Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Vue sur la Méditerranée
marogne : Vue sur la Méditerranée  -  Honfleur
 Publié le 19/08/09  -  6 commentaires  -  6551 caractères  -  48 lectures    Autres publications du même auteur

Maxime se promenait le long des quais du port d’Honfleur. Il était six heures, et le soleil teintait de sang la Manche, au loin, là où ses pensées voulaient s’échapper. Cela faisait plusieurs jours qu’il n’avait pu dormir. Pour les autres, c’était Mathilde bien sûr, c’était si simple. Toujours trouver des explications, c’était naturel, mais ils n’avaient aucune idée de ce qui le tenait éveillé des nuits durant, oscillant entre la joie la plus pure et le désespoir. Et voir tout ce monde autour d’eux, s’esclaffant, voulant tous la voir, le félicitant du bonheur qui enfin récompensait ses années de galère, cela était pire qu’une torture car il devait faire bonne figure et répondre avec la bonne humeur qui était de mise en la circonstance. Il avait besoin de respirer, de prendre le large, et cette promenade autour du vieux bassin lui permettrait de prendre de la distance.


Homme de la côte d’Azur, il n’était pas aussi sensible que les marins du nord à l’attrait des grands espaces, au chant de ces bateaux qui semblaient vibrer dans l’attente du grand départ, mais ce soir-là, il voulait partir. Il se voyait quitter la France sur un de ces voiliers, comme mousse, comme marin ou comme passager, mais partir, partir pour oublier. Mais ce n’était pas possible, et les chaînes qui tenaient amarrés les vaisseaux aux murs de pierres étaient les liens mêmes qui le maintenaient prisonnier de son corps, de son esprit, de son histoire.

La grande histoire avait entraîné sa jeunesse dans un maelström d’aventures. Il se revoyait, jeune insouciant sur la promenade des Anglais, rêver à la vie qui était maintenant la sienne. Il entendait encore les critiques de son père sur la voie qu’il avait choisie. Il sentait encore en lui l’humiliation qui avait été la sienne quand il avait dû revenir quémander auprès de sa mère pour qu’ils le reprennent à la boutique. Il souffrait toujours de la jalousie qu’il éprouvait en voyant ces riches couples sur la passerelle, allant passer la nuit à perdre l’argent que lui ne savait pas gagner alors.

Il voulait oublier ensuite la chance qui lui avait permis de se redresser, de se prouver à lui-même qu’il savait faire quelque chose, qu’il pourrait peut-être réussir, et de prouver à ses parents qu’il avait eu raison. Cela n’avait pas duré très longtemps, mais cela avait été l’opportunité qui l’avait réveillé. Il comprenait maintenant qu’il s’était assoupi, comme s’il avait été privé de toute ambition, de toute passion, si ce n’étaient celles apportées par la médiocrité et l’envie. Il devait oublier, cela était nécessaire. Mais c’était sans doute ça qui le tenait éveillé la nuit, se demandant s’il y aurait eu une autre voie.


La montée à Paris dans un train bondé avait été le point final de l’épisode de son adolescence. Il avait grandi durant ce voyage, mûri. Ce n’était peut-être pas le voyage en lui-même, il avait encore fallu galérer dans la capitale, mais ce trajet, plus que le parcours d’un chemin, était maintenant, par une étrange contraction de sa mémoire, comme une porte qui s’ouvrait sur un autre monde.

L’ambition, oui c’était l’ambition qui l’avait conduit où il était maintenant. Ce n’était pas la chance, c’était son travail. Si Sophie et Mathilde étaient dans sa vie, c’était par sa volonté, c’était parce qu’il avait su tirer parti de toutes les opportunités. C’était un bonheur qu’il méritait, non, qui lui était dû !


Et le vent de l’Histoire l’avait cueilli quand il ne savait plus quoi faire. Il avait enfin réussi à mettre un nom sur son rêve, comme le navigateur voyant au loin une terre inconnue dont les richesses vont sauver l’équipage et les rendre tous riches et reconnus, même si pour cela il faut qu’ils combattent ceux qui les détiennent.

