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Aventure/Epopée
aristee : De la truffe à l'atome
 Publié le 20/04/07  -  3 commentaires  -  25967 caractères  -  12 lectures    Autres textes du même auteur

Dans un bois truffier, une jeune femme est morte, en costume oriental. Cette découverte m'emmene jusqu'en Iran, où l'on parle beaucoup de bombe atomique.


De la truffe à l'atome


À la suite d'une mission au moyen Orient, mission au cours de laquelle j'avais reçu une balle dans l'épaule gauche, je bénéficiais d'un congé de convalescence. Nous avions pu délivrer les 3 otages, et j'avais été le seul blessé. Ce n'était pas trop cher payé. Je décidai d'aller passer ma convalescence à Grillon, un petit village du Vaucluse, chez mes parents.


Le lendemain de mon arrivée, on était en janvier, le temps était splendide. On se demande comment la température peut être aussi glaciale avec un soleil aussi resplendissant. Pas le moindre nuage, grâce à ce sacré mistral, qui pénètre partout et dont on a du mal à se protéger malgré des couches de vêtements. Je décidai d'aller chercher des truffes avec notre chienne, Solen. Solen n'est pas une scientifique de la recherche de Truffes. Les chiens les mieux dressés, arrivés dans le bois truffier, prennent le vent et méthodiquement, parcourent le bois en trajets parallèles pour qu'aucune truffe n'échappe à leurs investigations. Solen, elle, s'en va, la truffe au vent, selon son inspiration, allant à droite, à gauche, revenant en arrière... Mais je suis persuadé que Solen ne laisse pas derrière elle une truffe en état d’être trouvée.


Mes parents possèdent deux bois truffiers, Marinier et Blachesautel. Arrivés à Marinier, je donnais l'ordre à Solen, en Provençal (nous lui parlons toujours français, sauf aux truffes ou nous lui parlons provençal, allez savoir pourquoi ?) :


- Serca la rabasse, serca ! - Cherche la truffe, cherche !!

Et Solen se mit aussitôt au travail. Le mistral dans les branches dénudées des Yeuses faisait entendre une harmonieuse musique, avec des sons plus bas lorsque le vent faiblissait, des sons plus aigus quand le mistral se mettait en colère. Mon épaule ne me faisait pas trop mal, j'étais bien. Solen me "marqua" une dizaine de truffes (c'est-à-dire que d'une patte, elle gratte légèrement le sol, là où il faut creuser pour trouver la truffe), et comme il se doit, chaque fois, en récompense, elle recevait son petit morceau de pain. Quand ma brave Solen jugea qu'il n'y avait plus rien à trouver, elle s'assit devant moi et me regarda fixement.


- Bon, ça va, j'ai compris. Tu as fini ton boulot ici. Allons à Blachesautel.


Et nous nous remîmes en route. Nous étions à environ 100 mètres du début du bois de Blachesautel, lorsque, soudain, Solen partit comme une flèche. Je pensai aussitôt qu'il devait y avoir un lapin dans les parages, et je n'accélérai pas mon allure. En entrant dans le bois, je vis Solen, assise devant ce qui me sembla être un tas de chiffons aux couleurs vives, et elle se mit à hurler à la mort. Je me précipitais et vis alors un spectacle saisissant.

Une femme jeune, certainement morte, gisait sous un chêne. Sur une abondante chevelure blonde un diadème. Ses vêtements nullement en désordre étaient d'une étoffe légère, du genre oriental aux couleurs vives. Elle semblait être une princesse des contes des Mille et une Nuits. Ses traits étaient fins et n'eût été l'extrême pâleur de son teint on aurait pu la croire simplement endormie. Par acquit de conscience, je tâtai son pouls. Elle était bien morte.

Comment cette jeune et jolie femme, habillée de vêtements fins, bariolés, orientaux, était-elle venue mourir dans ce bois loin de toute habitation ? J'examinai les alentours. Aucun véhicule n'était venu dans le coin, cela se serait vu sur le tapis d'herbes et de feuilles mortes. Pas de trace de pas : les miens étaient visibles. Un raisonnement qui avait dû se faire à mon insu me fit lever la tête, et je constatais que plusieurs petites branches du chêne étaient cassées... Mais d'une part la chute d'un corps aurait fait plus de dégâts et d'autre part le corps lui-même était allongé, presque gracieusement et ne semblait pas avoir souffert d'une chute.


Le bras gauche étant coincé sous le corps, je voulus le dégager, et j'eus la surprise de constater que la main gauche tenait un petit sac à main, ou plus exactement une pochette. Dans cette pochette, seul, un rectangle de bristol sur lequel était imprimé en rouge : "Ainsi meurent les traîtres". J'étais abasourdi. Quelle grandiloquence ! Ce bristol donnait une dimension nouvelle à cette affaire.


