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Les silences de Colombe
Maëlle : Les silences de Colombe  -  XI - À suivre
 Publié le 15/08/10  -  8 commentaires  -  6088 caractères  -  89 lectures    Autres publications du même auteur

- Simon, tu ne vas pas passer l’été à te morfondre.


Ma mère aime les grands mots. Morfondre, ça lui plaît. Elle m’a tendu le catalogue d’un organisme de camps de jeunes. Un truc pour pas dire colonie de vacances.


- Ou tu peux toujours lessiver l’appartement.


J’ai hésité à choisir le lessivage. Crevant, sans intérêt, tout le loisir de remâcher mes idées noires en essorant l’éponge. Mais j’ai pensé à ma mère obligée de dîner tous les soirs en face de ma tête. J’ai appelé l’association, il restait des places pour le stage de rugby. Dans le Sud, au soleil. Je me suis demandé s’ils comptaient vraiment nous faire courir sous le cagnard.


///


Le bonheur. Des mecs, que des mecs, même dans l’encadrement pas une seule nana. Des passionnés de rugby, d’autres qui sont là parce que les dates collaient bien. Le même leitmotiv :


- Ma mère voulait que j’fasse un truc au mois d’août…


Le même plaisir à se donner à fond sans regarder ailleurs, dans les matchs, à l’entraînement ou le soir. Aucun de nous n’a l’habitude d’être hors du regard des filles. On se scinde en deux groupes : ceux qui parlent de cul, et ceux qui parlent de tout, sauf de ça. Liste vite faite : trois trop gamins pour que ça les travaille, cinq maqués qui passent pas mal de temps le portable vissé à l’oreille, et puis Axel et moi, qui nous taisons. Sur le terrain, on se défoule. Le reste du temps, dans un coin, l’air ailleurs, on fait semblant d’être là quand même. Si je regarde Axel, je me vois, moi. En blond.

On se retrouve tous les deux, seuls, désœuvrés, lors d’un quartier libre à Carcassonne. Comment on s’est retrouvés largués par les autres, ça, je n’en sais rien.

Je m’attendais à ce que toute la ville soit dans les remparts, une vraie ville, mais non, ce qu’on visite ce n’est qu’un tout petit morceau, bien propre et avec des couleurs qui flashent pour attirer les touristes. En deux heures avec le guide on en avait fait le tour. Alors, Axel et moi on marche, en traînant les pieds, et quand on a fini la boucle, au lieu de recommencer, on se cale le cul par terre.

On se regarde. Il a l’air à peu près aussi accablé que moi. Il se penche, attrape un caillou, genre gros, et, profitant d’une accalmie dans le flot de familles munies de cornets de glaces, le balance contre le rempart qui nous fait face.

On reste en silence, un moment.

Puis, plus parce que son geste appelle une réaction que par réelle envie, je commente :


- Putain, mec, t’as la rage…

- Ouais.


On reste là comme deux cons, à regarder nos baskets. Sauf que ça monte, comme une envie de chialer ou de gueuler, pas moyen de passer au travers, il faut que ça sorte :


- Merde… moi aussi.


Sans marquer le moindre intérêt, il répond :


- Ah ouais ?

- Ouais. Et tu veux que j’te dise, je sais même pas pourquoi !


Il marmonne, si bas que je l’entends à peine :


- Moi, si.


Je reprends malgré tout :


- Si, j’sais pourquoi, mais en même temps je sais pas. Merde, c’est trop bizarre !

- Au moins, tu peux encore te poser des questions…

- Parce que toi pas ?


Pour la première fois je suis prêt à l’écouter.


- Moi, là je sais que Flo, elle est à la plage en train de draguer un p’tit con d’Espagnol, si c’est pas plusieurs, et je sais aussi qu’elle va rev’nir en septembre tout sucre en disant « Mon Loulou c’est toi qu’j’aime », comme si elle m’avait pas largué juste avant les vacances pour avoir la conscience tranquille…


Si sa Flo, à ce moment-là, avait pointé sa frimousse, je lui aurais crié de se carapater le plus vite possible…


- Alors, non, tu vois, je me pose pas de questions. Et tu sais le pire ?


