers le passé, et semble faire écho avec le « retour sur ses pas » de la strophe précédente. Il semble l’inévitable « regret » dans lequel nous serions « piégés ».

Notre situation douloureuse par rapport au passé sonne dans ce poème comme une fatalité.
Ne pouvons-nous cesser de croire pourtant que notre vie aurait dû ou aurait pu être différente ?
Tous ces conditionnels passés (Ah, si j’avais agi autrement… ) nous rongent et nous emplissent de culpabilité, ils apportent avec eux aigreur et tristesse. Regretter, c’est avancer à côté de son existence, se morfondre dans les impasses, errer dans les voies sans issues…
Il eût fallu être autre, mais nous étions ce que nous étions, par nécessité. Le regret est inutile.
La sagesse antique déjà nous enseignait à regretter un peu moins, à espérer un peu moins et à aimer un peu plus son présent. Rappelons ce qu’écrivait Pascal à la suite du passage déjà cité :
« Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens, le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »

Merci Jemabi


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