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Réalisme/Historique
marogne : Un coin de ciel bleu [concours]
 Publié le 21/01/09  -  23 commentaires  -  5237 caractères  -  107 lectures    Autres textes du même auteur

Quand la créature affronte celui qui avait vaincu sa terre.


Un coin de ciel bleu [concours]


Ce texte est une participation au concours nº 8 : Les brèves d'eau (informations sur ce concours).



Il voyait le bleu du ciel vibrer au rythme des pulsations du courant. Les masses sombres des falaises se rejoignaient, comme des bras tendus vers l’infini, se donnant la main, un pont au-dessus de l’onde folle et sauvage.


Il se revoyait au petit matin monter dans les gorges pour défier le Verdon, pour le vaincre sur le lieu témoin de sa victoire sur la roche immémoriale. La terre, violée par ses coups de boutoir, s’était ouverte, humiliée, et tremblait encore de douleur et de frustration. Elle avait tenté d’arrêter ces masses liquides qui l’attaquaient de tous côtés, mais elle n’en avait été que plus blessée, et c’est par d’innombrables plaies que l’eau la parcourait pour rejoindre le vainqueur, là où le soleil lui-même n’osait s’aventurer. Le ciel l’avait trahie en déchaînant ses orages. Tant de fois elle avait subi ses assauts, que le bruit du tonnerre, pour toujours, résonnait dans ses entrailles, litanie chantant la victoire des flots.


Il était descendu par un vallon étroit, taillé dans la falaise par un coup de sabre, et où de rares chênes tentaient de cacher la blessure. Mais leurs branches chétives étaient dérisoires sur le blanc immaculé des débris de rochers emportés par les écoulements, et abandonnés en route. Il lui semblait pénétrer le torrent lui-même ; le bruit des pierres roulées dans son lit, brisées et dont toute aspérité avait été anéantie, l’entourait de mille gémissements. Ce vacarme le faisait vibrer au plus profond de sa chair, avertissement terrible, la voix de celui qui n’avait jamais été vaincu.


Il faisait chaud quand il arriva sur la plage. Bientôt il sortirait des gorges, triomphant, dans le grand lac turquoise qui s’étendait sous le mauve des champs de lavande.


Quand il pénétra le flot, le choc fut atroce. Mille filets de glace, comme autant de doigts, enserrèrent ses jambes, voulant l’arrêter avant même qu’il ne commençât sa descente. Mais il s’y attendait, et, déterminé, se jeta dans le courant et commença à nager.


Il fut immédiatement emporté, fétu de paille, infime particule, ridicule homoncule qui osait défier le maître. Ses doigts glissaient sur les cadavres des rochers qui tapissaient le lit du torrent et qui ne pouvaient plus lui offrir une quelconque prise. Le Verdon sut à ce moment qu’il avait gagné, et s’amusa de cet avorton sous les falaises qui contemplaient, impuissantes, son martyre.


Mais il avait résisté, et, quand son adversaire trop confiant crut avoir gagné et qu’il ralentit sa course, il put reprendre le contrôle. Il ne sentait plus le froid de l’eau, son sang téméraire battait dans ses tempes, et réchauffait ses membres tendus dans l’effort.


Mais alors le Verdon comprit qu’il était en danger, et il appela le ciel d’août à la rescousse. Soudain, des nuages noirs de colère montèrent dans les gorges, changeant le décor de cette après-midi d’été pour en faire le théâtre morbide du dernier combat. Le tonnerre rivalisait de puissance avec le grondement de l’eau, et les grands éclats de rire des alliés zébrèrent le ciel. Et la pluie se mit à tomber sur le plateau, là-haut, et sur la terre desséchée, elle se rassembla en ruisseaux, en torrents, en rivières, et c’est de tous côtés qu’elle se mit à dégringoler, avalanche se ruant pour apporter son renfort. Et la rivière enfla, nourrie par des milliers de veines, et la vague se créa.


Elle le prit alors qu’il croyait avoir réussi. Elle le souleva, l’entraîna au fond, le meurtrit, emplit sa bouche et ses yeux. Et puis, sadique, le déposa, gentiment, doucement, entre deux rochers immergés, et le laissa là, la tête sous l’eau, les yeux vers le ciel qui scintillait au-dessus du théâtre de l’affrontement.