Il me regarde. Alors, je dis quoi :


- Quoi ?

- À la rentrée quand elle va revenir, j’vais lui dire « Tu m’as manqué », et pas « Casse-toi, pétasse », et même si elle a un grain de riz avec marqué Miguel ou Luis accroché sur sa chaîne, parce que j’suis tellement accro à cette fille qu’elle se taperait toute la Terre, j’la voudrais quand même.


Un instant j’oublie ce qui me vrille. Je m’intéresse. Je compatis. Je m’indigne. Pas longtemps.


- Mais ça t’est déjà arrivé ?

- C’est la troisième fois cette année. Elle me largue, elle revient, et quand je lui demande qui c’est le type en maillot de bain qui l’enlace sur la photo, elle dit « Un copain », et moi j’ai envie de la tuer.


Je hoche la tête.


- Je comprends.


Non. Je comprends rien du tout. Que des mots, tout ça. Qu’il rage parce sa donzelle est volage, oui, mais finalement je n’imagine pas être à sa place. Il sort son portable, me montre une photo. Elle est pas mal, Florence. La bouche un peu grande, peut-être. Ou alors c’est l’écran qui déforme.


- J’suis raide dingue de cette nana. Et elle, elle se fout d’moi. À chaque fois j’me dis que j’vais lui en faire baver et puis il suffit qu’elle lève les yeux vers moi et j’oublie tout.


Il shoote dans la poussière. Le nuage nous fait éternuer.

On se tait. Il a pas l’air d’attendre que je parle. Il a l’air de s’être enfermé en lui-même, comme si j’étais pas là. Sauf que je me tais depuis trop longtemps pour tenir les vannes. Faut qu’ça sorte.


- Ben moi, je s’rais presque mieux à ta place. Parce que Colombe, elle m’a largué, et j’ai toujours pas compris pourquoi.

- Un autre mec, va pas chercher plus loin !

- Pas l’genre.

- C’est pas forcément parce que ça se voit pas que…

- Non, j’te dis. Pas Colombe. Et puis, juste : depuis qu’elle s’est barrée, elle a l’air malheureuse.

- Bon. Elle te teste.


Je soupire. Je repasse les réticences de Colombe, ses bizarreries. Les remarques des copains : avec une coincée pareille, tu vas pas t’amuser. Je secoue la tête. Ça ne tient pas. C’est trop con de le faire après.


- J’crois pas…

- Elle a bien dû dire quelque chose…

- Non. Elle a changé de place en cours, elle s’est débrouillée pour avoir toujours une copine avec elle, et c’est tout. Elle m’a plus adressé la parole.

- Et par téléphone ?


Je secoue la tête. Axel joue à la pétanque avec des gravillons.


- T’as demandé à ses copines ?


Non. Bien sûr que non. Mais quel con !


 
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   Anonyme   
15/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Pour rester dans le ton, je dirais "trop bien !"
Des ados sensibles, touchants, finalement pas si compliqués que cela à comprendre lorsque l'on creuse un peu.
Dans ce texte, c'est joliment creusé, avec tendresse, talent, car le style est là, en retrait un peu, comme pour laisser généreusement toute la place à l'histoire, aux personnages et à ce qui se joue d'essentiel dans leur découverte terrible et magique de la vie d'adulte.
On se retrouve dans leurs tâtonnements qui ont été un jour les nôtres, et dans leur besoin d' éprouver un monde pour lequel ils vont devoir sacrifier une partie de leur innocence et de leurs illusions.
J'ai aimé de bout en bout et plus j'avançais dans ma lecture. j'attends la suite avec impatience ! Vite Maëlle, au boulot ! ^^
(et merci)

   brabant   
17/8/2010
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Rebonsoir Maëlle,

