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Poésie en prose
Nachtzug : L'instant dans le bleu
 Publié le 08/02/12  -  5 commentaires  -  7347 caractères  -  86 lectures    Autres textes du même auteur

Un instant ouvert, suspendu, comme dans une boule en verre. Et une pluie légère de poussières bleues, scintillantes. Un regret, quelque part dans un souvenir qu'on ne peut pas quitter.


L'instant dans le bleu



L'instant est resté suspendu, une boule de verre aux parois très fines, dans le soir qui les pénètre comme un lever de soleil, un bleu froid, assez sombre pour geler les montres et les fluides, mais clair encore, assez pour tes yeux, pour ta bouche, assez pour une jambe dans le jour encore, assez pour pousser entre la nuit et le jour quelque chose comme des possibles, quelque chose comme de l'immobilité du temps – alors une inspiration.
La boule reste posée sur l'attente, un Oh ! sur des lèvres en baiser.
Elle tourne tout doucement au-dessus de mes souvenirs, dans la zone trop haute pour moi des regrets, tendre les bras, lever le talon, devenir une danseuse, une petite fille, pour quelques instants – être trop petite.
Ces quelques instants de bleu, à l'intérieur du verre, ces instants, des flocons de neige comme des cristaux de coton qui brillent sur ta peau, ton regard fixe et intense, et qui m'attendait, et je n'ai pas saisi le mot, je n'ai pas été la voix à l'entrée de tes lèvres, j'espère que la boule tourne encore, très lentement
je l'ai entendue parfois se briser
Tu disais que tu étais trop à l'étroit là-dedans
je crois
Parfois, je t'ai entendue taper contre le verre.
Et j'ai fermé les yeux très fort, si bien que je ne sais plus si tu as tapé avant ou après mes paupières, je les ouvre et tu es là, figée dans cet instant dans le bleu, une seconde qui ne passe jamais, les bras de la montre tendus comme la jambe levée d'une danseuse, là tout au bord de la falaise.
Et tu me regardes, de ces yeux sombres, presque un peu tristes, ces yeux qui se remplissent d'une amertume tendre – peut-être un regret –, le sol mousseux et dense au fond de la cafetière.
Tes yeux, ce sont tes lèvres pendues aux miennes, j'aurais dû comprendre plus tôt, j'aurais dû me pencher et rattraper tes lèvres avant que ton regard ne tombe.
Maintenant j'ai peur qu'elles se soient brisées par terre, ça ferait comme de petites billes roses, le bruit d'une explosion sur le parquet, le bruit d'une chute, d'un immeuble qui craque et qui explose.
Ça ne sert à rien de les ramasser, il y en a déjà forcément de perdues. Au moins une, mais sans elle, il manque un élément à l'équilibre du monde alors la réaction en chaîne démarre et le puzzle imparfait de ta bouche se brise – ce n'était que du carton.
J'essaie de fuir, de courir, de pousser l'image dans le mouvement mais le bleu reste immobile, cristallisé, c'est que je ne me défais pas des possibles parce que tu vois, j'ai pris le mauvais.
Et je tremble à l'extrême pointe de mes pieds, mes yeux au bout de mes doigts, mais tout ça ne suffit pas, je n'effleure même pas l'air sous la boule de verre bleu.
Ça s'appelle un regret.
Le verre a figé tout le reste en un givre vespéral et doux, je ne connais plus l'heure, je sais qu'il y avait le soir dans les choses, le soir qui montait comme le froid, comme l'hiver, comme ce baiser sur tes lèvres, ce baiser dans ma poitrine, mes doigts sur ta peau, la corniche de ta mâchoire.
Pourquoi ne me suis-je pas penchée au-dessus de la mer ? J'avais tellement envie de voler, j'avais tellement envie de sentir contre ma poitrine éclater l'eau massive, c'était la première fois tu sais que je n'avais pas peur du ciel, de la mer ni de l'éternité, tout était bleu – on pourrait peindre tout un monde de bleus sans croire qu'il existe encore d'autres couleurs. J'aurais dû plonger, le temps serait reparti mais les bleus seraient restés.
