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Récit poétique
Louis : Au souffle du vent
 Publié le 04/09/21  -  10 commentaires  -  7693 caractères  -  128 lectures    Autres textes du même auteur

Le vent soufflait…


Au souffle du vent



Puissant, le vent poussa la porte violemment. Il entra vainqueur en effraction dans la vieille maison. Alors les volets battaient avec véhémence : applaudissements tapageurs pour saluer le coup de force qui avait brisé la serrure de la porte d’entrée, néanmoins entrecoupés de sifflements réprobateurs ; claquements comme bravos à la prouesse d’un cambrioleur qui eût fait sauter les verrous d’un coffre-fort, mêlés aux huées et grincements offusqués.
L’intérieur de la bâtisse se présentait désormais béant au souffle du monde extérieur, à la fureur du vent, et aux nuages toujours plus bas, fantômes gris et noirs lancés, à travers prairies et forêts, à l’assaut de cette demeure ancienne, petit pavillon de pierres au toit pointu, dressé sur une île au milieu du fleuve qui déchirait les terres.
Une faible lueur, que les grises nuées ne réussirent pas à repousser, s’insinua dans la maison, et se glissa dans le salon pour s’étendre sur un canapé vide, bleu foncé, poussiéreux et usagé, depuis longtemps inoccupé.

La faible clarté ne trouva le repos qu’un instant éphémère, chassée bien vite, bousculée par les masses sombres sous les rafales, vent debout, dans la débandade des cumulo-nimbus.

Quand un volet s’immobilisa, après l’accalmie qui suivit les battements tonitruants, il laissa pénétrer un halo de lumière qui fit surgir de l’obscurité un tableau suspendu au mur du salon. Ils apparurent comme en un théâtre une scène sous l’éclairage mal réglé d’un projecteur, assis sur le canapé bleu à la teinte plus vive que celle de son modèle avachi dans le salon sous le poids des années. Ils surgirent de l’ombre, affleurant des ténèbres d’un lointain passé, comme frêles apparitions, enfants assis entre un homme au visage sévère, au regard qui fixait droit la place du spectateur qui aurait eu l’audace de se présenter là, devant lui, et une femme encore jeune, les cheveux relevés qui laissaient juste échapper une boucle noire soulignant la pâleur de son visage inquiet. Un petit garçon, le teint très pâle, serré près de la femme tourmentée, ne souriait pas, seulement attentif à l’ours en peluche posé sur ses genoux. La jeune fille à ses côtés, plus âgée que lui, paraissait tout entière absorbée par la lecture d’un livre.

Ses yeux tournés vers une porte close à la gauche du salon, la femme du tableau semblait redouter, dans une expression de frayeur, une menaçante intrusion, l’imminence d’une irruption dans son paisible foyer. La porte allait-elle s’ouvrir ? Qui pouvait vouloir à cette heure s’introduire ?
Toute tendue vers ce couloir à l’entrée du salon, elle paraissait à l’écoute, scrutant ce lieu au seuil de la maison, épiant tout bruissement, guettant le moindre mouvement. On allait peut-être frapper à la porte. Des coups résonnèrent sûrement, audibles toujours à présent, leurs échos mêlés aux hurlements sans répit des bourrasques du vent.
Inlassablement, pour toujours, on frappait à la porte.

Les volets claquaient encore sous les rafales, le tableau sur le mur n’apparaissait que par intermittence, et, dans le scintillement d’une pâle lueur, en un clignotement du temps, surgissaient des êtres d’autrefois pour le retour éphémère et fragile d’une apparence, d’un mince reflet d’existence, avant de se dissoudre à nouveau dans l’obscurité épaisse et froide.

Un peu d’herbes folles sur le seuil, et quelques broussailles, filaments d’un passé suspendus aux buissons jaunis, plantés là comme nostalgie : tous, déjà malmenés par le vent, avaient frissonné quand la nuit était tombée.
Elle s’était faufilée entre les nuages écartelés, la lune malicieuse, puis s’était introduite dans la maison béante livrée au vent rageur qui avait soufflé longtemps, la demeure exposée désormais à tout regard qui pourrait la pénétrer, indécent.