Sophie était rentrée dans sa vie, Sophie était apparue, et elle était longtemps restée là, à quelques encablures, mais inaccessible. C’était comme si le vent qui l’avait emporté jusqu’à elle avait décidé brusquement de s’arrêter. Et ses voiles pendaient tristement alors qu’il cherchait désespérément un moyen de gagner son rivage.

Il était là, sur les quais du port de Honfleur, et dans son esprit passaient dans une cavalcade infernale les années de feu, de fer, d’acier et de sang qui l’avaient emporté dans une tempête meurtrière qui parfois le rapprochait, parfois l’éloignait de son Graal à lui. Mais il avait tenu bon, et déployant toutes ses capacités il avait su garder le cap, et obtenir enfin ce qu’il voulait quand les vents cessèrent, brusquement, dans une explosion de violence.


Là, au creux de son bras, là où il avait tenu Mathilde ce matin, il ressentait encore la chaleur humide de ce petit corps merveilleux. Que de fois il s’était moqué du comportement des parents devant leurs rejetons, rouges, poisseux, laids, pleurnichards. Mais tout ça était loin maintenant, oublié. Et ce petit bout de vie n’était-il pas la justification de toutes ses actions ?

Penser à sa fille lui faisait se rappeler des premières critiques qui avaient été faites sur les œuvres qu’il avait proposées à la galerie de Madrid, rue Mazarine. Le bonheur qu’il avait ressenti à leur lecture était comparable à ce qu’il éprouvait quand il regardait Mathilde. Et puis cela avait été une vraie spirale, invitations, soirées, admirateurs, admiratrices, déclarations, interviews, qui l’avaient entraîné à proposer encore plus d’œuvres, enivré par le succès, par l’argent qu’il gagnait, et par l’admiration que lui vouait Sophie. Il vivait enfin son rêve, ce pourquoi il avait quitté Nice pour les brumes du nord, il prenait sa revanche sur les snobs qui venaient goûter aux plaisirs du jeu dans le casino, et qui ne voyaient même pas les boutiquiers à qui ils achetaient leurs cigarettes.


Le soleil avait disparu à l’horizon, seule une vague lueur faisait ressortir les vieux immeubles de Honfleur qui, impassibles, contemplaient les magnifiques voiliers dont les voiles, dans l’esprit de Maxime, se gonflaient de l’espoir retrouvé. Mathilde et Sophie ! Pour elles il avait tout sacrifié, et il avait gagné.

Il savait qu’il dormirait ce soir, et si ce n’était pas le cas, ce ne serait pas à cause de ses cauchemars, mais parce qu’il guetterait la respiration de l’enfant, ou parce qu’il admirerait le visage de sa femme, apaisée, magnifique après l’épreuve.

Pris d’un remords, il s’assit sur un banc et sortit son carnet à croquis. Et bientôt, sous les yeux de quelques passants curieux, il reproduisit sur la page blanche la beauté du port, le désir des bateaux, l’espoir du soleil couchant, la sérénité retrouvée.


 
Inscrivez-vous pour commenter ce roman sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   jaimme   
19/8/2009
Ce chapitre est, pour moi, le plus intéressant. On entre enfin dans des sentiments qui ne paraissent pas factices:
"C’était un bonheur qu’il méritait, non, qui lui était dû !"

Les ruptures entre les chapitres sont fortes, et seulement annoncées par un lieu. Pourquoi pas aussi par une année, même si on comprend très bien en lisant?

Est-ce que les liens amoureux qui sont nés aussi chez Sophie vont être décrits, car là c'est un peu frustrant?

L'écriture est de qualité, mais il faut, toujours à mon avis, s'éloigner rapidement de la froideur des deux premiers chapitres.

Bonne suite à ce roman.

