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Laboniris
Lariviere : Fragment delta morceau 3
 Publié le 18/09/22  -  9 commentaires  -  3207 caractères  -  170 lectures    Autres textes du même auteur


Fragment delta morceau 3



Vitalité espérée des chrysalides, transit crissant des espérances dérape et déploie ses transes métalliques pour un nouveau départ… À la place de nos cous tendus, des brindilles de rage, un arrière-goût de sons et d’images, de parfums de désirs, suspendus au néant des images creuses changées en fleur et en oiseau. Chaque soupir s’envole, s’étouffe, souffle vaporeux qui se perd dans le lointain des intentions… Vie. Mouvement. Source inutilisable. Sorciers aux divinations troubles, aux prophéties illisibles, nous errons dans nos convictions comme dans une étrange matière, un terrain instable. Un étau en mutation chargé d’humeurs mortes, de gaz précieux. Nos tables de la loi attendent le couvert. Nos lignes de mains sont saturées de tracés compliqués, infestées de puces électroniques, d’impasses coupant net les ardeurs pernicieuses de notre matérialisme… Sur la nuit de glace, se tisse notre avenir. Commun ou solitaire. Un tremblement en prévision, parsemé d’éclats de lune et de satellites auxiliaires. Banqueroute et famine mentale, dans les microsillons prurigineux de nos circonvolutions ; les orbites et les nerfs soumis malgré eux aux systèmes limbiques par les labeurs et les frasques illusoires du quotidien. La vie racontée est une farce. La vie versifiée est une hérésie. Ne laissons pas nos joies se marchander sur le tapis clinquant du destin. Dans la statique ou la frénésie, toujours, nous sombrons... Fraîcheur des sources véritables. Candeur lucide.

La vie est un chant qui nous appartient. Avons-nous l’occasion un jour de chanter ? N’importe quel oiseau le fait mais nous, le temps et l’élan nous manquent. Pourtant, sans danseuse mécanique, aux canines pointées sur l’avenir ou en simples ballerines émoussées, nous devrions participer à la symphonie du monde. Comédie musicale ou rupture de l’opéra-bouffe. L’homme est un fabricant d’automates aux étranges rouages, commandé lui-même par de mystérieux engrenages, ordres, énigmes et fils invisibles. Être pris au jeu de sa grande illusion. Sous ses pieds ses visions se font troubles. Le monde explose et laisse entrevoir son double-fond. C’est la fissure, blessure des âmes incarcérées, brûlure profonde au-dessus du magma. Malaise millésimé. Ancestrale torpeur. À ciel ouvert, la plaie se fait voyante, comme un œil sortilège porteur de ses propres légions.

Les fées sont des carapaces de griffons. Des caniches errants ou des lycaons en plein ballet aquatique. Dans le vestiaire de cette piscine olympique, le destin est un trousseau de clef vide, vidé de clef et de vie, d’envie et de nage-papillon. Le sphinx est un château de sable, soumis à la valse du vent, à l’érosion du temps et des énigmes. Les hymnes intérieurs sont des musiques perdues sur des monts situés au-delà du solfège. La possibilité d’un îlot, ce sont quelques foyers humains. Bonheur éternel dans un cercle de métal. Le paradis est une auge dorée pour les ânes de passage. À chaque animal du ciel, sa propre rumination. Les auréoles des anges sont des scies circulaires tranchant, découpant, la piété naturelle, renforçant les champs du vulgaire et des vanités humaines. Âmes stériles. Eaux aseptisées sur des errances d’aquarium…


 
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   Anonyme   
18/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Il m'est arrivé, rarement, de me laisser prendre aux sirènes d'une mercatique agressive et d'envoyer un bulletin de participation à un jeu de magazine de vente par correspondance parce qu'il m'était promis avec flamboyance que j'étais grande gagnante, que notre huissier maître Enfoiros avait sélectionné votre numéro madame Zézette épouse X. et que le gain changerait ma vie pourvu que je consentisse à coller la vignette et renvoyer le bon de commande sans obligation d'achat.
Immanquablement, quelques semaines plus tard j'apprenais que j'avais droit à deux (2) euros que la société avait jugé plus avantageux pour moi de transmuer en un avoir de huit (8) euos.

