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La licorne des Pyrénées
Acratopege : La licorne des Pyrénées  -  La grande déchirure
 Publié le 09/02/15  -  2 commentaires  -  34825 caractères  -  36 lectures    Autres publications du même auteur

Au matin, un coup de foehn descendu des Alpes proches secoue les cabines du funiculaire de Sauvabelin. Le choc interrompt d’un coup les ronflements, geignements, raclements de gorge des dormeurs à demi étouffés dans l’air vicié de leur refuge. Il fait presque jour. Vers l’est, le ciel rosit par-dessus les arbres. Le souffle chaud a fait fondre la fine couche de glace qui recouvrait l’escalier de fer descendant vers la ville : marches et main courante ruissellent.


Les quatre compagnons descendent la rampe avec prudence, tête et muscles encore engourdis, sans s’adresser la parole. Ils font halte à la station inférieure pour tenir conseil avant de se séparer. Ils se doutent bien que l’une ou l’autre des sœurs Danfer les épie derrière les rideaux aubergine et citron de leur cuisine de poupées, mais ils n’en ont cure tant ils se sentent lourds de pensées ruminées et de paroles non dites. Il n’est pas temps de reprendre la discussion de la nuit. Chacun sait qu’il vaut mieux laisser couler de l’eau sous les ponts.


En quelques phrases, on se promet de se retrouver à la cure pour la pause de midi, puis chacun se laisse haler par ses obligations : tous les mardis, le père Guillaume dit sa messe matinale ; l’abbé de Gonzague, par tous les temps, donne sa leçon de catéchisme aux prévenus de la prison municipale pendant l’heure de promenade en rond dans la cour que leur accorde l’administration pénitentiaire ; Anne-Claude se doit à sa boutique, où il faut encore ranger mille choses avant l’ouverture pour que les clientes s’y sentent à la maison quand elles viendront y jeter l’ancre, en bancs serrés, une fois englouti leur petit déjeuner trop copieux ; Marguerite, quant à elle, se rend sagement à son cours de botanique antédiluvienne ; ensuite, elle reviendra en ville au plus vite pour guider la première visite des collections animalières du musée.


Le père Guillaume peste contre sa propre bêtise : même en marchant au pas de charge, il ne sera pas à l’heure pour dire sa messe. Ses muscles grippés par une nuit de terrible inconfort lui interdisent de courir. En refusant, dans un brusque mouvement d’humeur, la place que lui a offerte l’abbé dans sa Coccinelle, il s’est lui-même condamné à sa première arrivée tardive en quarante années de ministère ! Il n’ose imaginer les papotages malveillants des vieilles grues agglutinées sur le parvis à l’attendre. Il ne peut s’empêcher de les voir avec horreur, sur l’écran de son cinéma intérieur, s’engouffrer dans l’église en déboutonnant leur manteau d’astrakan dès qu’il leur aura ouvert la porte, puis s’abattre, chacune à sa place réservée, sur les bancs les plus proches de la chaire. Le salut lui vient d’un taxi qui manque de le renverser comme il quitte l’esplanade de la station du funiculaire. Quand il reconnaît le jeune chauffeur polonais qui, chaque matin, vient aux frais de la paroisse prendre les sœurs Danfer pour les mener à l’église, il intercepte d’autorité la voiture et se fait mener tambour battant à sa sacristie. Les deux vieilles peuvent attendre et pester derrière leurs rideaux ! Il se réjouit déjà du regard courroucé qu’il saura leur lancer, depuis l’autel, quand elles gagneront en retard leur banc, plus honteuses que des voleuses prises sur le fait, au milieu des chuchotements indignés de leurs congénères du petit jour. Il regrette que les messes matinales ne soient que des messes basses marmonnées au pas de gymnastique : un beau sermon sur les vertus de la ponctualité pimenterait la scène à son goût !


Marguerite se sent la plus perdue de tous. En s’éveillant la première, les reins tordus de courbatures, sur la banquette de moleskine humide, elle a eu mille peines à rassembler ses pensées éparpillées. La blessure à son front, encore douloureuse, lui a rappelé sa chute dans le vide, puis le souvenir lui est revenu du malaise de Pierre, du début de transe qui les a emportés tous quatre… Quant à savoir ce qui l’a amenée là par une nuit de terrible brouillard, elle qui déteste le bridge et tous les jeux de société, elle n’en a aucune idée. Elle se rappelle bien avoir été interrompue, dans une histoire qu’elle voulait à tout prix raconter, par les tirades grandiloquentes de leur vieux curé. Ce qu’elle voulait confier à ses compagnons, des événements terribles sans doute, tout a fui de sa mémoire sans laisser de traces.