Je mettrai une note quand le roman sera plus avancé.

   Anonyme   
20/8/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ah ! On en arrive à un peu de poésie. Ça fait du bien.
J'ai trouvé, vraiment, que c'étaient de très belles métaphores avec l'océan, les voiles. Notamment pour Sophie :
Sophie était rentrée dans sa vie, Sophie était apparue, et elle était longtemps restée là, à quelques encablures, mais inaccessible. C’était comme si le vent qui l’avait emporté jusqu’à elle avait décidé brusquement de s’arrêter.
On perçoit la rage d'être presque au but et de stagner, de s'enfoncer.
Évidemment, il y a la dernière phrase. Je la trouve sublime. Rien que pour ça, le roman vaut d'être lu.

Mais, car il y a un mais, il y a ce même bémol, ces petites choses, maladresses, qui m'agacent un petit peu, car, même si elles ne gênent pas vraiment la lecture, elles laissent, pour ainsi dire, le roman au niveau "amateur".
Enfin, c'est très bien quand même, hein, et ça a dû être sacrément du boulot ! et puis je dis ça au troisième chapitre, et peut-être que ça ne sera pas vrai partout…

   xuanvincent   
20/8/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai apprécié le troisième volet de ce roman. Il m'a paru plus abouti sur le plan du scénario et de l'écriture que le volet précédent.

Le point de vue change dans cet épisode : le lecteur voit au travers du regard de Maxime, déjà cité dans les épisodes précédents.

De même, le lieu change de nouveau, nous voilà à présent du côté non plus de la Méditerranée mais d'Honfleur.

   Anonyme   
21/8/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Dans le premier paragraphe, j'ai l'impression que Maxime déteste sa vie, n'aime plus sa femme, n'a que faire de ce nouveau-né. Des poids tous les deux.
majuscule à marins du Nord ?
Impression du premier paragraphe renforcée par " prisonnier de son histoire"

La grande Histoire, là aussi, une majuscule, je l'aurais ben vue.
De plus ce bond dans le temps est un peu trop rapide. Il me semble qu'à chaque fois qu'on entre dans l'histoire ou celle avec un grand H, on en ressort immédiatement. C'est un peu frustrant.

J'ai du mal avec les personnages. Ils sont froids, esquissés. Ils sont des mots, des expressions, mais rien ne me rattache vraiment à eux. Si, peut-être Sophie, que j'ai laissée à Nice, je renoue ici avec elle, pour apprendre qu'elle est apparue dans l'histoire de Maxime et qu'elle est restée un long moment... mais je n'en sais pas plus. Où se sont-ils rencontrés ? Combien d'années se sont écoulées ?

Il "admirerait le visage de sa femme"... donc il l'aime. Néanmoins Sophie est toujours présente dans son esprit... Quelles sont les raisons qui l'ont conduit à ce mariage ?
Les années de galère, lesquelles, à quel sujet ? Sa peinture ou la guerre ?
Qui est la mère de Mathilde...
Beaucoup de questions qui trouveront sans doute leurs réponses dans la suite.

   NICOLE   
29/8/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un peu de suspense dans ce chapitre. Il semble avoir atteint tous les objectifs possibles : le succés, l'argent, Sophie et leur fille...et pourtant il n'est toujours pas heureux.
J'ai envie de savoir pourquoi, je continue à lire.

   Anonyme   
25/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour

C'est curieux ce roman écrit en pointillé. J'ai encore l'impression d'avoir raté plein d'épisodes mais là du coup j'apprécie parce que ça renouvelle l'intérêt et soulève plein d'interrogations (et d'hypothèses). car malgré la réussite sociale artistique de Maxime on sent quelque chose d'étrange chez lui. Et même si on aimerait savoir comment il a pu réussir, on se doute que l'auteur va nous faire encore languir un peu

Ce chapitre est en outre très bien écrit.

Le regret : un peu court, peut-être...

Xrys


Oniris Copyright © 2007-2023