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Poésie libre
MissNode : Ombres d'arbre
 Publié le 22/03/21  -  10 commentaires  -  1047 caractères  -  214 lectures    Autres textes du même auteur

Cher arbre planté sur la tombe de mes parents...


Ombres d'arbre



Cher arbre planté sur la tombe de mes parents que racontes-tu ?
Que rapportes-tu du profond de tes racines,
que dis-tu
depuis ce souterrain ?

Que l’enfant est venu te mettre en terre
pour converser avec les vents ?
Que tu t’appuies sur les os
pour écarter tes bras
et bercer les larmes pourrissantes sous les feuilles ?

Cher arbre, les plumes d’âmes s’en viennent
et soufflent leur ramage entre tes flèches.
Ton ombre montre la terre,
tombe entre les tombes,
matrice de tous les germes.

Que racontes-tu de ce qui est en germe
chez l’âme blottie entre tes racines ?
Que ta générosité montre son effort pour crever la terre,
percer l’air, prendre forme, grandir et se tenir debout.
L’impossible défi à se redresser quand autour tout écrase.
L’impossible parole pour propager le désir
sauf à s’en remettre au mugissement dans les branches
ou au chant des ailes.
La loi du silence.
Le règne du battement de cœur.


 
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   papipoete   
22/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour MissNode
Se confier à un arbre, est thème récurrent ces derniers temps dans ces colonnes ; mais celui-ci me convainc particulièrement, car c'est un dialogue que je mis à exécution... quand j'étais sur " mes " terres !
De plus, l'arbre de l'auteure veille sur la sépulture des parents ; je comprends bien qu'il ait des choses à dire, sur ce qui se passe entre ses racines !
NB bien sûr que pour converser avec un tel gardien, il faut savoir tendre l'oreille, et ouvrir grand son coeur !
La seconde strophe est particulièrement touchante.
Chère poétesse, votre plume ici encore une fois, s'est parée d'un langage que je comprends sans difficulté ( je pourrais répondre à vos questions, telle " vieille branche " que désormais je suis...

   Capry   
22/3/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonsoir MissNode,

Votre poème est sublime. J'ai adoré le choix de votre syntaxe. Vous avez su exploiter chaque élément appartenant à un arbre pour nous faire voyager par le choix de vos images.

"mes plumes d'âmes" c'est tout simplement merveilleux, une belle légèreté se dégage de ces mots. Les sonorités sont bien présentes, elles procurent une lecture fluide et sereine.

Je vous remercie pour cette délicieuse lecture!

   Cristale   
22/3/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Magnifique, j'adore ce poème.
Cet arbre semble tellement écouter la voix poétique qui s'adresse à lui qu'il dégage comme un souffle puissant de vie, d'une vie née de vies nourricières qui l'ont allaité, nourri, alimenté de leurs os, leurs chairs, leurs germes, leurs âmes.
Tellement vivant cet arbre qui écoute et tellement aimante cette voix qui lui parle...
c'est très beau, merci Miss Node.

   Luz   
23/3/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour MissNode,

J'ai beaucoup aimé, notamment les 3 premières strophes qui sont prodigieuses. Je suis jaloux, j'aurais aimé les écrire...
Le début du poème me rappelle un peu Guillevic, sur une autre idée :
"Je t'écoute prunier.
Dis-moi ce que tu sais
Du terme qui déjà
Viens se figer en toi."

Très beau passage :
"Cher arbre, les plumes d’âmes s’en viennent
et soufflent leur ramage entre tes flèches."

Bravo et merci.

