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Poésie en prose
kano : Meilleur des mondes
 Publié le 30/03/13  -  10 commentaires  -  4331 caractères  -  92 lectures    Autres textes du même auteur

"On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves, de là à dire qu'ils ont vécu…"


Meilleur des mondes



Mon frère vit dans une prison d'extase ;
Il rit et pleure avec l'assiduité d'un moine antique,
La souris dans une main, un verre dans l'autre, et le néant
Engloutit sa bouche : il a lui aussi sa Sainte-Trinité.

Mon frère clique, fume, va au café, boit parfois,
Ses tourments sont égaux aux nôtres, ses joies ne sont pas moins intenses,
Mon frère est sur YouTube, il a des opinions, mais ce qui l'amuse par-dessus tout,
C'est les vidéos de chatons et les gens qui tombent, sur YouTube.

Mon frère est préoccupé par l'ouvrier chinois qui a fabriqué son ordinateur,
Mais pas trop non plus : il n'aime pas battre l'eau quand celle-ci l'éclabousse.
Mon frère aime bien parler de rien : c'est naturel, c'est ce qu'il préfère.
Parfois il débat, il a ses opinions, et le conformisme ne trouve alors pas d'Hérault plus fier.
Mon frère est à gauche, mais sait être réac quand il le faut,
Mon frère assume tout, car il ne se prononce jamais
Et quand la connaissance sort du système elle lui paraît être un fardeau bien lourd.

Demain mon frère pourrait bien vendre son manteau de convictions
Pour une chemise de certitude si on l'y incitait.
Mon frère est cultivé, il répète ce qu'il entend, n'étant pas d'accord parfois, il le fait bien.
Mais il ne transige jamais sur le consensus : mon frère défend les grands principes que ses frères partagent.
Sa bouche est généreuse : chacun y trouve ce qu'il y cherche.
La révolte fait horreur à mon frère si elle n'est pas partagée par la plupart,
Il préfère partager les vidéos des gens qui tombent dans l'escalier, sur YouTube :
Il est prêt à en parler des heures.
Mon frère défend férocement le consensus, et quand il ne parle pas de vide comme il le voudrait, il hausse la voix, lève les bras, s'agite pour défendre une idée déjà admise face à un public déjà conquis.

Mon frère ne connaît pas la révolte, mais la révolte le connaît.
Elle n'ignore rien des esprits sans talent aux lueurs abyssales, caveaux profonds où poussent les racines d'indifférence contente d'elle-même, les plantes qui ne refuseront jamais leurs racines au jardin qui les a fait pousser, celui qu'elles ne remettront jamais en cause sous prétexte qu'elles sont des millions.

Mon frère se cultive, il va voir des tableaux, des personnages figés dans le temps à jamais,
Sans y voir le miroir qu'il devrait : mon frère comme eux échappe au temps, et à le regarder, à 20 ans,
On devine déjà chaque instant de sa vie future, prévisible et tracée comme une toile de maître,
Mon frère lit de brillants livres pour briller en société, mon frère aime le jus mais pas la pulpe,
Il aime goûter à tout mais ne dévore rien, mon frère picore mais n'engloutit jamais.

Il est loin le temps des fleurs, le temps des libertaires, elles sont loin les cerises qu'on savourait à l'ombre des cafés de la révolution !
Mon frère est aveugle, sourd mais hélas pas muet : son monde est simple et plat dans sa perfection, mon frère vit dans le meilleur des mondes.
Il lutte, parfois, mais les vrais combats ne parlent pas sa langue. Mon frère parle du vide, l'aime, le chérit car il s'y reconnaît.
Dans ce miroir oral aucun sujet n'est assez creux pour lui : mais sait-il que la pensée dominante est faite de penseurs dominés ?

