Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Réalisme/Historique
AhmedElMarsao : Aux portes de Melilla
 Publié le 04/09/09  -  11 commentaires  -  22866 caractères  -  103 lectures    Autres textes du même auteur

De jeunes africains (trois Maliens et trois Marocains) attendent la nuit pour franchir clandestinement la frontière espagnole...


Aux portes de Melilla


Nous longions le muret de l’entrepôt désaffecté que nous squattions depuis un mois déjà, lorsque, à travers les grilles qui surmontaient la basse clôture, nous aperçûmes Faty qui se hâtait hors de la cabane de Hicham, en réajustant, autour de sa taille, la ceinture de sa jupe. De toute évidence, elle venait de faire un tour au septième ciel avec Hicham.


- La garce ! marmonna Moussé entre ses dents.


Il nous devança pour la rattraper, d’un pas décidé.


- Cette coquine finira par le perdre, philosopha M’Bo, avec une grande dose d’amertume et un soupçon d’ironie dans la voix.


Roméo morigéna sa Juliette quelques instants puis, il la planta là et tourna ses pas vers la cabane de Hicham. Celui-ci, alerté par les éclats de voix, était sorti sur le seuil. Nous sentîmes alors venir le danger.


- Les amis, j’ai comme l’impression que le spectacle va commencer sans nous. Magnez-vous si vous tenez à être installés aux premières loges, prévint M’Bo.


Nous courûmes, M’Bo, Karim et moi, les rejoindre avant qu’ils n’en viennent aux mains.


- …


Il ne croyait pas si bien dire, ce devin de M’Bo. La tirade préliminaire de Moussé, nous l’avions ratée. Par contre nous eûmes droit en VO à l’intégrale des répliques qui suivirent, dont d’abord celle de Hicham :


- Tire-toi, sale négro ! Veux-tu ?

- C’est ça, Blanche-Neige. Parce que toi, tu te crois blanc ? Écoutez-le ! On dirait qu’il ne s’est jamais regardé dans une glace.

- Et toi quand tu t’y regardes, t’arrive-t-il de remarquer la paire de cornes qui coiffe ta tronche de négro ?

- Tu l’auras voulu, Blanchette ! Tu vas être servi. Après l’entrée, tu dégusteras le plat de résistance : ton cœur et ton foie. Les préfères-tu en brochettes ou en saucisses ? Voici venu le quart d’heure de Rabelais. Prépare-toi à tirer ta révérence.

- Ouais ! J’ai la frousse ! T’es qu’un bouffon. Un nul. Un rien. Un bon à rien. Et même un moins que rien. Je vais te rabattre le caquet.

- Bride ta langue, primate ! Elle est plus rapide que ton poignet. Ne crie pas victoire avant le combat. Attends voir ce que je te réserve.


Verbale jusque-là, l’altercation prit un tour nouveau. Moussé écumait. De toute évidence, les nerfs du black chauffaient à blanc. Avec ses yeux exorbités et injectés de sang, il était sur le point de péter des fusibles. Être traité de « sale négro », il l'accepterait. Mais « cocu », non. Son sang ne fit qu’un tour. Il chargea Hicham, tel un dogue en furie. Celui-ci eut juste le temps de lever le bras droit pour parer la lame du rasoir qui manquant lui lacérer la joue gauche, lui taillada l’avant-bras. À la vue du sang qui avait éclaboussé son pull blanc, Hicham sortit prestement un couteau à son tour et se rua sur Moussé en exécutant une série de moulinets qui déroutèrent la vigilance de son adversaire. Il lui toucha l’extérieur de la main droite. Le visage du Malien se crispa en une grimace horrible. Il lâcha son arme pour serrer sa main blessée. Profitant de cette accalmie, Karim sauta sur Hicham, le plaqua au sol, lui tordit le bras, et le força à desserrer l’emprise sur son arme. Après l’avoir immobilisé, Karim cria à mon adresse :


- Ramasse les couteaux, Tarik ! Dépêche !


M’Bo emmena Moussé vers sa cabane et Karim entraîna Hicham vers la sienne. Pris d’une rage irrépressible, celui-ci se tortillait comme un fou pour se dégager. Vainement. Il était moins costaud. Karim était un expert accompli en arts martiaux. Il avait aussi fait des études de médecine qu’il dut abandonner, faute d’argent à ce qu’il nous avait raconté. Il sortit sa trousse, soigna la blessure de Hicham, lui injecta une seringue et lui banda le bras.


- Reste avec lui pour qu’il ne fasse pas de folie, me chuchota-t-il à l’oreille. Je vais m’occuper de la blessure du Malien.


Dix minutes plus tard, il était de retour.


- Rien de sérieux, affirma-t-il. La lame n’a fait que l’érafler. Entaille superficielle. Elle guérira dans quatre ou cinq jours. Faudra aller se procurer des médicaments tout à l’heure.


Il se tut un moment avant d’ajouter :


- Ce qui urge, c’est de vider cette querelle. L’incident doit être circonscrit avant qu’il dégénère. Le Malien menace de représailles pour venger son honneur. Faut faire quelque chose. Et tout de suite. Viens. Ne perdons pas le temps. On va voir ce qu’on peut faire.


- Fais pas le con, Hicham. Tu attendras notre retour comme un grand.


Quand nous poussâmes la porte de la cabane, M’Bo palabrait avec son compatriote en malien. Ils parlaient tous les deux, en même temps. Personne n’écoutait l’autre. Moussé se tut à notre arrivée et nous dévisagea avec hostilité.

