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Récit poétique
wancyrs : La sentence
 Publié le 08/02/22  -  15 commentaires  -  3230 caractères  -  163 lectures    Autres textes du même auteur

Nos lampes, encore, brillent dans les ténèbres, lueurs tenaces qu’en vain essaie d’avaler la nuit carnassière…


La sentence



Les jours écorchés, encore saignants, écoulent leur sang d’encre sur l’horizon, quand se dressent les potences à l’attente d’une sentence dont on sait déjà l’essence. L’agonie lente savoure chaque instant fragile de nos corps meurtris, nous offrant, entre deux rictus, le sourire d’une mort libératrice. Nos lampes, encore, brillent dans les ténèbres, lueurs tenaces qu’en vain essaie d’avaler la nuit carnassière. Et nous savons que dans la pénombre non loin de nous, les goules affutent leurs canines pointues, ricanant avec des hyènes complices. Ici, les geôles ne possèdent pas de barreaux ; seules les chaînes, que traînent les cœurs avides, mettent aux cachots. Et d’esclaves il y a tous ces hommes et toutes ces femmes libres, qui croient encore qu’exclusivement les liens physiques asservissent…

Nous avions marché dans ce désert avide d’âmes égarées, toisant les dunes colossales où dodelinaient des caravanes surchargées d’Ali Baba envoûtés aux danses ventrales des Shéhérazade subliminales : se prosterner, unique sésame ouvrant aux cavernes remplies de dons conditionnés. Mais ailleurs était notre allégeance ; nous cherchions la promise, sans qu’aucune idée de lampe à frotter ne nous effleure l’esprit, ni de raccourci à dos de djinn ne nous séduise. Nous affrontâmes les tempêtes de sable, la foi pour bouclier, tout en sachant que quand mûrissent les vœux, les déserts fleurissent.

Nous avions marché dans ce désert aride où chaque oasis est un appel à la débauche, fuyant l’ombre des palmiers austère où basilics et scorpions trinquent aux venins d’aspics. Nous nous sommes chauffés, les nuits froides, de promesses chaleureuses, sachant que quand tombent les étoiles les secrets se dévoilent. Et lorsque nous eûmes soif, nous bûmes à ce qu’appellent chimères ceux qui s’enivrent de boissons fortes. Et lorsque nous eûmes faim, nous mangeâmes de bribes de soleil pourvues par l’Étoile du matin. Nous étions heureux de manques, délestés de ces mirages qui empêchent de voler. Nous étions heureux de manques, au grand dam de ceux qui ont des intérêts à voir posséder. Alors ils nous mirent aux fers pour qu’enchaînés nous goutâmes à leur enfer. Puis ils nous assoiffèrent et nous affamèrent pour qu’à leur table nous allâmes mendier.

Les jours écorchés, encore saignants, écoulent leur sang d’encre sur l’horizon ; bientôt, nous irons mêler notre liquide vital au leur, pour ne faire qu’un aux lueurs d’un crépuscule rougeoyant. Nos bouches ouvertes sur un soliloque extatique construisent un halo où flottent des mots rachitiques, expression des cœurs consumés qui déjà se savent réhabilités. Notre corps et nos membres maigris contrastent avec un esprit qui ne s’est pas aigri. Et le liquide qui coule de nos yeux rabougris forme autant de fleuves nécessaires à notre traversée vers la liberté.

Le Maître nous sourit et nous nourrit de bribes de soleils entre deux sanglots, avant de s’évanouir dans les larmes dont nos yeux ne peuvent retenir le flot. Et déjà se dressent les potences, à l’attente d’une sentence dont on sait déjà l’essence ; mais nos lampes, encore, brillent dans les ténèbres, lueurs tenaces qu’en vain essaie d’avaler la nuit carnassière.


