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Horreur/Épouvante
AimeeHell : Celui qui va à la chasse perd sa place
 Publié le 04/09/13  -  5 commentaires  -  11042 caractères  -  297 lectures    Autres textes du même auteur

Pour ceux qui aiment les plats qui se mangent froids.


Celui qui va à la chasse perd sa place


Cette histoire se déroule dans une forêt, une forêt où il fait très sombre, puisque c’est présentement la nuit. En ce qui concerne l’emplacement de celle-ci, il n’a pas besoin d’être précisé, disons seulement qu’il y a une grande variété d’arbres, tels que des bouleaux, des frênes, des épinettes ainsi que des érables à sucre. C’est une région où les nuits sont fraîches au moins les trois quarts de l’année, et justement, celle-ci requiert de porter une petite laine si on désire veiller dehors. J’espère que vous avez la vôtre. Maintenant que vos yeux se sont habitués à l’obscurité, portez une attention particulière à ce qui se trouve autour de vous. Y voyez-vous quelque chose d’anormal ? Non, bien entendu… Mais pourtant elle est là, juste sous vos yeux. Elle se tient, immobile, sur ses quatre pattes, ses coudes sont fléchis et son menton touche presque le sol. Son regard sombre est immobile, elle a vu quelque chose. Et hop ! Elle bondit, et avant même que vous n’ayez remarqué quoi que ce soit, vous apercevez l’éclat de ses petites dents blanches qui se referment sur la gorge du raton laveur, sans qu’un seul son ait perturbé le calme de la forêt. Ses mains de gamine examinent à tâtons le visage de l’animal, trouvent enfin ce qu’elles cherchent et avec leurs ongles pointus extraient délicatement les yeux de la bête. Toutes les petites filles aiment ce qui brille, au fond, elle n’est pas si différente. Elle a même un nom, Charlie, c’est juste qu’elle l’a oublié.


Sous les étoiles qui donnent une jolie teinte bleutée à cet univers sauvage, pendant toute la nuit nous observons la fillette chasser son gibier. Il faut dire qu’elle raffole de la viande crue, elle qui a si longtemps été forcée de se nourrir d’insectes. Maintenant elle ne les chasse plus, sauf pour le plaisir de les entendre craquer entre ses doigts. Elle préfère de loin les petits mammifères, elle adore l’odeur, la couleur, mais surtout le goût du sang. Elle ne connaît aucune autre existence, elle ne réfléchit pas, elle n’est guidée que par un seul désir, celui de s’alimenter. La faim. Cette faim qui la tiraille jour et nuit. Une faim de viande fraîche, mais aussi de vie. De par vos yeux fatigués, j’en déduis que la nuit tire à sa fin. En effet, le soleil réchauffe déjà une bande à l’horizon. La rosée, ayant couvert le sol spongieux et vert, de son humidité fait frissonner la petite fille. Allez, il est temps de se mettre au lit. De toute façon, Charlie n’aime pas le jour. Elle ne se sent chez elle que dans l’obscurité, celle-ci lui apportant réconfort et sécurité, comblant un vide qu’elle ne peut identifier.


Elle est si jolie, la gamine endormie, malgré la terre qui colle à sa peau, ses cheveux entremêlés et le sang séché sur son visage. Comme il est dommage de savoir qu’elle se fera tirer si brusquement du sommeil, et ce, d’une seconde à l’autre ! Et voilà ! Un grand bruit, comme un coup de tonnerre. Ses petits yeux s’ouvrent, puis se referment. Mais il insiste ce bruit ! Elle ouvre ses yeux de nouveau. Rampante, elle s’approche de l’ouverture de sa tanière. Le soleil lui fait mal, elle est éblouie. Et puis, non loin de là, elle aperçoit une bête énorme, agonisante, couchée sur le flanc. Un orignal. Son aversion envers les jours ensoleillés s’envole momentanément face à cette vue alléchante. Elle s’approche, ne réalisant pas l’étrangeté de la scène et plante ses dents dans la gorge de l’animal qui l’éjecte d’un puissant coup de tête. Elle lâche un grognement et se jette de nouveau sur la bête en prenant soin cette fois-ci de la tenir bien serrée. Pendant qu’elle s’abreuve de ce liquide vital, elle fixe les deux perles noires et scintillantes balayées par les paupières de l’orignal se disant, sans vraiment y mettre des mots, qu’elles sont vraiment les plus belles qu’elle n’ait jamais vues. Cette contemplation est de brève durée puisque soudain, une silhouette projette son ombre sur l’animal et la fillette. Un homme se tient debout devant elle, le premier qu’elle ait le souvenir d’avoir vu. Vous remarquerez qu’il s’agit d’une personne plutôt âgée. L’homme tente vainement de communiquer avec la petite fille, mais ses mots ne signifient rien pour elle, pas même lorsqu’il prononce son nom. Le tout se déroule en peu de temps, car Charlie a déjà déguerpi, tellement vite que le chasseur abasourdi ne réussira pas à retrouver sa trace. Du moins, pas aujourd’hui.