Et en plus, il y aurait eu de la substance, comme des goûts différents, comme des découvertes, comme quelque chose de proche alors que les bleus sont loin, ils sont dans le verre, ou dans l'air mais comme de la lumière retenue dans des nébuleuses cristallines, ils ont quelque chose d'éternel, de minéral, de cosmique – c'est pour ça qu'il n'y a pas de temps, si peu de mouvement, dans le bleu.
Tu restes dans le bleu, un hémisphère de ma mémoire, un souvenir en suspens dans l'air, j'ai mis la gravité de côté pour pouvoir le regarder encore, il y a ce bout de rue, cette place – la faculté derrière, la station de métro au point mort.
Je me promène avec ça comme une plaie ouverte – mais le bleu ne saigne pas, le bleu n'est pas chaud, et puis l'on peut se demander si le bleu est liquide –, une plaie, ou un sein nu – quelque chose d'étrange et de gros, quelque chose d'intime. Oui parce que j'aurais sans doute dû fermer le souvenir, mettre un linge au-dessus, ou un couvercle, les regrets à l'œil nu sont agressifs, du sel dans les yeux, c'est de l'essence pure, de l'onirisme – on ne peut rien changer aux rêves parce que tout y est essentiel.
Si je t'avais embrassée, peut-être que le verre aurait explosé, on aurait entendu sur le sol pleuvoir le cristal, cela aurait fait comme une neige qui ne fond pas, des bijoux sur la gorge de la rue. Peut-être qu'on aurait réentendu les voitures, senti les gens autour de nous, la respiration chaude de la bouche de métro.
J'ai le souvenir d'avoir tenu ta main dans la mienne – les mains font l'amour plus que tout le reste –, mais cela arriva peut-être après, après le souvenir, quand j'ai voulu dessiner du mouvement, dessiner une suite sur le vitrail de l'église. J'ai pris des crayons, des feutres et de la peinture, j'ai commencé délicatement, doucement, pour que l'encre pénètre jusqu'au cœur du verre, jusqu'à la couleur originelle, mais elle n'a jamais voulu de moi, alors, alors j'ai voulu détruire les lignes, mais le dessin est resté, je l'ai trouvé beau, je l'ai trouvé triste. Je vais prier à mon vitrail pour voir si les lignes ont bougé.
Mais la boule est là, toujours trop haute pour moi même si j'essaie sans arrêt, parfois je sens dans ma poitrine le vide du verre, j'ai peur que tu sois partie, je ne sais pas comment on vit le bleu sans cet instant-là, j'ai peur que le monde s'écroule si tu ne l'organises plus, si la tension de ce qui ne viendra pas ne sous-tend plus la matière.
Et puis un jour, je reviendrai. C'est pour ça que je n'ai pas mis de linge ni de couvercle, j'ai laissé cette tranche de l'horloge arrêtée dans le soir pour pouvoir y retourner, que l'avenir reste ouvert pour moi pour qu'un jour j'arrive à ne pas en faire un regret.
Je ne sais pas si les souvenirs doivent avoir une fin pour que l'on puisse les quitter, je ne sais pas si tous les souvenirs ouverts sont des regrets, si je t'avais embrassée tu sais il y aurait eu un drame, je n'ai pas le courage du drame.
Alors je tangue, je danse comme une funambule, habillée en pierrot, un peu saoule, sur la crête d'un toit – parce que c'est là que je suis le plus proche du bleu mais je ne retrouve plus le verre. Pour déverrouiller le souvenir, il faudrait avoir du courage, dégringoler du toit, tomber de la falaise comme un oiseau en arabesque, il faudrait pouvoir tirer au pistolet, avoir envie en fait que les aiguilles noires de la grande horloge là-haut sur le portail s'ébranlent, il faudrait surtout mon amour un peu d'eau sur mon front – de l'eau très claire – mais il n'y a pas, non il n'y a pas d'absolution, je la cherche, je l'espère, il n'y a pas d'absolution, mon front est sec, il n'y a pas de pardon sur la terre.