M’Bo nous invita à nous assoir :


- Où est passé Hicham ? Tarik ! Reviens le chercher ! Dis-lui de nous rejoindre.


J’interrogeai Karim du regard. Il me signifia son accord en hochant la tête.


M’Bo était un homme ouvert, généreux, forçant le respect par sa magnanimité et sa grandeur d’âme. Un digne descendant de ces sages comme l'Afrique sait en enfanter. En connexion directe avec l’inspiration, il nous régalait avec des contes, des fables dont il émaillait sa conversation avec beaucoup d’à propos et d’esprit. Il est à sa deuxième tentative pour franchir le Rubicon. La première fois, il avait tenté la traversée sur une patera qui transportait une trentaine de clandestins et s’est retournée juste après avoir été mise à l’eau. Qu’il eût survécu fut un miracle. Il répondait en plaisantant lorsqu’on lui posait la question à ce sujet : « Les poissons sont racistes. Ils n’ont pas voulu de ma chair de sale négro ! ». Sur ses projets lorsqu’il sera de l’autre côté, il restait évasif :


- Il ne faut pas frire le poisson avant de l’avoir pêché, répondait-il en plaisantant.


Hicham me suivit en traînant les pieds. M’Bo palabra pendant une quarantaine de minutes. Lorsque vint le tour des autres, chacun exposa ses griefs et déballa ce qu’il avait sur le cœur. Les agissements de Faty s’accaparèrent l’essentiel de la discussion. Faty était une allumeuse. D’une beauté à couper le souffle, chacune de ses apparitions excitait les ardeurs de la horde de mâles en manque que nous étions. Malgré ce qu’on disait, la coquine n’avait pas une cervelle de dinde. Sa démarche frétillante, ses lèvres pleines, son sourire ravageur, ses yeux aguicheurs, tous ces attributs dont mère nature l’avait dotée, elle savait les mettre en valeur pour semer le trouble autour d’elle. Moussé l’avait emmenée dans ses bagages et croyait avoir des droits sur elle. Mais la fille se souciait fort peu des remontrances et des reproches que celui-ci ne manquait pas de lui faire, à toute occasion. Surtout lorsqu’elle s’absentait. Ce qui lui arrivait fréquemment. Avoir tant d’amoureux autour d’elle comblait son narcissisme de femme qui se savait belle. Elle se souciait fort peu de restreindre le cercle de ses amants à un seul, devinant, à son empressement, le piège où Moussé voulait l’enfermer.

Nous nous mîmes finalement d’accord pour une solution radicale. Extirper le mal à la racine.


M’Bo sortit chercher Faty. Terrorisée par le cours qu’avaient pris les événements, il la trouva blottie comme une chienne battue à même le sol dans un coin de l’entrepôt.

Il l’amena devant nous et l’obligea à s’assoir en nous faisant face.


- Est-ce vrai que tu as couché avec Hicham ? l’interrogea-t-il à brûle-pourpoint quand elle eut mis les fesses à terre.

- …

- Est-ce vrai que tu as couché avec Hicham ? insista M’Bo.

- Oui, lâcha-t-elle enfin, en desserrant à peine les dents.

- Garce ! Vicieuse, va ! hurla Moussa à son encontre.

- Du calme l’ami, intervint M’Bo. Qui d’autre ?


La peur céda le pas à l’insolence :


- Tous ceux qui ont mis le prix. Vous voulez la liste ?

- Dites-moi, ma belle : réalisez-vous ce que vous faites.

- Oui, monsieur M’Bo.

- Non, mademoiselle. J’ai l’impression que non.

- Si, monsieur. Ce n’est pas avec des sentiments que je survivrai, moi.

- Cervelle de piaf que je suis ! Moi qui croyais…


Moussé n’acheva pas sa phrase. Il se leva pour quitter.


- Reste assis, Moussé ! On n’a pas encore terminé, lui ordonna M’Bo. Tu ne vas pas gâcher le reste de tes jours pour une paire de fesses avec des seins ? Si j’ai un conseil à te donner, Moussé, c’est qu’il faut savoir jeter le noyau quand on a mangé le fruit. On dit souvent qu’à quelque chose malheur est bon, n’est-ce pas ? À mon avis, tu dois remercier Hicham parce qu’il vient de te délester d’un boulet encombrant.

Et toi, Hicham, tu dois savoir que les greffes ne prennent pas toujours.

Voilà donc ce que je propose.


Il attendit que Moussé qui était encore debout se rassît puis, d’un geste solennel, se tourna vers Faty :


- C’est l’heure des adieux, ma belle ! L’entends-tu carillonner ? Tu dois quitter le groupe. Immédiatement. Tu ne peux plus rester ici. Tu mets ta vie et celle des autres en danger. Aussi, te demanderai-je de partir sans attendre. Par ailleurs, il n’y aura ni représailles ni vengeance. De quelque côté que ce soit. Enfin, c’est ce qui me semble être bon pour tout le monde. Je me porte garant de Moussé. Qu’en est-il des tiens, Karim ?

- La voix de la sagesse a parlé. Moi aussi, je me porte garant des miens. N’est-ce pas, Hicham ? N’est-ce pas Tarik ?


J’opinai du chef. Hicham baissa la tête, l’air contrit. Il acceptait la trêve, mais ça lui coûtait apparemment de le dire à haute voix. On respecta son attitude où il y avait beaucoup plus d’amour-propre que de réticence.


- Jusque-là, la cohabitation était irréprochable, continua M’Bo après nous avoir dévisagés un à un, posément. Ce n’est pas maintenant que nous allons laisser les cervelles s’échauffer et tirer les couteaux pour une vulgaire histoire de cul.