Lorsque vous arrivez, la nuit est déjà tombée et Charlie est occupée à sa besogne habituelle. Elle ne pense déjà plus à ce qui est arrivé cet après-midi, trop captivée à suivre la piste d’un lièvre depuis plusieurs minutes. Elle ne remarque pas non plus les petits gâteaux colorés dans leur emballage qui traînent ici et là dans la forêt. Les sucreries ne sont d’aucun attrait pour elle. Meilleure chance la prochaine fois ! Et vous, je vous conseille de revenir dans trois ou quatre jours, à ce moment-là, il y aura de l’action !


Même les vieux renards peuvent faire preuve de ruse. Vous êtes de retour pour le constater. Pendant votre absence, le chasseur a pris soin d’observer les habitudes de la petite fille à son insu. Il n’a pas mis de temps à comprendre que cette dernière ne se nourrissait que de viande fraîche. Pourquoi n’a-t-il pas alerté les autorités me demandez-vous ? Vous comprendrez bien assez tôt. Il est très tard et en temps normal, Charlie aurait déjà dévoré deux ou trois bestioles, alors que ce soir, elle n’a rien trouvé. Regardez, la voilà. À peine distinguable des buissons sombres, elle se tient en alerte, à l’affût du plus subtil des bruits dénonçant la présence d’un animal. Affamée, elle émet un petit grognement sourd témoignant de son insatisfaction. Elle se retourne vivement, et se met en course, toujours à quatre pattes, elle a décelé quelque chose. Sa piste la mène à une clairière. Le ciel, présentement dégagé, lui permet d’observer de loin le porc-épic qui se trouve au beau milieu du terrain dégarni. Avant de s’élancer, elle hésite un peu, craignant de se retrouver en dehors de la protection des arbres de la forêt, mais la faim, trop forte, la pousse à y aller. À mi-chemin, le sol se dérobe soudainement sous ses pieds et elle tombe dans une fosse. Une fosse qui n’était pas là avant ce soir. Quelques heures plus tard, après de multiples tentatives de s’échapper, le haut du trou se referme, plongeant la petite fille dans l’obscurité la plus totale. Elle sent que tout bouge autour d’elle, mais ne comprend pas. De l’extérieur, on peut voir qu’il s’agissait en fait d’une sorte de boîte que l’homme avait enterrée, et qu’il est maintenant en train de sortir de la terre avec la fillette à l’intérieur. Pour la sauver, pensez-vous. Vous serez déçus.


L’homme réussit à charger la boîte dans son camion et il entreprend d’amener la fillette à sa maison. En chemin, le monsieur sifflote des mélodies pour exprimer sa joie. Il est très heureux. Vous, vous ne pouvez pas savoir pourquoi, vous n’étiez pas là, alors laissez-moi vous expliquer. Le vieil homme est très surpris de revoir la fillette, car il croyait l’avoir perdue il y a de ça longtemps. Il ne s’attendait pas à la voir et il considère cela comme un beau cadeau. C’est pour lui un très grand avantage que tous la croient morte. Lui-même en aurait mis sa main au feu, jusqu’à ce qu’il l’aperçoive l’autre jour dans les bois. Il se demande comment elle a pu survivre. Lorsqu’il l’a vue la dernière fois, son cœur ne battait presque plus et sa vie ne tenait qu’à un fil… Puisque nous sommes au beau milieu de la nuit, en arrivant chez lui, le vieil homme décide de laisser la boîte chargée sur le camion et de s’en occuper le lendemain. De toute façon, celle-ci est verrouillée, il n’y a donc aucune chance que la petite lui échappe de nouveau. Il rentre donc à la maison, tout pimpant comme à ses vingt ans, ou même, comme un gamin à la veille de Noël.


