https://soundcloud.com/cyril-wanelt/monsieur
Trame sonore : EAU de Hicham Chahidi


Je vous le jure, Monsieur,
qu’on essaie de s’en sortir,
quand on voit le sang sortir
de nos veines… éclatées ;
de nos vaines tentatives d’évasion de la prison
dans laquelle notre psyché nous a propulsés.
Mais c’est pas facile !
Je vous l’assure, Monsieur, que c’est pas facile
de se mettre dans notre peau,
sombre comme un drapeau
qu’on préjuge de la valeur,
de par sa couleur,
poursuivis par des soldats furieux
d’un stéréotype atypique
Et je vous le dis, Monsieur,
que j’ai tenté de m’enfuir,
mais cela a nui à ma réputation ;
délit de fuite qu’ils ont dit, à mon inculpation.
Coincé comme un rat traqué,
matraqué par des policiers coincés.
Pris dans un cercle vicieux, Monsieur,
où sans cesse on pense à l’étiquette qu’on ne veut pas être,
pour construire son paraître.

Non, Monsieur,
je ne suis pas dangereux juste parce que je suis noir,
c’est pourtant ce qu’on veut me faire croire,
quand mon semblable blanc change de trottoir à ma vue,
et qu’avec le temps c’est moi qui change de trottoir à son insu,
pour ne pas lui arriver dessus.
Et qu’il s’effraye, Monsieur !
Et qu’il se crée des scénarios débiles,
pour se faire peur, Monsieur !
La peur, Monsieur, voilà le maître mot ;
la peur, Monsieur, c’est ça la cause de nos maux.
Et moi aussi j’ai peur, Monsieur.

Il se passe des choses dans ma tête ;
des choses pas si drôles, Monsieur !
Les idées se battent là-d’dans ;
les idées se battent, et mon cœur a mal en dedans,
Monsieur !
Y a mes angoisses qui m’appellent au secours,
et moi je m’oppose à leurs discours,
Monsieur !
Mais vous savez, Monsieur ?
On ne peut constamment maîtriser ses démons intérieurs ;
les psychiatres disent qu’il y a toujours un point de rupture,
Monsieur !

Un point au-delà duquel personne ne s’en sort sans séquelles ;
mais quel est ce point, Monsieur ?
Quand sait-on qu’on est sur le point de tomber, Monsieur ?
La vérité, Monsieur, c’est qu’on ne le sait jamais !
Nous, notre point de rupture,
ce sont toutes ces piqûres sur nos bras massacrés :
voilà comment on sait qu’on a basculé,
Monsieur !

Oui, je vous le jure, Monsieur,
qu’on essaie de s’en sortir
quand on voit le sang sortir
de nos veines... éclatées ;
mais, l’indifférence radicale
aux différences sociales
accentue la charge raciale
qui pèse sur nos épaules,
et crée des pôles de frustrations,
qui nous entraînent à la dépression.
Voilà notre problème, Monsieur !

Pouvez-vous nous aider, Monsieur ?