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L'histoire de Brigitte et celle de Jean-Luc
NICOLE : L'histoire de Brigitte et celle de Jean-Luc  -  L'histoire de Brigitte - Chapitre 3
 Publié le 28/09/09  -  11 commentaires  -  10758 caractères  -  170 lectures    Autres publications du même auteur

Je n’ai rien abandonné au hasard, tout est parfait, jusque dans les plus infimes détails.

L’appartement est rangé, avec juste cette pointe de désordre étudié qui en dit long sur la personnalité raffinée de son occupante. Un CD de jazz (le seul que je n’aie jamais possédé), diffuse une ambiance musicale en accord avec ce que j’ai pu apprendre des goûts de mon invité.


Les toasts sont alignés avec art sur un ravissant plateau, tout près du seau à champagne et des deux flûtes.

Quant à moi je touche au sublime. Je me trouve rarement belle sans aucun artifice, mais là, après deux heures de travail acharné, je crois pouvoir dire que j’ai tiré le meilleur parti de ma petite personne. Petite robe noire, sexy mais pas trop. Escarpins à talons hauts (il est très grand), avec lesquels je me suis entraînée à marcher avec une grâce relative mais acceptable. Maquillage soigné, imitant à la perfection le naturel. Parfum envoûtant, mais pas lourd.

Mains présentables, puisque je ne touche plus à mes ongles depuis bientôt une semaine.


La sonnerie de la porte d’entrée me tire de ma crise d’autosatisfaction béate. Je m’adresse un dernier sourire d’encouragement dans le miroir de l’entrée, et j’ouvre... à Louis et à mes trois neveux.

Louis pose la petite Lili, 4 ans par terre, pendant que les jumeaux, Julien et Lucien, 7 ans, entrent en trombe dans l’appartement.


- On dort chez toi tatie, maman va avoir le bébé.

- Tu comprends, on s’était entendus avec les voisins pour qu’ils les gardent quand Nathalie accoucherait, mais comme c’était prévu pour dans quinze jours et qu’on est samedi, ils sont sortis. Toi, je pensais bien te trouver chez toi.


Ben voyons. Il est gentil mon beau-frère, pas tellement psychologue, mais gentil.


- Louis j’allais sortir, regarde, je suis prête.

- Eh bien, tu expliqueras à Isa que c’est un cas de force majeure, et elle comprendra.

- Je ne sortais pas avec Isa ce soir.

- Ah bon, tu avais rendez-vous avec un HOMME ?


« Non crétin, avec un ficus. »


D’un côté, je comprends qu’il soit étonné que j’aie réussi à rencontrer un homme sans son concours, ma sœur et lui passant le plus clair de leur temps à me présenter tous les célibataires qui gravitent autour d’eux.

J’ai d’abord eu droit aux amis, puis aux collègues de travail, puis aux amis des amis, et enfin aux connaissances des collègues de travail. Je me demande s’ils ne vont pas finir par les recruter sur petites annonces.


Lorsque je dîne chez eux, il y a toujours un autre célibataire, paré lui aussi de toutes les qualités imaginables (ma sœur a une âme de maquignon), placé près de moi ou en face de moi à table, toujours par le plus grand des hasards.

Si ma coopération est jugée insuffisante, je peux même avoir droit, à l’occasion du débriefing qui clôture invariablement la soirée, à une discussion d’adulte à adulte où il est beaucoup question de mon horloge biologique et de ma future vieillesse solitaire et misérable.


Nathalie et Louis se sont rencontrés sur les bancs de la fac, et depuis, ils n’ont eu de cesse de tenter de repeupler la France avec leurs modestes moyens.

Trois de leurs rejetons dévastent actuellement l’agencement étudié de mon salon, pendant que le quatrième est en route, alors ils ont du mal à comprendre que le fait d’être célibataire et sans enfant à trente ans ne me conduise pas au bord du suicide dans les délais les plus brefs.


- Bon, il faut que je retourne à la clinique. Ah, encore un détail : ils n’ont pas mangé, je suis sûr que tu t’en sortiras.

- Tatie, je veux des coquillettes et du jambon.


Ma spécialité lorsque je les garde.


À peine la porte fermée, je me jette sur le téléphone.