De ses doigts clairs, elle effleura de nouvelles toiles sur les murs, poussa les ténèbres toujours mugissantes dans les coins de la pièce, épousseta les tableaux de leur poussière d’ombre. Elle mêla sa pâleur blafarde à celle qui éclairait de l’intérieur, par une bougie peinte, une nature morte, peinture à l’huile un peu grossière. Là, sur une petite table de bois, posaient une bouteille, un livre ouvert, et la bougie qui donne la lumière. Sur la petite table, à leur côté, un crâne décharné. Fixé là, il observait, de ses orbites creuses, de son regard vide et noir, le reflet luisant d’une pomme, sa chair ferme au rouge lustré, brillant, plus vif que la teinte violacée du vin remplissant aux trois quarts la bouteille de verre. Et, près du fruit jeune et ferme, deux autres pommes : l’une ramollie, la peau plissée, jaunâtre ; l’autre, toute ridée, ratatinée, d’un jaune lacéré de fentes noires. Et toutes deux ne cessaient pas de se gâter, toutes deux n’en finissaient pas sur la toile, lentement, inexorablement, de pourrir.

Le vent soufflait encore, qui ne s’épuisait pas d’haleter précipitamment en tempête, ne laissant rien immobile, troublant chaque brin d’herbe, secouant chaque feuille d’arbre, et l’échine de la terre en frissonnait, et les aiguilles du temps s’affolaient.

Dans l’antique demeure, les vieux murs silencieux encadraient des fenêtres sur les années écoulées ; et les toiles encadrées perçaient la cloison du présent.
Au seul regard brillant des étoiles, aux yeux profonds de la nuit, s’offrirent les tableaux de l’autre côté du salon, quand le tissu des nuages se fut déchiré ; quand la clarté du ciel étoilé tomba dans la maison.

Une peinture apparut, finement encadrée d’un bois foncé, dans laquelle se tenaient les mêmes êtres d’autrefois, sur un canapé bleu. Ah, combien paraissait plus âgée la femme assise, le regard invariablement tourné vers la porte d’entrée ! combien vieilli ce visage où s’étaient dessinés des plis de douleur, où s’étaient creusées des rides, sillons tracés par la coulée du temps, et les débordements d’une souffrance, les ravages d’un malheur.
L’homme ne jetait plus devant lui un regard de défi, il baissait les yeux.
La jeune fille avait grandi ; songeuse, le teint très pâle, elle tenait toujours ouvert un livre entre les mains, mais ses yeux semblaient lire une page située au-delà, loin devant elle, dans un espace insondable. Sur le canapé, près de la jeune fille, une place était restée vide. Pas tout à fait pourtant, un rai de lumière lancé par les étoiles entre deux nuages gris dévoila un petit ours en peluche qui occupait l’espace vacant. Son sourire de velours demeurait figé sous des yeux écarquillés, tristes et étonnés.

Après une errance sur les murs délabrés, peu avant l’aube, la lune découvrit un dernier tableau, un simple dessin dans un encadrement de bois clair, quelques traits naïfs et maladroits, une représentation enfantine aux crayons de couleur. Elle déposa sa clarté sur un petit soleil colorié tout de jaune au-dessus d’une petite maison de pierre au toit pointu, cernée d’eau et de prairies.

Aux premières lueurs du jour, le vent se mit une nouvelle fois en furie ; il se rua sur l’habitation désertée, sur les pierres de cet étrange musée. Il la secoua de ses rafales tourbillonnantes. Les fantômes du passé, dont sont bâtis les vieux murs, ne trouvèrent plus la force de soutenir les tableaux accrochés. Quand le soleil se hissa plus haut dans le ciel, sous la lumière filtrée par les nuages gris et sombres, les tableaux s’étaient détachés, l’un après l’autre, et gisaient faces peintes sur le sol poussiéreux. Seul demeurait sur le mur le dessin d’une maison. Seul, au lever du jour, brillait un petit soleil dessiné par les mains d’un enfant.


 
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   Anonyme   
23/8/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une évidence pour moi, dès les toutes premières phrases : je préférerais lire ce texte au présent. Certes il parle exclusivement de choses passées, révolues, décaties, mais cette illustration de la violence du temps (aux deux sens, météorologique et physique), ce dynamisme dont regorge votre écriture, s'exprimeraient mieux selon moi au présent. À vous bien sûr, auteur ou autrice, de voir ou de rejeter l'idée sans examen.

Sinon, j'ai trouvé l'ensemble très fort, visuel, percutant. Je regrette un peu que, forcément, se déroule allusivement l'histoire d'une famille minée par le pire malheur qui soit (celui, ordinaire, de la fuite du temps, me semble bien suffisant), mais bon, tel est votre choix. Un fort beau moment de lecture pour moi en tout cas.