Luz

   dream   
23/3/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
MissNode, bonsoir

Les arbres dans les cimetières grandissent en silence, dans une canopée d’amour, de paix et d’immortalité qui s’élève vers le ciel. Ils sont nourris par les racines profondes et l’ADN des gisants :

« La loi du silence.
Le règne du battement du cœur. »

Beaucoup de douceur et d’amour dans ce très beau poème. Un grand merci pour cette belle page de tendresse, caressée par les branches de l’arbre que le vent conseille.

dream

   Ligs   
25/3/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour.
Tout ce que j'aime : l'émotion évoquée en mots simples et légers.
Quelle charmante idée que de s'adresser à cet arbre qui semble avoir tant de réponses... et qui permet à la poétesse de prendre conscience de son ressenti et de l'exprimer.
La forme est parfaite, avec cette alternance de vers cours et de longs versets qui suit le mouvement sinueux de la pensée...

   Myo   
25/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Beaucoup d'émotion dans ces quelques lignes.
Un lien entre la vie, la terre, et cette filiation où s'emmêlent les racines.
Une introspection, un questionnement qui demande le lâcher prise pour se laisser porter par cette force supérieure, celle d'un destin qui nous dépasse.

Un grand bravo.
Myo

   Louis   
26/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Le sujet du poème n’en doute pas : un arbre possède un langage, il est doué de parole.
Le premier quatrain interroge donc, non pas la possibilité de parler, mais le contenu de la parole que l’arbre profère : « que racontes-tu» ; « que rapportes-tu » ; « que dis-tu ? »
Ce n’est pas un arbre anonyme qui est questionné, mais un arbre en lien avec des parents disparus, « planté sur leur tombe ».
Un arbre aussi, en lien affectif avec la locutrice : « cher arbre », ainsi désigné comme un proche, un parent, un intime.
Porteur en général d’une symbolique forte, qui se rapporte en particulier à la famille, à la filiation, à la généalogie, l’arbre ne peut être que parlant, il ne peut que « parler ».

Si le contenu de son langage est interrogé, c’est que le sens de sa parole n’est pas immédiatement perçu, ne se donne pas dans une évidence. Pas de doute, langage il y a, mais il n’est pas verbal ; d’une autre nature, comment élucider ce qu’il exprime, comment pénétrer dans les arcanes de son expression ?
Il ressort, de la suite du poème, qu’il faut être à son écoute, tendre l’oreille, ouvrir ses yeux surtout, et se mettre dans une disposition particulière d’esprit, et de cœur, pour saisir le contenu de ses propos.

Les questions, dans les strophes suivantes, semblent rhétoriques :
« Que l’enfant est venu te mettre en terre
Pour converser avec les vents ? »
Cette réponse est exprimée par la présence de l’arbre, par cette présence vivante qui s’impose : « il impose sa vie énorme et souveraine », comme l’écrivait Émile Verhaeren dans son poème : L’arbre ( Recueil : La multiple splendeur) ; présence vivante en ce lieu précis où il se dresse, au pied des tombes ; présence vivante sur la terre des morts.
C’est une présence muette, mais qui parle à la mémoire, traduite dans le langage verbal par le sujet du poème.
L’arbre des origines dit sa propre origine, celle d’un enfant qui l’a mis en terre, non pas pour un "enterrement", mais pour une «conversation avec les vents ».
L’enfant, l’infans étymologiquement, celui qui ne parle pas encore, celui qui n’a pas encore acquis la parole verbale, s’est donné une voix, a trouvé un porte-voix, avec cet arbre, interlocuteur des vents, apte à dialoguer avec Mistral ou Tramontane, Autan ou Sirocco.
Ces vents si diserts, discoureurs de contrées lointaines traversées ; ces vents soufflant les voix autant que les voies par où s’orientent les vies.

L’arbre parle, par sa présence, et aussi avec ses bras, qu’il écarte grands, l’arbre, bruissant de feuillages, de branches et de branchages :

« Que tu t’appuies sur les os
Pour écarter tes bras »

S’il a des « bras », l’arbre est un corps et possède des membres. Il prend de plus en plus allure humaine, cet arbre auquel le sujet parlant, écrivant le poème, tend à s’identifier.
Le tronc est son ossature qui le fait tenir debout, bien droit.
Le tronc est une colonne vertébrale.
Vie charpentée sur ceux qui sont morts ; il bruisse de vie, lui qui s’élève où sont couchés les morts ; lui qui puise sa stature sur les troncs d’autrefois ; lui qui dresse un corps et sa chair de bois, là où la chair n’est plus.
On pense à Philippe Jaccottet, qui, dans « Arbres I », écrivait :