J'ai mis un peu de temps à identifier mon sentiment d'alors à la sensation que faisait naître en moi votre poème. (En caricaturant, hein, je vais nuancer mon propos.) Jusqu'à présent je ne comprenais rien aux Fragments delta, je les lisais comme j'aurais pu tenter d'identifier les plantes luxuriantes, veloutées, qui étalent leur beauté dans un jardin botanique alors que, ayant oublié mes lunettes, je ne puis déchiffrer les indications sur les pancartes.
Mais là, j'ai un peu compris, et c'est là que le bât a blessé pour moi : j'ai trouvé le propos en deçà de la manière car, somme toute, assez banal. Méchante humanité percluse dans son matérialisme, va. C'est un peu comme si, au bout de ce film où il recherche le trésor des Templiers, Nicolas Cage tombait sur une aire de repos d'autoroute avec une offre de réduction sur le repas au restau.

Cela dit, je suis loin d'avoir trouvé le texte en soi sans intérêt, il a du souffle à mon avis et je relève ceci qui me frappe par sa justesse :
nous errons dans nos convictions comme dans une étrange matière, un terrain instable. Un étau en mutation chargé d’humeurs mortes

Mais j'étais davantage impressionnée quand je pigeais que dalle.

   Anonyme   
23/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je pense que je vais te dire bonjour,

Je pense que « Nos tables de la loi attendent le couvert. » est une très belle image.

Je pense qu’à l’instar de tes autres multiples fragments, on y prendra et laissera ce qu’on veut bien.

Je pense que la candeur ne peut pas être lucide, sinon autant se flinguer direct.

Je pense que les oiseaux ne chantent pas, ils se contentent d’émettre les sons qu’ils peuvent car il n’y pas encore de classes de solfège pour piafs.

Je pense que tu peux t’épargner des « prurigineux » et des « limbiques », tu as déjà un chant/champ lexical suffisamment vaste pour t’épargner l’esbrouffe.

Je pense que « Le paradis est une auge dorée pour les ânes de passage. » m’a tiré un large sourire.

Je pense que je n’ai jamais aimé les aquariums.

Je pense qu’un Laborinis ne se note pas mais je vais le faire quand même.

Je pense que je vais te dire merci pour cette lecture gratuite et le temps que tu as passé sur ton texte expectorant.

Je pense trop.

Anna

   Donaldo75   
18/9/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Lari,

Au commencement il y avait la paresse ; en voyant le titre de ce poème dès l’espace lecture je me suis dit 1/ que mon stock d’aspirine était épuisé 2/ que j’avais une énorme flemme pour taper une lecture compliquée où mes neurones seraient forcément sollicités outre-mesure sans pour autant déclencher le flot de dopamine qui les motiverait 3/ j’étais d’humeur plus rock’n roll que musique sérielle, alors j’ai passé mon tour, je me suis fait chauffer un thé à la bergamote et j’ai écouté Martha and the Vandellas en lisant un bon Science & Vie.

Et vint la publication ; alleluia gloria n’ont pas dit mes neurones car ils en étaient restés à la première impression, celle décrite dans les lignes précédentes. Mais – comme disait ma grand-mère une fière institutrice qui pourtant n’aimait pas les images faciles – c’est en forgeant qu’on devient forgeron et j’ai décidé de surpasser ma propension humaine à la facilité et j’ai lu ce poème.

Et bien m’en a pris car il est réussi, il déploie à mon goût beaucoup de poésie dans une imagerie complexe et enrichie tout en traitant d’un thème – voire de plusieurs, pourquoi se limiter à une seule perspective ? – de manière philosophique. Certes, on est loin des souvenirs d’avant, de quand on était jeune et plein d’allant, d’avant la crise et la méchante modernité, avant de perdre ses cheveux et ses dents, de tellement avant que les références sont des poètes morts et enterrés depuis des lustres ; ici, on est dans l’universalité avec un propos d’actualité et des références intemporelles. C’est vibrionnant de symboles, c’est fluide, le flot emporte la lecture et je peux le lire sans m’arrêter et même faire dérouler le papyrus en continu.

Tu as tapé fort.

Bravo !

Don

   Quistero   
18/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
De prime abord, c'est pour moi une compilation d'amertume, de regrets ou d'observation à charge dont nous fait part l'auteur. Cependant, j'ai trouvé un certain charme dans l'écriture avec sa volonté presque animal, dans l'immédiateté, de voler dans les plumes d'un thème très humain et qui serait banal exploré autrement. La sincérité dans l'exercice fait à mon sens que ce n'est pas une coquille vide de plus.
J'ai aimé ma rencontre avec plusieurs tournures dont celle-ci particulièrement et sans interroger mes convictions : ' Le paradis est une auge dorée pour les ânes de passage'
Merci.