Quand mon frère sent s'approcher un sujet ébranlant les racines et non les pétales
Ses épaules se redressent et son regard se voûte : tel un renard pris au piège, il a flairé le danger !
Mon frère sort alors de son chapeau de certitudes les topos qu'il chérit,
Et les assène sans attendre de réponse : l'Hérault du consensus en porte les couleurs et son visage en reprend.
Il fait de grandes phrases, mon frère parle bien. C'est un mannequin aux allures parfaites dont l'esprit défile pour le prêt-à-penser.

Mon frère est une icône, inconnue mais illustre,
Méconnue mais écoutée, mon frère est normal,
Génération 2.0 à laquelle l'Éternel adressera deux zéros pointés,
Mon frère est des millions, de vous, de moi, il a toujours été,
Et mon frère peut bien rire sans vie
Car demain se fera toujours sans lui.


 
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   rosebud   
14/3/2013
 a aimé ce texte 
Un peu
même si, on l'a bien compris, l'auteur est un peu son frère et qu'il se met dans le même panier de poires blettes, le jugement qu'il porte est trop manichéen pour être juste.
Heureusement pour la poésie, il y a quelques trouvailles qui sauvent l'ensemble sur la forme. J'aime beaucoup:

Mon frère vit dans une prison d'extase

Mais il ne transige jamais sur le consensus

Mon frère ne connaît pas la révolte, mais la révolte le connaît

Mon frère aime le jus mais pas la pulpe

Mon frère est aveugle, sourd, mais hélas pas muet: son monde est simple et plat dans sa perfection, mon frère vit dans le meilleur des mondes.


Oui mais, s'il suffisait d'être révolté, d'avoir raison seul contre tous, de se méfier du consensus et de ne pas être connecté sur YouTube pour être vivant, le procédé devrait commencer par être reconnu. Malheureusement, les morts-vivants sont partout et de toute obédience: athées, culs-bénits, de droite et d'extrême gauche, riches ou pauvres, analphabètes et cultivés, hommes ou femmes, végétariens ou carnivores, blancs, noirs, chinois verts... c'est peut-être génétiquement humain?

   Pimpette   
19/3/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
C'est excellent!
Et ça fait mal car ce frère, hélas! nous ressemble un peu...espérons que c'est un peu...

Ce texte est donc utile, intelligent et nécessaire!
Comme c'est bien, cher auteur inconnu, de l'avoir écrit!

Une petite citation mais il n'y a que ça des citations:
"Il aime gouter à tout mais ne dévore rien, mon frère picore mais n'engloutit jamais."

   David   
19/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Brrr... c'est un portrait glaçant, une narration originale car au fil des mots le doute se fait sur ce frère, frère de sang, frère humain, et pour un texte mise en ligne sur le net, un effet miroir qui devrait bien finir par faire mouche. Un "mon frère est brun" aurait été dans la même veine.

Mais bon, quel procès quand même, et qu'est-ce que le narrateur prend pour lui au final, son "frère" est vu comme une souris de laboratoire, échouant au test du labyrinthe...

   Mona79   
30/3/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Est-ce là la jeunesse d'aujourd'hui ? Nos lendemains auront donc du souci à se faire... C'est bien vu, pourtant, même si la caricature de ce frère est quelque peu outrée, elle a un fond véridique qui fait effectivement froid dans le dos. Et on se sent quelque peu impliqué dans cette peinture trop réaliste de nos penchants d'aujourd'hui vers ce monde robotisé, lobotisé, inhumain en quelque sorte :

"La souris dans une main, un verre dans l'autre, et le néant
Engloutit sa bouche"
"Demain mon frère pourrait bien vendre son manteau de convictions
Pour une chemise de certitude si on l'y incitait."
Serions-nous des moutons de Panurge, prêts à suivre n'importe quelle tendance pourvu qu'elle soit de notre époque de modernité frelatée ?

Bravo à l'auteur pour sa clairvoyance inquiète (pourvu que ce frère ce ne soit pas nous...)