Karim se tourna vers Hicham :


- Lève-toi et présente tes excuses ! Allez ! Fais un sourire. Des filles, vous en aurez plein les bras tous les deux, lorsque vous serez de l’autre côté. Vous n’aurez que l’embarras du choix.


Hicham s’exécuta. Il donna l’accolade à Moussé qui, pour montrer qu’il acceptait de tourner la page, lui bourra les côtes d’un geste amical.


Ce fut à ce moment qu’on entendit le vrombissement d’une moto qui franchissait l’entrée et s’arrêtait dans la cour de l’entrepôt. Le guide, dit le Rubio, entra en coup de vent.


- Buenos dias, amigos. Je vois que vous êtes en pleine réunion.


Personne ne lui rendit son salut. Les mains sur les hanches, il balaya le groupe du laser de son regard bleu :


- C’est la générale, dites donc. Vous ne chômez pas ! Je ne dérange pas au moins ? Je peux repasser, si vous voulez.


Disert et volubile, dès qu’il ouvrait la bouche, il devenait un vrai moulin à paroles. Impossible de l’arrêter.


- Trêve de civilités, Rubio ! l’apostropha M’Bo, le ton ferme. J’espère que tu apportes de bonnes nouvelles. Moi, je sens des racines me pousser à la plante des pieds. Et les esprits des collègues sont en ébullition.

- Les nouvelles ? Bonnes. Très bonnes. José le Patron vous salue tous. Il m’a téléphoné ce matin. Une affaire de dernière minute l’empêche de venir vous serrer la main.


José venir nous serrer la main ? Il se payait nos têtes, ce gus. Et sans ciller du regard, l’effronté. Que viendrait faire José dans ce coin bourbeux ? Si tant est qu’il existe vraiment, ce José. Il a déjà empoché le fric pour la traversée. Seul Rubio nous rendait visite de temps à autre pour s’assurer que nous étions toujours là.


- Épargne-nous ton bagou creux, l’ami. Et balance l’essentiel, réitéra M’Bo, sèchement.

- L’essentiel ? Il m’envoie vous dire que cette nuit-même vous foulerez le sol espagnol. La traversée est pour ce soir, à minuit. Il s’est assuré que l’équipe des gardes-frontière sera réduite ce soir au minimum. Les gardes tiennent à leur réveillon. Faut profiter de l’aubaine. D’autant plus que la météo annonce qu’il n’y aura pas de pluie ce soir. Je veux deux volontaires pour faire la reconnaissance du terrain. Tarik, Moussé, vous viendrez avec moi. Nous ratisserons la piste et ses alentours pour arracher « las orejas ».

- « Las orejas » ?

- Oui, « las orejas », précisa-t-il, en se pinçant le lobe de l’oreille, entre pouce et index, d’un geste théâtral. « Une oreille », vous ne savez pas ce que c’est ? C’est un micro miniature, enfoui en terre sur les bords des sentiers et qui envoie un signal au poste de surveillance si jamais vous marchez dessus ou à côté. Toute la zone tampon en est truffée. Ce qui fait qu’à la réception du signal, ils savent avec précision où vous êtes. Dans la minute qui suit, ils envoient une patrouille vous cueillir. Vous devez être six, si je ne me trompe. C’est ça ?

- Moins une, rectifia M’Bo. Faty a été exclue du groupe.


Tous les yeux se tournèrent vers la place où était assise Faty. Elle avait disparu en catimini. Depuis l’arrivée de Rubio, nous l’avions délaissée. Elle avait bien choisi son moment pour s’éclipser.


- Bon. Comme vous voulez. Cinq ou six, c’est votre cuisine. D’ailleurs, elle ne m’avait pas encore remis la totalité de la somme convenue. Ce soir donc, vous porterez des vêtements épais, gants et baskets. Vérifiez vos lampes torches. Pas de bagages. Vous atteindrez les barbelés au moment exact que je vous indiquerai. C’est impératif. À minuit précis, José coupera le jus électrique qui traverse le mur de la clôture. Il suffit de savoir éviter avec adresse les pointes coupantes des barbelés et hop ! En un bond, vous vous retrouverez de l’autre côté. Vous devez escalader le grillage au moment que je vous indiquerai. Ni avant ni après. C’est très important. Le temps que le courant soit rétabli, vous aurez déjà traversé. Si vous avez un os, un problème quelconque, semez votre groupe. Pas le temps de jouer les samaritains. Voilà. Je vous laisse vous préparer. Toi Tarik et toi Moussé, venez avec moi tout de suite. On part à la chasse aux « oreilles ».

- Vas-y avec Tarik. Moussé est blessé. Il ne te servira pas à grand-chose.

- Comme vous voulez. Viens, Tarik.


Tapi au milieu des pierrailles et des buissons calcinés du Mont Gourou qu’éclairaient les rayons du soleil couchant, je me surpris parlant à moi-même : « Je sens que cette nuit ça va marcher. C’est ta chance, Tarik. Je le sens. Je me sens déjà là-bas. Bye-bye, Morocco ! À moi, Melilla. À moi Zaragoza. » Le regard tendu vers l’horizon, je voyais distinctement les maisons, les rues, les routes, les voitures qui circulaient. Les néons commençaient déjà à scintiller dans les artères de la cité. Une brume irisée palpitait autour des réverbères. « Il ne faut pas rater l’occasion. Je le sens. La porte de la chance s’entrebâillera tout à l’heure vers minuit et hop ! Je serai de l’autre côté à respirer l’air frais de la délivrance et de la liberté. »


Accroupi à quelques mètres, tel un chasseur à l’affût, Moussé s’impatientait. Il se retourna vers moi :


- Le compte à rebours a commencé, mon pote, chuchota-t-il. On est au bout du tunnel, mon pote.


