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Récit poétique
Stephane : Une nuit sans fin
 Publié le 30/04/20  -  6 commentaires  -  6437 caractères  -  105 lectures    Autres textes du même auteur


Une nuit sans fin



La nuit au bout du jour, fragments de lumière dans la brume immanente, pellicule miroitante des phares trouant l’horizon factice, comme si l’ordre imparfait de souvenirs lointains eût pu rétablir une quelconque réalité.
Les mots en suspens qui auraient pu parler de nous, de ceux qui auraient pu à force de silence rompre les nuances de gris en flots de clarté dans le manteau d’hiver d’un ciel incompréhensible.
Vide du moindre avenir, l’avenue est une descente d’où l’on ne revient pas, rythmique des nuits obscures où, les mains enfouies au fond des poches, l’air de ne plus rien savoir – ni le temps ni l’espace – plane le reflet ondulant de ses cheveux filant vers les lacets fuligineux de ruines entrelacées où je me noie.
J’ai beau me dire que la pluie finira bien par laver l’excès d’ailleurs telle la saleté au fond d’étroites ruelles, sans me perdre dans d’improbables angles à sonder le néant… Rien n’y fait : ni les voix lancinantes des sirènes le long des cataractes – cercles hiératiques dans l’enfer interminable du Strip – ni l’alignement des bars éclairés de néons enfiévrés aux abords des trottoirs.

Je me souviens de sa silhouette comme au premier soir, les yeux enfouis dans les profondeurs insondables d’une voûte spectrale à sonder le silence, sans un regard pour quiconque eût osé l’aborder, tant les lignes parfaites posées en cet endroit précis n’eussent pu être rompues. Le sentiment d’être autre chose qu’une ombre de plus, dans l’immensité de la nuit, s’imposa comme une certitude au milieu des lumières aveuglantes baignant la femme d’une sensualité inouïe, à tel point qu’il me fut impossible d’oublier son visage.
Les mots ne vinrent pas. Ce qui aurait pu être se fondit en une masse informe de souvenirs dilués à la périphérie de connexions infimes, répliques sans fin de possibles qui ne vécurent que l’instant d’une pensée fugitive, seule variante au modus operandi d’un futur inimaginable.
Même après, quand vinrent les mots à force de hasards, sans gestes pour ne pas succomber à ses yeux par peur de m’y perdre ; souffle dérisoire dans la condensation du vide…
Il y eut les dîners, les couchers de soleil aux lueurs safranées, les nuits à écumer les bars sous une pluie de néons, puis ce regard figé au-delà des possibles, l’arc des sourcils finement ciselés, en toute immobilité, cherchant la substance infrangible d’une porte entrouverte sur des ponts de traverses à sonder le désastre.
Puis, un soir identique à tout autre à contempler la densité des êtres dans le froid grelottant des comptoirs, il fut seul. Seul comme il ne l’avait jamais été, la chaise vide de l’absence de l’autre, de cette femme fondue à ses côtés en des pensées larvaires, muette de tous les silences présents et à venir.
Il ne la revit plus, ni ce jour ni après ; décida de se perdre dans d’éternels lendemains, flots incessants de rivières aveuglantes aux encoignures des bouches ; l’exil dessiné en diaphragme sur la bande d’arrêt d’urgence d’immenses artères, face à la certitude de l’absence totale ; toutes saisons pleines d’un hiver engourdi par le froid sidéral qui ne prendrait fin qu’au jour de sa mort, lorsque le brouillard magnifié en lambeaux d’images cathartiques le délivrerait du souvenir de l’autre.
Il vit la dislocation des lumières à travers le rideau de pluie, les bras tentaculaires de Norton et Sunset dans un embrasement infini de lueurs sidérantes jusqu’aux confins déchiquetés d’Hollywood ; le tumulte hiératique des strip-teaseuses inondées de néons – blondes peroxydées se pavanant sous les enseignes lumineuses des clubs – les chairs cicatricielles des camés le long des blocs ; poivrots titubants au sortir des bars ; escrocs et dealers en tous genres battant le pavé du Strip : toute silhouette diluée tel le stroma d’un thylakoïde géant s’étalant dans le lacis tortueux d’une aube crépusculaire.