   Eskisse   
18/9/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Lari,

Ta poésie c'est comme un message chiffré qui garderait partiellement son secret, comme un coffre-fort largement décoré de belles "circonvolutions".

Je suis époustouflée par le style... Car j'aime ce travail sur la langue, sur les mots, comment ils s'appellent, se déplacent ou se télescopent par association : table /couvert, vestiaire/bestiaire, canines pointées /ballerines émoussées, " sphinx / papillon" , " brindilles de rage" ou par rapprochement de sonorités : " Malaise millésimé", " transit crissant des espérances dérape et déploie ses transes".
J'aime aussi ce passage :"Le sphinx est un château de sable, soumis à la valse du vent, à l’érosion du temps et des énigmes." qui dit bien l'illusion de croire au sens de la vie et l'échec de la civilisation.

Bref, une poétique à nulle autre pareille. (C'est pour elle que je note haut) Tu as une imagination des mots dans laquelle tu enveloppes un pessimisme profond.

   JohanSchneider   
18/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Je suis partagé.
D'un côté je suis subjugué par le brio langagier, par la richesse verbale, par le foisonnement d'un vocabulaire qui semble surgir avec la spontanéité d'un geyser alors qu'il résulte probablement d'un travail au cordeau voire au millimètre.
De l'autre, armé d'un rabot aiguisé par une expérience de cinq décennies en tant que lecteur de base (étant allé, par ordre de difficulté croissant, de la bibliothèque rose et Mickey-Parade jusqu'à Ulysse et L'être et le néant), j'ai produit un nuage de copeaux en m'attaquant à votre texte et au bout du compte il reste un constat désabusé, désenchanté, désengagé ?... Je ne saurais trop dire.
C'est une vieille habitude chez moi de préférer les certitudes désespérantes aux mensonges charitables et le reproche - peut-être injuste, je prends le risque - que je fais à ce texte c'est qu'il ne fait pas ou ne propose pas un choix assez net.
J'arrête là, je me suis assez moqué des commentaires plus longs que les textes, mais en tout cas ce fragment ne peut laisser indifférent.

   Anonyme   
19/9/2022
Holà,

Bon, est-ce que les numéros des Fragments ont un sens (en rapport avec le calendrier par exemple) ?

Bref.

Ton style ponctue chaque ligne : la richesse du vocabulaire, du champ lexical, le souffle pour dire. Il y a une maitrise incontestable des mots derrière ce fragment. Mais pas plus que dans les autres.

J'apprécie le dernier paragraphe, beaucoup.

Merci pour le partage, et au plaisir, toujours, de te lire.

   Cyrill   
4/10/2022
Salut Lari,

Je suis assez bluffé par cette capacité à intellectualiser tout en restant dans le registre formel de la poésie : je veux dire la scansion, les sonorités et les images véhiculées par ta réflexion. J’avoue que cette sur-sollicitation de la pensée abstraite me rebute un peu : j’ai dû m’y reprendre à … x fois pour comprendre … un peu, et oublier assez vite. Je ne me souviens plus de ce que j’ai pensé du 2e - pauvre mémoire – je crois que celui-ci est plus imagé et certains des symboles convoqués peuvent parler au lecteur lambda que je suis. Ça reste toutefois nébuleux et j’ai du mal à trouver le brin pour démêler la pelote.
Reste que, comme je l’ai dit pour ton premier « fragment », je le trouve un peu trop intellectuel.
Je dis Oui pour la poésie. Parce qu’elle est présente dans la structure du texte.
Moins convaincu du fond parce qu’il m’échappe en grande partie. Que j’ai l’impression que tu te parles, sans trop chercher à partager. Je ne note pas.
Bon 4e fragment delta !

   Louis   
9/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un des premiers mots de ce fragment, semble-t-il, en est aussi le maître mot. Il s’agit d’une image dont il est porteur, une image tout à fait symbolique cette fois, celle de la « chrysalide », image de métamorphose.
Notre monde devenu infernal peut-il changer, se métamorphoser ? Peut-il devenir enfin adulte, et par quels moyens réaliser un monde d’humains enfin accomplis et épanouis ?

