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Poésie en prose
MissNode : Mythe
 Publié le 22/06/21  -  6 commentaires  -  796 caractères  -  126 lectures    Autres textes du même auteur

La lune étoilée de clins d'œil.


Mythe



Les enfants sortirent de leur mère enveloppés de la tendresse de la Terre.
Ils s’effleurèrent les yeux, ils ne se virent pas, ne se connurent plus.
Les fils armés de couleurs rejoignirent le couchant.
Les filles s’en allèrent souffler sur les plumes.


Sept ans sous les roches les femmes creusèrent.
Elles virent la lune étoilée de clins d’œil du fond d’une cheminée de graines tombées du ciel.
Comme elles ouvrirent les bras elles aspirèrent la lumière dans leurs nymphes.

Les hommes dans l’ombre épaisse écoutèrent monter la sève au long des ans.
Puis du plus loin de l’âme ils accoururent.
Un vent leur fouetta les tempes et le creux de l’aine au bord d’une falaise.

Alors ils fondirent dans le regard des femmes.


 
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   Anonyme   
7/6/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Deux qualificatifs me viennent à l'esprit en lisant votre texte : "prometteur" et "frustrant".

Prometteur parce que, tout de suite, il éveille en moi des images puissantes. J'ai l'impression qu'on est dans du mythe grave fondateur, là (le titre correspond bien), je trouve les deux dernières phrases renversantes. Pas la précédente, soit dit en passant :
du plus loin de l’âme ils accoururent.
Pour moi, c'est de la préciosité gratuite, le sens porté m'apparaît nébuleux et je ne vois pas la nécessité de convoquer un mot aussi porteur et dense que "âme" pour l'employer dans une expression banale que vous cherchez à rendre superlative. C'est un peu comme si je lisais :
Il vient à pas de phénix quand on l'appelle.
Je trouverais cela outré (sauf contexte très particulier, peut-être), en conséquence faible.

Frustrant parce que, à peine esquissée, chaque image est abandonnée au profit de la suivante. Je lis un canevas de mythe, à moi de tout développer. Je ne crois pas être une lectrice fainéante mais, quand même, j'apprécierais un peu plus de jalons pour soutenir ma machine à rêves !
J'ai lu quelque part qu'un résumé possible de l'ensemble de "À la recherche du temps perdu" était : "Marcel devient écrivain" et que certes, mais qu'un tel résumé laissait à désirer. Je dirais un peu la même chose de vos quelques phrases par rapport à l'ensemble esquissé.

Alors je râle, j'en voulais davantage.

   Cyrill   
22/6/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour MissNode

J'ai trouvé à votre poème une atmosphère particulière, un certain mystère entourant ce mythe imaginé de la naissance ou peut-être la renaissance de l'humanité.
Il semble qu'un long temps (sept ans) soit nécessaire à cette création, comme pour ne pas se tromper, comme pour éviter les écueils dans lesquels notre "génération" s'est engouffrée.
Aussi, nous nous sentons tranquilles, apaisés, à lire ce récit.
Il m'a plu, il y a de la tendresse dans ces vers, et de l'inventivité. Et de l'espoir, aussi.
J'ai un regret : que vous n'ayez pas mis ce texte au futur, cela aurait ajouté, me semble-t-il, à l'adhésion du lecteur que je suis.

Merci !

   Anonyme   
22/6/2021
Pour un sujet cosmogonique (?), la langue ne me semble pas assez grande et précieuse. Mais telle n'est pas votre intention peut-être. Les images mystérieuses constituent les meilleurs passages à mon goût : "sept ans sous les roches les femmes creusèrent". Terre et mère font doublon et la rime "blanche" n'est pas terrible par ailleurs, on ne sait pas ce que fait la mère, vous auriez gagné en clarté si vous n'aviez parlé que des enfants puis des mêmes une fois adultes. "écoutèrent monter la sève" ? je ne comprends pas.
Mais je ne note pas, pensant être passé à côté de vos attentions.

   MissNode   
26/6/2021

   Queribus   
28/6/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

J'ai trouvé à votre écrit un certain aspect mystérieux avec un côté "verset biblique" très original. J'ai apprécié les phrases assez courtes qui permettent une "respiration" à chaque ligne loin des phrases interminables et un peu"pompeuses". Les images s'enchainent les unes derrière les autres de façon harmonieuse et le texte avec ses trois paragraphes suivi d'une seule ligne me semble très "aéré". Le tout est plutôt habilement construit et se laisse lire avec plaisir. J'aurais quand vu l'emploi du passé composé mieux adapté que le passé simple mais c'est une appréciation toute personnelle.

Bien à vous.