Les trois autres ont vidé les lieux sans se soucier d’elle. Indécise, la tête pleine de flocons de neige, elle pense d’abord frapper à la porte des sœurs Danfer : forcées par la bienséance, les deux chipies lui offriront bien une tasse de café pour la remonter ! Mais à imaginer leurs ricanements sous cape et leurs regards de connivence en coin, elle renonce vite au projet. Laissant derrière elle l’esplanade de la station inférieure du funiculaire, elle marche vers la ville, se souvient au premier carrefour que la veille elle est venue à vélo, se voit poser son engin derrière un buisson sur le chemin de la falaise, décide sans hésitation d’aller le récupérer, court à se faire mal au cœur jusqu’à l’orée du bois, enfourche son engin détrempé, se laisse glisser, voilier de course, vers la ville et le campus universitaire.


Pédaler est à peine nécessaire, il suffit de se laisser aller dans la pente en se tenant bien droite, les doigts prêts à agir sur la manette des freins si jamais surgissait un obstacle. Devant elle, le lac miroite dans les premiers rayons du soleil. Des bourrasques de vent chaud la déséquilibrent quand elle franchit un carrefour ou longe un espace dégagé entre deux immeubles : parc public, jardin communal parsemé de cabanes en bois au toit de tôle ondulée, terrain vague en mal de reconstruction immobilière. Filant comme une étoile, elle laisse derrière elle un sillage de gouttelettes lumineuses. Dans le ciel, il n’y a que la trace grise des avions intercontinentaux, aucun nuage, aucun oiseau. Excitées par le redoux, les mouettes piaillantes chassent trop loin des rives pour qu’on les entende. Hors de vue, elles frôlent de leur ventre blanc l’écume grise que les coups de vent arrachent aux vagues.


Pendant son cours de botanique antédiluvienne Marguerite prend des notes avec le même soin qu’un automate révisé à neuf, des notes impeccables, sans comprendre goutte aux phrases toutes faites qu’elle transcrit avec une fidélité sans faille. Son écriture est celle d’une petite fille qui n’a jamais envoyé une lettre d’amour à personne. Ses camarades d’étude lui offrent des sourires ironiques quand ils empruntent ses cahiers, les mieux tenus de tous, pour préparer les examens. Elle les prête de bonne grâce sans remarquer leur mine moqueuse.


Marguerite ne songe à rien pendant qu’au milieu du lac les mouettes se battent à coups de becs pour leur pitance. Le vent brouille la trace blanche des avions. Elle se laisse bercer par la voix plate du maître-assistant qui discourt, par ses gestes mous, par ses mimiques répétées comme des gammes chaque fois qu’il reprend son souffle. Le plus difficile est de chasser l’image de Pierre de Gonzague. Elle volette autour d’elle, mouche entêtée : les lèvres du prêtre tremblent, ses yeux errent sans jamais se poser nulle part, les coins de sa bouche et de ses yeux s’abaissent. Pendant la soirée, choquée par sa chute, elle n’a pas bien saisi quels événements terribles ont mis le prêtre au tapis. Elle a cru comprendre qu’il était arrivé quelque chose à sa vieille mère, mais elle n’a eu ni le temps ni le courage de s’enquérir des détails. Parler à Pierre est au-dessus de ses forces. Depuis que le hasard les a cruellement réunis, elle met toute son énergie à se convaincre qu’elle ne connaît pas cet homme, à l’ignorer quand ils doivent se côtoyer par force, à ne lui répondre que par monosyllabes quand il tente de lui adresser la parole.


À la fin du cours, ses camarades la forcent à faire un détour par l’infirmerie universitaire. Le médecin de service semble ne pas la voir, tant il est perdu dans ses propres pensées. Il ne prend pas la peine de l’interroger sur les circonstances de sa chute, désinfecte la plaie de son front en regardant dans le vague, lui applique distraitement un pansement monstrueux. En la renvoyant, il lui annonce avec un sourire niais que son front portera sans doute à vie une vilaine cicatrice en étoile, mais que la chirurgie esthétique fait des miracles parfois. Marguerite ne songe pas à lui en vouloir de son indifférence.


Le pansement tombe pendant qu’elle pédale vers le musée. Un peu de sang coule sur sa joue. Elle n’y prend pas garde. La chaussée a séché. Les rafales de fœhn arrachent encore quelques gouttes aux arbres qui bordent l’avenue, colonnes de soldats au repos, mais elles s’évaporent instantanément au contact du bitume tiédi par le soleil. Les mouettes sont revenues mêler leurs piaillements au vacarme des voitures qui montent et descendent la côte entre lac et ville. À l’intérieur de chaque véhicule, on peut apercevoir fugitivement un être humain solitaire qui se presse comme la veille, comme le lendemain et le surlendemain, l’œil las et les lèvres pincées, vers ses tâches du jour.


