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Réalisme/Historique
aldenor : Batroun
 Publié le 10/05/09  -  7 commentaires  -  35068 caractères  -  101 lectures    Autres textes du même auteur

La petite maison de Nestor Sinalco à Batroun, sur la côte libanaise, jouxte les restes du château croisé où vivait autrefois Lucie du Boutron…


Batroun


1



Tout le beau monde du comté de Triple, dignitaires, chevaliers, dames et seigneurs, se presse dans l’église de Notre Dame de la Mer décorée de cyclamens et de draperies mauves pour les funérailles de Guillaume Dorel, seigneur du Boutron.

En place d’honneur sur quatre grands fauteuils de velours rouge, dans un no man’s land entre les rangées de bancs et l’autel, Hue, seigneur du fief voisin de Giblet, Stéphanie de Milly, la veuve, Lucie, fille de Guillaume d’un premier mariage, seule héritière du château du Boutron et le comte de Triple Raymond III, privés de repères visuels, se laissent guider pour savoir quand se lever et se rasseoir par le raclement des souliers de l’assistance contre les dalles.

Au milieu de la messe, observant de biais les apartés inconvenants de Stéphanie avec Hue, l’œil de Lucie tombe sur une partie de l'assistance : ils sont debout tandis qu’elle et ses voisins sont assis !

Elle se lève aussitôt. Le comte l’imite prestement. Puis Hue, qui dit à Stéphanie « Lève-toi, lève-toi ».

Une fois debout, Lucie analyse la chose et en vient à la conclusion qu’ils ont dû tout faire à contresens depuis le début, s’asseyant quand il fallait se lever et vice versa, et sent un fou rire la gagner, qu’elle combat comme elle peut, en se mordant la lèvre inférieure, se pinçant le nez, roulant les yeux dans tous les sens, rien à faire, quelques gloussements lui échappent. Le comte lui tapote sévèrement l’épaule en disant :


- Pas de pleurnicherie !


Cependant, comme un hoquet de rire part de sa gorge, Lucie panique, se cache sous la cape de Raymond III effaré et aperçoit par la fente, sous l’aisselle odoriférante du comte, l’évêque de Triple officiant la messe, également effaré, et juste à deux pas, le cercueil en bois roux, immobile contre le marbre à motifs géométriques. Son père aimait à lui dire : « Ma Lucie, ma lumière. »



* * *



La petite maison que Nestor Sinalco a héritée d’une lointaine tante Grace jouxte les restes du château des Dorel, dans la vieille ville de Batroun, le Boutron du temps des États latins d’Orient, sur la côte libanaise, à une trentaine de kilomètres de Tripoli, autrefois Triple. Il vient de passer sa première nuit dans sa nouvelle maison et le voici dans son jardin sur une chaise longue à l’ombre d’un grand yucca, doublé d’un chapeau de paille, bien enfoncé sur son crâne à la peau sensible et au cheveu chétif, rare et vaporeux, feuilletant d’un doigt songeur un tome de l’Histoire des croisades de Guillaume de Tyr et de ses continuateurs.


Tiens donc, voilà qu’il y est question d’un seigneur du Boutron : Guillaume Dorel. Mort en 1180. Sa veuve Stéphanie épouse Hue, seigneur de Giblet. Sa fille Lucie dont on évoque la beauté, le naturel rêveur, hérite du vaste fief où les Dorel, une famille provençale, sont établis depuis trois générations…

Nestor s’étire sur sa chaise longue et se prend à fantasmer sur cette Lucie du Boutron qui devait mouvoir ses formes gracieuses par ici, dans ce jardin - à l’époque c’était peut-être une oliveraie en bordure du château - passer devant lui, à portée de sa main ; puis elle coupait à travers le yucca. Avec une machine à effacer le temps il la rencontrerait ; elle croirait s’asseoir sous un olivier mais il sortirait sa gomme magique et hop ! la demoiselle se trouverait sur ses genoux sur la chaise longue. Elle dirait : « Cette chaise est-elle assez solide pour supporter nos deux poids ? » Ou bien : « C’est quoi cet arbre ? Je n’en ai jamais vu de pareil ; utilisez-vous ses feuilles en guise d’épées ? »


- Ho !


Ho ?


- Ho ! Nous habitons au bout de la rue ! Félicitation pour ta maison ! On t’amène ce porte-parapluie pour te souhaiter la bienvenue !


Nestor pose son livre sur les autres tomes de l’Histoire des croisades empilés auprès de lui sur le gazon ; un couple jovial vient de pénétrer dans le jardin.


- Ah c’est gentil ça… grimace-t-il en ajustant ses petites lunettes rondes et allant à leur rencontre.

- Nous sommes ravis d’avoir un nouveau partenaire pour nos parties de « quatorze » !

- Euh.

- Tu joues aux cartes quand même ?

- C'est-à-dire que je me suis intéressé un temps au bridge, j’ai lu des livres d’initiation, mais je n’ai jamais joué avec des partenaires.

- Tu entends ça Farfoura ? Il joue aux cartes dans les livres ! Ces citadins m’épateront toujours !


Intellectuel jusqu’au bout de ses ongles mal curés, il n’y a pas qu’aux cartes que Nestor joue dans les livres, tout son monde est dans les livres, dans les constructions de l’esprit. Les humains en chair et en os le mettent mal à l’aise, il ne sait pas trop ce qui se cache sous la façade, ce qu’ils lui veulent. Tout est tellement plus simple dans les livres ; les personnages ont une histoire, on sait ce qu’ils pensent, leurs actions ont des mobiles, ils n’attendent rien de vous, ils ne viennent pas vous offrir des porte-parapluies.