   Cyrill   
25/8/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour,

J’ai eu beaucoup de mal à m’accrocher à votre récit. L’idée est fameuse pourtant.
Mais on se perd.
Dès le début, l’impression d’action est minorée par des phrases trop longues avec pléthore de qualifiants qui font souvent redite.
« Inlassablement, pour toujours, on frappait à la porte. »
« une menaçante intrusion, l’imminence d’une irruption »
« dans le scintillement d’une pâle lueur, en un clignotement du temps »

On change sans arrêt d’angle de vue : le vent, la porte, les personnages du tableau. Ceux-là prennent le pas un moment sur les éléments qui sont au début du récit personnifiés, puis s’effacent pour laisser à nouveau les « choses » s’exprimer : le vent, les volets, la lune… C’est trop, ça devient confus. Ça ne permet pas de dégager l’allégorie qui est noyée dans tout ce descriptif.

En résumé, j'ai bien aimé l'intention, mais je regrette son développement. Il me semble que vous n'avez pas su choisir parmi vos métaphores, resserrer le propos, dommage.

   papipoete   
4/9/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
bonjour Louis
Comme intimidé, j'entre dans cette maison dont toute vie a fui, poussé par un vent en furie venant d'enfoncer la porte, tel un bélier au-delà d'un pont-levis !
Nulle présence humaine, mais des tableaux partout qui, secoués par l'intrus semblent reprendre vie, bien que figés sous la dernière touche du peintre...
NB une visite qui par ce qu'on voit, par ce que l'on entend, glace les sens et me fait penser aux " Hauts de Hurlevent " et le temple " d'Abou Simbel " quand le soleil vient illuminer le visage de Ramsès II, tout au fond de l'édifice !
Il y a de la peur, de la scénographie et beaucoup de tendresse, dans ce récit où l'auteur nous prend par la main, pour ne pas chuter sous les assauts d'Eole ( surtout moi, qu'un rien fait choir ! )
C'est finement dosé, et dans un français riche, mais sans la moindre grandiloquence !
Merci pour ce moment...

   Vincente   
5/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il y a le vent, personnage central qui offre son souffle en animateur narratif, il semble tout d'abord être celui qui donne mouvement, et suggère une énergie, une vie qui alors respire le temps dans la vieille maison pourtant apparemment morte.
Mais c'est bien cette lueur, faible dans ses premiers gestes ("faible lueur…faible clarté") et augmentée ensuite par le halo profitant du volet ouvert dans l'accalmie qui saura redonner vie à l'espace meurtri, elle sera plus ample plus sympathique au fur et à mesure du récit, elle intéressera le vieux tableau, et la vie résiduelle qu'il suggère. Jusqu'à ce qu'il se trouve acculé dans le final au contraire à marquer, entériner l'inexorable finitude qui s'affiche singulière et terrible sous le trait, le signe de l'ours en peluche comme seul survivant de l'évocation. La lumière comme source de vie n'aura pu faire ici long feu, sa tentative outrageusement vaine aura plus accentué la cruauté de son passage que la réjouissance d'une éphémère survivance.
L'inquiétude de la femme ne parvenant à détourner son regard de la porte par laquelle viendra, elle le pressentait, un drame, fait penser bien sûr à la disparition du petit garçon (si délicatement évoquée) ; et "Inlassablement, pour toujours, [l']on frapp[er]ait à la porte.".

Le terrible dans cette évocation, ce fût aussi que cette même lumière ("quand la clarté du ciel étoilé tomba dans la maison" ; le toit laisse donc la demeure démunie, ouverte à tout vent, toute lumière) qui avait su redonner perspective, plaisir à apprécier un passé, avec un espoir sous-jacent d'une "bonne suite", nous mène au contraire à constater qu'elle a été douloureuse, puisqu'elle a mené à l'abandon de "l'antique demeure". Son effacement suggéré viendra parachever l'inquiétude sourdant tout au long du récit.

Reste tout-de-même cette lueur… d'espoir… (la question "qu'est devenu l'enfant ?" restera sans réponse) , cette "trace" enfantine :
" Seul demeurait sur le mur le dessin d’une maison. Seul, au lever du jour, brillait un petit soleil dessiné par les mains d’un enfant."

