Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Poésie en prose
wancyrs : Case sans toit
 Publié le 11/04/12  -  6 commentaires  -  2474 caractères  -  144 lectures    Autres textes du même auteur

Mes déserts
Ont des gratte-ciels,
À perte de vue…


Case sans toit



Et je me tiens là
Aux portes
Du réel,
Captif d'une liberté
Qui s'est faite
enchaînée…


Maudit soit le condor d'acier qui mène aux asiles des fous !
Première classe ou classe économique, au bout du corridor la camisole de force.
Maudits soient les éclats mythomanes qui éblouissent les yeux aveugles !
Au fond, la cécité est-elle si tragique ?

Le rêve a ficelé ma méfiance, lui a passé un nœud coulant. Spectateur de ma déchéance, je me suis interdit de reculer. À l'ombre des séquoias, les tropiques semblaient fades. Je ne suis pas parti pour t'oublier, mais pour te magnifier…

Mes déserts
Ont des gratte-ciels,
À perte de vue
Et mes oasis,
Des épées
De Damoclès…



L'espérance est parasite de pragmatisme, et l'utopie, terre fertile pour ses graines.
J'étais le sentier libre qui serpentait la vallée ; j'étais la pente douce, où s'extasiaient les patins. Quand là-bas le vent courbait les épis de maïs, mon lance-pierre traquait les moineaux voleurs ; il a fallu que je rêvasse… maintenant, ma foi dégingandée n'obéit plus à son maître, et, l'espoir mis en bière, je m'enivre…
Ma joie à tout jamais perdue, je m'assois sur mes regrets et je pleure… mais,

Implorer n'a pas étranglé mes sanglots ; déjà le souvenir assassine ma résistance.
Ton amour était pagne sur le nu de mes angoisses. J'aimais tes mains rugueuses de paysanne, le soir, quand Oum-Kouloum le griot feuilletait les épopées : autour du feu, rassemblées, les causes se rallient. Tu n'étais plus femme, mais compagne. Et j'étais la bouche ouverte qui attend le sein…

Chantonnes-tu toujours les matins ?
Regardes-tu encore s'éteindre le soleil
Les crépuscules au grand rocher ?
Et Maïka, la vieille Nkam'si*,
Lui apportes-tu toujours des fruits ?



Ton corps ébène, mon désir l'honorait les soirs de fêtes, quand la forêt vibrait des youyous de matrones, ou les nuits de deuils, lorsqu'on célébrait d'être encore en vie, sans oublier les jours, entre l'avant et l'après-midi, quand nos bustes enlacés devenaient porte vers l'intemporel… et j'entends encore mes lèvres infidèles te rassurer…
Mais, voilà, je suis parti pour de meilleurs lendemains…

Demain,
Ma case
Sans toit ;
Aujourd'hui,
mes nuits
sans toi…




* Prêtresse.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette poésie sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Lunar-K   
27/3/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Passons tout de suite sur la grande facilité des derniers vers : "sans toit / sans toi"... C'est un peu dommage je trouve, mais ça ne nuit en rien à la force et la résonance de ce poème. Très prenant, très profond, et sur un thème, certes difficiles, mais finalement assez peu traité je trouve : le "mal du pays" des exilés africains. Beaucoup d'émotion, et une mise en scène fort efficace avec ces alternances entre prose et vers courts. J'aime vraiment beaucoup !

Un poème qui me semble pouvoir être "découpé" (un peu artificiellement, bien sûr) en trois parties : dénonciation de la tromperie, nostalgie d'une vie reniée et nostalgie d'une femme abandonnée. Evidemment, ces trois parties ne sont pas indépendantes l'une de l'autre mais s'enchaînent tout naturellement et s'interpénètrent l'une l'autre. Mais elles dénotent néanmoins une certaine évolution dans la pensée du narrateur, dans ses regrets et ses états d'âme, évolution qui me plaît assez en tant qu'elle insuffle un certain mouvement au texte, dont la mesure semble donnée par ces passages plus "versifiés" (ce terme ne convient sans doute pas parfaitement, mais bon...).