« Du monde confus, opaque
des ossements et des graines
ils s’arrachent avec patience »

La ‘’colonne de bois’’ du « cher arbre » s’élève ainsi sur d’anciennes colonnes vertébrales, ce qui lui donne cette fermeté qu’il présente, cette force, ce maintien de la vie, et l’on sent bien que le sujet qui questionne, s’interroge sur ce qui le fait vivre, lui, et le fait encore tenir debout, dans le même temps qu’il s’enquiert de l’origine de son langage, et de son écriture.

Ce corps ligneux et solide, ce n’est pas un corps sans âme :

« Cher arbre, les plumes d’âme s’en viennent
et soufflent leur ramage entre tes flèches »

Il abrite l’âme-oiseau, cette chimère d’âme, mi-homme mi-oiseau ; il loge l’âme aux plumes d’ange, il héberge l’âme ailée.
À travers l’arbre, parlent les âmes défuntes. Son langage est aussi celui de ces âmes-là, leur soupir aussi. Et pudiquement leurs pleurs.

Mais sa parole consiste surtout à « montrer », à dire et à montrer, à dire en montrant :

« Ton ombre montre la terre,
Tombe entre les tombes,
Matrice de tous les germes »

L’arbre se tient entre ciel et terre, et ses « flèches » pointent vers le ciel.
Mais son ombre « montre la terre » ; vers elle, fait signe ; veut dire, fait sens.
Cette ombre « tombe », le terme est polysémique, comme l’était le mot « flèches ». L’ombre chute, s’étale sur la terre, elle n’est pas projetée dans le ciel ; aucune ombre, là-haut.
Et l’ombre est une tombe, « tombe entre les tombes », sépulture de la lumière morte. L’ombre est de même nature que les défunts, qui ne sont plus que des ombres.
De son stylet d’ombre, l’arbre pointe les mânes.
Et aussi la terre « mère », matrice de « tous les germes » ; la terre d’où tout naît et renaît.

Puisque l’arbre parle des ombres et de la terre génitrice, l’interrogation se fait plus précise :

« Que racontes-tu de ce qui est en germe
Chez l’âme blottie entre tes racines ? »

Une âme est enfouie entre ses racines, « blottie » entre elles comme en un nid, prête à se régénérer dans un nouvel envol. L’arbre couve une vie nouvelle. Cela ne se "voit" pas, non, mais résulte de l’identification à l’arbre.
Anatole France clôturait son poème intitulé : « Les arbres » ( dans le recueil Les poèmes dorés), par ce quatrain :

« Et, tout enveloppés dans la sourde matière
Au limon paternel retenus par les pieds,
Vers la vie aspirant, vous la multipliez,
Sans achever de naître en votre vie entière. »

Une vie entière à naître et renaître, c’est le sort de l’arbre, c’est le sort du sujet qui s’identifie à lui.

Ce qui se voit, parce que l’arbre le montre, c’est sa réponse traduite dans le langage du sujet :

« Que ta générosité montre son effort pour crever la terre,
Percer l’air, prendre forme, grandir et se tenir debout. »

Le langage encore s’exprime par ce qui est « montré ». L’arbre «raconte » dans la mesure où il est lui-même une histoire, mais aussi il faut voir et entendre ; il fait "com-prendre".
Sa parole n’est pas seulement imitative. L’arbre est une image représentative, qui combine le "dire" et le "montrer", ce qui suppose un sujet, le sujet poétique qui embrasse en sa conscience un passé, celui de l’arbre, celui de ses ascendants, et le contexte dans lequel se trouve placé l’arbre dans l’espace et le temps.
Il montre comment la vie naît de la terre mère, comment elle «perce l’air », comme l’oisillon sa coquille ; comment elle grandit, se dresse et sait se tenir debout.
Il « montre » encore, au sens où il se donne en modèle, en archétype d’une naissance, d’une vie, droite et ferme.
Un « effort » est manifesté, c’est-à-dire une force d’être, une puissance d’exister, une énergie existentielle.
Vivre, dit-il, c’est se lever, se tenir debout.