« Vitalité espérée des chrysalides » : une force "vitale’’ pousse la chrysalide à dépasser son état pour se transformer en être accompli.
Cette « vitalité », cette force vitale est présente partout où il y a de la vie, si bien que la vie est mouvement, changement, puissance de changement, de transformation, de métamorphose. Elle est donc présente aussi dans notre monde. Mais voilà, cela dit succinctement, en un constat affligé :
« Mouvement. Source inutilisable »
On ne peut utiliser cette force, qui pourrait nous pousser, nous entraîner vers un monde meilleur.
Elle est devenue « inutilisable » pour le changement du monde, non parce que le mouvement aurait laissé place au fixe, à l’immobile, à une perpétuelle stagnation, par on ne sait quel miracle, mais parce qu’elle est mise au service de l’agitation perpétuelle, de l’affairement des individus contemporains.
« Notre Dieu s’appelle mouvement », est-il affirmé dans le fragment 2.
Agitation dominante, mouvement brownien, où tout change pour que rien ne change.

Des espérances sont liées à « la vitalité des chrysalides », à l’idée de ‘’résilience’’, à celle d’« un nouveau départ », mais elles ne sont que des espoirs creux.
Espoirs qui ne se changent pas en véritable volonté de changement.
Tout juste en quelques velléités, et ainsi tout se «perd dans le lointain des intentions».
Révoltes avortées, « soupirs », plaintes et protestations, tous sont « étouffés ».

Il manque un but clairement défini à se donner, qui permette au mouvement de n’être plus vaine agitation, « frénésie », ou lointaines velléités.
Cette idée apparaissait déjà dans le fragment précédent : il nous manque un projet social, un objectif commun, clair et exaltant.
Loin de construire rationnellement un avenir, loin d’être les architectes d’un rêve du futur, les bâtisseurs d’un paradis terrestre, nous ne sommes que « des sorciers aux divinations troubles », aux « prophéties illisibles ».
Aucune rationalité ne se manifeste dans la construction d’un avenir commun hors de l’enfer, mais une irrationalité du futur digne de «sorciers » et « prophètes ».

Alors « nous errons dans nos convictions » : à chacun ses croyances, à chacun ses convictions, au nom de la liberté. Effets encore de l’individualisme, en ce que chacun cherche, par l’expression d’opinions, non pas ce qui rassemble et unit en vue d’un avenir commun - ce qui n’exclut pas les discussions et différences de points de vue, mais avant tout à se distinguer, à se différencier, à s’individualiser.
Nos « convictions » deviennent un « terrain instable », de telle sorte que le monde ne change pas, mais changent nos convictions.
Nulle fermeté donc, ni dans les convictions ni dans les volontés.
Ainsi : « Nos tables de la loi attendent le couvert » : le jeu de mot sur le terme « table » laisse entendre que nous restons toujours en attente, toujours dans un appétit jamais assouvi des règles, des lois justes qui ordonnent les comportements et les actes des hommes dans un monde nouveau, meilleur, moins infernal.

Ce début de fragment exprime donc les difficultés d’une sortie hors de l’enfer, voire l’impossibilité actuelle d’une métamorphose des limbes en éden. Les portes du paradis sont closes : « nos haines nos amours garrotent les galaxies et cadenassent l’entrée du paradis » ( Fragment 2)
Notre avenir pourtant se construit, mais non maitrisé : c’est « Sur la nuit de glace » que « se tisse notre avenir ».
Obscur avenir, construit sans feu, sans ardeur, sans flamme, sans enthousiasme. On ne brûle pas dans l’enfer postmoderne, on gèle. Nuit de glace.

Un précepte éthique apparaît dans la fin du premier paragraphe, même s’il sonne comme un slogan politique, tel un mot d’ordre :
« Ne laissons pas nos joies se marchander sur le tapis clinquant du destin. »
Ce précepte est intéressant en ce qu’il indique que la ‘’poéthique’’ recherchée se couple avec une éthique de la joie, comme la théorise la philosophie de Spinoza.
Enrichir la vie d’affects joyeux ne peut être que le mot d’ordre d’un art d’écrire, couplé à un art de vivre. N’oublions pas que la joie, selon Spinoza, traduit un passage vers une plus grande puissance d’agir, de connaître et d’aimer.
Il reste à inventer des processus de construction de joie personnelle et de communauté
Même en enfer, il y a des joies.