Ainsi le "Dessin d'une maison" survivra comme seule "demeure", animé par cet essentiel "petit soleil".

   hersen   
5/9/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Il y a dans ce texte quelque chose de très fort : un visuel pour nous parler psychologie, pour nous parler du deuil.
On avance à petits pas dans la lecture, où nous sommes en quelque sorte noyés par quelque chose, une raison pour tout ça, que nous ne comprenons pas, pas encore.
Et que la fin se dévoile, on n'a même pas besoin de relire (enfin, on relit quand même, mais c'est pour dire :) le voile se déchire, le tableau est intemporel, mais éternel. Il est la prégnance de ces vies face au doudou.J'ai beaucoup apprécié ce texte, qui ne se dépare jamais d'une certaine douceur et le lecteur se retrouve face, finalement, à lui-même : qu'il ait vécu cette situation, et le film se déroule. Et qu'il ne l'ait pas vécu, il ne vivra plus alors que pour souhaiter ne jamais le vivre.
merci de ce texte d'une si grande sensibilité pour un thème si sensible.

   Proseuse   
5/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Louis,
Bon, je te préviens je suis très nulle en commentaires argumentés, la seule chose que je peux te dire, au risque d'avoir tout faux, c'est que ce texte m'a entraînée dans un « mêli-mélo » ( rien de péjoratif bien au contraire) de courants d'air qui chahutent devant le lecteur avec … des âmes ... de la vie de poussières aussi bien que des éclats de lumière sans âge … tout, ici, semble inhabité alors qu'à vrai dire, tous les temps sont là, suspendus … et que si par exemple, il nous venait à l'idée l'envie de s'asseoir sur le canapé, sans doute serions nous assis sur le genoux du passé, pourtant, ce ne sont pas « des fantômes » non, c'est la vie passée … qui passe par là et remplit le vide qui n'en sera jamais un ! personnellement, ton texte ne m'effraie pas, j'y sens comme le fil de ... l'éternité qui tient la main du Monde ( le nôtre en ce moment ! ) tout en nous offrant des images décalées de ce qui ... fut et reste ...
Tu vois, je ne sais pas argumenter, juste te dire ce que je ressens à la lecture de ce texte, je lis peut-être de travers, mais, ce n'est pas grave à mon avis, il y a là, la place de lire dans tous les sens ! Merci, j'ai beaucoup aimé, même si je me suis éloignée des pensées que tu as voulu faire surgir au fil de tes mots  !
( merci aussi d'être passé commenter avec tant de justesse un de mes poèmes , il y a déjà un certain temps … mais, le temps, ça se suspend … ça ne s'oublie pas  ! ):-))

   Myo   
5/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
De suite, j’ai visualisé cette maison oubliée, figée dans le temps, perdue au creux d’un nid d’herbe folle. Celle qui ose troubler son apparente quiétude est cette nature même qui la protège aussi.
Peu à peu, l’intrusion du vent, de la lumière de la lune, nous dévoile la vie qui habitait ce lieu mais vite le regard s’assombrit car dans ce décor immobile la vie semble avoir déserté les lieux bien trop tôt, ne reste plus qu’un pâle souvenir comme une vieille douleur que rien ne peut effacer.
Merci Louis pour cette visite inattendue et riche en émotion
J’avoue avoir eu un peu de mal à entrer dans votre récit, perturbée par le choix de l’imparfait dans la phrase « alors, les volets battaient… » l’action dans ce cas, me semble ponctuelle. Cette phrase m’a paru aussi fort « chargée » et un peu trop complexe. Mais la suite m’a vite fait oublier ce départ difficile.

Myo

   Pouet   
6/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Slt,


Quand les éléments songent à leur vérité. D'une nature morte en portrait de Dorian Gray.

Le vent et la lune coopèrent, une chirurgie de la mémoire, une séquelle qui s'ignore en un lavis du devenir.

De cet œil intérieur ne subsistent que les cils. Qui chatouillent le cœur. Peindre le Temps avec des larmes...

Peut-être puis-je résumer mon sentiment de lecture à la lueur de ce passage en clair-obscur d'une intemporelle lucidité:

"dans le scintillement d’une pâle lueur, en un clignotement du temps, surgissaient des êtres d’autrefois pour le retour éphémère et fragile d’une apparence, d’un mince reflet d’existence, avant de se dissoudre à nouveau dans l’obscurité épaisse et froide."

Ici, tout se révèle en sa dissimulation. Ne voit-on vraiment la lumière que depuis l'obscurité?

Ce beau texte invite à la réflexion dans sa fantasmagorie ancrée dans le "réel".

L'oubli est une trace.