- Isa, il faut que tu me sauves, Louis vient de me larguer les trois monstres, et si tu ne viens pas immédiatement les garder, mon rendez-vous est à l’eau.

- Ton rendez-vous avec le chirurgien à qui tu en as fait voir de toutes les couleurs ?


Et encore, j’ai passé sous silence les dommages collatéraux dont ses chaussures ont fait les frais le jour de la migraine.


- Je regrette mais c’est impossible, ce soir c’est l’anniversaire de mariage de mes parents, on y est tous. Si je n’y vais pas je serai déshéritée sans préavis. Et puis ne t’inquiète pas, si c’est un type bien, il comprendra certainement.


Oui, ou alors il partira en courant aussi vite que ses jambes pourront le porter.


De toute façon, c’est trop tard pour trouver une autre solution, il vient de sonner. On se précipite tous vers l’entrée, moi plutôt laborieusement à cause des chaussures trop hautes pour moi.

Il faudra que je dise à Nathalie d’interdire aux enfants d’ouvrir la porte sans autorisation.


- Je suis en retard, excusez-moi, c’est difficile de se garer dans votre quartier. Tiens, vous avez des enfants ?

- Non, c’est notre tatie. Elle ne peut pas avoir d’enfant, Maman dit que c’est parce qu’elle sort qu’avec des tocards.


Gracieuse ma sœur, et moi qui m’imaginais que j’avais touché le fond.


Je lui explique en deux mots la situation. Il semble prendre avec le sourire le naufrage de notre soirée. Isa serait d’accord avec moi pour trouver que c’est un type bien.


Il faut moins d’une minute à Lili pour s’installer de plein droit sur ses genoux. Sa mère, qui aime bien développer des théories sur le jugement infaillible des jeunes enfants, serait déjà en train de faire publier les bans si elle pouvait voir ça.

Les jumeaux nous font une démonstration de judo pour essayer de capter l’attention du nouveau venu.


- Et toi, tu en as des enfants ?

- Oui deux garçons et une fille, mais beaucoup plus âgés que vous trois.


Il répond à Julien en me regardant. J’ai le sentiment qu’il guette ma réaction.


J’apprends ainsi qu’il a trois enfants : Gérôme 19 ans, Jean-Marc 18 ans, et Marie 14 ans, et qu’il les élève seul depuis le départ de leur mère. Trois enfants déjà faits, déjà grands, pourquoi pas après tout.

Il a eu les enfants très tôt, alors que leur mère et lui venaient d’attaquer leurs études de médecine. Elle les a arrêtées dès la naissance de Gérôme, et puis les deux autres ont suivi. Lorsque la dernière a été scolarisée, elle est entrée dans une société d’import-export, comme attachée commerciale.

Ses déplacements professionnels sont devenus de plus en plus fréquents. Leur couple n’allait déjà plus aussi bien.


Lorsqu’ils se sont séparés, ils ont décidé d’un commun accord que ce serait lui qui garderait les enfants ; d’abord pendant les voyages de leur mère, et très vite de façon permanente pour leur garantir davantage de stabilité.


- J’ai faim, quand est-ce qu’on mange ?


Je suggère de déboucher le champagne, et de grignoter les toasts que j’ai préparés, en attendant que je mette au point un menu improvisé.

Jean-Luc et moi nous dirigeons de concert vers la cuisine, en emportant nos flûtes, pour inspecter le contenu du réfrigérateur. Aucun espoir de ce côté-là, je me décide donc à exhiber mon impressionnante collection de cartes de livraison à domicile.

J’ai le plus souvent recours au vietnamien du bout de la rue, mais nous optons finalement pour des pizzas, plébiscitées par les enfants.


La logistique du repas assurée, nous passons au salon pour finir le champagne et les toasts. J’en attrape un dans le plat, que je trouve curieusement luisant et plat. Lucien m’éclaire sur l’origine de ce mystère :


- Le dessus des tartines était très bon, mais le pain du dessous est trop mou, alors on l’a laissé. Tu peux le goûter, peut-être que ça va te plaire à toi.


Ils ont méticuleusement léché tous les toasts, un à un, même ceux au beurre de crevettes.


CEUX AU BEURRE DE CREVETTES !