* * *



Gérard de Ridefort, un chevalier flamand à qui Raymond III avait promis le mariage qui lui plairait dans sa seigneurie, débarque au lendemain des funérailles de Guillaume dans la salle d’escrime du château Saint Gilles, où le comte est en train de répéter une botte secrète contre un mannequin moustachu au regard féroce, attifé à l’orientale et brandissant un sabre au garde à vous :


- Raymond, mon choix est fait, lui annonce le chevalier. Ce sera la frêle Lucie du Boutron aux yeux rêveurs.

- Cette toquée ? Accordée mon cher ! fait le comte en embrochant son mamelouk.


Cependant, le soir même survient Plivain, un riche marchand arrivé de Pise qui demande à son tour à Raymond III la main de sa vassale... en échange de son poids en or. Le comte se frotte la pointe du nez qu’il a en bec d’aigle ; il a donné sa parole au chevalier, mais…


- Accordata mio caro ! cède-t-il, incapable de résister à l’attrait du métal jaune.



* * *



En se débarrassant du porte-parapluie dans une soupente, Nestor découvre un pendentif portant une inscription en caractères phéniciens qu’il s’amuse à déchiffrer à l’aide d’une table de correspondances en caractères latins :

TRQ LTM QBR T< BL

Il n’y a pas de voyelles dans l’alphabet phénicien ; BL pourrait donc être le Dieu Baal. La science de Nestor s’arrête là. Il range le pendentif dans un tiroir.



2



La maisonnette délabrée que lui a laissée tante Grace se trouve au beau milieu du vieux quartier en pierres de sable de Batroun où les habitations sont toutes imbriquées les unes dans les autres. Pas du tout ce à quoi aspirait Nestor, épris des coins sauvages, retranchés, de ces hors du monde de la montagne libanaise, comme cette saillie surplombant les gorges vertigineuses de la vallée de la Qadisha sur laquelle un ermite cultivait ses laitues. L’ermite avait dit à Nestor qui ne lui demandait rien :


- J’ai fait vœu de silence.

Le cadre aurait pu convenir, mais comme s’en était abondamment plaint le pauvre ermite, les escaliers récemment bâtis sur la falaise permettaient à n’importe quel gêneur, sous-entendu de l’espèce de son interlocuteur, d’accéder à sa retraite, autrefois imprenable.

Nestor en avait retiré l’enseignement qu’on n’est sûr d’avoir la paix nulle part. Et comme de toute manière on risque de rencontrer des serpents, dont il a une sacrée phobie, dans ces coins, il s’était résolu à retaper la maison de sa tante, qui se trouve à proximité des restes d’un château croisé, lui-même construit sur les ruines d’une citadelle phénicienne engloutie par le tremblement de terre de l’an 551 : à défaut d’un hors du monde dans l’espace il en aurait un dans le temps.

En guise de château et de citadelle, seules quelques bases de murs en grosses pierres renforcées de colonnades témoignent de leur lointaine existence, mais un parfum de mystère continue de planer sur cet espace. Et puis comme Abou Stephan, chargé des travaux de déblayage du jardin, resté à l’abandon durant de longues années, le lui avait appris un jour :


- Savez-vous qu’il y a des vestiges sous votre maison ?

- Aha ?

- Libre à vous d’en douter, mais je l’ai vu de mes propres yeux. J’avais déraciné un figuier sauvage, ici, à côté du palmier ; un creux s’est alors formé. Je n’ai pas osé m’y aventurer : mais j’ai entr’aperçu une salle avec de grandes voûtes, un sarcophage en son milieu et une galerie qui semble s’enfoncer dans la nuit des temps.

- Oh !

- Ne vous en faites pas, j’ai vite rebouché le trou, le service des antiquités n’en saura rien, motus et bouche cousue.

- Ah bon.


Sur ces entrefaites, le petit Elias était arrivé en courant :


- Grand papa ! On a trouvé un serpent dans la cathédrale ! Comment est-ce possible ? dit-il tout essoufflé.


Tandis que Nestor blêmissait, Abou Stephan apaisait son petit-fils :


- Tout est toujours possible mon enfant… Tenez monsieur Sinalco, ici même pendant que nous déblayions votre jardin, figurez-vous que nous en avons tué deux très gros !



* * *



Les travaux pour rénover la vieille maison avaient été interminables. Nestor venait à Batroun tous les samedis dans l’idée de vérifier le progrès des travaux effectués durant la semaine, mais il avait dû se rendre à l’évidence : il ne se passait rien durant la semaine.

Tantôt il y avait eu pénurie de fer ou de tuiles, tantôt on n’avait trouvé nulle part un bout de bois de 70x10x3 cm, tantôt un ouvrier était allé en prison pour des raisons mystérieuses et il fallait attendre qu’il fasse ses trois mois, tantôt le tuilier avait succombé à une insolation, tantôt une voiture l’avait heurté et il était à l’hôpital…

Alors Nestor se contentait de superviser les travaux du samedi. Superviser c’est manière de parler, tant il n’entendait rien au bâtiment ; mettons, faire acte de présence ou mieux, constater les échecs successifs. La peinture était rose au lieu de saumon et il fallait tout recommencer. Les tuiles fuyaient. Les dalles gondolaient ; à l’œil nu la surface paraissait bien plate mais en posant le pied on en sentait les rondeurs, qui donnaient comme un mal de mer. Le plombier arrivait à l’heure de sa pause avec son thermos et son sandwich et les ayant consommés, s’excusait car il avait un autre engagement ailleurs...