   Louis   
28/6/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ce texte poétique prend la forme d’un mythe, comme l’indique son titre,
Le temps mythique est, en général, celui d’un lointain passé, c’est le temps des origines. Et c’est effectivement dans ce temps originel, que se situent les événements de ce récit, qui est ici poétiquement conté.
Le poème est composé de phrases courtes, simples, sans propositions subordonnées.
On est en effet, comme en tout mythe, dans un absolu, qui se passe de toutes relatives, de tous détails, et de toutes précisions circonstancielles réalistes.
Ces phrases courtes sont des affirmations péremptoires d’une vérité. Elles se limitent à la narration des événements, sans appuyer leurs affirmations sur des preuves ou des arguments, comme dans tout discours mythique, distinct de celui propre à la rationalité, à la science sous le règne du "logos".
Plutôt que d’arguments rationnels, le mythe est fait d’images, de symboles, de métaphores, il doit donc être interprété.
Ce poème qui se veut un mythe, assez bref, donne peu d’éléments pour être décrypté.
Bien que l’’imagination symbolique qui donne vie au mythe constitue souvent un défi à la traduction en des images réfractaires au concept, la fonction du symbole étant de rendre sensible un sens autrement inaccessible, on peut tenter pourtant d’en pénétrer le sens.

Les êtres humains sont nés de la Terre, est-il affirmé d’emblée, dans une reprise de l’image traditionnelle de la Terra-Mater.
Ils sont les « enfants » de cette Terre-mère, et sont nés de la «tendresse » et de l’amour de leur génitrice, « enveloppés de la tendresse de la Terre »
Ils naissent marqués par ce doux sentiment, unis et égaux entre eux.
Mais à peine nés, à peine sortis du ventre de la Terre, qu’une désunion se produit, que l’héritage de tendresse est perdu, que la mère est trahie :
« Il s’effleurèrent les yeux, ils ne se virent pas, ne se connurent plus»
L’effleurement des yeux est à mettre en opposition avec l’idée du dernier vers, celle de la fusion dans un regard.
Effleurer, c’est se frôler, se toucher à peine, se côtoyer sans se mêler, ce qui suppose que l’on se distingue les uns des autres, et que l’on reste dans la séparation, quand la fusion, « fondre », se "confondre", suppose l’union, l’interpénétration, la suppression de la dualité.
Un mouvement de gradation, d’accentuation est manifesté dans ce vers, qui va de l’effleurement à l’ignorance mutuelle, en passant par l’aveuglement : « ils ne se virent pas », et finalement :« ne se connurent plus », ne se reconnaissant plus comme parties d’un même Tout, comme unis par un même sang, comme issus d’une même mère ; comme progénitures d’une même origine.
Ils ne se connurent « plus », présuppose qu’ils se sont d’abord connus.
Ils étaient unis dans le ventre de la mère, ils sont désunis après leur naissance.

La distinction entre les humains, la première grande séparation entre eux fut d’abord celle du genre : le masculin, le féminin ; les fils, les filles.
Fils et filles se séparent dans leur attitude et comportement.
Toutes les filles et tous les fils agissent de concert, chacun se comporte pareillement à tous les autres membres de son genre. Une nature féminine, et une autre masculine sont présupposées.
En effet, « les fils armés de couleur rejoignirent le couchant »
Les hommes au masculin tendent déjà vers la violence ; ils sont «armés », et se donnent des « couleurs » : drapeaux, pavillons, étendards que l’on arbore, ceux des nationalismes, des chauvinismes, et de toutes les chapelles.
Ils se dirigent vers le « couchant », vers la mort du jour, et la couleur sang qu’il prend ; inclinent vers la violence et la mort.
Les conflits règnent entre les fils, d’esprit belliqueux et agressif.

Les filles, elles, « soufflent sur les plumes » Ces plumes évoquent plus de douceur. Bien que l’expression « voler dans les plumes » soit, elle, violente.