Il lutta d’abord, se meurtrit les chairs, épuisa ses dernières forces, mais c’était vain. Il était seul avec la rivière qui l’entourait de ses caresses et qui attendait de pouvoir baiser sa bouche. Alors il renonça, et le ciel au-dessus, le coin de ciel bleu qu’il distinguait au-dessus des fières falaises, fut le dernier spectacle qu’il voulut admirer. Ce coin de ciel bleu, qui semblait comme pleurer son sort, lui apporta la sérénité qu’il avait cherchée dans la victoire. Et c’est apaisé, qu’il cessa de lutter, son regard sur l’inatteignable.


Et alors qu’il s’abandonnait, le Verdon comprit avoir perdu, David vainquait Goliath par son courage et son audace. Alors, dégoûté, comme le corps commençait à se détendre, le torrent le saisit, l’entraîna au plus profond des abysses, et le recracha au loin, méprisant, cachant par son mépris sa défaite ultime.


Il lui fallut quelques minutes pour reprendre son souffle. Il contempla la rivière qui surgissait du canyon telle une charge de cavalerie venue du plus profond de la terre mère elle-même. Le soleil brillait, il tremblait, mais il ne savait pas si c’était de froid, de peur, ou de reconnaissance envers celui qui, dans la bataille, lui avait montré sa force et sa mansuétude.

Et le Verdon coulait devant lui, passant sous le pont des falaises orgueilleuses, continuant son cours, inéluctable.


 
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   victhis0   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
très belle écriture, amoureuse des mots, pointilleuse et exigeante dans ses choix, pour le régal des yeux.
Une nouvelle célébrant la nature, sujet central, magistrale devant la dérisoire tentative de l'homme pour la dominer - moi j'aime bien.
L'optimisme indécrottable de l'auteur nous sert une fin "miraculeuse" bien inutile, presque contradictoire ; mais c'est une appréciation personnelle qui ne saurait ternir les évidentes qualités de ce texte homogène.

   Filipo   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une écriture et un style d'un excellent niveau, au service d'un texte célébrant la force des éléments face à la petitesse de l'homme osant les affronter. Les phrases sont belles, ciselées, à lire avec délicatesse.

Un petit point qui me gène, c'est justement le fait qu'on mette au même niveau d'un côté la rivière et l'orage et de l'autre un homme (en les comparant à deux combattants, prêts à tous les coups y compris retors). Le genre de ballade effectué par le héros, c'est plus une compétition avec soi-même, qu'une lutte avec quelque chose qui le dépasse à ce point. La nature n'a cure des simples individus... Mais j'apprécie cependant la parabole évoquée par le texte.

   widjet   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
L'éternel affrontement de l'Homme et de l'Elément. Pour une fois, le vainqueur n'est pas celui qu'on croit. L'écriture est égale à elle-même, inspirée et millimétrée. Les mots, pourtant simples, sont sublimés dans leur écrin, et ce grâce à la plume amoureuse de l'auteur.

Un texte...chavirant.

Bien que rarement original dans ses thèmes ou novateur dans sa forme, le style "Marogne", ça fonctionne toujours aussi bien.

Widjet

   Flupke   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Sublime le style descriptif ! A faire mourir d’envie.
Où as-tu appris à faire des descriptions comme ça ?
Ateliers, livres à recommander, sites, etc…
Avoue !!! (stp). J’ai bien aimé la personnification subjective du fleuve.
C’est presque un poème en prose. Du coup Patapapier est relégué en deuxième place pour mes favoris.
Du chipotage « David vainquait Goliath », correct, mais niveau sonorité, peut-être y a-t-il mieux.
Bravo.

   Faolan   
22/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
De très belles descriptions ! Bravo. L'idée est originale. Merci.

   Nongag   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Hum... Je ne suis pas tout a fait d'accord avec les précédents commentaires. Oui, globalement, c'est bien écrit mais, il y a un peu trop d'emphase par moment et la ponctuation n'est pas toujours adéquate selon moi.