Les maisons de Batroun sont en pierres de sable rouge. Celle-là l’était également mais recouverte d’une couche de ciment. Ce serait joli de dégager la pierre comme les autres maisons du village, avait songé Nestor.


- Bien sur, je vous fais ça en quelques coups de marteau ! assura le casseur de ciment.


Mais une fois parti le gros du ciment, il en restait encore beaucoup pris dans la pierre et une couche de chaux plus ancienne.


- Et voilà le travail ! dit le casseur de ciment, au bout de deux semaines.

- Comment ? Mais c’est atroce, ça ne ressemble en rien aux autres maisons !

- Oui, bien sûr, c’est plus brut. Si vous voulez parfaire le travail il vous faudra un dénudeur de pierres…


Alors défilèrent le dénudeur de pierres avec marteau et piquet, encochant et égratignant les pierres sans ménagement mais sans éliminer les traces de chaux et de ciment ; l'arroseur de jet d'eau à perfectionner le dénudage des pierres, qui ne fit qu’élargir les trous ; le finisseur avec son minutieux petit marteau à tête ronde à pointes ; l’enduiseur de « Khol » servant à boucher les interstices entre les pierres et enfin, le traiteur de produit anti-humidité. Rien n’y fit, les murs n’étaient plus qu’un monstrueux gruyère.


- Mais enfin pourquoi ne puis-je pas avoir des murs comme les autres ?

- Voyez-vous, lui expliqua-t-on enfin, les pierres de sable sont de deux genres, des biens plates et dures, les mâles, et d'autres friables et poreuses, les femelles. Généralement dans une maison, c’est moitié-moitié, elles sont prises au hasard ; en travaillant la pierre, on arrive à cacher les défauts, à lui donner une bonne allure d’ensemble. Vous, c’est un cas désespéré, votre maison est entièrement faite de pierres femelles.


Par contre le palmier dans le jardin se trouvait être mâle et ne donnait pas de dattes. Sa méconnaissance du sexe s’étalait, flagrante, aux regards de tous les passants.



* * *



Lucie, immobile sur une chaise à bascule, toute nue, voit, de sa fenêtre ouverte, la mer outremer par delà le mur phénicien, ancien rempart qu’Ithobaal, fondateur de Batruna, grand prêtre et roi de Tyr, Tyre en anglais, roi du pneu sur un dépliant touristique, fit tailler dans la roche en même temps que, pour sa fille Jézabel, future reine d’Israël, une petite piscine ; anfractuosité à raz de l’eau, située à l’extrémité nord du mur, contre lequel les vagues et les trombes s’écrasent et s’élèvent dans les airs, prenant la forme de dragons laiteux contre l’horizon, sombre comme les pensées de Lucie.


Sur une grande table au milieu de sa chambre, se dressent des pyramides de fruits, pommes, oranges, raisin rouge, d’abricots et de figues secs, de sucre candi, de fruits confits, de sucre muscarrat… comme une maquette de cité funéraire pharaonique.

Ce midi le comte de Triple était venu avec trois ânes bardés de victuailles.


- Ma petite Lucie, j’amène une bonne nouvelle : je vous ai trouvé un mari !

- Je sais bien. Le chevalier Ridefort... J’ai reçu hier votre messager.

- Oui. Enfin, c’est un autre maintenant, un pisan. Beaucoup mieux.

- Ah ? Plus preux ?

- Plus riche !

- Quelle horreur. Un riche ne peut être qu’un vilain ; usurier, corsaire ou marchand…

- Allons donc ! D’où pêchez-vous ces idées ?

- C’est mathématique. Un labeur équitablement rémunéré ne permet pas l’amoncellement de richesses. Je n’en veux pas de votre pisan.

- Ah ? Parce que vous croyez que je vous demande votre avis ? Vous l’épouserez ou alors je vous flanque dans le donjon de Saint Gilles ! Compris ?

- …

- Ceci dit, je vous trouve bien famélique, si bien que je vous ai amené quelques provisions. Alimentez-vous. Les pisans aiment les femmes bien en chair et le mariage est dans une semaine.


Comte de Triple buse, grommelle Lucie, immobile sur sa chaise à bascule que calent ses jambes musclées et ravissantes ; le corps mouillé d’embruns, lait de dragons, offert à la mer, son amante soyeuse, qui expire encore des effluves de Jézabel et de ses amours anciennes, incommodée par celles de musc et de rose des sucreries orientales, dégoûtée par la richesse, cherchant à la vie un sens supérieur, à la mesure de la fureur de la mer…



3



La route principale du village est bordée de pubs et de boîtes de nuit, anciennement marchands de citronnade, recyclés au goût du temps. Seul survivant de cet âge révolu, on peut encore savourer chez « Hilmi » la traditionnelle citronnade de Batroun, avec sa tonifiante pointe d’amertume, résultat d’une longue macération de l’écorce dans le sucre. Quelques tables sont disposées à l’extérieur. À l’une d’elles, Nestor Sinalco parcourt en cette fin d’après-midi « La Chronique du Templier de Tyr » en sirotant une citronnade, importuné par le trafic continu des voitures, ignorant que son intensité est trompeuse : ce sont les mêmes voitures qui vont et viennent d’un bout à l’autre du village. C’est la sortie des Batrounais, coups de frein secs des voitures qui se croisent, s’échangent des bonsoir-bonsoir-comment-allez-vous ?


« …et en lor chemin fist le maistre abatre .i. grant maner quy estoit a Boutron que lon lapelet le Chastiau. »

Nestor pose son verre pour relire le passage à deux mains.