Sur la place de la Riponne, les joueurs d’échecs poursuivent leur partie sans prêter attention au groupe de spectateurs qui prennent le soleil, agglutinés en cercle autour de l’échiquier géant, feignant de suivre le jeu pour se donner une contenance. La plupart n’en connaissent même pas les mouvements, mais il fait bon, au coude à coude avec ses frères humains, sentir la chaleur du soleil vous réchauffer le corps, sa lumière printanière vous aveugler plus vivement qu’au sortir d’un tunnel d’autoroute. Autour d’eux, des paquets de feuilles pourrissantes, débusquées de leurs abris hivernaux par le vent du sud, s’élèvent en serpentins dorés, en tornades, en geysers ébouriffés qui n’effraient personne. De toute cette scène, les deux joueurs perdus dans leur partie ne voient rien.


Marguerite traverse la place avec mille détours et virevoltes. Sa bicyclette fait s’égailler sur son passage des bandes de pigeons gras qui ne savent plus voler tant les employés communaux les gavent de graines tout au long des quatre saisons : après un voyage d’études à Venise, les autorités de la ville ont décidé, à une courte majorité, que le béton gris de la Riponne valait bien les pavés marmoréens de Saint-Marc ! En passant, la jeune femme adresse un salut de la main aux joueurs à travers la haie des spectateurs. S’ils le remarquent, plongés dans leurs combinaisons tortueuses comme des grottes sous-marines, les deux compères n’en laissent rien paraître à la surface. Elle se sent rassurée de savoir qu’elle les retrouvera là, immuables automates, quand elle repassera tout à l’heure pour rejoindre les autres dans la grande salle à manger de la cure. La terre glisse sous les pieds des humains à des vitesses inimaginables, les années tournoient entre mois et saisons, mais il y a encore, Dieu merci, quelques bittes où s’amarrer au sein des grandes folies du monde !


La porte automatique du musée, conçue pour des géants, s’ouvre devant elle dès qu’elle en a frôlé la poignée. Le hall, le grand escalier, tout est étrangement désert, mais elle entend au loin, très haut, un brouhaha de voix enflammées par la colère. En passant devant la loge du père Aristide, poussée par une étrange réminiscence, elle jette un regard à l’intérieur de l’antre du vieux gardien. Un désordre incroyable y règne, placards ouverts, meubles pêle-mêle, vaisselle et bouteilles à moitié vides éparpillées sur le carrelage. Seule la table de cuisine est vierge de chienlit, sinon de crasse.


Devant ce spectacle de désolation, Marguerite sent remonter d’un coup le film des événements de la veille : rien ne justifiait qu’elle eût fait, en rentrant de son cours, un détour par le musée quand son amie Anne-Claude, impatiente, l’attendait pour partager avec elle le repas du soir. Pourtant elle a cédé à son caprice, est entrée dans la bâtisse par une porte de service dont elle avait la clé ; sans allumer, elle a suivi le labyrinthe de couloirs qui mène aux salles d’exposition ; un pressentiment, au passage, lui a fait jeter un œil dans la loge du gardien, glisser sa tête par l’entrebâillement de la porte. Sur la table nue, au milieu de la loge dévastée, une enveloppe blanche trônait au milieu des taches de vin et de café. Marguerite a dû allumer la lampe pour s’apercevoir avec effroi que la lettre lui était adressée. Elle l’a prise en main sans l’ouvrir, puis l’a oubliée dans sa poche. La suite est encore plus claire dans son souvenir revenu. Comment a-t-elle pu oublier, en quelques heures de mauvais sommeil, son effarement à découvrir la loge saccagée, sa course affolée jusque dans la salle de la licorne, ses haut-le-cœur à la vue du désastre qui l’y attendait ? La mémoire de la jeune femme lui a souvent joué des tours, mais là toutes les bornes ont été dépassées !


Des éclats de voix plus sonores la tirent de sa torpeur. Marguerite reconnaît les inflexions coupantes du conservateur, l’accent traînant de son adjoint, les roucoulements de la secrétaire de direction. Sans rien toucher, elle quitte la loge du père Aristide et laisse ses pas la guider vers eux. Un étrange calme la prend au ventre. Elle se sent prête à les affronter, à feindre la surprise quand elle fera face au spectacle terrible que son incursion de la veille lui a fait découvrir avant tout le monde.


D’abord les trois personnages ne voient pas Marguerite entrer dans la pièce. Ils gardent le regard fixé sur la cage de verre brisée dont les éclats parsèment le sol d’étoiles qui crissent sous le pied. Tour à tour, ils se montrent du doigt ou du menton la dépouille pitoyable de la licorne des Pyrénées : couchée sur le flanc, pattes raides tendues vers le ciel, nuque brisée, la pauvre bête a été abattue une seconde fois par un chasseur cruel qui, non content de l’avoir jetée au sol comme une poupée de porcelaine, l’a éventrée en étoile, sans trembler, de deux larges coups de couteau.