Lili est allergique aux crevettes, la seule fois où elle en a mangé, elle a développé une urticaire monstrueuse. Ma sœur a eu tellement peur que quand elle me les confie ne serait-ce que pour quelques heures, ça fait l’objet d’une mention spéciale inscrite en rouge dans la liste de consignes qu’elle ne manque pas de me remettre en même temps que les enfants.


Jean-Luc est médecin, nous sommes sauvés, je le supplie d’aller chercher sa sacoche et d’intervenir au plus vite.


- Mon domaine, c’est les liftings et la pose de prothèses mammaires, ça relève rarement de la médecine d’urgence. Je n’ai rien pour la soigner, il faut la conduire à l’hôpital tout de suite. Habillez les enfants, pendant ce temps, je vais chercher la voiture.

- On peut pas attendre les pizzas et les manger dans la voiture ?

- Non, on ne peut pas, on s’occupera du repas après.

- Maman elle dit toujours qu’on doit manger à heures fixes.


Je donne à Lucien un paquet de biscuits au chocolat, et il accepte de se mettre en mouvement.

Nous courons jusqu'à la voiture, aussi vite que ces maudites chaussures me le permettent.


Une fois arrivés à l’hôpital, les difficultés s’aplanissent d’elles-mêmes. Jean-Luc a fait une partie de son internat ici, et tout le monde semble le connaître et l’apprécier. Lili est rapidement prise en charge, pendant que les garçons vident le paquet de biscuits au chocolat sur leurs pantalons clairs pour procéder à son partage équitable.

Je détourne les yeux pudiquement. Quand je serai contrainte de relater cette soirée à leur mère, je doute fort que l’état des vêtements des enfants arrive en tête dans la liste des griefs qu’elle ne manquera pas d’être en droit de développer à mon encontre.


Quand on nous rend finalement Lili, hors de danger, il n’est pas loin de minuit. Les enfants sont fatigués et nous aussi. Deux pâtés de maisons plus loin, tout le monde dort sur le siège arrière. Je profite de l’accalmie pour chercher mes clefs.

Je secoue mon sac dans tous les sens, de plus en plus fébrilement, puis j’en vide le contenu sur mes genoux, au bord des larmes.


- Ne me dites rien, vous avez laissé votre trousseau de clefs chez vous, et vous avez claqué la porte ?


Aucune trace d’énervement dans sa voix, pas d’étonnement non plus. Est-ce qu’on s’insurge devant la fatalité ?


- Gérôme dort chez sa copine. Il a un grand lit, nous pourrons installer les enfants dans sa chambre. Vous prendrez la mienne et j’irai dormir sur le canapé du salon.


La sonnerie de mon portable me tire d’un début de dépression. Je réponds vite pour ne pas risquer de réveiller les enfants, c’est Louis :


- Tout s’est bien passé, ta sœur est une pro maintenant. Tu as une nouvelle petite-nièce. Mathilde est un superbe bébé de 3 kg 400, le même poids que Lili à la naissance. Tout se passe bien ?

- Très bien, ils dorment, tout se déroule à merveille. Est-ce que ça t’arrange si je les garde encore demain ?

- J’allais te le demander. Tu es un ange, je ne sais pas ce que nous ferions sans toi.


Je range le contenu de mon sac en évitant soigneusement de croiser le regard de Jean-Luc.


 
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   jaimme   
28/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il y a des ficus qui ont bien de la chance!!! (phrase du jour)

Gastounette la gaffe au pays de la malchance, et ça continue!

Détail technique: en France on ne peut pas déshériter! Ouf!

Un poil en dessous des deux premiers, mais toujours un grand plaisir à savourer.

   nico84   
2/10/2009
 a aimé ce texte 
Bien
La situation merveilleuse qui se détériore minute par minute, ça j'adore. Peut être manque il tes répliques et pensées pertinentes mais cet épisode est encore de bonne qualité. Un vrai désastre en trois épisode mais l'amour a l'air sain et sauf. Bravo encore à NICOLE pour cette imagination.

   LeopoldPartisan   
2/10/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Cela démarre pas mal, mais je ne suis pas surpris. C'est même parfois enlevé, faut pas hésitez à se lâcher, mais cela reste très comédie à la française middle class. C'est un choix que je respecte mais et c'est peut être une qualité, je suis toujours dans une série télé. Pourvu que cela ne tourne pas à Joséphine Ange Gardien, mais plutôt à Miss Little Sunshine.