Je vois du potentiel dans cette écriture mais je pense qu'il faut être prudent avec les longues phrases: il est difficile de maintenir un rythme égal. Eh! C'est de la haute voltige, une technique difficile a maitriser.

   xuanvincent   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai apprécié retrouver le "personnage" du Verdon, également l'atmosphère de ce récit. Par ailleurs, ce texte m'a paru dans l'ensemble bien écrit (presque trop peut-être par endroits), en particulier pour la description des lieux.

Bref, voilà une nouvelle de marogne un peu dans la lignée du cycle du Verdon, ce qui m'a plu.

Le thème de l'eau est très présent et m'a paru bien traité.

   dude   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un affrontement titanesque servi par des descriptions inspirées.
Les forces du texte ont déjà toutes étaient citées, aussi je n'y reviendrai pas (et je n'y ai pas été insensible!).
En chipotant, j'ai un peu tiqué devant le double emploi de "mille" dans l'expression "mille gémissements" et puis trois lignes plus bas, pour "mille filets". C'est un point qui dénote quand tout le reste est quasi irréprochable (au niveau de la forme).
Sur l'histoire elle-même, une remarque sur la fin qui m'a déplu. Trop de retournements de situation, un véritable imbroglio: le Verdun croit gagné mais en fait non, mais en fait si, mais finalement non... On s'y perd et ces péripéties ne servent pas vraiment l'intérêt du récit.
Ces quelques points n'enlèvent en rien au fait qu'il s'agit d'un beau texte.

   Ephemere   
21/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour, je ne suis pas très en accord avec les commentaires précédents. Si certaines descriptions sont très belles, en particulier la lutte entre l'eau et la terre, certaines lourdeurs m'apparaissent : "un pont au-dessus de l’onde folle et sauvage", je trouve que cette phrase amoindrit la comparaison avec les bras qui se suffisait ; "pour le vaincre sur le lieu témoin de sa victoire sur la roche immémoriale", pas clair et des répétitions, sur le, sur la, vaincre, victoire et plus loin vainqueur ; "comme pleurer son sort", comme aurait pu être oublié.
je n'ai pas compris tous ces retournements et à la fin "le Verdon comprit avoir perdu" : l'homme était à sa merci, il avait gagné ! En plus la phrase est lourde.
Merci FMR

   Bidis   
22/1/2009
La personnification excessive de la nature me gêne par moments dans ce beau texte : par exemple « les cadavres des rochers » - la pierre peut être cassée, ébréchée, érodée mais ne pourrit pas ni ne se décompose...
Sinon, on ressent bien le caractère grandiose des gorges du Verdon.

   Anonyme   
22/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bravo pour cette écriture ce sens des descriptions et du détail. J'ai cru revoir le Verdon. Ce combat titanesque et désespéré dont l'homme sort vainqueur une grande idée.
Sinon un petit détail, une broutille : vainquait ce verbe à l'imparfait je n'en supporte pas la sonorité et ... Vaincre à l'imparfait c'est une défaite non?
Merci pour cette écriture magique
Xrys

   Anonyme   
23/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
ah le sens de l'image de Marogne, l'art de poser un lieu, une ambiance, un combat (lol)... jamais déçue par l'écriture, ni l'imagination de l'auteur... J'ai parfois, et je l'avoue je lis toujours Marogne en plusieurs fois, du mal avec la lourdeur des paragraphes, mais c'est surement parce qu'il y a peu j'ignorais encore la signification profonde de ce mot... haha

Merci pour cette danse entre l'absolu et le micro... David contre Goliath...

   papyrus   
25/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
j'ai aime le texte et le style

   Menvussa   
25/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Plutôt bien écrit bien que je n'aime pas trop cette suite de paragraphe commençant par "il" trop répétitif. De belles images, et ce Verdon personnifié auquel tu prêts un peu trop de psychologie, pourquoi estime-t-il avoir perdu... ce coin de ciel bleu inaccessible qui viendrait au secours du nageur téméraire !