Les yeux de Marguerite se rivent sur le trou noir qui s’enfonce dans les profondeurs de la carcasse abattue. Elle n’a pas le temps d’ouvrir la bouche pour un cri d’effroi et de stupéfaction : quand le conservateur du musée, son adjoint et la secrétaire de direction se tournent vers elle, ils la voient chanceler et choir inanimée au milieu des éclats de verre.


– Je crains qu’il n’y ait pas de visite guidée de nos collections zoologiques aujourd’hui, susurre la secrétaire de direction entre deux soupirs. Notre guide n’a pas l’air en état, et nous avons perdu le clou de notre exposition. Si vous le voulez bien, monsieur le conservateur, je vais de ce pas appeler la police.


Sans attendre la réponse, elle s’éloigne en se dandinant vers son bureau dans les combles. À force d’intrigues et de manœuvres pas toujours catholiques, elle a accompli son rêve de petite fille : se trouver une place de travail stable avec vue panoramique sur le lac et le jet d’eau de la rade en prime par temps clair. Chaque dimanche, quand elle va manger chez ses vieux parents, elle leur raconte la couleur de l’eau, le reflet des nuages sur la surface du lac, la forme merveilleuse des ondulations qui courent d’une rive à l’autre par temps de brise.


Marguerite s’éveille avant que se soit éteint le cliquetis des talons de la secrétaire de direction sur les dalles du couloir. Pendant son évanouissement, quatre bras masculins secourables l’ont assise sur le banc de pierre prévu pour les crises de paresse ou les accès de méditation des visiteurs. Soucieux de ne jamais rester inactif quelles que soient les circonstances de la vie, monsieur le conservateur lui masse la nuque avec raideur et maladresse pendant que son adjoint s’escrime sans succès à lui prendre le pouls. À les voir, n’importe qui parierait pantalon et chemise qu’aucun des deux n’a vu une femme de près depuis des lustres !


– Comme vous pouvez le penser, il n’y aura pas de visite guidée de nos collections zoologiques aujourd’hui, mademoiselle Rouxfeu. Amener des visiteurs ici serait tout simplement indécent après ce qui vient de se passer. Pour simplifier, nous dirons à tous vents que vous êtes indisposée jusqu’à la semaine prochaine et que nous ne disposons d’aucun guide remplaçant sous la main dans ces périodes de disette budgétaire. Pour vous, la chose entraînera un joli manque à gagner, mais avons-nous le choix ? Ces quelques jours de fermeture nous laisseront le temps de faire réparer les dégâts dans le plus grand secret.


Semblant prendre conscience que son massage de nuque tend à se transformer en caresse et que son employée, jusque-là docile, commence à s’agiter pour se dégager, monsieur le conservateur s’interrompt et lâche Marguerite si vivement qu’elle chancelle.


– J’exige une restitutio ad integrum de l’animal, reprend-il sur un ton plus aigu en lançant un regard de feu à son adjoint. Les taxidermistes de qualité ne manquent pas dans ce pays de braconniers ! Quand la vie vous expose à ce genre de situations délicates, il convient avant tout de se montrer actif, organisé, discret, circonspect et empressé à bien faire sans précipitation ! Naturellement, les journaux ne doivent rien apprendre de ces tristes événements ! Vous avez peut-être commis une erreur, mon cher, en laissant cette cruche de Solange avertir la police ! Même dans les meilleures démocraties du monde, on ne peut jamais faire vraiment confiance à ces gens-là ! Croyez-vous vraiment qu’ils vont retrouver notre vandale et nous le ramener par la peau du cou ? Vous pouvez aller, mademoiselle Rouxfeu, si vous vous sentez assez bien pour marcher ! Il n’est pas nécessaire que ces messieurs de la police découvrent en vous interrogeant que je vous emploie au noir. Cela ferait tache dans le paysage administratif. Bonne semaine ! Je compte sur vous pour tenir votre langue dans votre poche.


Marguerite se retrouve sur le pavé tiédi par le soleil. Un temps à enclencher les grandes eaux de la fontaine sans attendre l’ouverture officielle du printemps, se dit-elle pour avoir quelque chose à penser. Elle tremperait volontiers son visage dans l’eau fraîche avant de s’asseoir sur la margelle de béton pour laisser le vent chaud sécher sa peau. Personne n’y trouverait à redire.


Les joueurs d’échecs ont changé de place et se préparent à entamer une nouvelle partie. Rien à leur mine ne laisse deviner qui a gagné la précédente. Les spectateurs de tout à l’heure ont disparu. Maintenant, le grand blond joue avec les blancs et le petit noiraud avec les noirs. Chacun se tient aux aguets derrière une double rangée de pièces encore intouchées. De temps à autre, le grand blond esquisse le geste de déplacer son pion de la dame de deux cases vers l’avant, mais un sourire narquois de son adversaire l’en dissuade à chaque fois. Marguerite se demande lequel des deux finira par proposer partie nulle, qu’on en finisse, qu’on puisse se séparer en toute amitié avec une poignée de mains et un bel échange de regards !