Les parcelles d’ombres en miroir fractionnées désassemblent l’espace qui me sépare de toi, en lignes de pertes fissurées à la lueur des phares, et ce regard que je voudrais éteint en tous lieux m’éblouit le long des trajectoires fantasmatiques que le vent porte en lui, comme l’effluve de souvenirs calcinés, loin, plus loin que mes yeux ne sauraient voir, chaque nuit plus floue, écorchée par l’éclatante beauté d’un azur dévasté, tels des ceanothes éparpillés en bord de route, bribes abandonnées au macadam d’une cité démentielle.
Les jours s’effacent, noyés dans le brouillard constant d’une plaie invisible, le temps sans cesse redéployé en une vaste étendue de rues dans l’estuaire gelé de tous les pas d’hiver, ignorant les saisons comme l’éclipse totale d’un soleil voilé par le mouvement immuable du continuum où transhume la douceur d’un visage sous les plis monotones d’une mécanique abstraite.


Je pense à cette nuit qui n’en finit plus de mourir, au temps qui s’écoule à travers les êtres.
Je pense au désastre d’une vague qui s’abat en silence sur l’éclat de toute vie, réduisant l’existence à un simple murmure.
Je pense à ces corps qui déferlent telles des ombres factices avachies sur la route ; aux trouées dans les murs où saignent les orages.
Je connais les passages où s’exaltent les vents des souvenirs mourant dans le tumulte des fortifications. Par rames entières ils affluent, brisant les caténaires parcourues de méandres pour venir s’échouer dans l’enchevêtrement de rues drapées de salissures.
Je connais ce sourire qui n’appartient qu’à elle, la courbure des collines sous mes doigts hésitants.
Je sais qu’une telle œuvre n’est pas pour moi. Qu’aucune œuvre ne l’est.
Je sais où mènent les chemins : vers ce nulle part où je m’incline, à errer le long des catafalques.
Je vais dans l’aube agonisante où pointe la grisaille d’un ciel assombrissant dans le sillage d’une nuit sans fin.


 
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   Corto   
30/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Le titre de ce texte me parait fort bien choisi.
Nous sommes ici dans une vraie "nuit sans fin", envahie de perceptions obscures et dérangeantes, de sentiments aussi sombres que la nuit, "sans fin" car sans perspective voire sans avenir.
Il y a bien quelque part "la femme d’une sensualité inouïe" mais comme "les mots ne vinrent pas" ou si peu, ou si tard, la nuit reprit ses droits.
J'aime bien ce style désarticulé comme une déambulation douloureuse sans complicité avec un environnement sans attraits.
J'aime bien cette errance sans balustrade à laquelle se rattraper.

Pour en garder mémoire ces quelques passages qui méritent un salut à l'auteur je relèverai:
"Vide du moindre avenir, l’avenue est une descente d’où l’on ne revient pas"
"Le sentiment d’être autre chose qu’une ombre de plus"
"répliques sans fin de possibles qui ne vécurent que l’instant d’une pensée fugitive"
"souffle dérisoire dans la condensation du vide"
"la substance infrangible d’une porte entrouverte sur des ponts de traverses à sonder le désastre"
"l’exil dessiné en diaphragme sur la bande d’arrêt d’urgence d’immenses artères, face à la certitude de l’absence totale"
"Les parcelles d’ombres en miroir fractionnées désassemblent l’espace qui me sépare de toi"
"Je sais où mènent les chemins : vers ce nulle part où je m’incline, à errer le long des catafalques".

Bravo pour ce style audacieux dans une histoire qui prend ainsi une dimension d'ampleur méritée.

Bravo Stephane.

   Myo   
30/4/2020
 a aimé ce texte 
Pas
Désolée, pour moi ce texte est assez indigeste.
Comme une nuit sans fin, les phrases le sont aussi.

Bien sûr un vocabulaire riche, de jolies formules
" le froid grelottant des comptoirs"
" la condensation du vide"
" muette de tous les silences..."

Mais l'émotion sensée être partagée est noyée dans une redondance qui n'atteint pas son but.

Dommage car je perçois derrière tout cela, beaucoup de travail.
Il aurait peut-être suffit d'un peu plus de simplicité pour gagner en intensité.

Ce n'est bien sûr, que mon avis.

   Anonyme   
30/4/2020
Bonjour Stephane,

La multiplication des adjectifs donne de l'air aux substantifs mais a la fâcheuse tendance à noyer le poisson. J'ai l'impression que vous privilégiez vos visions esthétiques et romantiques ou poste-romantiques à la vue simple du lecteur, quitte à le perdre. Pour ma part, dans le style seulement, j'ai cette sensation 'd' illusionnisme' qui me déplaît, même si l'on sent de la maîtrise ainsi qu'une véritable envie de dire. J'ai parfois ce même sentiment en poésie classique quand l'écriture est flatteuse pour elle-même. Maintenant beaucoup d'images sont très intéressantes, la construction sort les situations de l'accablement, et puis il y a aussi au terme de ma lecture cet effet diffus et plaisant d'une écriture cherchant presque à faire pénitence. Je préfère ce côté là. Merci.