Voilà donc l’animal qui a démoli le château qui autrement aurait fait très décoratif derrière sa maison !

C’était en 1276. Un conflit opposait Bohémond VII Comte de Triple et prince d’Antioche au seigneur de Giblet Guy Imbriaco et aux Templiers. En chemin pour aller affronter Bohémond à Enfeh, le maître du temple, alors Guillaume de Beaujeu, fit abattre à Batroun un grand manoir, qu’on appelait le château…

En chemin ! Voilà le plus vexant. Les Templiers ont démoli son château « en chemin » ! Ils n’ont pas laissé une seule pierre debout.

C’est tout de même curieux qu’ils se soient tant acharnés ; cherchaient-ils quelque trésor caché ou passage secret ? La galerie d’Abu Stephan ?


Le périmètre du château est aujourd’hui désert ; la municipalité a indemnisé et exproprié les habitants des cinq maisons bâties autour d’une place centrale où poussent un grand citronnier et un hybride de Bousfeir, oranger amer, et de mandarinier. Selon les rumeurs, le service des antiquités compte dégager les restes de la citadelle phénicienne sur lesquels le château croisé fut érigé et construire un musée.


Beaujeu sera le dernier maître des templiers en terre sainte. En 1291 lors de la chute de Saint-Jean d'Acre, il est mortellement blessé et prononce ces mots :

« Seigneurs, je ne peux plus car je suis mort, voyez le coup. »

Je ne peux plus car je suis mort ! Bon débarras. Mais quand même, c’est joliment dit. Il s’adresse aux seigneurs qui l’accompagnent dans le combat et veut leur montrer en désignant la plaie que ce n’est pas par lâcheté qu’il s’est arrêté de combattre.

Hilmi s’inquiète de ce client excentrique qui marmonne avec ravissement « Je suis mort ! Voyez le coup… », en pointant un doigt sur son cœur, quand paraît le petit Elias :


- Je vous trouve enfin monsieur ! Venez vite, il brûle !

- Qui brûle ?

- Le moteur !


Nestor se précipite pour voir ce qui se passe. Un ouvrier devait parfaire en son absence le poli du dallage à l’arrière de la maison. Pour ne déranger personne, l’ouvrier avait installé sur la place du château son bruyant générateur électrique, relié à la polisseuse par un long câble.

Tout le quartier est attroupé devant le générateur en flammes.

Un vieux monsieur passant par là avait paraît-il vu le générateur, suivi le câble, et trouvant le polisseur au bout, lui avait dit :


- Je viens de voir ton générateur, il a l'air rudement costaud. Je n’aurais jamais cru qu’une aussi vieille machine puisse encore fonctionner !


Cinq minutes après, la polisseuse s’est arrêtée, le polisseur a été voir ce qui se passait et a trouvé son générateur qui brûlait. Il se tient la tête et se désespère. Les gens le pressent de questions : « Mais qui donc était ce vieux fou ? » « Décris-le-nous. Répète-nous ses paroles !» « Il faut l’attraper ! »

Nestor, qui ne comprend pas, demande à quelqu’un :


- Où est le problème ?

- Quelle question ! C’est le mauvais œil. L’œil du démon.


Quelques villageois qui ont penché l’oreille renchérissent :


- Comment monsieur, vous ne croyez pas au mauvais œil ?

- Euh…


Tout le monde s’éloigne pour finir. Nestor reste sur la place du château, envoûté par les volutes de fumée et les flammèches qui s’échappent encore de la machine calcinée. La croyance au mauvais œil perdure donc ici depuis des millénaires ; « Baal a attelé son char et frappé l’œil de serpent », comme le conjuraient les Phéniciens. La nuit tombe, de pleine lune.



* * *



La nuit est tombée. Le mur phénicien est fantomatique sous la pleine lune qui s’est percé un monocle dans la voûte des nuages et la rumeur de la mer emplit l’espace.

En épousant le seigneur du fief voisin, la veuve de Guillaume avait emporté avec elle tout le personnel du château, si bien que Lucie est désormais seule habitante des lieux. Elle se lève, enfile une robe blanche, allume deux chandelles sur la table avec les pyramides de fruits et de friandises du comte de Triple, ferme les yeux, murmure « mille grains de raisin », puis les rouvre, ils sont miel foncé, avec un reflet tremblotant de lueur de chandelle, le diamètre comme la hauteur du monticule de grappes font un demi-mètre, le grain de raisin occupe un volume d’environ dix centimètres cube, alors le rayon au carré du cône par sa hauteur par Pi, sur trois, sur le volume du grain de raisin font... plus de trois mille grains, zut, mauvaise estimation.


Bonne idée, un verre de vin.

La cave où Lucie pénètre, tenant un flambeau, est glaciale comme des catacombes. Elle découvre une jarre scellée, portant une étiquette : « Botrys », grappe, comme les grecs avaient baptisé la Batruna aux fertiles coteaux des Phéniciens. Elle rompt les scellés, ouvre la jarre, y introduit son verre, en ressort du vin vieux de mille ans. Tandis qu’elle le déguste en connaisseur, le flambeau déposé à ses pieds met le feu à sa robe. Slurp slurp, fait-elle en laissant le breuvage circuler dans sa bouche et analysant ses sensations : abominable… mais formidablement calorifi…chtre je brûle !

Lucie renverse vivement la jarre qui se brise et déverse son liquide. L’obscurité se fait.

La châtelaine reste là, trois doigts sur le visage : à la dernière lueur du flambeau, elle a entrevu sur le sol une amulette en forme de pendentif que la jarre cachait auparavant, avec une mystérieuse inscription.