Je ne sus s’il s’adressait à moi ou s’il monologuait à voix haute.

Dans la demi-pénombre, je vis un large sourire fendre son visage d’ébène. Ses lèvres retroussées découvraient une rangée de dents d’une blancheur éclatante. Il me signifia par un geste qu’il allait revenir et disparut derrière un gros buisson. Je l’entendis se soulager la vessie. J’appris lors de notre retour que, lors de notre absence, il était parti en ville chercher des antibiotiques que Karim lui avait prescrits. Il en profita pour rapporter des bières fraîches qu’il a bues avec Hicham pour sceller leur réconciliation. Moussé a compris finalement que Faty le roulait dans la farine. M’Bo avait raison, reconnut-il. Il en sut gré à Hicham et à M’Bo de lui avoir dessillé les yeux. La fièvre des préparatifs de la traversée avait aussi contribué à tétaniser sa blessure morale.

Il revint en sifflotant doucement.


- Arrête ! Tu vas nous faire repérer, le réprimanda Rubio qui était assis en retrait, derrière nous.


Devant mes yeux, se découpaient dans chacune des tourelles, deux silhouettes figées comme des statues. Était-ce des démons ? Était-ce des esprits ? Je sentais leur mépris, leur hostilité à des centaines de mètres.

J’allumai une dernière cigarette et la gardai soigneusement cachée dans le creux de ma paume.


- Éteins ta clope ! chuchota le Rubio. C’est le moyen le plus sûr de se faire canarder. Tu veux recevoir une balle entre les deux yeux ?


Je m’allongeai sur le dos, mon regard se perdit dans le ciel. Quelques étoiles commençaient à briller là-haut.

La musique des sphères s’était mise à bourdonner dans ma tête depuis ma rencontre avec Señor Javier Reyes, l’été dernier. Il m’aborda à la fin d’un match que nous avions disputé très tôt le matin sur le sable humide de la plage de Martil :


- Écoute-moi attentivement mon petit. Je te propose un aller simple pour une vie toute nouvelle. Ça t’intéresse de jouer dans un club étranger ? Ne me réponds pas tout de suite. Accorde-toi un délai de réflexion. Tu me donneras ta réponse définitive lorsque je te le demanderai.


Il resta sibyllin sur le reste.


Je dus déployer de terribles efforts non seulement pour mettre mes préjugés en état de veille, mais surtout pour surmonter mon dégoût. Et au prix d’une semaine avec lui à l’hôtel à satisfaire sa libido de pédale insatiable, il me dit, la veille de son départ :


- Écoute, petit ! Je dirige à Zaragoza un club de foot qui rame actuellement pour éviter la relégation, faute de joueurs qui en ont dans les jambes. Mes poulains n’ont pas la flamme. Il me faut de la bonne graine. De la vraie graine de champions. J’ai besoin d’un numéro 10, et je suis persuadé que tu en as le profil idéal. Je t’ai longuement observé pendant toute cette semaine et je sais ce que tu as dans les mollets. Je peux te proposer une brique par mois, sans compter les primes. Mais je te préviens au cas où tu te monterais la tête avec des illusions : tu ne joueras ni contre le Barça, ni contre le Real, ni contre la Juve, ni contre Manchester United. Il faut avoir les crampons sur terre, et évoluer au ras du gazon. Tu m’entends ? Tu ne verras pas ta tronche à la télé. Les pom-pom-girls, les ovations des gradins, les oreilles bourdonnantes de clameurs et de chants dans les tribunes en liesse, les caméras qui zooment sur le geste triomphal du battant et l’image qui défile au ralenti sur les écrans les soirs de Coupe d’Europe ou du championnat de la Liga, tout cela, c’est pour les autres. Par contre, tu évolueras sur une pelouse entretenue plutôt que ces terrains galeux qui te torturent les chevilles. Et si tu parviens à faire tes preuves, tu intégreras peut-être la sphère des grands. Qui sait ?

Voilà. Tu prends ou tu laisses ?

- Ok. Ça roule pour moi !


Señor Reyes ne savait pas qu’un stade gazonné était pour moi un Olympe. Il était loin de se douter qu’un dribble ou une talonnade réussis me plongeaient en une ivresse qui en vaut toutes les autres. Filer à droite et à gauche dans un slalom géant, négocier un débordement, effacer un premier défenseur, crocheter un second, et pour finir, d’un tir bien ajusté, canonner la lucarne et voir le soubresaut des filets qui dansent sous l’impact du ballon. Quel orgasme égalerait cette sensation ?

L’ennui, c’est qu’il ne pouvait rien pour m’aider à décrocher un visa. Il ne me prendra en charge qu’une fois que j’aurai franchi la frontière espagnole. Il me conseilla toutefois de prendre contact avec un certain José Alvarez.


- Voici son numéro de téléphone. Tu lui diras que tu es venu de ma part.


J’ai dû vendre le cyber et tout l’équipement informatique qu’il contenait pour allonger les six mille euros qu’exigeait ce José pour la traversée clandestine de la frontière.

Je fus tiré de mon rêve éveillé par la voix de Rubio lorsqu’il ordonna :


- C’est l’heure, amigos ! Avancez ! Et en file indienne. Posez vos pas sur ceux de celui qui vous devance, recommanda-t-il ! Vas-y, Moussé ! C’est toi qui passes en premier. Allez ! Pronto ! Pronto !