 
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   Donaldo75   
30/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J’ai trouvé ce texte riche et très bien écrit même si je ne suis pas un fan absolu du passé simple décliné à la première personne du pluriel car ça sonne lourd ; j’aime l’idée de départ, le décor planté par l’auteur et l’incarnation de la narration, un peu comme dans une histoire racontée par un voyageur lors d’une halte dans un oasis. Et le conteur est prenant, hypnotique, je n’ai pu distraire ma lecture avant de terminer la page. Il y a matière à interprétation dans ce conte poétique, surtout à l’évocation des potences dans la dernière partie ; je suis curieux d’en savoir plus sur ce que l’auteur a voulu réellement dire, je veux dire sur son intention première afin de voir si je suis loin ou près. Quoi qu’il en soit, le récit poétique est une pure réussite et je reste sous son envoutement.

Bravo !

   Cyrill   
8/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Nombreuses assonances et allitérations, inversions, anaphores, font l’unité de ce récit.

Ambiance de mystère et de superstition donnent du relief au thème du consumérisme et de ses chimères.

Des formules bien placées qui sonnent comme des aphorismes :
« quand mûrissent les vœux, les déserts fleurissent »
« quand tombent les étoiles les secrets se dévoilent »

J’ai trouvé ce texte soigné et réfléchi dans la forme et le fond. Presque un peu trop peut-être sur la forme : les sons -ence du début m’ont semblé plombant pour le démarrage de ma lecture, mais finalement la reprise avec variation dans le final m’a paru une manière de conclure intéressante et esthétique.

   Anonyme   
8/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Hello Wan,

Mon interprétation est peut être éronée : dans ce texte je lis un exode, d'un peuple, peut être africain, à la recherche d'une terre promise, esclavé, puis promis aux exécutions publiques... Les "potences", me font penser aux 'necktie party' outre-atlantique. Mais peut être que je me trompe...

   Robot   
8/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Une trés belle écriture pour ce récit qui me fait penser à une longue marche vers l'exil.
J'ai pensé à l'exode du peuple d'Israël à la recherche de la terre promise réadaptée aux proscriptions de notre époque.
Une utilisation mesurée et adaptée du passé simple qui donne au récit un aspect légendaire et intemporel.

Un récit illustré et passionnant.

   dream   
8/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Wancyrs, bonjour

C’est le portrait instantané et noir d’un monde solitaire, à la marge, qui a grandi sous la violence et l’ambition d’un monde de pouvoir corrompu et de froideur qui le dépasse et qui un jour devra rendre des comptes ; un monde d’esclaves d’un système où la seule liberté est celle de la surconsommation effrénée ; un monde enfin où sont confondues les valeurs idéales d’un monde perdu peut-être à jamais.

Enfin, c’est une interprétation toute personnelle bien entendu.

Merci pour cette très belle lecture.

   Marite   
8/2/2022
Bonjour Wancyrs. Si ce texte est remarquablement écrit je n'ai pas été sensible au message qu'il transmet car j'ai le sentiment que les images choisies voilent une profonde amertume qui serait la conséquence d'un parcours non reconnu à sa juste valeur par "Le Maître" ... La virulence du vocabulaire à certains moments m'amène à m'interroger car je suppose qu'il faut être profondément bouleversé pour arriver à produire ce genre d'écrit qui m'apparaît être un texte "engagé".

   papipoete   
8/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour cousin
Un texte écrit à l'encre des veines, du sang des exilés loin de leur plein gré ; du Cap Vert jusqu'aux blancs buissons de coton... peuple opprimé de toute couleur de peau, que la potence guettait pour sentence dont l'on connaissait l'essence... un peu comme aujourd'hui, via les médias, un soupçonné déjà jugé coupable par la vindicte populaire !
Un sombre tableau cher poète de là-bas, mais noir si noir, plus noir que la couleur de ta peau !
Une maîtrise d'écriture qui doit être bonne amie, au moment d'écrire un prêche à l'attention de tes fidèles paroissiens !

   Pouet   
9/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

pour moi ce texte a la construction et les sonorités d'un slam, rythmé par "Les jours écorchés encore saignant" et "Nous avions marché", sans oublier assonances et alliterations, ce texte a toutes les qualités d'un bon slam à déclamer, du moins comme je "l'entends".

J'ai bien aimé par exemple les images comme "trinquent au venin d'aspic", "nous mangeames des bribes de soleil", "les déserts fleurissent"...