4



Pour se protéger des visites de bon voisinage impromptues et incessantes, Nestor a barricadé le portail du jardin et s’est faufilé en rampant jusqu’au Yucca derrière lequel il s’est abrité, dans un angle qui le rend invisible à partir de la rue.

Il est obligé de se tenir un peu recroquevillé pour ne laisser paraître ni un bout de sandale ni un coin de son chapeau de paille, mais il est content de lui, ça a l’air de marcher ; il est en train, plongé dans « Les inscriptions phéniciennes et leur style », d’exécuter des rotations du cou pour éviter l’ankylose.


- On vous voyait de chez nous en train de lire, alors on s’est dit que vous deviez vous ennuyer…


Nestor, pris d’un soudain torticolis, écarquille des yeux incrédules sur le couple en équilibre précaire au-dessus du mur opposé au portail : la femme tient un plateau de petits poissons « bizri ».


- Vous voulez bien nous aider à descendre…


Après les formules d’usage, le bulletin météo, le round-up politique à la veille des élections municipales, vous votez pour Khashkhash j’espère, un intermède au sujet des poissons, c’est quoi cette histoire que vous êtes végétarien ? Ce ne sont que des petits « bizri », ça se mange comme des pommes frites, si tout le monde était comme vous, qu’est-ce qu’on deviendrait nous autres pêcheurs ? La voisine se trouve à parler de tante Grace, qu’ils avaient bien connue.


- La pauvre avait perdu l’esprit dans ses dernières années ; on la voyait divaguer dans le jardin, laissé à l’abandon. Elle creusait des trous un peu partout ; parfois au milieu de la nuit ; elle disait « Où est-elle cette foutue voie de sortie hors du temps ? ».

- Ah ?

- Elle parlait de sarcophage et murmurait sans cesse un texte mystérieux, une inscription qu’elle avait trouvée sur une amulette...

- Une amulette ?

- Un pendentif qu’elle portait en permanence.

- Un pendentif ? fait Nestor en gobant un « bizri » sans s’en rendre compte.



* * *



- Ohé la demoiselle du château !

- Avanti signorina Lucia !


Lucie paraît à une fenêtre donnant sur la cour intérieure du château, d’où le comte Raymond la hèle d’humeur rigolarde « Ooohé ». À côté de lui se tient Plivain, le marchand Pisan, un homme rondouillard au sourire béat sous son chapeau à plumes bigarrées, en sueur dans son manteau d’hermine.

Une balance et des sacs sont posés par terre.


Lucie arrive, morose, dans une robe longue à capuche, enfilée à la va vite, cordons défaits, portant sur la poitrine un pendentif en ivoire représentant la déesse Astarté jouant avec un serpent. On la fait monter sur un plateau de la balance et sur l’autre le marchand de Pise dépose précautionneusement des besants, monnaie d’or de l’Empire byzantin, qu’il puise pièce par pièce dans les sacs. Lucie s’élève doucement, interminablement. Enfin, la balance s’équilibre.


- 7,998… 7,999… 8,000 besants ! annonce Plivain.


Équivalent à deux heures treize minutes et vingt secondes au rythme d’une seconde la pose du besant, conclut l’héritière du Boutron.

Équivalent à quarante kilos étant donné que le besant pèse cinq grammes, conclut le comte. Quarante kilos ? sursaute-t-il, cette idiote n’a pas dû toucher aux provisions que je lui avais amenées...


- Quarante kilos seulement ? ce n’est pas possible ! Ce n’est pas suffisant.

- Scusi, monsignore le comte, un marché est un marché. Déjà que la demoiselle porte ce ridicule pendentif qui doit bien peser une once et qu’elle est tout habillée, va bene, je me suis tu, à Pise on connaît les bonnes manières, mais je n’ai jamais dit que j’étais prêt à payer ses breloques et ses vêtements à leur besant d’or.

- Bon, bon, admettons... dit le comte agacé, mais qu’est-ce qui me certifie que la balance n’est pas faussée ou déficiente ?

- Déficiente ? Mon authentique « trutina », instrument de haute précision, fierté de l’artisanat génois, déficiente ? Je suis offusqué, vraiment, mais si vous voulez, nous n’avons qu’à inverser les plateaux, on verra bien.

- Soit. Inversons les plateaux.


Le pisan vide en marmonnant le plateau, versant d’un coup rageur l’or par terre. Lucie retombe brusquement avec son plateau. On la pousse d’un plateau à l’autre et l’opération recommence.


Le temps n’est nulle part, ni dans la forme des nuages, ni dans la variété de tons des pierres rouges du château, au pif quatre mille pierres sur les murs de la cour, ni dans cet hybride d’oranger amer et de mandarinier, ni dans ce chapeau semblable à un perroquet juché sur la tête de son maître, qui ne sera plus qu’un crâne dans cent ans, dans mille ans, enterré sous le château, avec Guillaume et mes aïeux Rostain, Agnès de Sidon, Raymond d’Agout et moi et nos enfants, que le pisan nommera Plivain le jeune ou Plivaine, tant il est vain, et nos voisins du dessous, de la citadelle phénicienne, Jézabel que les chiens ont dévorée, tous les rois de Batruna et son fondateur Ithobaal, le T< BL de l’inscription sur le socle du pendentif TRQ LTM QBR T< BL, Voie Hors Serpent Tombeau Ithobaal, je dois retourner dans cette cave, trouver ma voie qui n’est pas dans cet amas d’or qui m’avilit en m’élevant, ni dans les pierres rouges, ni dans l’apesanteur des nuages...