Quelques minutes après, j’entendis un bruit sec dont je ne parvins pas à identifier la nature. Il me semblait que c’était un grésillement, mais je n’étais pas sûr. Ou plutôt un claquement ? Peut-être bien. Le bruit provenait du côté des fils barbelés. L’obscurité était totale.


- Allez, Tarik. Descends de ton nuage. C’est ton tour maintenant, m’ordonna M’Bo, à voix basse dix minutes après. Marche droit devant toi !


Je progressai dans l’obscurité et le froid jusqu’au point d’où était venu le bruit. Je sentis mon cœur se serrer lorsque, sous le faisceau lumineux de ma lampe torche, je vis ce qui devait être des lambeaux de chair humaine calcinée. Un pan de tissu était accroché au grillage. Un pull rouge. Je compris que c’était là, devant mes yeux, tout ce qui restait de Moussé. Et voilà : en quelques secondes, un garçon bâti comme un dieu grec avec sa peau d’ébène, sa démarche de félin, la brillance de son sourire franc et engageant, le tout transformé en quelques grammes de cendre méconnaissable. Il m’avait confié une fois qu’il allait contacter en France une troupe de danse africaine qui présente des spectacles de chorégraphie inspirés du folklore africain. Quand il était de bonne humeur, et il l’était souvent, il n’hésitait pas à esquisser devant nos yeux admiratifs quelques-unes des figures de danse de son répertoire personnel :


- Vous verrez ! Vous entendrez parler de moi. Je vais décaper les planches françaises avec des figures dont elles ont perdu la formule.


J’esquissai le premier pas pour m’approcher de la grille. Je commençai à tituber, comme ivre.

Le moteur d’un hélico déchira le silence de la nuit. Il surgit dans l’obscurité, fouillant les ténèbres de son œil de cyclope. Le faisceau puissant de son projecteur balaya l’endroit où se terraient les autres. Suivit le crépitement d’une arme automatique. J’entendis un cri, puis des gémissements. Le vautour d’acier tournoyait à présent au-dessus de nos têtes.


- Rubio ! Où est Rubio ? criait Karim.

- Le traître a mis les voiles. M’Bo est blessé. Dispersez-vous ! C’est une embuscade. Ne restez pas réunis ! Dispersez-vous, bon sang.


Karim gueulait des instructions inutiles que personne n’écoutait plus. Seul l’aveugle instinct de survie commandait les jambes. Les camarades couraient comme des lapins en débandade, changeant chaque fois de direction pour quitter le faisceau du projecteur braqué sur eux. Mais l’éclat blessant et continu de la lumière les happait et ne leur laissait point la chance de l’obscurité.

Deux jeeps surgirent à notre gauche, tous phares allumés. Une dizaine d’énergumènes mirent pied à terre et braquèrent leurs armes sur le groupe. Une voix aboyait :


- Sientad, vosotros ! Sientad ! Los manos detrás la cabeza !


Derrière nous, les freins d’un camion gémirent lugubrement.



Ahmed El Marsaoui, Tanger, juillet 2009


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
4/9/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Il y a tout. Une écriture à la fois fragile et délicieuse de couleurs, d'images, de réalisme. Mais ce n'est pas ici la manière d'écrire que je souligne seulement. Bien plus extraordinaire est l'ambiance de cette nouvelle, elle me rappelle les textes de certains auteurs hispaniques ou italiens qui ne lésinent pas sur la précision du détail, la clarté de l'image, qui donnent à voir un monde d'hommes à la fois émouvant et cruel. Ce n'est pas n'importe quel texte : Aux portes de Melilla est une production rare, de celles, particulières, qu'on verrait bien au rayon littérature en édition de poche. Ma note pour saluer ce beau cadeau d'écriture même si l'on sent l'auteur capable d'être plus précis encore dans le phrasé, et surtout pour dire combien j'ai aimé cette histoire. Cette nouvelle est littéraire. Et c'est exquis.
Merci AhmedElMarsao pour ce partage aux multiples couleurs et pour cette universalité, aussi.

   jaimme   
4/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle sur le drame de notre forteresse européenne. Et qui viendrait de l'autre côté du mur de nos tranquillités! Une rareté donc sur le plan du thème. Et j'y suis très sensible.
J'ai, au départ, été choqué par le registre presque livresque des hommes qui vont de tirade en tirade avant de s'affronter. Décalage entre mon image de l'immigré illettré et ces hommes incongrument cultivés. Mais l'auteur nous rappelle que l'un a fait des études, que l'autre tient un cybercafé... Que ces hommes, même avec une éducation, sont irrésistiblement attirés par notre éden...
Le ton est donc juste et l'histoire, malheureusement, réelle et dramatique. Il a su donner une dimension à ses personnages, une vraie.
J'ai relevé quelques coquilles que je donnerai volontiers à l'auteur en MP.
Ah oui, j'ai beaucoup apprécié le côté "palabre", si étranger aux cultures occidentales.
Merci pour ce texte à la frontière de nos cultures. Si proches.

   Anonyme   
4/9/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
Salam Ahmed ! Superbe ! Que ça soit l'écriture ou cette histoire, une parmi des milliers, toutes aussi horribles et injustes les unes que les autres ! La raison ? Elle tient dans les quelques lignes qui suivent et que j'offre à Moussé, M'Bo, Karim et les autres, tous ceux qui auraient en fait pu les écrire !

Les portes du bonheur

Je n’aime pas vos portes closes
Quand il me faut vivre dehors,
Les barbelés, les miradors
Nés de vos peurs, de vos psychoses.