La vie en elle-même ne se réduit pas au malheur, ne constitue pas un enfer, exprimé en plaintes et lamentations :
« La vie est un chant qui nous appartient » :
Ce n’est pas silencieux, la vie, c’est un « chant », paroles et mélodie, souffle et rythme, noyau même de la poésie. La vie est l’interprétation musicale d’une force, d’une puissance d’exister ; voilà ce qu’est la vie : un mode particulier d’exprimer cette puissance, dans un souffle, un rythme, une mélodie ; un mode d’exister cantabile.
Ce chant peut être une interprétation singulière, un solo, mais encore une consonance, une chorale, un opéra où la puissance et la joie s’augmentent et se raffermissent. Chant comme une allégresse.
Des Chants personnels, singuliers, oui, mais manque la partition commune qui permette aux chants de sonner dans un chœur.
Un chœur, oui, ou une symphonie : « nous devrions participer à la symphonie du monde »
Tout l’enfer manque de chœur.
Il est une cacophonie, où chacun, par effet de l’individualisme, joue sa partition.
Le mode d’exister en enfer n’est pas chantant, poétique, mais mécanique.
L’homme devient "automatique’’ à l’image des automates qu’il fabrique.

Ainsi nous n’existons pas sur le mode chantant :
« le temps et l’élan nous manquent »
Parce que la vie est un chant, elle est donc aussi poésie.
Mais la vie n’est plus vécue directement, elle l’est seulement par procuration ; elle s’est exilée dans l’Art.
Or « La vie racontée est une farce. La vie versifiée est une hérésie »
Une farce au sens de l’illusion, et de la duperie.
La vie racontée, dans les romans, les films ou ailleurs est l’illusion de la vie, la vie rêvée ou fantasmée.
Alors qu’elle serait immédiatement expressive dans le chant.
Chant expressif, mais pas seulement, il ne représente pas seulement la vie, il l’exalte comme dans les chants de combat, de révolte, ou les chants révolutionnaires etc.
Il est en lien étroit avec la vie. Alors qu’une critique est adressée à l’art coupé de la vie, l’art de la « vie racontée », qui la représente, la reflète plus ou moins conformément, mais ne réalise pas un art de la vie, ne participe pas à l’action qui fait chanter la vie.
Un même critique est adressée à la poésie : « La vie versifiée est une hérésie »
La vie réglée comme une prosodie, selon des règles fixes, est un détournement, une déviation par rapport au chant primordial qu’est la vie, par rapport à ce libre chant.
Chant libre, chant de vie, pareil à ce refrain de la chanson, « Rimes », de C. Nougaro :
Rimons rimons tous les deux
Rimons rimons si tu veux
Même si c'est pas des rimes riches
Arrimons-nous on s'en fiche
Quand il y a poésie dans la vie, chant, musique, et des rimes, le résultat de cet élan chantant mène les humains à rimer ensemble, comme dit Nougaro.
L’art de vivre doit être aussi un Art lié à la vie, non séparé d’elle.

Dans le dernier paragraphe, les images surréalistes reprennent le dessus :
Pures apparences, elles ne redoublent pas le réel. Elles ont l’allure de métaphores et de symboles, mais ne sont ni métaphoriques ni symboliques.
Ainsi ce « destin, trousseau de clef vide, vidé de clef et de vie, d’envie et de nage papillon » dans « le vestiaire d’une piscine olympique »
Un contenu imaginaire ou visuel est présenté, mais plus expressif que représentatif, expressif du choc intérieur au vu du monde extérieur, effet de ce lyrisme particulier déjà constaté dans le fragment précédent.
Quelques rapports et analogies subsistent avec le réel ( dans l’exemple relevé, l’idée est sans doute présente que le destin de l’humanité, de la société est sans clefs pour l’ouvrir, que nous manquons de projets d’avenir, les clefs pour ouvrir les serrures d’un monde meilleur) mais ne reposent pas sur une similitude intelligible et construite, plutôt sur le surgissement spontané d’associations dans la vie mentale, rebelles à la logique et à la raison.

Une critique paraît présente ici de la poésie symbolique et métaphorique, la tournant en dérision, tout en ne l’excluant pas.
Le lyrisme singulier manifesté semble lié au désarroi devant l’enfer du monde. La lucidité et la rationalité devant la réalité engendrent un effarement qui embrouille sa représentation, dans une quête en même temps désespérée du merveilleux face au désenchantement, avec la mise en présence d’images mythiques, fabuleuses, fantastiques, toutes surprenantes et déroutantes : fées, griffons, sphinx, etc., toutes présentées comme s’il s’agissait d’une description de la réalité elle-même.

Aussi ne s’agit-il pas de « raconter » la vie, la vraie, ce serait une «farce », mais de la susciter, aiguillonnant le lecteur par une déroute qui le pousse à chercher une route, non pas seulement dans la signification du texte, mais dans le sens à donner à la vie prisonnière de l’enfer contemporain.


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