Ce texte, grâce à sa poétique, n'apparaît pas "sentencieux" est c'est ce qui, en mon sens, en constitue la portée. Les métaphores et comparaisons exposent clairement le message: un Monde fait d'asservissement, de domination, de cupidité, de violences physiques et psychiques, de manipulation, de vacuité...

Je trouve l'auteur habile et percutant dans ce registre.

Bonne continuation.

   Ascar   
9/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Après quelques lectures espacées de votre texte, j'ai réussi à m'en imprégner. En fait, je n'arrivais pas à en dégager un sens clair me demandant si vous faisiez référence à un fait d'histoire particulier ou si vos mots servaient une cause plus générale cachée derrière une métaphore filée.
J'y vois une réflexion sur la résistance de l'esprit à la doxa, sur la liberté de choisir un autre chemin et, ce faisant, de se retrouver emprisonner par le jugement de l'autre.

Je dois dire que ce texte est particulièrement bien écrit avec des images d'une créativité jouissive. Je crois que c'est la multiplication de celles-ci qui m'a un peu dérouté. Elles rendent le message diffus, énigmatique...

   Lariviere   
9/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Wan,

J'ai beaucoup aimé ton poème... Un récit poétique dont l'écriture est parfaitement maitrisée sur la forme, avec tout le nécessaire au rythme, au fond et à la musicalité... j'ai aimé me balader dans cette histoire qui a le gout d'intemporel entre passé présent et futur, entre mythes anciens et modernes... La sentence, c'est un excellent titre pour ce texte qui explore la marche dans un désert que nous connaissons tous de près ou de loin...

Merci pour la lecture et bonne continuation !

   Anonyme   
9/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est l'approche de la fin terrestre du peuple de Dieu et sa naissance qu'on nous conte ici par le biais de son refus constant de l'aliénation sous toutes ses formes.

I. Le rejet d'un monde corrompu qui touche à sa fin
Le jour du Jugement arrive et les croyants authentiques sont restés fidèles à leur foi malgré la tyrannie exercée par un environnement acquis au Mal ; eux seuls connaîtront le salut avec le triomphe de Dieu.

II. Le retour aux origines (l'Exode, ou la Traversée du désert)
L'auteur semble considérer la destruction du Veau d'or – concomitante à la révélation de la Loi divine au peuple d'Israël par le premier prophète – comme un acte fondateur des religions abrahamiques. En effet, le rejet d'un matérialisme asservissant et, plus largement, de toute idolâtrie apparaît ici comme le fil conducteur de leur histoire. C'est ainsi qu'elle débute et c'est dans le même état d'esprit que leurs fidèles en verront la fin.

L'auteur, visiblement habité par son sujet, a su animer son récit d'un souffle à la fois épique et lyrique, notamment à l'occasion de certains passages particulièrement inspirés et éloquents, tel celui repris en exergue ou la totalité du deuxième paragraphe.
D'autres, péchant par simples défauts de forme, mériteraient sans doute une retouche. Malgré ces quelques accrocs, l'ensemble demeure entraînant, tout en invitant à une réflexion salutaire.

   Anonyme   
7/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Premier commentaire spontané :

Un texte étrange et bien écrit qui ne me plaît pas.

L'étrangeté réside pour moi dans cette relation presque transcendante entre le narrateur et le monde qui l'entoure. Ce monde, où les choses paraissent animées, par exemple les jours, l'agonie, la nuit sont personnifiés, tandis que les êtres vivants semblent déjà morts, morts par leur attachement exagéré au terrestre, ils vivent déjà un enfer, ce qui n'est ps une vie évidemment.

Bien écrit ce texte, fort d'images riches, langue soignée, par ex cet usage du verbe "écouler" qui est usuellement pronominal, ici interpelle, semble un solécisme et pourtant n'en est pas un. L'auteur appréhende la langue française et sans doute la langue en général d'une façon peu commune, avec d'un côté quelque chose d'intuitif dans l'usage (un genre de retour à la source étymologique), et des acquis pointus d'un autre, en témoigne ce vocabulaire riche et bien employé allié à une grammaire rigoureuse. J'aurais bien aimé lire une courte biographie de l'auteur, qui éclairerait sur son lien au langage et à la littérature.

L'usage des temps est à mon sens problématique.