   Anonyme   
30/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour kano

Ouais, depuis que j'ai lu je fais ouais. Ouais, ouais...
J'aurais préféré que l'auteur mouille la chemise et qu'il aille au charbon, c'est pas parce qu'on dit Je qu'on est Je puisque Je est un autre.
Alors oui pour le Je, mais c'est un avis très personnel et puis après tout, on est tous des frères de... je ux.
Ouais. Vraiment, ouais.
J'aime beaucoup.

   Anonyme   
30/3/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'aime ce regard posé avec dextérité sur un être qu'on ne peut qu'aimer malgré tout.
Bravo car j'aurais pu en lire encore des lignes et des lignes de ce portrait.

   brabant   
30/3/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Kano,


Bon, l'incipit c'est un clin d'oeil au Jaurès de Brel ; mais je ne vois pas très bien le rapport entre un esclavage obligé "le corps en laisse" et cet esclavage culturo-bobo... Est-ce à dire que l'esclavage est un passage obligé pour qui veut paraître ?
Et bon, le titre c'est un clin d'oeil à Huxley ; mais je ne vois pas ici de pilule du bonheur, à part l'alcool démodé. Reste donc encore le paraître pour tenter d'être heureux et d'exister...


je retiens quelques formulations que j'ai aimées ou qui pourraient être débattues utilement dans ce réquisitoire sans concession et sans pitié :
"il n'aime pas battre l'eau quand celle-ci l'éclabousse" :)))
"Mon frère est à gauche , mais sait être réac quand il le faut"
"Mon frère assume tout, car il ne se prononce jamais"
"Mon frère se cultive, il va voir des tableaux, des personnages figés dans le temps à jamais"
"mais sait-il que la pensée dominante est faite de penseurs dominés ?"


Ceci dit je n'adhère pas à cent pour cent à l'image de ce frère qui lit "des livres brillants" et est en même temps un individu du type de ceux à qui on peut vendre du temps de cerveau disponible genre "vidéos de chatons... qui tombent".

A trop vouloir démontrer... Lol :)

C'est bien quand même hein !

   aldenor   
31/3/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un style qui coule bien avec un sens de la formule dans cette dénonciation du conformisme et de la platitude auto-suffisante.
Un peu long dans le sens où les idées commencent à se répéter sur la fin.
L’artifice « mon frère » est un peu lourd et souffre d’un manque de clarté : on ne sait pas si l’auteur s’inclut lui-même dans la critique.

   Rainbow   
5/4/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Kano,

J'ai aimé votre poème, notamment la construction et le rythme du texte créé par la répétition des "mon frère" amenant à chaque fois une nouvelle image.
Images que j'ai d'ailleurs trouvée très belles tout au long du texte, même si à mon sens le premier et le cinquième paragraphe dégagent une impression plus forte, presque mystique en fait.

Une chose cependant me gène cependant, non pas sur la forme du texte, mais plutôt sur le fond. Vous ramenez entière l'humanité à son "inhumanité" et son idiotie, point sur lequel je suis majoritairement d'accord (Exceptons bien sur nos génies), mais vous là laisser en plein milieu de la place, agonisante les tripes à l'air cette humanité !
Même si le texte m'a séduit au niveaux de ce qu'il propose dans l'esthétisme, je n'adhère pas à votre "révolte". Dénoncez ces évidences est aussi chose courante à notre monde, même si cela fait par vous est d'une beauté sans concession, mais j'aurais apprécié de l'innovation dans les révoltes, et non pas cette abandon sur lequel semble déboucher le texte (je me trompe peut être cependant, et peut être n'ai je pas entièrement perçu votre texte).

   Pouet   
5/4/2013
Oui assez d'accord avec le fond bien qu'heureusement d'autres sortes de frères existent.
Après est-ce une poésie? Je n'en suis pas persuadé pour ma part. C'est une réflexion plutôt bien vu sur la société actuelle.
J'ai eu plaisir à lire.

Bonne continuation


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