Il exprime encore, mais en creux, plusieurs impossibilités :
« L’impossible défi à se redresser quand autour tout écrase ».
En creux, car l’arbre est bien là, et montre que l’on peut se dresser, se tenir debout, s’affirmer.
« L’impossible parole pour propager le désir »
En creux encore, car l’arbre n’est pas ignorant de la diffusion du désir. Un autre quatrain du poème d’A. France, cité plus haut, le dit lumineusement dans une adresse aux arbres :

« Fils des fleurs, vous naissez comme nous du Désir,
Et le Désir, aux jours sacrés des fleurs écloses,
Sait rassembler votre âme éparse dans les choses,
Votre âme qui se cherche et ne se peut saisir. »

Ce que l’arbre ne possède pas, c’est la possibilité de dire verbalement le désir.
L’arbre, auquel le sujet s’est identifié, parle de soi, du sujet, qui se considère incapable de dire humainement le désir, condamné, comme le montre et le dit l’image de l’arbre,
à « s’en remettre au mugissement dans les branches
Ou au chant des ailes »

La parole impossible, vocale et verbale, trouve un substitut dans un « mugissement », et dans un « chant ». Dans un mugissement de sonorités graves, fortes, de l’ordre du cri ; dans des sonorités juste expressives, non verbales ; dans un chant, musique d’ailes, froissements, frou-frous poétiques, évocations, allusions, dans les formes sinueuses, et courbes comme les branchages.

L’arbre ainsi dit « le silence ». Il dit comment quelque chose s’exprime, quand règne le silence verbal. Il dit l’impossibilité de la parole, et le substitut de cette impossibilité, dans un chant, dans une musique, dans une poésie. Il dit la parole de la nature quand manque la parole humaine.
Il répète le geste inaugural de l'enfant, qui l'a mis en terre pour "converser avec les vents"

Il exprime la vie et la sensibilité, dans « le règne du battement de cœur », comme un battement d’aile.
Cette vie silencieuse, qui sans cesse veut prendre son essor.

Si l’arbre, toujours au singulier, l’arbre solitaire, parle aux vents, s’il parle des défunts, c’est finalement du sujet, locuteur du poème, qu’il parle, pour lui dire de rester debout, ferme, solide, appuyé sur ses racines ; lui dire qu’il a choisi la plume et le chant pour s’exprimer, mais qu’il fait dans ses mots « chanter le silence » selon l’expression de René Char.
Il lui dit combien ils se ressemblent. Lui dit que son silence bruisse de vie, et que son cœur bat encore.

   MissNode   
27/3/2021

   Anonyme   
10/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour MissNode, je n'ai qu’entraperçu votre exergue, j'ai vite cliqué sur "publier un commentaire" pour ne pas lire les autres com .

Ah ! un MissNode, je me réjouis.
Le titre est fameusement simple et efficace.
Et le poème, une prose, je crois ? (je ne le vois plus en commentant), donc une prose qui "vous va si bien" ou à qui vous allez si bien.
Une bien belle réussite.
Cet arbre (généalogique ?) dont la narratrice est issu est un très bel arbre.

les tits trucs qui me gênent :
"Que racontes-tu de ce qui est en germe" un peu dire à lire, à dire, mais on s'en sort.
Le choix ou pas de mettre des points d'interrogation est discutable.
les passages que j'ai le plus aimé :
*Que l’enfant est venu te mettre en terre
pour converser avec les vents ?*
"Ton ombre montre la terre,
tombe entre les tombes," pour les allitérations.

J'ai beaucoup aimé ces interrogations superposées qui demande au lecteur de faire de la gym pour bien saisir.


Merci du partage
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