Une première partie vraiment très imagée, très critique aussi, et finalement très efficace. J'aime beaucoup ce "condor d'acier qui mène aux asiles de fous", ainsi que l'image de la cécité qui suit. Mythomanie de l'occident éclatant, mais éclatant pour mieux aveugler, et aliénation des victimes consentantes de ce mythomane. Imagé, certes, mais pas indirect pour autant... Le second paragraphe est tout aussi bon. J'aime beaucoup : "Le rêve a ficelé ma méfiance" (dans la lignée de l'éclat aveuglant donc) même si l'histoire du noeud coulant juste après me semble un peu redondant tout de même. Et puis, ce magnifique : "je ne suis pas parti pour t'oublier, mais pour te magnifier" qui vient apporter un éclairage tout à fait exceptionnel sur les motivations de cet exilé et qui justifie tout ce qui suit. Non pas renier, non pas abandonner (comme je le disais un peu vite ici plus haut), mais "magnifier", c'est-à-dire, finalement, "sauver" ou "préserver" ce pays et cette femme...

Une seconde partie fort riche en émotion, je trouve. C'est presque de l'auto-flagellation mais sans trop en faire non plus. Un équilibre qui fonctionne bien. Illustration de la liberté avant son enchaînement ("j'étais le sentier libre qui serpentait la vallée"...). Par contre, je ne comprends pas bien ce que sont ces "patins"... ?De même, je n'adore pas "l'espoir mis en bière", l'expression me parait un peu trop triviale peut-être, pas vraiment adaptée. Le paragraphe suivant est lui aussi très bon, avec l'apparition de cette femme déjà, la compagne autour du feu et du griot, l'esprit de groupe et d'appartenance, perdu désormais. Sans doute, d'ailleurs, est-ce là véritablement le "sein" qui l'abreuvait. Non pas, bien sûr, celui de sa compagne, mais plutôt celui des "causes ralliées", du griot à la limite qui transmet les épopées, la culture, cet esprit de groupe donc...

Enfin, une dernière partie plus courte, mais très importante car elle me semble introduire une idée tout à fait fondamentale, très générale également, bien au-delà de la simple compagne : l'idée de vie... "lorsqu'on célébrait d'être encore en vie". Sous-entendu qu'il ne le célèbre plus, à la limite qu'il ne l'est même plus, en vie... Homme déraciné, "mort-vivant" parti pour "de meilleurs lendemains" (ceci dit ironiquement bien entendu)...

Voilà pour les trois parties qui constituent le "corps du texte". Je n'ai pas vraiment parlé ici des parties en italiques mais je pense qu'elles se passent globalement de commentaire tant elles reprennent sous une forme assez étrange, intéressante aussi", ce qui est dit par ailleurs. Par rapport à ça, je dirais juste deux choses (en plus du mauvais parallèle "sans toit / sans toi" dont j'ai déjà dit un mot)... D'abord, j'aime vraiment beaucoup le second. Une forme presque prophétique, à la fois mystérieuse et tout à fait évidente à la lecture de ce qui l'entoure. Même si, comme je le disais, il ne fait jamais que répéter ce qui est dit ailleurs, ça apporte vraiment quelque chose de nouveau au texte, un souffle, une dimension supérieure dont on ne pourrait vraiment pas se passer même si rien de nouveau n'est véritablement dit ici.

Maintenant, deuxième chose à ce propos, toujours dans le même ordre d'idée, je trouve que le troisième passage italique est un peu en-dessous des autres, assez différent dans sa forme. C'est qu'il est dépourvu, précisément, de cette forme quasi-prophétique que revêtent pourtant tous les autres (avec plus ou moins de réussite). Il ne s'y trouve pas cette espèce de travestissement du message, pourtant déjà dit. Au contraire, non seulement le message est dit ici tout à fait clairement, mais en plus il n'est pas vraiment dit ailleurs. De sorte que ce passage en italique me semble davantage appartenir au corps du texte et non à ces morceaux parallèles et répétitifs. C'est en tout cas l'impression qu'il me laisse...

Mais bon, malgré cela, j'aime vraiment beaucoup ce poème. J'y trouve beaucoup de force, beaucoup d'émotion, et même une certaine profondeur qui ne gâche évidemment rien. Un texte selon moi très réussi !

Bravo, et bonne continuation !

   funambule   
12/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un thème qui m'interpelle, traité, malgré de belles images poétiques (très "situantes") de façon finalement assez manichéenne. On y retrouve cependant l'humain dans ses rêves, ses espoirs et ses urgences, dans l'idée de cet exil intimement lié à l'idée de la survie... et le prix de nos choix.