   Anonyme   
1/5/2020
Votre texte me rappelle le texte "Marietta" précédemment lu sur le site...Lorsque la construction et les thématiques se perdent dans trop de subtilités, malgré un travail honorable, méritoire et plein de brio, il devient ardu à la lecture et à la compréhension et pour ainsi dire inaccessible, car son ou ses sens premiers échappent au lecteur lambda,tant et si bien qu'il se prête à un lectorat averti, habitué et/ou passionné: trop de métaphores et autres figures de style...il fourvoie le lecteur par trop de venelles, de chemins, un dédale où la subtilité, au final se perd et perd le lecteur/trice à qui la quintessence et l'essence du texte n’apparaît pas clairement...
Il faut dire aussi que l'exercice qui consiste à allier poésie et texte,comme une "poético -nouvelle" ...n'est point évident, tout nouveau et doit faire son chemin pour attirer, intéresser et fidéliser un lectorat sur le long terme.
Ceci dit, c'est un bon texte, j'ai cru percevoir comme une histoire d'amour qui a mal tourné et dont les souffrances sont extrêmes et frôlent le paroxysmique.
Pas de note donc pour moi.

   Vincente   
1/5/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Que de passion, que de débordement !

Le déferlement émotionnel n'est pas facile à suivre. Le narrateur inonde l'oreille compatissante. En phrasé "immense" déversé en logorrhée exclusive, saturé de frustration douloureuse, de phares interminables (on dirait qu'il n'y en a jamais assez dans l'esprit du transi, que chaque formulation réaffirme son "manque" en "rajoutant", une expression par-ci, un adjectif par-là, une vision imagée par-ci, une déclaration "immanée" par-là), l'énonciation va se perdre dans des méandres stylistiques.
Je me suis demandé, dès les premiers paragraphes, si ce versant excessif pourrait mener à une issue plus recevable ; car en l'état, chaque proposition me semblait ne pouvoir intéresser sur le plan sentimental que le narrateur, voire son auteur, alors que sur l'expression, considérée sur un plan analytique/psychologique, y compris sur le souffle l'animant, il y avait belle matière et jolies tentatives.

Le problème, la question, c'est que le dit "Récit poétique" puisse atteindre le lecteur non par des parcelles intéressantes, mais par un tout qui trouve une mesure, un équilibre. Ici, j'ai trouvé l'intention narrative très touchante, pleine d'une volonté "passionnante", mais enivrante… Ivresse du propos et étourdissement narratif ne peuvent suffire à faire un récit équilibré ; comme si, même pour aborder le "déséquilibre" amoureux, il fallait pourvoir garder l'esprit clair et la plume adroite. Sur le plan stylistique, il y a lieu je pense d'alléger ; au moins déjà scinder les phrases, isoler quelques belles trouvailles (par exemple " souffle dérisoire dans la condensation du vide… " entre autres).

Les métaphores sont parfois trop poussées, comme étirées (par exemple avec ce "fuligineux" dans ce passage " ses cheveux filant vers les lacets fuligineux de ruines entrelacées où je me noie. "un "noir de suie où il se noie ?" – ou " cherchant la substance infrangible d’une porte entrouverte sur des ponts de traverses à sonder le désastre. ", ouh !!! – ou " le tumulte hiératique des strip-teaseuses inondées de néons" à moins que le "hiératique" ne soit issu d'une confusion orthographique avec "erratique"… ? ). Pour "Les parcelles d'ombre en miroirs fractionnés", j'aurais rajouté "et diffractant".
Et puis je n'ai pas compris, que le narrateur s'exprime à la première personne dans les cinq premiers paragraphes, puis à la troisième personne ensuite... serait-ce pour signifier une dichotomie existentielle ou une volonté de se libérer de celui qui fut obnubilé par cette femme inaccessible ? Mais dans ce cas, le geste ou du moins la transition qui l'y amène me semblerait à réajuster.
"La nuit au bout du jour", rien de nouveau donc, mais en entame d'un récit, partir d'une platitude pareille n'est pas forcément très accueillant.

J'ai bien aimé le final versifié, les débordements se sont calmés dans une concision bénéfique et la capacité impactantes de l'évocation y a pris malgré tout de l'ampleur ; peut-être était-ce là l'intention de structure narrative, dans ce cas il serait, je pense, aussi nécessaire de raccourcir toute cette prose "introductive".

   Stephane   
2/5/2020


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