Une heure de liberté jusqu’au repas de midi, une heure à prendre le soleil, une heure à courir au milieu des pigeons, à pédaler autour du quartier pour ne penser à rien ! Les deux joueurs d’échecs refusent d’un geste sa proposition d’aller ensemble boire un café ou un chocolat chaud au bar le plus proche, une ancienne station-service que les autorités municipales ont transformée en un petit paradis, à la sortie du parking souterrain, pour le plaisir et le confort de leurs administrés. Marguerite ne s’offusque pas de cette rebuffade prévisible. Au contraire, se sentir ainsi rejetée lui donne des ailes : abandonnant la place, elle court vers la basilique du Tourmentin, gravit l’escalier en manquant plusieurs fois de s’achopper aux marches trop hautes, pénètre en trombe dans l’édifice, tombe à genoux en catastrophe sur son prie-Dieu favori, face à la chapelle de Notre-Dame de Lourdes. Drapée dans sa belle robe bleue, celle-ci l’attend en souriant devant un décor de rochers et de cascades.


– Il ne manque plus que notre Marguerite et nous pourrons attaquer le bénédicité, dit le père Guillaume sans lever les yeux de son bréviaire. À cette heure-ci, elle devrait avoir terminé sa visite !

– Il lui sera arrivé quelque chose, réplique Anne-Claude. Elle sait que nous l’attendons pour apprendre la suite de son histoire. Je crois qu’il s’est passé une espèce de drame au musée ce matin : en arrivant, j’ai vu débouler deux voitures de police sur la place de la Riponne. Sept ou huit policiers en ont surgi comme des cow-boys à ressort et se sont engouffrés, arme au poing, par la porte principale du palais de Rumine !

– Une fausse alarme, sans doute, reprend le curé. Ce ne sont pas les alertes à la bombe qui manquent de nos jours. À croire que la moitié des habitants de la planète se sont métamorphosés en artificiers de carnaval ! Ne vous inquiétez pas, je pense savoir où notre Marguerite se cache.


Il ferme son bréviaire en le faisant claquer, le laisse choir sur la table, se lève sans hâte avec un regard soucieux vers l’abbé de Gonzague, en face de lui, qui paraît perdu dans des pensées plus noires que la nuit du pôle. En quelques minutes, il a rejoint son église aux travées illuminées par le soleil de midi.


Marguerite sent une main lui prendre l’épaule. Elle ne prie pas. À genoux devant l’autel de la Vierge, la tête dans les mains, elle s’est encore enlisée dans une rêverie aux méandres absurdes, tout en images disloquées, en culs-de-sac, en ébauches de récits où se mêlent passé et présent, souvenirs et fantaisies, où se croisent fantômes et personnages en chair et en os ; tout est si confus qu’elle ne sait plus elle-même si cette errance de l’esprit lui est atroce ou bienfaisante.


– Vous avez assez prié pour aujourd’hui, Marguerite, murmure la voix sombre du père Guillaume derrière elle. Venez, nous vous attendons tous dans la salle à manger. Nous avons beaucoup de questions à discuter autour de la table, beaucoup d’histoires à nous raconter.


Les mots tranquilles du vieux prêtre, sa main ferme sur son épaule, ramènent en un instant Marguerite à la terre ferme. Elle se lève, laisse échapper un sourire creux et le suit, docile, le long de l’allée principale vers le chœur et la petite porte qui mène à la sacristie. Cette fois, il n’y a pas de détour par le clocher, pas d’escalier en colimaçon grimpé quatre à quatre, pas de corde où se suspendre pour faire sonner à la volée le bourdon et ses compagnes. Ils rejoignent la salle à manger à l’instant où la servante s’apprête à servir la soupe comme dans toutes les bonnes cures.


Aucun des convives ne se hasarde à prendre la parole. Trop à dire, trop de désordre dans les sentiments de chacun, trop de fatigue après la vilaine nuit qu’ils viennent de passer ensemble entre ciel et terre. Le père Guillaume sent qu’il faut un meneur de jeu pour dégripper la situation. Il endosse le rôle tambour battant sitôt nettoyée son assiette avec un bout de pain.


– Mes amis, je vous demande d’abord de me pardonner. La faim et l’épuisement m’ont fait oublier de prononcer le bénédicité avant que nous entamions le repas. J’espère que le bon Dieu non plus ne m’en tiendra pas rigueur, lui qui a connu la faim et la soif dans le désert. Pierre, je veux que vous quittiez cette mine d’enterrement et terminiez votre potage. Vous voyez bien que Marie-Ange attend pour nous servir la suite du repas. La viande sera froide et la sauce figée si vous tardez encore !