   Anonyme   
27/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
L'histoire est simple. Un nageur affronte les eaux tumultueuses du Verdon, et s'en sort sain et sauf.
L'auteur, dont l'écriture est magnifique et rappelle Giono a choisi de la traiter sur le mode emphatique.
Je cite:
'Et alors qu’il s’abandonnait, le Verdon comprit avoir perdu, David vainquait Goliath par son courage et son audace. Alors, dégoûté, comme le corps commençait à se détendre, le torrent le saisit, l’entraîna au plus profond des abysses, et le recracha au loin, méprisant, cachant par son mépris sa défaite ultime".

Je sors de cette lecture avec un vrai malaise. L'impression que cette outrance assumée est une forme de dérision.

   craone   
28/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Salut Marogne,

Quelle grandiloquence pour une baignade. C'est un peu too much pour moi, même si le verdon est très bien rendu.

craone

ps : J'admire bien sur ton énorme vocabulaire et ta capacité a faire tenir une histoire très cohérente en si peu de ligne. Tu lis beaucoup Hugo ?

   guanaco   
1/2/2009
On peut effectivement reprocher à l'auteur d'en faire "trop" dans les descriptions, mais cet exercice est tellement difficile et me pose tellement de problème que lorsque je lis un texte qui me balade avec de supers descriptions, j'adhère!
J'ai descendu ce Verdon avec le personnage, je me suis senti en train de faire du kayak ou du canyoning et j'en ai pris plein la g****!
Très beau texte!
Merci
Guanaco

   melonels   
3/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai aimé l'humanisation de la nature ou tout du moins la déification des éléments. Ici les Dieux n'ont pas eu raison de l'Homme...
Le texte est bien écrit rapide au rythme du courant, c'est agréable de lire un texte et d'y entendre la bande sonore, l'eau déchainée contre la roche...

   Anonyme   
8/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
très très bien écris je dois dire mais les gorges c'est mon milieu donc quelques doutes sur le récit mais bon... ensuite scories à répétition. désolé je n'y crois pas mais j'attends

   Anonyme   
8/2/2009
J'aime beaucoup ce que tu écris, je viens de lire quatre de tes nouvelles dont trois que je n'ai pas commentées, j'y reviendrai certainement. Ce que tu écris me plait à tous les coups mais... je crois que tu devrais relire tes écrits à voix haute à chaque fois ainsi tu trouveras de toi-même les fausses notes et les lourdeurs qui émaillent de ci de là tes textes.
En ce qui concerne ton écriture, tes idées, ton originalité, tes recherches, rien à dire, pour moi, c'est parfait.
De plus, tu écris dans tous les genres, c'est une sacrée performance. Relis-toi, encore et encore, écoute la musique de tes phrases et laisse toi guider par elle.

   David   
12/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour Marogne,

J'ai bien cru qu'il était mort, le nageur, dans ce passage-là :

"Elle le prit alors qu’il croyait avoir réussi. Elle le souleva, l’entraîna au fond, le meurtrit, emplit sa bouche et ses yeux. Et puis, sadique, le déposa, gentiment, doucement, entre deux rochers immergés, et le laissa là, la tête sous l’eau, les yeux vers le ciel qui scintillait au-dessus du théâtre de l’affrontement."

C'est surtout de dessiner le torrent comme un intrus conquérant, presqu'un dictateur, qui m'a plu dans cette histoire.

   Marite   
14/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai apprécié l'approche faite des éléments de la nature. L'eau du Verdon et l'eau du ciel, vous en avez fait des personnages à part entière. Ils interviennent de façon volontaire dans le courant de l'histoire. Tout cela est sympathique et bien conté. J'en retiens que finalement, la nature n'est pas l'ennemi de l'homme. Si ce dernier lui reconnaît sa place, elle peut être très généreuse. Marité

   Ariumette   
21/2/2009
D'abord félicitation d'avoir relevé le défi de ce concours !
Mon avis : J'ai aimé cette personnification du Verdon ! Faut dire que quand on voit ses gorges on ne peut que se dire qu'il a une âme ! Belle écriture parfois un peu trop en longueur mais qui nous fait tenir quand même jusqu'au bout !

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