Je ne viens pas voler vos roses
Mais simplement, c’est là mon tort,
Je fuis la faim, voire la mort,
Qui jalonnaient mes jours moroses.

Je suis l’Afghan qu’on ne veut pas
Ou l’Africain dans bien des cas,
Quoi qu’il en soit, de pauvres types

Que vous jetez, tambours battants,
En oubliant vos grands principes
Ainsi que vos beaux sentiments…


Merci pour ce texte qui décrit si bien la galère quotidienne vécue à nos portes closes ! Amicalement. Alexandre

   Automnale   
4/9/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
"Aux portes de Melilla" est une nouvelle, extraordinairement bien écrite, documentée et sonnant - malheureusement - vrai. Nous ne pouvons, après lecture, oublier ce texte, son univers masculin.

Les mots de l'auteur nous emmènent, sans difficulté aucune, dans un univers âpre, presque terrible. Nous assistons à cette violente bagarre, à cause d'une femme. Comme les personnages, que nous comprenons, nous voudrions réussir, enfin, à franchir le "Rubicon". Nous voudrions tellement que nos rêves, là-bas, au-delà de ce petit bout de Méditerranée, se réalisent. Mais les difficultés sont encore et toujours là, l'horreur reste omni-présente.

Voilà de la grande littérature. Est-ce simplement une nouvelle ? Est-ce le début d'un livre ? Un auteur comme Ahmed El Marsao ne serait pas publié ? Auquel cas, qui pourrait l'être ?

Un regret ? Ne pas pouvoir lire la suite, là, tout de suite, de cette histoire...

Merci, Ahmed.

   Anonyme   
4/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour AhmedElmarsao
Bon... je vais détonner dans le paysage. Oui, c'est une histoire belle et poignante, de plus, les images sont très visuelles et tout s'enchaîne avec facilité mais il reste quelques petites choses, qui pour ma part, ont gêné ma lecture.

Je suis loin d'être une pro, mes avis ne valent que s'ils t'importent, bien entendu et tu n'es même pas obligé de les lire, puisqu'ils ne concernent que l'écriture et mon oreille :

Je n'aime pas trop la répétition de Hicham dans le premier paragraphe, il y avait moyen de ne pas répéter le prénom.

"Il nous devança pour la rattraper, d’un pas décidé." En écrivant : d'un pas décidé, il nous rattrapa... La phrase devient moins chantée mais plus active.

"Roméo morigéna sa Juliette quelques instants puis, il la planta là et tourna ses pas vers la cabane de Hicham" La virgule après "puis" freine l'élan, si le "il" disparaît, c'est plus léger et on s'arrête à cabane, on sait qu'elle est à Hicham (c'est dit quelques lignes plus haut)

"Nous courûmes, M’Bo, Karim et moi, les rejoindre avant qu’ils n’en viennent aux mains." Ici, c'est pareil : M'Bo, karim et moi courûmes les rejoindre avant qu'ils n'en viennent aux mains.
(plus léger, incisif et rapide)

J'aime beaucoup les dialogues qui suivent, comme j'ai apprécié l'histoire en général. Là ce ne sont que suite de petits détails :

De "verbale" jusqu'à "adresse" il y a des "qui" et des "et" qui devraient sauter, ils freinent, à la lecture, la rapidité de la scène parfaitement décrite.
Dans le même paragraphe "à son tour" pourrait sauter.
"se crispa en une grimace horrible" : grimaça horriblement ?

"Lui injecta une seringue" j'aurais préféré : le contenu d'une seringue.

"Le Malien menace de représailles pour venger son honneur." : le Malien "le" menace ?

"Il est à sa deuxième tentative pour franchir le Rubicon." la phrase est poétique, comme beaucoup d'autres dans le texte, mais elle est à mon oreille un peu bancale. "Il en est" peut-être, je ne sais pas, il faudrait la retravailler pour en arriver à enlever ce "pour" pas très joli, pas très rythmique.

"... Ils n’ont voulu de ma chair de sale négro ! ». Est-ce qu'il ne faudrait pas ici un "pas" ou "point" ? Ils n'ont pas, ou point voulu... ?

"Les agissements de Faty s’accaparèrent l’essentiel de la discussion." les agissements de Faty accaparèrent sans le "s' " ?

"Il se leva pour quitter." pour "les" quitter ? ou pour partir. Mais là il manque quelque chose.

"pour une paire de fesses avec des seins ?" oui, mais il devait y avoir moyen de formuler la phrase autrement, là l'image qui s'impose fait sourire et c'est dommage.

"Il attendit que Moussé qui était encore debout se rassît" "qui était encore debout" pourrait, à mon avis, être supprimé.

"Le compte à rebours a commencé, mon pote, chuchota-t-il. On est au bout du tunnel, mon pote." Le second "mon pote" me gêne un peu, et dans le passage précédent, il y a aussi la répétition de "que je vous indiquerai" (je chipote, mais le texte et l'écriture étant bons tous les deux, je me le permets...)

"Il me signifia par un geste" : d'un geste, il me signifia ?

"J’appris lors de notre retour que, lors de notre absence," répétition de lors assez lourde.

"à tétaniser sa blessure morale." peut-être "cicatriser"ou "atténuer" parce que tétaniser, est un peu trop fort et tétaniser une blessure est difficile à concevoir (avis personnel, comme tout le reste de mes remarques)

"me plongeaient en une ivresse qui en vaut toutes les autres." qui en valait ?