Pourquoi cette œuvre ne me plaît pas, parce que la symbolique utilisée pour tracer la décadence de l'humanité peut-être, de ces autres en tout cas, se réfère toute à des éléments de la culture arabe et la religion islamique : Ali Baba, Shéhérazade, se prosterner, djinn, etc. Le commentaire de texte est-il le lieu où discuter cet aspect ? Je ne sais pas, mais ces figures illuminées parlant à la première personne du pluriel, fondant leur moi dans un collectif rassurant, ne sont pour mon esprit que des fanatiques avec une vision malsaine du monde les entourant, se présentant comme les moutons purs sacrifiés à la décadence de leurs congénères. Et cette décadance est mise en scène par des éléments choisis avec soin par l'auteur, qui joue avec des préjugés et propagande venus des fonds du Moyen-Âge et persistants.


Révision de mon commentaire après de longues discussions sur le forum :


Après une longue conversation sur le forum au sujet de ce récit, je viens reviser mon premier commentaire. Mais avant tout, Wancyrs, tous mes remerciements pour avoir accepté de discuter et pour avoir livré tant d'explications sur votre démarche de création littéraire ainsi que sur des aspects très personnels de votre relation au monde et à l'écriture en général.

Et je vous dois des excuses que voilà : nous parlions de mes préjugés, oui, j'en avais, contre votre texte et par là contre vous, et mes préjugés d'alors se dessinent nettement dans mon premier commentaire. Mais je reconnais que j'étais injuste envers vous deux, auteur et œuvre, vous accusant de dénigrer la cultire arabo-musulmane à de fins de propagande. Je constate ce soir que tous ces éléments qui m'ont induite en erreur sont partie entière de votre culture, de vos références poétiques, qu'elles façonnent votre vision du monde. Sans doute y a-t-il eu des nombreux échanges entre les peuples pour en arriver à des références communes, et cette pensée me réjouit.


Ce texte me plaît beaucoup,

* de par sa construction harmonieuse : un parallélisme des mots et de la situation entre le premier et le dernier paragraphe donnent à ce récit une force particulière, les condamnés se retrouvant, après tant d'épreuves, seuls avec leurs actes devant la mort inéluctable et seule certitude en ce bas monde ;
* de par la musicalité des mots et la souplesse avec laquelle s'enchainent les phrases ;
* de par les images fortes et non conventionnelles qui surgissent ;
* de par certaines vérités, et cette phrase ci est ma préférée : "Et lorsque nous eûmes soif, nous bûmes à ce qu’appellent chimères ceux qui s’enivrent de boissons fortes", parce qu'elle concentre tous les points que j'ai relevés précédemment, parce qu'elle est longue et bien construite (j'aime énormément les phrases longues et complexes qui sont malgré tout bien écrites, je les aime particulièrement, si vous saviez) ;
* de par la puissance évocatrice de l'ensemble, qui plonge le lecteur dans un autre lieu, un autre temps, et qui le fait merveilleusement bien.

Il me semble que j'avais autre chose à dire, mais voilà, ça ne me revient pas. Je m'arrête donc.

   Robertus   
12/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Voici les passages qui m'ont particulièrement marqués.

" Et d’esclaves il y a tous ces hommes et toutes ces femmes libres, qui croient encore qu’exclusivement les liens physiques asservissent "

" Et lorsque nous eûmes soif, nous bûmes à ce qu’appellent chimères ceux qui s’enivrent de boissons fortes "

" Nous étions heureux de manques, délestés de ces mirages qui empêchent de voler "


De plus en plus en france, on considère " libérateur " les choses qui, après avoir tenté de combler un vide, ne font en réalité que l'augmenter.

Un poème qui me semble encourager à rechercher quelles sont les réelles chimères, celles qui sont matérielles, celles qui sont spirituelles ?

   wancyrs   
20/2/2022
Un fil de remerciement pour ce texte est ouvert ICI

   Anonyme   
7/3/2022
Modéré : Double commentaire.
Si besoin pour compléter votre premier avis, utilisez la fonction "Edition" (dans le pavé de votre pseudo en haut à gauche de votre commentaire initial); nous demandons qu'un seul onglet soit ouvert par commentateur


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