- Aïe ! Houlala, mon pied ! Le plateau d’or est retombé sur mon pied ! Au secours faites quelque chose monsignore !

- Que s’est-il passé ?

- Je ne sais quelle diablerie ; regardez-là : votre Lucia est en état de lévitation !

- Ah oui... tiens donc. Bien. Alors vous m’en mettrez cinquante kilos et on n’en parle plus... D’accord ?

- Va bene, va bene, mais vite, libérez mon pied...



* * *



TRQ LTM QBR T< BL = Voie Hors-Serpent Tombeau Ithobaal, se dit Nestor en tripotant la figurine pulpeuse d’Astarté.

Une amulette ?

Protégeant contre quoi ? Les serpents ?

Astarté a noué un serpent en forme de 8.

Le Temps ! Bien sûr ! Le serpent est symbole du Temps. La déesse de la fertilité se joue du temps et nous en protège.


Mais il y a plus que cela. L’amulette n’est pas uniquement protectrice, elle indique aussi une voie TRQ... que la pauvre Grace n’a jamais trouvée.

QBR, qabr, tombeau = Le sarcophage dont parlait Abu Stephan ?

Donc la voie est cette galerie qu’il avait aperçue !

Donc en dernière analyse : TRQ LTM QBR T< BL = La galerie qui sort du temps se trouve auprès du sarcophage d’Ithobaal !

Donc sous le palmier !



5



Cette nuit-là, Lucie repère dans la cave une pierre marquée « TRQ ». En insérant l’amulette dans une cavité sous l’inscription, la pierre pivote, dévoilant des escaliers moussus. Elle pose délicatement son pied sur la première marche et c’est l’inévitable et indigne glissade jusqu’au bas des escaliers.

Au centre de la salle où Lucie atterrit, Astarté, le haut du corps dénudé, est assise en tailleur sur le couvercle du sarcophage en marbre d’Ithobaal, rougeâtre à la lueur des flambeaux qui l’encadrent.


- Qu’est-ce que c’est que cette guignolade ? s’étonne la châtelaine du Boutron en découvrant la scène.

- Qui parle ? demande Astarté d’une voix caverneuse

- Moi !

- Géniale réponse ! fait la déesse, soudain incommodée dans son hiératique posture. Je te demande qui tu es, finaude, non pas si tu es ou si tu n’es pas toi.

- Pardon, pardon, répartit Lucie piquée ; il fallait formuler autrement ta question. Qui parle est un langage d’aveugle ; tu aurais dû dire : « Qui es-tu ? »

- Et en quoi cela m’avancerait, si j’étais aveugle, de savoir que tu es Toi ?

- Mais je n’en sais rien ! Quelle chicaneuse ! J’ai dit Moi pour confirmer ma présence, pour te rassurer…

- Incroyable ! s’indigne la déesse en articulant les chevilles comme si elle sentait venir des crampes. Je fais sortir du temps cette péronnelle pour être traitée de guignol et de chicaneuse !

- Ah... Parce que là, nous nous trouvons hors du temps ?

- Pas encore. La sortie du temps, c’est par là, dit Astarté sévèrement, en indiquant la galerie obscure qui s’enfonce dans la nuit des temps.



* * *



Nestor Sinalco, en sandales, bermuda et tee-shirt « Votez Khashkhash », l’amulette au cou, creuse un trou dans son jardin sous l’œil émoustillé des voisins postés derrière leur fenêtre et qui ne voient plus à présent que sa tête refaisant surface entre les pelletées. À bout de souffle, en sueur et tout terreux, il prend une pause et effectue quelques étirements quand des cailloux sous ses pieds se mettent à rouler. Hé là ! Hé là ! dit-il, s’avisant de l’éboulement qui se prépare. Mais pris au piège dans son trou, le malheureux ne trouve que sa pelle à quoi s’agripper quand le sol s’ouvre et l’avale dans un grand ramdam.


À quatre pattes sur un monticule de terre et de pierraille Nestor récupère à tâtons sa paire de lunettes et pose en diagonale le cadre déformé sur l’arête de son nez.


- C’est par où, madame, la sortie du temps ? demande-t-il à Astarté, occupée à nouer des serpents en scoubidous sur le tombeau d’Ithobaal.

- Par là, répond Astarté, en indiquant du nez la galerie obscure qui s’enfonce dans la nuit des temps.

- Brrr, j’y vois de gros serpents…

- Il faut passer par là. Ces reptiles sont les protecteurs du temps, on ne peut en sortir sans les surmonter.


Nestor contemple la galerie visqueuse, l’index appuyé sur le cadre de ses lunettes, les yeux écarquillés, les cheveux dressés ; voici l’ultime épreuve, l’heure de vérité, l’heure après laquelle les heures ne seront plus, la dernière heure, le dernier mauvais quart d’heure…


- À la bonne heure, il est sauf ! s’écrie la voisine

- Hm ?

- Monsieur Nestor, vous nous avez fait bien peur quand on vous a vu disparaître dans ce trou, dit le voisin.

- Hm ?

- On vous amène un boc de citronnade ; ça reconstitue, vous avez du recevoir un beau choc.

- Hm ?

- Hep, la dame sur le sarcophage, vous prenez une citronnade ?

- Qui me parle ?

- Qu’est ce qu’elle a celle-là, elle est non-voyante ? demande le voisin à Nestor.