Zut ! Revoilà un chapitre anodin ! Roman pour moi en dents de scie, alterne le bien et le moins bien. Ici, beaucoup d'encre (virtuelle ?) pour rien, ou pas grand'chose. Tout ça pour faire appel aux copines, alors qu'elles forment une foule plutôt indistincte, plutôt anonyme; et surtout qu'elles forment un groupe justement, une entité censée protéger, isoler Colombe et son secret, Colombe et son indifférence (feinte peut-être), son jeu de rancoeur, de belle dédaigneuse souffreteuse. Et l'une de ces copines (barrière,rempart, fortification, citadelle avec donjon où se mure Colombe) cafterait ?
Non, l'ennemi en l'occurrence, c'est le garçon; et le garçon ici c'est Simon.

Chapitre et dialogue peu crédibles avec ces "... mec... Ouais... Merde... Ah ouais... Ouais... Merde..." manquent que le mégot où l'amorce de joint de mauvaise qualité mal ficelé (lol); Le dialogue dans son ensemble fait davantage penser à un dialogue de jeunes voyous qu'à un dialogue de paumés amoureux.

   David   
2/2/2011
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé le canard :

"Il me regarde. Alors, je dis quoi :


- Quoi ?"

C'est assez vivant dans les dialogues, je trouve un peu manichéen de faire se rassembler dans une même bande les "garçons qui ne pensent qu'à ça" :

"On se scinde en deux groupes : ceux qui parlent de cul, et ceux qui parlent de tout, sauf de ça."

Comme avec le père, ce chapitre semble reposer sur une nouvelle rencontre de Simon, le monde continue de tourner pendant qu'il se "morfond".

   monlokiana   
7/9/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J’ai bien apprécié ce chapitre parce qu’il est un peu différent des autres. Ici, on ne se dit pas « alala, elle m’ennuie Colombe. » J’ai aimé le changement de décor, d’espace, de situation. Le dialogue me semble très vivant. Simon passe à autre chose pour se divertir un peu, même si Colombe est toujours là. L’écriture, qu’en à elle, reste toujours fluide et rythmée. Toujours une envie de continuer. Même si je me plains encore du manque de piste, des nombreux détours, du manque d’informations dont souffrent et Simon et le lecteur qui galèrent depuis onze chapitres. Mais le suspens est bien mené, même si, je sens que l’histoire ne commence pas encore réellement.
Au chapitre suivant.
Aussi, l’histoire d’Alex me touche vraiment. Sa copine, c’est quel sorte de personne ?

   Anonyme   
11/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Superbe ! Peut être le meilleur chapitre pour le moment !
Très touchant, transpirant de vérité, on s'y retrouve sans effort.
Excellent, rien d'autre à dire.

   carbona   
15/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Sympa la rencontre avec Axel. J'ai assez bien aimé. La scène était un peu ridicule quand Axel lance le caillou et que Simon lui répond d'un ton plat "Putain, t'as la rage".

Je marquerais les négations quand le narrateur est dans le récit :

ex : Je comprends rien du tout. / Il a pas l’air d’attendre que je parle.

"- T’as demandé à ses copines ?
Non. Bien sûr que non. Mais quel con !" < ça ne passe pas, franchement ça fait des plombes qu'il aurait dû se bouger pour avoir des explications, donc ne pas avoir demandé aux copines, ce n'est pas crédible.

   MissNeko   
8/10/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Je trouve que l intrigue stagne un peu.
Sinon c est bien écrit et ca se lit facilement !

   Donaldo75   
26/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Mine de rien, on avance, du moins c'est l'impression que ça donne, grâce au pote de stage, celui qui s'est fait larguer pour la troisième fois par sa copine volage. Il pose la bonne question et cela promet de relancer l'histoire dans le sens des réponses à l'essentielle question concernant l'attitude de Colombe. Les dialogues sont toujours incisifs, la description du monde adolescent, ici des garçons en pleine puberté que leur truc démange, ne manque pas de piment sans pour autant tomber dans le débinage à tout va.

Un bon chapitre.


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