"L’ennui, c’est qu’il ne pouvait rien pour m’aider à décrocher un visa." L'ennui c'est qu'il ne pouvait pas m'aider à décrocher un visa ? (suggestion, toujours)

"Il ne me prendra en charge qu’une fois que j’aurai franchi la frontière espagnole." Il ne me prendra en charge qu'une fois franchie la frontière ?

"Posez vos pas sur ceux de celui qui vous devance" : posez vos pas dans ceux de celui qui... ?

Bon voilà, j'ai lu attentivement, peut-être un peu trop attentivement. J'espère que tu ne prendras pas mal toutes ces remarques.
Excellente continuation.

   widjet   
5/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'avoue être un peu décontenancé. J'ai l'impression qu'il s'agit d'une partie de texte (notamment au vue du final). Non pas que ledit texte ne se suffit pas à lui-même, mais on a envie de savoir comment tout ça va finir (c'est plutot bon signe quand le lecteur se pose se genre de question non?).

Sinon, ça se lit comme du petit lait même si j'avoue ne pas vraiment comprendre ce qu'apporte la première partie avec Faty. J'aurai nettement préféré que cette partie là soit sacrifiée au profit d'autre chose (comme des flash back plus développés des rêves de chacun des protagonistes où un travail plus poussé sur l'ambiance, le suspense, l'attente...).

Des regrets donc à ce niveau.

Petite déception sur l'écriture pas toujours fluide ou un peu maladroite (coquillette en a relevé pas mal, j'ajouterais que le ton parfois destabilise, les deux voyous qui causent à la forme interrogative, ça sonne bizarre surtout lorsque cela précède des injures!) même si la lecture ne s'en trouve pas pénalisée.

Au vue des comms, il semblerait que je sois encore à côté de la plaque (j'ai pris l'habitude désormais).

Bon moment malgré tout pour un beau sujet (j'ai tout de suite pensé à la magnifique et bouleversante chanson de Francis Cabrel "African Tour" tirée du dernier album que je te conseille amicalement d'écouter).

Widjet

   Anonyme   
5/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Une histoire superbe, entachée de nombreuses maladresses. Un très bon moment de lecture cependant pour un texte qui donne un peu l'impression d'avoir été bâclé. Comme si l'auteur avait été emporté par sa propre histoire...

Se relire est très important, attentivement, pour éviter ces maladresses qui alourdissent la lecture. Quel dommage !

ce qui ne va pas:

« Celui-ci eut juste le temps de lever le bras droit pour parer la lame du rasoir qui manquant lui lacérer la joue gauche, lui taillada l’avant-bras. »
Soit il manque une virgule entre qui et manquant, soit la virgule après gauche est en trop. Ça gêne la lecture.


"Hicham sortit prestement un couteau à son tour"
au tour du couteau ? L'ordre des mots introduit une confusion.

« Il avait aussi fait des études de médecine qu’il dut abandonner, faute d’argent à ce qu’il nous avait raconté ».
Ici l’idée n’est pas que les études sont faites, mais qu’elles sont entamées puis abandonnées. Faire est un verbe bateau, qu’il est mieux d’essayer d’éviter…

« - Où est passé Hicham ? Tarik ! Reviens le chercher ! Dis-lui de nous rejoindre. »
Tarik est avec le groupe. Hicham est ailleurs. Tarik ne peut pas revenir le chercher. Il peut retourner le chercher. Reviens n’est pas correct dans le contexte.

« En connexion directe avec l’inspiration, il nous régalait avec des contes, des fables dont il émaillait sa conversation avec beaucoup d’à propos et d’esprit. Il est à sa deuxième tentative pour franchir le Rubicon. La première fois, il avait tenté la traversée sur une patera qui transportait une trentaine de clandestins et s’est retournée juste après avoir été mise à l’eau. »
Coquillette a relevé l’absence du « en ». Il y a ici un problème de concordance des temps (présent au lieu d’imparfait et passé simple au lieu de plus que parfait). Je comprends bien l’intention d’insister sur l’action, mais deux fois le même procédé à la suite c’est un peu lourd.

« Les agissements de Faty s’accaparèrent l’essentiel de la discussion »
s’accaparèrent ou accaparèrent ?

Disert et volubile, dès qu’il ouvrait la bouche, il devenait un vrai moulin à paroles. Impossible de l’arrêter.
Si l’intention est de signifier qu’il devient un moulin à parole dès qu’il ouvre la bouche parce qu’il est disert et volubile, la virgule après bouche est en trop.

« J’appris lors de notre retour que, lors de notre absence, il était parti en ville chercher des antibiotiques que Karim lui avait prescrits »
une répétition de lors tellement facile à éviter… par un pendant par exemple.
« Il en profita pour rapporter des bières fraîches qu’il a bues avec Hicham pour sceller leur réconciliation. Moussé a compris finalement que Faty le roulait dans la farine. M’Bo avait raison, reconnut-il. Il en sut gré à Hicham et à M’Bo de lui avoir dessillé les yeux. »
Il y a un problème de concordance des temps dans ce passage : Moussé avait compris et c’est pour ça qu’il s’est réconcilié…Comme il a rapporté les bières avant de les boire, qu’il but avec Hicham aurait été plus correct.

« Était-ce des démons ? Était-ce des esprits ? »
Ceci est correct dans un registre de langage familier. Mais dans le texte le registre de langage est régulièrement soutenu, étaient-ce aurait évité ce changement de registre.

« me plongeaient en une ivresse qui en vaut toutes les autres ».
La phrase n’est pas correcte. me plongeaient dans une ivresse qui valait bien… de nouveau on pouvait éviter la répétition du « en » par une relecture attentive.