Cependant, le monticule de terre et de pierraille se met à remuer et à pousser des grognements. Puis il agite un bras. Tandis que Nestor, qui n’en croit plus ses yeux, frotte ses lunettes sur son tee-shirt, Lucie paraît du monticule, chancelante et étourdie. Les voisins s’empressent de la secourir « Vite, de la citronnade ».

La châtelaine rabat sa capuche et prend une petite gorgée du liquide doré en faisant « slurp » du bout des lèvres. Nestor, troublé par le profil de sphinx intemporel de son visage, se manifeste timidement, avec une courbette :


- Storinalco… dit-il en rattrapant ses lunettes.

- C’est monsieur Nestor, corrige la voisine. Leyla Crokuss, se présente-t-elle, et mon mari Stephan.

- Lucie Dorel dit Lucie.

- Lucie du Boutron ! s’exclame Nestor. Vous aussi cherchez la porte de sortie du temps ?

- Oui, voilà, j’ai trouvé cette amulette…

- Mais nous portons la même !

- Super ! piaffe Leyla, à Batroun nous sommes très friands de ces histoires occultes. Essayez donc d’accoler les amulettes.

- Pourquoi faire ? demande Lucie.

- Une intuition dit Leyla en s’emparant des deux amulettes et les mettant face à face.


Aussitôt, elles se fondent en une seule et il pousse à Nestor Sinalco de longs cheveux, noués en queue de cheval.


- Le chevalier Ridefort ! s’écrie Lucie.

- Lucie, ma lumière... dit Nestor.

- Ça y est, c’était fatal, ces deux petits cons ont déréglé le temps ! fulmine Astarté.



* * *



Le comte de Triple tend sa tête dans le trou :


- Où te caches-tu Lucie ?

- Pardon monsieur, laissez-nous passer, lui dit-on dans son dos.


Le comte, surpris, ouvre le passage à Hilmi qui s’éponge le front, suivi de l’empereur Elagabale, mécontent :


- Vous osez dire à l’empereur qu’il n’y a plus de citronnade ?

- Votre légion a tout sifflé excellence, explique Hilmi. Venez voir, c’est dans cette cave que je mets mes citrons à macérer ; ils ne sont pas encore à point.


Alors qu’il se décide à passer à son tour, un groupe d’hommes de Neandertal en peau de tigre le bousculent et lui disent :


- Écartez-vous mon bonhomme ! Vous êtes sur le passage.


Mince alors, qu’est-ce qui arrive là-dessous ? se demande Raymond III en se décidant à poser son pied sur une marche moussue.


- Poussez-vous ! dit tante Grace en poussant le comte au bas des escaliers, suivie de Khashkhash avec ses partisans qui scandent « Vo-tez Khash-khash ! Vo-tez Khash-khash ! ».



* * *



Depuis qu’il est poussé à Nestor une queue de cheval, sa crainte des serpents a disparu comme par enchantement et il s’en va avec Lucie dans la galerie qui sort du temps.


- Voyez cette pagaille ! se plaint Astarté à Raymond III, on entre et sort d’ici comme dans un moulin.

- C’est inadmissible, jetez-les tous aux serpents.


Tandis qu’Astarté acquiesce et congratule le comte de Triple pour son bon sens, le couvercle du sarcophage s’ouvre, précipitant par un effet de toboggan la déesse dans les bras du comte, qui chancelle. Puis reste pétrifié en voyant Ithobaal, grand prêtre et roi de Tyr et des Sidoniens, fondateur de Batruna, qui provient de « batr », rocher en phénicien, sortir de son tombeau, vêtu d’une tunique pourpre.

Au milieu de cette confusion, surgit Albert Einstein, en salopette, avec une boîte à outils :


- Je suis l’expert du temps, se présente-t-il. Il paraît que vous avez un petit problème.

- Vous tombez à pic ! s’exclame Astarté, arrêtez ces deux lascars qui s’échappent du temps !


Tante Grace prend leur défense :


- Fichez-leur la paix, dit-elle. Khashkhash et les siens parlementent, indécis. Elagabale ne dira rien avant d’avoir eu sa citronnade. Ithobaal demande à Einstein de trancher. Le savant s’incline et explique à la foule la théorie de la relativité.


- Tout va bien, conclut le roi de Tyr en levant une main apaisante, l’expert du temps aime ces deux.


* * *



La galerie mène au bassin de la princesse, creusé pour Jézabel dans la roche au pied du mur phénicien face à la mer, et contre lequel les vagues et les trombes s’écrasent et s’élèvent dans les airs, prenant la forme de dragons sombres contre l’horizon, lumineux comme le rire de Lucie.


* * *


 
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   widjet   
10/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J’ai lu un peu vite, mais la qualité d’écriture est tellement évidente que forcément ça fait des jaloux (en tout cas moi je le suis).
Aldenor – auteur dans mon trio de tête, je le répète - a écrit un texte d’une richesse inouïe (son récit le plus dense à ce jour, on s’y perd parfois) et d’une exotisme incroyable avec des personnages haut en couleur, le tout sous une chaleur écrasante (merci quand même pour la citronnade !).

Enfin Aldenor ne serait pas Aldenor si il n’y avait pas cette humour décalé, plus subtile cette fois (on est loin de la drôlerie déchainée d’un Champion ou d’un 729 & 271 son master piece).

L’histoire a le défaut de sa qualité : elle est très fournie en détails et en informations (personnages multiples, « va et viens » incessants, background historique détaillé) que parfois le lecteur a un petit tournis, risque l’essoufflement.

Un boulot colossal derrière cette nouvelle. Un effort que je salue bien bas.