Merci.

   emilia   
6/9/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Dès l’entame, ce récit poétique annonce par son allitération en p (puissant/poussa/porte) l’élément énergique et violent qui va servir de guide au lecteur : « le vent » faisant surgir du passé les ombres fantômes, telles « les nuages gris et noirs » d’une maison isolée, abandonnée, en suscitant la curiosité du lecteur qui pénètre lui aussi « par effraction » (en soulignant la violence de ce réveil, de ce retour à la lumière après une longue nuit…), accompagné d’une « faible clarté » s’insinuant pour lui faire découvrir les traces laissées par les anciens occupants grâce à « un tableau suspendu au mur du salon», en donnant des repères temporels, par comparaison, d’un état antérieur des personnages et des objets, dont « le canapé bleu foncé poussiéreux/ avachi par le poids des années… »
La présentation du drame qui s’annonce est particulièrement touchante à travers le regard inquiet d’une mère qui semble déjà par prémonition « redouter une menaçante intrusion », comme une mise en abyme de l’irruption violente du vent, apportant l’image noire du malheur, la pâleur des visages insistant par contraste sur cette anticipation… ; à l’instar du tableau, le temps est suspendu, figé, mais résonnant « pour toujours » d’échos violents et douloureux que traduisent « les hurlements des bourrasques » (à cet instant du récit, je m’imagine une famille juive dans l’attente redoutée « des coups frappés à la porte » pendant la guerre…) Broussailles et herbes folles plantent le décor de la nostalgie et du temps qui a passé sur le paisible foyer d’autrefois, quand « la lune malicieuse », s’introduisant à son tour, l’expose « à tout regard indécent » (comme profanant les vestiges d’un tombeau) et révèle un second tableau très symbolique et signifiant « une nature morte » et son crâne décharné posé par contraste à côté d’une pomme rouge luisante opposant la vie et la mort, la vanité de l’existence, comme une allégorie du deuil…
Un troisième tableau révèle alors « les ravages » du malheur vécu par les personnages avec « cette place vide » laissée par le petit garçon, dont ne subsiste plus que « son petit ours en peluche » sous la voûte étoilée qui veille désormais sur lui, dans ce lieu de commémoration où seul demeurera la trace d’un dessin enfantin, où brillera pour toujours « un petit soleil » porteur d’un souvenir bouleversant… ; merci à vous pour ce partage plein d’émotion…

   Anonyme   
24/9/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
C'est dans l'agitation d'un vent déchaîné, qui violente l'espace autour d'un passé figé dans une frayeur plus ancienne, et plus précisément dans son souffle, que s'anime, entre les ombres d'hier et les lumières du jour, un tableau d'apocalypse aux contrastes permanents.

Dès la première ligne, l'ambiance est à la peur et à l'angoisse dans les bruits de ce vent puissant qui « pousse la porte violemment » et entre « vainqueur en effraction ». Les applaudissements tapageurs des volets, rajoutent à ce déferlement de fureur des éléments. Quelque chose de grave se profile et tient le souffle suspendu...

Nul n'y résistera !

C'est ainsi que j'imagine le retour en boomerang de souvenirs malheureux ; brutal, tel ce vent violeur de mémoire que ne réussit plus à endiguer une volonté à bout de forces.

Dans un kaléidoscope de sensations puissantes autant que tristes et poétiques, tout le lexique servant à la vaste scène offerte contribue à me ballotter méchamment au gré de ce vent mauvais. Jusque dans ses accalmies venues sans même la vie en rose en point de mire.

La visite des lieux au travers des yeux des tableaux témoins d'un autre temps est toute aussi impressionnante et chargée de drame, servie là encore par un lexique qui puise sa force dans un grondement de méfiance en sourdine.

Une histoire se trame dans ma tête, à laquelle je ne donnerai pas suite écrite, par crainte que la dramatique qu'elle exhale soit moindre que celle voulue par le narrateur et puisse ainsi l'offenser.

Je suis désolée de ne pas savoir retranscrire mieux tout ce que ce souffle de vent a mis en exergue, mais une chose est certaine, l'intensité qui se dégage de ce récit poétique m'étreint le cœur de profondes vibrations tant la scène qui m'est offerte respire d'une vie intense. Vies passées, vie présente.

Bravo Louis, pour ta belle sensibilité déployée encore une fois ici, et d'avoir su aussi bien camper une aura dramatique, donnant vie mieux que nature aux personnages de ce récit, vent compris.

A te lire encore...


Cat


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