« Il me semblait que c’était un grésillement, mais je n’étais pas sûr. Ou plutôt un claquement ? »
Je n’en étais pas sûr ?

Pour le fond, je me pose une question : utilise-t-on la haute tension pour protéger les frontières ? Si oui c’est criminel. Ceci dit la haute tension ne déchiquète pas les corps, ne mets pas des lambeaux de chair. Un corps en contact se consume, se racrapote, se transforme en charbon de bois, en perdant du volume. Pas de lambeaux, pas de cendres. Ceci pour le détail de vraisemblance.

Alors il reste un immense plaisir à lire et une grande tristesse que cette histoire exceptionnelle n’ait pas reçu le soin qu’elle méritait. Il y a des passages somptueux, une façon de mener le récit que j’aime beaucoup, et avec un peu de travail ce texte aurait été un des meilleurs que j’aie lu.

Impossible de le noter aussi haut que j'aurais voulu... Il est exceptionnel pour son histoire et la beauté de la naration, il est très faible pour les approximation et les erreurs dues à un manque de relecture. Alors, au milieu.

   Selenim   
22/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Début un peu confis, beaucoup de perso à assimiler
Un texte sur un sujet fort qui est desservit par une écriture trop convenue

Dès le début, il y a une foultitude de personnage, impossible de s'accrocher à un en particulier, ils n'ont rien de spécial qui les caractérise. il aurait fallut au moins un détail physique, un accessoire vestimentaire, un tic gestuel pour pouvoir les différencier.

Vient le premier dialogue, plutôt bancal.
- Tire-toi, sale négro ! Veux-tu ?
Le "veux-tu" paraît sortir de la bouche d'un marquis soumettant son fils à une question.

Les phrases interrogatives avec sujets inversés paraissent complètement déplacées dans ce genre de situation animé par la rage. L'emploi d'expressions toutes faites comme "jamais regardé dans la glace", "je vais te rabattre le caquet" et autres "Blanche-neige" jurent un brin avec l'effet "marquis".
Et malheureusement, ce n'est pas un fait isolé.

J'ai noté, pelle-mêle, un florilège de phrases toutes faites, comme si l'auteur, tellement concentré sur son intrigue n'arrivait pas à imaginer autre chose que ces expressions intégrées dans l'inconscient collectif :

avec ses yeux exorbités et injectés de sang, il était sur le point de péter des fusibles.
Son sang ne fit qu’un tour
D’une beauté à couper le souffle
il la trouva blottie comme une chienne battue
l’interrogea-t-il à brûle-pourpoint
ne rangée de dents d’une blancheur éclatante
Faty le roulait dans la farine

La fin est expédiée, la digression sur le foot tombe à plat car intégrée à l'histoire et surtout au mauvais moment.

Un récit pavé de bonnes intentions mais empli de maladresses.

Dommage

Selenim

   florilange   
20/10/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'avais noté toutes les "incorrections" de style que je ne répéterai pas puisque les précédents commentaires les reprennent.
Personnellement, je ne supprimerais pas le passage concernant Faty & la bagarre qui s'ensuit. Je la trouve révélatrice de bien des caractères à la fois masculins & universels, au milieu de ces circonstances pourtant spéciales. Le fait qu'1 gars considère 1 femme comme sa propriété. Le fait qu'1 femme, qui a 1 aventure avec 1 autre homme que son "régulier" soit immédiatement 1 salope & autres noms d'oiseaux flatteurs. Le fait, bien souligné, qu'il ne faut pas mêler 1 femme aux affaires d'hommes, c'est toujours elle qui fait tout foirer. Le fait que la femme sait bien qu'elle dispose d'atouts dont elle devra savoir jouer car pour elle, les choses se passeront différemment. Par ailleurs, ces palabres si raisonnables & bien africaines, sont bien décrites.
Beaucoup aimé ce récit passionnant à + d'1 titre. Moi aussi, j'aimerais que ce récit fasse partie d'1 roman, afin qu'on connaisse la suite. Mais il faudra le relire & le corriger.
Merci de cette belle lecture,
Florilange.

   guanaco   
13/2/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Comme le disent certains de mes camarades, l'histoire et l'idée sont excellentes mais c'est l'écriture qui coince. Tout a été relevé et dit à ce sujet, je n'y reviendrais pas: décalage dans les niveaux de langues, constructions, entrée en matière...
En revanche, comme je le disais, c'est une histoire à dimension humaine avec 2 aspects que tu traites avec 2 optiques différentes: la première en micro avec les relations entre les personnages autour d'une banale histoire de "fesses"; la seconde en macro avec le drame que vivent les immigrés clandestins pour aller trouver l'Eldorado européen, un drame qui ne fait la une des journaux que lorsqu'on trouve des cadavres sur les plages des Canaries par exemple!
C'est un thème que tu ne dois pas lâcher mais peut-être tout simplement retravailler. Et si l'un d'entre eux avait réussi... Allez, propose nous son histoire!
Merci pour ton texte.
Guanaco.
NB: une dernière chose. Etant de langue espagnole, je suis obligé de relever les erreurs de la phrase prononcée par les policiers espagnols: "¡Sentaos! ¡Las manos en la cabeza!" par exemple.

   Mellipheme   
9/3/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Belle histoire, prenante, bien construite mais pas très bien écrite.
Les commentateurs précédents ont dit l'essentiel. Merci d'avoir ouvert l'espace littéraire à ces personnes qui viennent chaque jour buter sur les barrières de notre confort.


Oniris Copyright © 2007-2023