L'équilibre entre désir et nostalgie, racines et besoins incarne "l'être", avec probablement des mots, des tournures (tout pesé), un peu trop sophistiqués... mais sans doute que la poésie a ce prix à payer. Tout ne nous est pas mâché et j'aime que les questions soient soulevées, nous donnant matière à réflexion. L'absence de tout jugement, juste des faits, un état... de simples données... et l'humain, conduit à simplement entrer dans cette "nature" qui pousse les hommes ailleurs.

J'ai la conviction que tout est faux ici; rester, partir ne change que peu à l'affaire... C'est juste une histoire, celle de nos fantasmes, celle de la nuit des temps qui nous pousse, celle d'une poussière au regard de l'éternité... dans un temps donné.

L'image du condor me trouble géographiquement.

   Charivari   
13/4/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut Wan.

Encore un très beau texte, dans la lignée de la série "paria" (d'ailleurs je m'attendais à y voir ce titre...)

J'ai un petit peu moins aimé que ton texte "Ah freak", parce que le message est moins complexe, mais ce poème possède les mêmes qualités (nombreuses) et aussi les mêmes défauts (moindres). Et j'avoue aussi que de voir que ce texte n'engendre, comme le précédent, que deux commentaires, ça a le don de me foutre en rogne... Enfin passons.

Pour commencer, les menus défauts (à mon avis) : ce jeu de mot archi-éculé de "sans toi(t)" qui boucle le poème. C'est vraiment dommage, parce que ton texte a une vraie puissance évocatrice, de vraies images poétique, et ce genre de calembour, ça le rabaisse (c'était déjà le cas pour "Ah freak", d'ailleurs). Ensuite, comme le dit un autre commentateur, le "condor" nous renvoie à l'Amérique latine. Ça nous perd un peu au début du texte. Nous, on te connaît, on sait que tu vis au Canada, en provenance de l'Afrique, du coup on n'est pas étonné que tu nous parles de séquoïa, mais un autre lecteur aura vraiment du mal à saisir les deux terres dont tu parles si en plus tu lui rajoutes des condors.

Au niveau des qualités : un style qui vraiment me rappelle Césaire et les poètes de la négritude. Le texte oscille entre colère et nostalgie douce, entre le ton outré, nerveux et la nonchalance. J'ai particulièrement aimé les deux paragraphes qui vont de "l'espérance" à "le sein" : une métaphore filée qui fonctionne à merveille. bref, ça ne manque pas de souffle ni de rythme.

c'est clair, c'est dans ce genre de texte que tu es le plus à l'aise. en espérant que d'autres commenteront le poème, à plus.

   framato   
14/4/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Wan, c'est un texte fort (et beau) que tu nous livres-là, en pâture. A nous de le lire et d'en parler. Pas facile dans nos vies trop confortables.
Déserrance, désert, personnification et féminisation : rien n'est épargné au lecteur. Le condor est sans doute perturbant si l'on ne sait que tu vis sur un continent américain...
La dernière strophe est sans doute la plus faible, c'est toujours dommage (dommageable ?) mais le reste est vraiment interpelant.
La vision du départ vue comme une tromperie (mes lèvres infidèles) est certes dure mais doit représenter un sentiment très fort.
La suspension après de meilleurs lendemain me semble teintée d'une certaine ironie, à méditer.
Un beau texte, écorché certainement, mais qui évite avec un certain panache le côté "je regrette tant". La vie se mérite (on célébrais d'être encore en vie) mais...

La dernière strophe me semble de trop, elle affadit le texte en jouant sur la facilité.

En faisant abstraction de cette dernière strophe, c'est un de tes tout bons textes (il aurait pu être intégrés aux parias, je pense).

J'espère te relire à ce niveau assez vite.
Framato

   Miguel   
15/4/2012
Il faut croire que "Le Roi est mort" ne m'a pas découragé, puisque j'ai eu envie de lire ce "Case sans toit" jugé excellent par un intervenant du débat. Je me garderai d'un commentaire trop développé. Que cette réserve ponctuelle que j'émets soit regardée comme un éloge de l'ensemble : je sens que "je me suis interdit de reculer" est un peu faible par rapport au reste du texte.

   Anonyme   
12/3/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
Case sans toit

Je trouve ce texte empli d'une grande humilité.
Outre la qualité narrative que je vous octroie avec ferveur, vous m'avez par la profondeur de vos mots fait voyager loin ( dans votre intérieur ).
Vous êtes un véritable conteur et j'aimerais entendre votre texte lu par un tiers.

Merci beaucoup.


Oniris Copyright © 2007-2023