Si les plumes suggèrent encore la légèreté et l’envol, les filles pourtant, dans un deuxième temps du récit, excavent la terre, creusent « sous les roches ».
Elles pénètrent les entrailles de la Terre-mère.
Comme pour creuser leur propre tombe qui sera en même temps une nouvelle matrice ; pour mourir symboliquement, et renaître, et permettre un nouvel engendrement après le premier, qui s’est avéré un échec, une véritable calamité.
Elles subissent dans la terre une métamorphose.
De larves enfouies sous la terre, elles deviennent des « nymphes ».
Elles semblent donc bien engagées dans un processus de ré-engendrement, et semble-t-il même, de leur propre initiative. Les "filles" se font démiurgiques ; les femmes prennent leur destin en main.
« Elles aspirèrent la lumière », deviennent plus lucides, plus conscientes, plus éclairées.
Elles accumulent « les graines » en une « cheminée », principes d’une renaissance, d’une vie nouvelle sans les calamités de la domination masculine.
La lune se montre en connivence avec les filles :« Elles virent la lune étoilée de clins d’œil. »
Cet astre personnifié est symbole depuis longtemps du féminin, dans la plupart des cultures et civilisations. Traversant au cours de la lunaison des phases différentes et changeant de forme, elle est principe temporel de transformation ; elle préside ainsi au processus de métamorphose en cours que connaissent les femmes.
La lune croît, décroît et disparaît en se soumettant à la loi du devenir, de la naissance et de la mort. Mais la mort lunaire n’est jamais définitive, la transition qu’elle accomplit d’une lunaison à l’autre faisant de l’astre nocturne le symbole par excellence des cycles vitaux qui se succèdent. Cette promesse accomplie d’une nouvelle modalité d’existence fait de la lune le symbole privilégié du passage de la vie à la mort et de la mort à la vie.

Les hommes, eux, ne changent pas, ils restent dans « l’ombre épaisse ».
Ils ne sont pas facteurs de changement et de progrès.
Ils sont restés passifs, à « écouter monter la sève au long des ans ». Une sève monte, symbole de vie, de génération. Monte une nouvelle énergie, s’élève un nouvel élan vital venu des femmes, auquel les hommes au masculin ne participent pas vraiment. Ils « n’écoutent » même pas, mais se limitent à « entendre » cette montée et les aspirations qui l’accompagnent.
Ils « accoururent » comme pour assister à un nouvel événement, poussés aussi sans doute par leur propre « sève », celle de la sexualité masculine, cherchant à s’assouvir du retour des femmes. Ils viennent « du plus loin de l’âme ». Ils s’étaient donc éloignés fort loin du principe qui fait l’humanité, s’étaient rapprochés de la bestialité, de la cruauté violente, de la tendance à la domination brutale.
« Un vent leur fouetta les tempes »
Un vent nouveau, le vent de l’Histoire, les fouette, les secoue, les emporte. Il fouette l’esprit, métonymiquement désigné par « les tempes ». Et fouette aussi le « creux de l’aine », proche des parties génitales.
Ils se tiennent « au bord d’une falaise », ils sont parvenus au bord du précipice. Hommes pernicieux, ils entraînent le monde à sa perte. Le temps est donc venu, en ce moment crucial où le monde se trouve au bord du gouffre, d’une l’intervention des femmes métamorphosées, qui mette fin aux turpitudes masculines et permette l’émergence d’un monde régénéré.
Les femmes parachèvent leur mue, finalisent leur processus de mutation.
Ainsi les hommes « fondirent dans le regard des femmes ».
Ainsi l’unité perdue entre les humains est retrouvée.
Ainsi, au troisième stade de l’évolution des femmes, les hommes se transforment par le regard féminin, se confondent et se dissolvent en lui.
La différence des sexes s’avère ainsi le fondement de la vision et de la "division" du monde.

Ce regard des femmes, cette vision féminine du monde, est empreint, peut-on penser, de ce que l’on désigne par « valeurs féminines » : la tendresse, l’empathie, le souci de l’autre, la solidarité, la coopération, et l’intuition, le sentiment, la sensibilité plus que la raison.
Ainsi un scientifique de renom, Joël de Rosnay, a pu écrire : « L’émergence de nouvelles valeurs - que je qualifie, en simplifiant, de féminines - me paraît désormais indispensable pour faire progresser le monde vers plus de solidarité, de justice, d’équilibre et de paix. Elles représentent un autre regard sur la nature et la société, d’autres manières d’agir, d’exercer un contrôle ou de transmettre les connaissances propres aux comportements, aux modes de réflexion et d’action des femmes. J’irai même jusqu’à dire que ces valeurs vont devenir indispensables pour construire la société de demain et préserver l’avenir de la planète. »

Ce mythe ne se réduit pas à un discours sur l’origine de l’humanité, mais donne un sens à l’Histoire. Celle-ci est orientée conformément à ce que proclamait Aragon dans Le Fou d'Elsa : « L'avenir de l'homme est la femme », chanté ensuite par J. Ferrat qui inverse les mots : « La femme est l’avenir de l’homme ».
Mais y a-t-il une nature féminine distincte de celle masculine, et un mode de penser propre aux femmes ?
On peut en douter. Que l’Histoire pourtant puisse s’orienter vers des valeurs humaines, qualifiées de féminines, c’est ce que l’on peut souhaiter.


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