 
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   leni   
8/2/2012
 a aimé ce texte 
Pas
Un instant est suspendu dans une boule de verre Je le conçois comme un souvenir Et ce souvenir est rongé par un regret?J'éprouve beaucoup de difficulté à suivre l'auteur Ce texte
me semble confus J' ai dit me semble car je n'ai peut-être rien comprisJe lirai avec attention les autres commentaires

   Anonyme   
8/2/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Un poème en prose m'a toujours semblé un exercice difficile, délicat, parce qu'il nécessite un finesse plus forte, encore, qu'un texte plus classique pour donner une force et une cohérence à l'ensemble.
Ce texte, que j'ai lu plusieurs fois, souffre justement d'une inégalité en terme de souffle dans son traitement.
Il y a du début jusqu'au premier tiers environ un vrai esprit, une vraie poésie, une vraie vie. Des images superbes naissent au détour d'une phrase: "des flocons de neige comme des cristaux de coton " ou "dans la zone trop haute pour moi des regrets", par exemple; et la lecture, pas forcément facile, notamment avec quelques répétitions parfois agaçantes, est très agréable, plaisante.

Puis il y a un net fléchissement de ce rythme ensuite. Les images se font plus lourdes, moins belles, peut être aussi parce que cette partie du poème évoque des choses plus sombres, plus dures; et certaines sont vraiment laides et disgracieuses je trouve: "Le verre a figé tout le reste en un givre vespéral et doux" par exemple.

Dans les trois dernières lignes j'ai retrouvé un peu de cet force des débuts,de ce rythme, certes avec moins de vivacité, moins d'entrain.

Certaines images sont discutables, notamment:

- "je danse comme une funambule, habillée en pierrot," que je trouve d'une banalité évidente, presque cliché.

J'ai aussi beaucoup aimé le traitement du bleu, de la présence du bleu, comme une couleur vivante, avec quelques renvois à la vie et au sang.
J'ai apprécié, aussi, les images surréalistes qui éclosent au détour d'une phrase, qui viennent rompre la monotonie, je pense à cette idée des lèvres qui explosent sur le parquet notamment.

Si je tente de résumer, et même si il y a surement encore plein de choses à dire: ce texte est un beau texte, qui souffre d'un déséquilibre manifeste en son milieu, qui jouit de très belles images. Il conviendrait que vous l'allégiez un peu je pense, tout en lui gardant son souffle.

Mais j'ai quand même été agréablement séduit.

   funambule   
8/2/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Peut-être était-ce inutile d'étirer autant le texte pour lui conserver un indéniable magnétisme qui s'essouffle à force de variations évolutives... mais je me garderais d'être affirmatif sur cette assertion due possiblement à "l'inhabitude" à parcourir la prose poétique. Une atmosphère souffle entre les mots quelque chose de très particulier, le texte se cale et digresse vraiment autour d'un instant; un clou de vie planté quelque part. J'eusse préféré plus de fatalisme que d'attente mais là encore, l'écho intime parle. Certaines idées éclatent à travers les images qui les véhiculent, enluminent le propos de for belle façon. Tout pesé je ne regrette pas ces lectures qui racontent et trouvent en moi des choses refusées.

   melancolique   
8/2/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Nachtzug,

Le début de ce poème en prose est vraiment prometteur, de belles images très poétiques avec cette couleur bleue très évocatrice.

J'ai aimé : "assez pour pousser entre la nuit et le jour quelque chose comme des possibles"

Et "des flocons de neige comme des cristaux de coton qui brillent sur ta peau"

Mais après, j'ai perdue le fil des pensées de l'auteur, plusieurs thématiques et des images parfois très belles comme "comme de petites billes roses, le bruit d'une explosion sur le parquet" , mais d'autres qui le sont moins.

Je reproche aussi à ce texte sa longueur, sinon il y a de vraies possibilités pour cette poésie.

Au plaisir de vous relire.

   LeopoldPartisan   
9/2/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Difficile d'arriver au bout de ce texte, de part une présentation trop serrée comme engoncée dans un carcan. La première phrase de par sa longueur excessive, décourage déjà le lecteur qui très vite survole, plus qu'il se concentre sur le texte.

Dommage que ce manque de fluidité soit tellement contraire au thème abordé à savoir "l'instant dans le bleu"
Titre qui à lui seul fait démarrer l'imagination et une certaine envie d'intemporalité.


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