Après mûre réflexion, je remis le corps dans la position ou je l'avais trouvé, mais je conservais la pochette et le bristol qu'il contenait. Solen gémissait doucement pour attirer mon attention. Ayant cessé de hurler à la mort, elle s'était remise à son travail, et assise elle m'appelait pour que je vienne récolter la truffe qu'elle venait de "marquer".


Ma brave Solen. Tu te rends compte de cette autre truffe mystérieuse que tu viens de trouver ? Nous allons nous arrêter pour aujourd'hui. Nous prendrons une autre fois celle que tu viens de "marquer".


Je lui donnai son petit morceau de pain auquel elle avait droit, puis au pas gymnastique, je revins chez mes parents. Je donnai aussitôt un coup de fil au commandant de la brigade de gendarmerie de Valréas et après lui avoir succinctement rapporté les faits, (sans lui parler du bristol) il me dit qu'il passait me prendre dans une demi-heure. La communication terminée, je formais aussitôt un nouveau numéro. Je dois vous préciser que mon père spirituel, Pierre Nord, m'avait présenté au colonel Dubois, chef des services de renseignements français. Depuis 3 ans, je travaillais pour ce service. Si vous avez lu les livres de Pierre Nord,vous connaissez le colonel Dubois dont il a beaucoup parlé. J'eus aussitôt le colonel Dubois dont j'avais le numéro personnel, et je lui racontai les faits dont je venais d'être témoin, sans omettre ma découverte du bristol.


- Je suis persuadé, mon colonel, que cela intéresse notre service.

- Décrivez-moi cette jeune femme.


Je le fis avec un maximum de précision, en insistant sur la façon curieuse dont elle était habillée. Le colonel ne fut pas long à reconnaître la victime.


- Je vois de qui il s’agit. Je suis désolé, mais si vous n’êtes pas en trop mauvais état, vous allez suspendre votre convalescence et venir me voir !


"Suspendre ma convalescence" ! Il avait toujours de curieuses expressions le patron !


- Mon Colonel, je serais au service demain après-midi.

- Dès votre arrivée, venez me voir. Vous avez priorité.

- A demain mon Colonel !


Quelques minutes plus tard, le commandant de la Brigade de gendarmerie avec trois hommes, et une ambulance, venaient me prendre.


Nous avons arrêté le véhicule à une centaine de mètres de Blachesautel, afin de ne pas effacer d’éventuelles traces. De nombreuses photos de la victime furent prises, sous tous les angles. Pour ma part, j’avais apporté un appareil photo miniature, et je pris trois photos, à l’insu des gendarmes. C’est en vain que nous avons cherché des traces d’un autre véhicule. La présence de la jeune morte, en cet endroit désert restait mystérieuse, incompréhensible. Comme je l’avais déjà remarqué, le corps ne présentait aucune blessure apparente. Le visage, calme, était intact. Seule, l’autopsie pourrait nous apporter quelques éléments. Le corps fut transporté dans l’ambulance, et nous avons quitté les lieux.


Le lendemain matin, de bonne heure, et sans Solen, je suis retourné sur les lieux. Je savais que sur le sol, rien n’avait pu échapper à nos investigations. Je résolus d’aller voir de plus près, les petites branches cassées du chêne sous lequel j’avais trouvé le corps. Je grimpai sur le chêne. Contrairement à ce que j’avais pensé tout d’abord, un corps aurait pu passer sans faire plus de dégâts aux branches. Par ailleurs, je constatai que sur la plus haute branche, un petit morceau de tissu blanc était accroché. Pour me procurer ce tissu, je cassai la branche. Je vis immédiatement qu’il s’agissait d’un morceau de parachute. C’était donc bien par la voie des airs, que la jeune femme était arrivée, mais, le parachute ayant disparu, il était évident que quelqu’un était venu l’enlever.


En fin d’après-midi, je me trouvai dans le bureau du Colonel Dubois. Je lui remis aussitôt mon appareil photo qu’il confia à sa secrétaire pour développement du film.


- Asseyez-vous, Pierre. La photo le confirmera certainement, je sais de qui il s’agit.