Pierre s’exécute en petit garçon pris sur le fait. Dès que la bonne lui a retiré son assiette, on l’enjoint d’expliquer son trouble de la veille, quand il a failli les entraîner tous dans une transe digne des sauvages païens et exotiques qui vivent de l’autre côté du monde.


– Je n’ai pas grand-chose à vous dire de plus, dit-il en fixant les yeux clairs du père Guillaume. Quand vous avez évoqué votre ami Aristide et sa voiture multicolore, j’ai saisi tout à coup que cet homme, votre ami, était aussi le ravisseur de ma mère. Tout concordait avec le portrait qu’on m’en avait brossé au château de Rossens : ils portaient le même prénom, il n’y avait pas dans la région mille 2CV aux couleurs de l’arc-en-ciel conduites par des vieillards solitaires ! Je me suis rappelé avec horreur avoir rencontré ce monstre en chair et en os lors de ma première soirée de bridge paroissial, lui avoir serré la main, avoir échangé quelques paroles avec lui. J’ai revu son regard de fouine scrutant mon visage, son sourire à double sens dès que nos yeux se croisaient. J’imagine que vous pouvez comprendre, mon père, que je me sois senti mal à découvrir que vous étiez l’ami depuis toujours du salaud qui a enlevé et peut-être assassiné ma mère !

– Ne vous rongez pas trop les sangs, Pierre, et soignez votre langage. Si mon ami Aristide Codoux a trempé dans cette histoire, votre mère n’a rien à craindre de lui. Il est le contraire d’un salaud, même si la trajectoire de sa vie n’a pas toujours été droite. Vous ignorez beaucoup trop de choses pour vous permettre de juger cet homme, mon brave. Avez-vous la moindre idée du lien qui attache Aristide à votre mère ? Même le pire des aventuriers sans scrupules n’enlève pas au hasard une vieille dame à demi stuporeuse pour aller l’assassiner au fond d’un bois ! Ne m’avez-vous pas dit que le ravisseur rendait régulièrement visite à votre mère, qu’ils semblaient filer ensemble le parfait amour pour le plus grand plaisir du personnel du château ?


Le père Guillaume s’arrête là. Tous ont l’impression qu’il en connaît beaucoup plus sur cette affaire que ce que qu’il a bien voulu en dévoiler, mais personne n’ose l’interroger. Pierre ne sait plus que penser. Il oscille entre la tentation d’accorder pleine confiance à son curé et une vague impression de se faire mener en bateau.


– Nous verrons plus tard comment agir pour vous aider, Pierre. Une petite idée est en train de germer au fond de mon cervelet, mais elle est encore trop fragile pour être cueillie. Marguerite, vous nous racontiez hier soir une histoire abracadabrante de licorne ouverte et recousue à laquelle je n’ai rien compris, sinon que ce devait être bien sérieux pour que vous veniez interrompre notre tournoi de bridge au risque de nous mettre de mauvaise humeur et de vous rompre le cou. Le plus étrange est que mon ami Aristide y tenait un rôle aussi. Les voies de la Providence sont de plus en plus tortueuses, ne trouvez-vous pas ?

– Je ne sais pas par où commencer, dit Marguerite, et ce qui arrive à l’abbé de Gonzague me paraît tellement plus digne d’intérêt que les tribulations d’une fausse licorne empaillée depuis plus de cinquante ans. Dieu ait son âme !

– Reprenez tout au début, Marguerite, n’omettez aucun détail. Je ne serais pas étonné qu’au bout du compte vos deux histoires n’en fassent qu’une.


Mot pour mot, la jeune femme récite tout ce qu’elle sait des tribulations de la dernière licorne depuis sa vallée pyrénéenne jusque dans les salles du musée de la ville ; elle dit comment elle a découvert fortuitement, quelques jours auparavant, un trou, une fente, une brèche dans la panse de l’animal empaillé ; elle parle de l’éclair d’affolement qu’elle a surpris dans les yeux du vieux gardien quand elle lui en a parlé ; elle explique comment, d’un jour sur l’autre, toute trace de la blessure a disparu comme par miracle ; elle évoque enfin sa découverte d’une bague entre les pattes de l’animal rapiécé…


– Tu m’as déjà parlé en long et en large de toute cette histoire, Marguerite, l’interrompt Anne-Claude, et tu nous l’as répétée hier soir. Viens-en au fait, s’il te plaît !

– J’y arrive, ma douce. N’as-tu pas entendu dans tes grandes oreilles que monsieur le curé m’a demandé de tout vous redire depuis le début ? Qu’est-ce qui te rend si nerveuse ? Tout à l’heure, à ta façon de remuer ta soupe, on t’aurait prise pour une sorcière en train de manquer la préparation d’un philtre magique !