   Myriam   
4/10/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Les premiers paragraphes sont jubilatoires!!
La "pointe de désordre étudié qui en dit long sur la personnalité raffinée de son occupante."... Excellent!!!!

La suite, catastrophique bien entendu, est plus attendue, dans le style "Bridget Jones" et consœurs, mais c'est tellement bien écrit et si drôle...

   Anonyme   
5/10/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Jubilatoire. Excellent.

"où il est beaucoup question de mon horloge biologique"... beaucoup question ? J'aurais préféré "souvent" ou tout autre chose de tout aussi pince-sans-rire et percutant d'autant que la fin de la phrase est mordante. Il manque ici quelque chose, mais c'est sans doute la faute à ce "beaucoup".
Répétition de garder ici. (les enfants)
"moi plutôt laborieusement à cause des chaussures trop hautes pour moi." la répétition de "moi" est un poil lourde.
"Trois enfants déjà faits, déjà grands, pourquoi pas après tout." J'aurais bien vu des points de suspension après grands.

C'est toujours aussi agréable à lire. Le ton a changé un peu, il est plus doux, en seconde partie, moins caustique.
J'aime bien la façon dont JL annonce à Brigitte qu'il a des enfants.
J'aime les échanges de regards, et la personnalité de Jean-Luc qui commence à se dessiner.

   Anonyme   
8/10/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Super, des trois premiers volets c'est le plus abouti à mes yeux.
J'adore le personnage de JL, la manière dont il prend les choses avec un recul impressionnant.
Et c'te pauv'Nicole qui n'en rate pas une!

Je m'attache donc à ces petits personnages au fil des chapitres.

ça reste dans le ton, ça reste agréable et fluide, ça prend ce tour très humoristco-réaliste qui me plait énormément.

Ensuite, j'apprécie particulièrement le récit du divorce à l'amiable et le coup des crevettes.

La chute est sympa.

Merci Nicole, ça reste un plaisir de lire au compte goute (si, je suis un peu maso... c'est pour ça!) ces petit épisodes amusants et très bien écrits.

   Filipo   
30/10/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quelle patience d'ange, ce chirurgien. Bien amené, la suite de catastrophe, on serre les dents en attendant la suivante avec Brigitte... Les dialogues sont enlevés, reéalistes (bon, c'est un peu du Desperates HWives, mais très très bien fait). Je suis accrroché par le roman.

   Anonyme   
9/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un peu ralentis ce chapitre, je n'aime pas trop le début, un peu ourd, j'ai adoré le ficus, mais l'accumulation de catastrophe a un côté improbable je trouve...

Mais le style est bon, vraiment!

   monlokiana   
15/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ma déception de voir débarquer les enfants ! Le début est très bien fait, on s’attend à ce Jean Luc sonne et que se soit une soirée merveilleuse et ooop les petits monstres débarquent et foutent tout en l’air. La patience de Jean Luc est irritante. C’est incroyable. Va t- il continuer à être si patient, si angélique ? Seule la suite nous le dira. J’ai aimé les dialogues qui sont simples et très vivants. L’écriture est toujours fluide, c’est facile à lire. Je cours lire le suivant.
L’humour est toujours au rendez-vous aussi. J’ai vraiment ri quand elle a ouvert la porte à des personnes qu’elle n’attendait pas du tout. Pauvre Brigitte, la honte alors, à la fin de ce chapitre qui n’est pas mal du tout.
Allez, la suite !

   pierre   
30/6/2012
Commentaire modéré

   carbona   
6/8/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Plus de pep's, plus de tonus, sans doute dus à des phrases plus courtes. Beaucoup d'humour. Une lecture très plaisante !

   cherbiacuespe   
16/4/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Diable, mais c'est un Vaudeville !Tout y est, même la porte dont on a oublié les clefs à l'intérieur. Pauvre Brigitte. Décidément, tout se ligue contre elle, l'improbable aussi !

La constance du style, le rythme effréné, les mots qui claquent (comme la porte), la légèreté de l'atmosphère. C'est tout bon ! Toujours aucune place pour l'ennui, la lassitude. "Elle ne peut pas avoir d’enfant, Maman dit que c’est parce qu’elle sort qu’avec des tocards", ça, c'est la cerise sur le porridge. Excellent !


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