Voilà où nous en sommes maintenant. Vous commencez peut-être à comprendre qu’il n’est pas très net, cet homme. Alors qu’est-ce que vous allez faire ? Allez-vous laisser la fillette dans une si fâcheuse position ? Regardez, les clés de la voiture sont sur le contact, je parie que celle de la boîte y est aussi. Allons, ouvrez la porte. Ouvrez-la.


Dans la fenêtre ouverte sur une nuit noire depuis que la lune s’en est allée, se tient une petite fille. Elle fixe le vieil homme couché dans le lit de ses yeux félins. Celui-ci, d’abord surpris par l’évasion de la fillette, se dit finalement que c’est très bien comme ça. « Viens par ici, ma jolie », lui murmure-t-il, un brin d’excitation dans la voix. Aussitôt la petite s’élance et le rejoint en un bond. Chevauchant le vieillard, elle plante son regard dans le sien et sourit de toutes ses dents. Mais ce n’est pas elle qui le regarde, c’est moi. Le sourire complice qui naissait sur les lèvres de l’homme se fane aussitôt et alors, il voit. Il voit que la fillette n’est plus humaine, qu’il y a quelque chose à l’intérieur avec elle. Il me voit. Son regard s’agrandit de stupeur et je pense : « Ils sont à toi, Charlie. »


L’homme reprend connaissance. Il souffre. Il ne voit plus. Il sent que son visage est détrempé. Du sang. Il connaît très bien cette odeur, cette texture. La chambre est silencieuse, il cherche des mains un repère pour se relever, sent quelque chose le clouer au lit, quelque chose de très petit mais d’une puissance surhumaine. « Mon Dieu, non ! » se plaint-il et moi de répondre dans un souffle brûlant : « Ton dieu n’est présent en aucun lieu où je me trouve. » Charlie, qui n’a toujours pas contenté sa faim, regarde ce corps allongé avec appétit. Elle ne se souvient pas, mais elle est déjà venue ici, sauf que cette fois, ce n’est pas elle qui le supplie. À cet instant, vous fermez les yeux pour ne pas voir ce qui arrive alors qu’un hurlement atroce déchire la nuit. Je laisse la petite se délecter de la chair juteuse de sa proie et lorsque je vois la vie s’échapper par la bouche de l’homme devenu inerte, au moment de prendre son âme, de me nourrir, je décide finalement de m’en servir pour autre chose.


Les gens du village, qui s’inquiétaient de ne pas avoir vu monsieur Robitaille depuis plusieurs jours, envoyèrent la police pour vérifier que tout allait bien. Même si l’homme d’âge avancé avait un côté antisocial et préférait vivre en retrait, il allait faire ses courses toutes les deux semaines et était bien connu des propriétaires du marché. Bien entendu, ils ne trouvèrent aucune trace de monsieur Robitaille ce jour-là, ni jamais d’ailleurs, mais ne repartirent pas bredouilles de leur visite dans les bois. À la place du vieil homme, les policiers retrouvèrent une petite fille disparue depuis six ans. C’était, selon eux, un vrai miracle. La fillette était amaigrie et en état de déshydratation avancée, mais bien vivante. Charlie avait perdu tout souvenir de ses années passées dans la forêt et n’avait donc aucune séquelle des évènements qu’elle avait subis. Ses parents disent qu’on dirait une nouvelle petite fille, mais elle est heureuse.


 
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   Anonyme   
22/8/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'aime assez la manière détournée dont vous racontez l'histoire, l'événement traumatique (le viol par monsieur Robitaille, si j'ai bien compris) qui l'a jetée dans la forêt ; d'ordinaire, ce genre d'astuce narrative, de prendre le lecteur à témoin, m'agace, mais là je trouve que ça fonctionne.
Deux bémols sur l'intrigue toutefois :
- si monsieur Robitaille avait renoncé à trouver la fillette, comment se fait-il qu'il ait aussi vite relevé son piège ? (Piège qui, d'ailleurs, ne doit pas être commode à relever : sortir une boîte enterrée de la terre avec dedans une gamine qui s'agite, ça ne doit franchement pas être pratique...)
- l'évasion de la petite, même aidée par le démon qui la possède ; ou alors il peut avoir hors d'elle une existence physique et manœuvrer des clés ? Vous ne le précisez pas.