Sans qu’elle comprenne comment ni pourquoi, l’humeur de Marguerite s’échauffe contre son amie. Une sorte d’animosité envieuse se mêle sournoisement à la tendresse qu’elle éprouve pour elle. De son côté, Anne-Claude la généreuse se sent pousser des griffes d’adolescente mal aimée depuis que Marguerite les a rejoints. Pourtant, toutes deux éclateraient de rire si quelqu’un osait suggérer que la présence de l’abbé Pierre de Gonzague à leur table n’est peut-être pas étrangère à leur malaise.


– J’en viens au fait, reprend Marguerite en se tournant ostensiblement vers le père Guillaume. Hier soir, poursuivie par cette cascade d’événements étranges, je n’ai pas su résister à la tentation de m’offrir un détour par le musée en rentrant chez moi. Anne-Claude m'attendait pour manger, mais elle pouvait bien attendre quelques minutes. Tout était sombre à l’étage des collections zoologiques. En passant, j’ai été frappée par la porte entrouverte de la loge du concierge. Vous me connaissez, rien ne m’aurait empêchée de jeter un coup d’œil à l’intérieur. Vous n’imaginez pas le spectacle qui m’attendait : la loge remuée de fond en comble, des livres partout, des bouteilles, du linge de toutes les couleurs…


En parlant, elle se rappelle la lettre trouvée sur la table au milieu des taches de vin et de café. Va-t-elle leur en parler alors qu’elle n’a pas encore songé à l’ouvrir ? On la presse de poursuivre. Sitôt qu’elle a docilement repris son récit, le souvenir de l’enveloppe à son nom, enfouie depuis la veille dans la poche de son manteau, s’efface de sa conscience aussi vite qu’il y avait surgi.


Elle en arrive à la découverte de la licorne abattue, éventrée dans sa cage de verre aux parois éclatées comme une boule de Noël. Elle a poussé un cri en entrant dans la salle, s’est approchée, a flatté de la main l’encolure tordue par la chute. Puis, fascinée par le grand trou sombre dans la panse de l’animal, elle est restée assise, bien droite, mains croisées contre sa poitrine, sur le banc de pierre qui faisait face à cette scène de cauchemar. Seule dans le musée désert, elle a laissé filer les heures comme des minutes. Elle ne pensait pas, n’imaginait rien. Des larmes coulaient sur ses joues. À ses pieds, tout autour d’elle, les éclats de verre luisaient doucement. La carcasse de la licorne paraissait une ombre sur le sol. Peu à peu, une drôle de tristesse l’a prise, presque une douleur qui montait de la poitrine vers les épaules et la nuque. Elle a senti un grand trou noir dans son ventre. D’elle aussi, quelque chose avait été arraché.


– Soudain l’angoisse a été si forte que je me suis enfuie en courant. Je n’avais qu’une idée, Anne-Claude, te retrouver et me jeter dans tes bras. Ce n’est qu’en arrivant chez nous que j’ai pris conscience que du temps avait passé : le fourneau était presque éteint, tu avais laissé sur la table mon assiette pleine et un mot que j’ai été incapable de lire. Malgré mon trouble, je me suis souvenue qu’un jour tu m’avais décrit le lieu incroyable où vous vous retrouvez chaque lundi soir pour jouer aux cartes. Je me suis précipitée en laissant tout ouvert derrière moi, me suis perdue dans la nuit en tentant de rejoindre votre perchoir. Quand je me suis éveillée au milieu de vous, j’ai cru d’abord à un miracle.

– La police ce matin, c’était donc bien à ton musée qu’elle en voulait, dit Anne-Claude.

– Oui, ils l’ont appelée dès qu’ils ont découvert l’attentat, quelques minutes avant l’ouverture des salles. Comme une grande, j’arrivais pour ma première visite guidée. C’est étrange : jusqu’au moment où j’ai repassé devant la loge du concierge, tout ce que je viens de vous raconter s’était effacé de ma mémoire…

– J’ai connu un peintre qui peignait le jour des marines superbes. Le pauvre souffrait de somnambulisme. Chaque nuit, il se levait dans son sommeil et quittait sa chambre d’hôtel pour aller tremper ses aquarelles de la veille dans le bout de mer qu’il avait représenté. Chaque matin, il se retrouvait avec du papier vierge et humide, prêt à l’emploi. Je crois qu’il a fini par se suicider de désespoir.


Pierre de Gonzague a débité d’un trait son anecdote, sans paraître l’adresser à quelqu’un en particulier. Personne n’enchaîne. Chacun croque sans piper mot la pomme que Marie-Ange lui a donnée pour dessert.