Widjet

   xuanvincent   
11/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je rejoins dans l'ensemble widjet dans son commentaire, pour la qualité du texte.

Après une lecture rapide, ce texte m'a plu, pour sa qualité d'écriture, son imagination (assez étonnante) et son humour.

Il mérite certainement d'autres commentaires de lecteurs, que l'on s'y attarde et prenne de temps de bien l'apprécier.

Cette nouvelle, par l'importance des dialogues, m'a paru se rapprocher d'un texte théâtral.

Bravo à l'auteur (qu'on n'avait pas vu sur le site depuis un moment) !

PS : . Après une seconde lecture, ce même soir, (afin de mieux l'apprécier), ce texte m'a bien amusée. Je le verrai de ce fait davantage dans la catégorie "Humour-Détente" ou "Fantastique-Merveilleux", assez peu en fait dans celle du "Réalisme-Historique" (même si une partie du récit se situe au Moyen-âge, les situations m'ont paru par trop invraisemblables (et cocasses) pour se rattacher au réalisme historique).

. petit bémol : ce texte m'a paru toutefois un peu long (il n'est pas évident à mon avis de rester drôle - très drôle - pendant 35 000 caractères.

J'ai bien aimé notamment ces expressions :
"La machine à effacer le temps",
"Le dénudeur de pierre"
"(Je suis) l’expert du temps".

Détail : une coquille est restée : « bien sur, je vous fais ça… » (accent circonflexe manquant sur le "u" de "sur").

   Selenim   
16/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Toujours chez l'auteur ce sens de la phrase et du détail, un amour viscéral de l'absurde.

L'intrigue est travaillée, architecturé avec minutie.

Un superbe ouvrage.

Merci.

   David   
17/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Aldenor,

"vous votez pour Khashkhash j’espère"

Je crois que c'est là que l'écriture lâche la rampe. Avant ce jeu de mot iconoclaste, l'humour se contentait du pince sans rire, flegmatique, sagement en second rôle d'un récit épique avec héros, promise et péripéties... et là, le bel alignement de dominos d'une histoire tracé au cordeau subit la pichenette fatale !

Je me suis bien amusé à lire, mais il y a quand même des raccourcis délinquants, passe encore pour la scène de la pesée, mais la descente finale dans le tombeau, c'est largement du n'importe quoi par rapport à ce qui précède, j'ai suivis les dialogues mais impossible de m'imaginer la scène, la double lecture temporelle s'accèlère, arrive Einstein... comme de finir un tapis persan avec un bon gros noeud, je ne dirais pas que c'est bâclé, mais pas convaincu que ce soit la meilleur fin possible.

   Flupke   
25/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Aldénor,

Agréable délire moitié Amin Maalouf moité Douglas Adam, à l'humour loufoque savamment distillé.
Pourquoi "no man's land", expression moderne dans le 2ème paragraphe historique ? Prémices anachroniques ?
De ces hors du monde (pas très heureux ; tirets ou mot manquant ?)
Bien aimé:
Intellectuel jusqu’au bout de ses ongles mal curés
Sa méconnaissance du sexe s’étalait, flagrante, aux regards de tous les passants.
cherchant à la vie un sens supérieur, à la mesure de la fureur de la mer…
anciennement marchands de citronnade, recyclés au goût du temps.
Quarante kilos ? sursaute-t-il, cette idiote n’a pas dû toucher aux provisions que je lui avais amenées... LOL

Merci pour cette lecture très divertissante. J'en redemande !!!

Amicalement,

Flupke

   florilange   
29/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Lecture fort divertissante, en effet. Masquant probablement 1 effort de recherche non négligeable? N'ai pas vérifié l'exactitude de l'histoire, ni l'existence des personnages. Me suis laissée empoigner par ce texte complètement déjanté mêlant passé & présent, dont le bouquet final n'est pas le moins farfelu. Bravo pour l'humour décalé, servi par 1 langage impertinent de malice. Je verrais bien J.- M. Bigard dans le rôle de Nestor, avec C. Bouquet en Astarté.

Après les fleurs, le pot : le texte gagnerait à être écourté (quelques répétitions). Petites fautes : "son hiératique posture". Posture est 1 mot féminin. On devrait donc dire "sa posture hiératique". À moins qu'au Moyen-Âge, on se soit "posturé" autrement? Broutilles pour mémoire...

Passé 1 bon moment, merci Aldenor. Florilange.

   marogne   
16/10/2009
 a aimé ce texte 
Pas
Je crois que j’aurais bien aimé l’idée, un peu d’exotisme, une amulette étrange, un tunnel du temps, les croisés et les templiers, oui j’aurais sans doute bien aimé, mais….

Mais j’ai failli laisser tomber dès la première partie, cette description de l’enterrement, volontairement anachronique, et faussement ironique ou comique, m’a presque convaincu d’arrêter. Mais je cherchais l’histoire, je voulais croire que de cette confrontation entre deux époques allait éclore quelque chose d’intéressant.

Mais las, non, il semble que l’auteur a préféré essayer de faire des mots d’esprit, des clins d’oeils, des blagues légères pour inciter au rire, plutôt que de développer une histoire. Et, en tout cas pour moi – et mon absence de sens de l’humour doit être considéré comme circonstance atténuante – ceci n’a même pas conduit à un sourire, mais plutôt à un visage de plus en plus figé… ; Et l’histoire elle-même est abandonnée, on se perd dans un style faussement surréaliste, on a plus envie – en fait – d’essayer de suivre les méandres du texte.

Désolé, mais j’ai plaidé les circonstances atténuantes…. J’espère que le jury en tiendra compte.


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