La fin me déçoit un peu. Le démon se montre bien charitable ! Mais sinon, l'histoire est sympa, pour moi, dans le genre horrifique.

"Pourquoi n’a-t-il pas alerté les autorités me demandez-vous ? Vous comprendrez bien assez tôt" : ça, ça inquiète d'emblée, je trouve. Bien vu.

   Pepito   
4/9/2013
Bonjour Aimme Hell,

Forme : j'ai trouvé une amélioration % au dernier opus.
Quelques petits couacs à mon gout :
- "c’est juste qu’elle l’a oublié" pourquoi pas : elle l'a juste oublié
- "elle ne les chasse plus" le mot chasse pour des insectes ne semble pas approprié et fait répétition avec un autre "chasse"
- "Mais il insiste ce bruit !" pour des coups de feu "insiste" donne plutôt une impression de durée
- et bien sûr l'emploi de "présentement" qui me rappelle irrémédiablement un sketch de mon enfance.

S'adresser directement au lecteur est pas mal, dans ce cas, mais un peu trop insistant à mon gout.

Fond : bien vu le déroulement : de l'enfant sauvage et de son sauveteur on passe à la gamine enlevée et à son kidnappeur et ensuite à la fille possédée. Vraiment bien amené.

Quelque bémols :
- le narrateur devait donc se nourrir d’âmes d'animaux, peut être préciser qu'elles en ont une (ce n'est pas communément admit ;=)
- pourquoi échanger une petite fille dégourdie contre un vieux aveugle à moitié grignoté ? Pour faire un épouvantail ?
- préférer un filet (dont on peut s'échapper) à une boite pas facile à enterrer

Voilou, voilou, en tout cas une bonne lecture je vous en remercie.

Ha, et j'ai bien aimé le titre aussi.

Bonne continuation.

Pepito

   David   
6/9/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour AimerHell,

Ça m'a plu ce discours direct, cette façon de prendre à partie son lecteur et même de le mêler au récit. C'est étrange au début, je me demandais si j'allais me laisser faire ou pas, mais le rythme m'a tenu en haleine, l'histoire avançait en gardant une part de mystère malgré les révélations successives. L'expression du titre pourrait être présentée avec plus de fluidité il me me semble, le proverbe dit je crois "qui part à la chasse perd sa place", il aurait été possible de se dispenser du "celui" sans perdre le lien. Peut-être est-ce pour préciser que c'est ce "monsieur Robitaille" qui va "perdre sa place" parmi les vivants, et même parmi les âmes non damnées, si j'ai bien compris qui pouvait être la mystérieuse narratrice.

   bigornette   
23/4/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je viens de lire Celui qui va à la chasse perd sa place, longtemps après les autres, ce qui n'empêche pas de faire mon petit commentaire, moi aussi. La façon dont vous interpellez le lecteur m'a énormément plu. J'étais dubitatif au début, puis j'ai été séduit, jusqu'à cette phrase : "Vous commencez peut-être à comprendre qu’il n’est pas très net, cet homme. Alors qu’est-ce que vous allez faire ? Allez-vous laisser la fillette dans une si fâcheuse position ? Regardez, les clés de la voiture sont sur le contact, je parie que celle de la boîte y est aussi. Allons, ouvrez la porte. Ouvrez-la." Alors là, comment vous dire... j'ai trouvé ça tout simplement génial. Puis intervient un nouveau personnage, ce "je" qui parle. Un démon sûrement... J'ai été tellement déçu que le démon ne soit pas le lecteur, le "vous" du début, que je vous en ai presque voulu ;) J'aurais en effet trouvé magistral que le lecteur soit le démon qui possède la petite fille. Je ne sais pas ce que vous en pensez. En tout cas merci pour cette nouvelle.

   aphel   
2/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
alors que dire... il y a tout ce qui devrait me déplaire...
mais... oui mais!
ben ça me plais vraiment. s'adresser directement au lecteur, exploser le 4e mur est un exercice particulièrement difficile qui généralement est plus énervant qu'autre chose, surtout lorsque c'est, comme ici, continuel. Mais là, le rythme de l'histoire, le glissement narratif et surtout ce deus ex machina génial en nous utilisant, bravo!


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