– À vrai dire, reprend Pierre pour rompre le silence qui s’installe, je n’ai pas vraiment connu ce peintre. J’ai dû lire l’anecdote dans un livre ou dans une revue, je ne sais pas. Quand je me sens troublé ou fatigué, je confonds souvent les souvenirs véritables et les réminiscences de mes lectures. Malheureusement, je n’arrive pas toujours à me taire. Cela ne m’amène que des ennuis, que je prenne conscience de ma bourde au milieu d’une phrase ou bien que je sois démasqué en public par plus cultivé que moi. Un prêtre menteur et mythomane n’a pas belle façon, vous en conviendrez !

– Que cette histoire soit véridique ou non est votre affaire, Pierre, enchaîne le père Guillaume avec une grosse trace d’irritation dans la voix. Elle est surtout en dehors du sujet et peu charitable pour notre amie Marguerite. Mais revenons à notre souci du jour !

– Il y a cette affaire de bague à mettre sur la table, dit Anne-Claude. Marguerite l’a trouvée entre les pattes de la licorne il y a quelques jours. Elle est probablement tombée d’un trou dans la panse de l’animal. Fais-la passer, ma mie, que chacun puisse admirer le superbe motif gravé de son chaton !


Complices, les deux amies ne sont pas surprises de voir bleuir l’abbé Pierre de Gonzague quand il y reconnaît les armoiries jumelles de ses parents, d’azur à trois étoiles d’or accompagnées en pointe d’un croissant du même. La réaction du père Guillaume est plus inattendue : il avale de travers sa gorgée de café, suffoque, roule des yeux fous en direction de chacun de ses compagnons de table, tape du poing sur la table, se fige, prend enfin une interminable inspiration avant de briser le silence de sa voix la plus pastorale :


– Mes amis, je crains que notre affaire ne se révèle plus compliquée et plus dramatique que je ne le croyais. Dans quel guêpier nous ai-je fourrés tous en vous faisant appeler dans ma paroisse, Pierre ! Pardonnez-moi, je ne voulais que renouer quelques fils du passé pour que la vie reprenne naturellement son cours selon la volonté du Créateur ; je n’imaginais pas que tout allait tourner si vite à la catastrophe. Aujourd’hui, nous avons du pain sur la planche si nous voulons retrouver vivants votre mère et mon ami Aristide ! Il n’y a pas de temps à perdre. Nous partons tous quatre en voyage. Je m’occupe de tout. Soyez ici à sept heures avec vos bagages. N’oubliez pas de vous munir d’un passeport ou d’une pièce d’identité valable.


Sans ajouter un mot ni leur laisser l’occasion de le questionner davantage, le père Guillaume se lève de table et disparaît dans ses appartements.


 
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   Marite   
10/2/2015
Revoici la licorne des Pyrénées dans ce chapitre, dans un piteux état il est vrai … j’embarque aussi avec le Père Guillaume pour le voyage destiné à retrouver la mère de l’abbé Pierre de Gonzague apparemment enlevée dans sa maison de retraite par le vieil Aristide, le taxidermiste. Quel secret renfermait donc le ventre empaillé de la licorne ?
Et voilà, maintenant je suis dans l’incapacité de ne pas lire la suite pour connaître le fin mot de l’histoire.

   Shepard   
16/3/2015
Bien, ce que l'on appelle une sale journée pour Rouxfeu... Réveil toute seule après sa chute, pour ensuite se faire congédier au musée sans compensation... Heureusement les choses s'améliorent.

Acratopege, je l'ai sûrement déjà dit, mais vous avez le chic pour sortir des formulations inattendues.

"chacun se laisse haler par ses obligations"

Je ne connaissais pas ce terme, c'est original.

"Filant comme une étoile, elle laisse derrière elle un sillage de gouttelettes lumineuses."

Simple, mais j'ai trouvé ça mignon.

En rapport avec ma remarque au chapitre précédent (sur la première personne) ici vous conservez bien le point de vue externe pour exprimer les pensées de Marguerite "Marguerite se demande lequel des deux finira par proposer partie nulle, qu’on en finisse, qu’on puisse se séparer en toute amitié avec une poignée de mains et un bel échange de regards !". Je pense qu'il faut choisir.

On sent que l'action s'accelère, pas le temps de s'ennuyer, et je trouve que c'est maintenant que votre style brille le plus : vous intégrez facilement les descriptions à l'intrigue, on obtient un mélange dense, sans retomber dans le pur descriptif comme au début du roman.

Bon, j'attends de lire cette lettre. Pour Aristide je pensais bien à une histoire d'amour passée, Pierre serait-il le fils d'Aristide ? Ce qui collerait à l'absence de 'consanguinité' dans son physique, contrairement à sa sœur (demi-soeur ?). Si c'est le cas le pauvre n'est pas arrivé au bout de ses surprises... Et Guillaume qui en sait trop...

Tout ceci prend un allure de thriller...


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