C’était Marthe Dautel. Elle était de chez nous. Une fille épatante. Comme elle avait fait de la danse classique, j’ai pensé à l’utiliser pour l’envoyer en Iran. Elle a pris des cours pour apprendre les danses arabes, et en particulier la danse du ventre. J’ai pu la faire embaucher dans une troupe qui partait en tournée. Elle était à Téhéran depuis deux mois. Elle avait pu aux dernières nouvelles s’introduire dans les milieux scientifiques, en devenant la maîtresse d’un ingénieur atomiste. Sa mission consistait à savoir où en étaient les Iraniens dans le domaine atomique. Je pense qu’elle a dû aller trop vite et que le contre-espionnage iranien l’a coincée. C’était un très bon élément mais peut-être un peu trop impulsive.


Ce fut l’oraison funèbre de la pauvre Marthe, et j’avoue qu’à ce moment-là, j’ai détesté le colonel pour son insensibilité. Je pus constater par la suite, que loin d’être insensible, il avait été très touché par cette disparition.


- Pierre, le secteur Iran/Irak est l'un des plus dangereux de la planète. Les Iraniens sont sur leurs gardes, et ils protègent farouchement leurs secrets atomiques. Si Marthe a échoué, c'est qu'ils sont encore plus organisés que je ne le pensais. Pourtant, il est vital pour nous de savoir ou ils en sont. Vous revenez d'une mission difficile. Vous avez été blessé. Pourtant, je vais devoir vous demander d'aller là-bas. Repartez vous reposer encore un peu chez vos parents. Il me faut une dizaine de jours pour tout préparer. Mettons deux semaines. Serez-vous prêt à repartir ?

- A vos ordres mon colonel.


Nous avons parlé ensuite de choses et d'autres qui n'avaient rien à voir avec le service, en attendant les photos. Lorsqu'elles arrivèrent, le colonel déclara, la voix enrouée :


- C'est bien elle.


Et il ne put retenir une larme. Non. Le colonel n'était pas insensible, mais il avait sur les épaules de telles responsabilités, qu'il ne devait pas se laisser dominer par ses sentiments.

- Mon colonel, il est bien évident que si Marthe a été parachutée sur un terrain m'appartenant avec cet avertissement grandiloquent sur un bristol, ce n'est pas un hasard.

- Oui et non.

- Comment oui et non ?

- Que Marthe ait été parachutée sur un terrain vous appartenant, c'est un hasard assez extraordinaire, mais un hasard. En revanche, qu'elle ait été parachutée près de l'endroit où vous résidez et la note sur le bristol ne sont pas des hasards. Ce message en fait m'était adressé. Les Iraniens voulaient me dire : Nous avons découvert que cette femme travaillait pour vous, et nous vous signalons que nous savons aussi que Pierre Larcher travaille pour vous.

- Mais alors, je suis brûlé ?

- Oui, vous êtes brûlé !

- Et vous voulez m'envoyer là-bas ?

- Oui, je veux vous envoyer là-bas !

- Je ne comprends pas !

- Ils savent que j'ai bien compris le message. S'ils vous voient arriver, ils penseront que j'ai eu le culot d'envoyer un agent brulé pensant que l'on ne s'occuperait pas trop de lui.

- Mais mon colonel, c'est bien tordu tout ça. Et quelle serait ma mission ?

- Votre mission est de veiller à votre propre sécurité, bien que je ne vous croie pas en danger.

- Et pourquoi ?

- Je suis certain qu'ils profiteront de votre présence pour essayer de m'intoxiquer. Laissez-les faire. Vous verrez que vous aurez des renseignements de première main.

- Mais ils seront faux !

- Bien sûr ils seront faux !

- Mais alors, cela ne nous avancera pas beaucoup ! Je ne comprends pas !

- Vous faites partie du service Action. Chacun son boulot, mon vieux. Vous irez à Téhéran, et vous me rapporterez des tuyaux crevés. Le reste, je m'en charge.

- Bien mon colonel


Les 15 jours suivants, je les passai à Grillon pour me retaper complètement, et le colonel me convoqua. Je partais dans une délégation française qui devait négocier un projet de construction d'un Palais des Expositions à Téhéran. L'autopsie pratiquée révéla que Marthe était morte d'une crise cardiaque, vraisemblablement provoquée par une injection d'air dans la circulation sanguine. Le corps ne présentait que quelques contusions superficielles, qui ne pouvaient en aucun cas avoir amené le décès.


À Paris, le colonel Dubois me donna ses dernières instructions. Je devais laisser deviner mon intérêt pour les recherches de l'Iran en matière atomique.


- Mais attention, me dit le colonel, jouez en finesse, ils ne sont pas idiots. D'ailleurs, ils viendront au-devant de vos désirs, et vous donneront des tuyaux faux évidemment, mais que vous aurez l'air de prendre pour des renseignements verrouillés. Il faut absolument que les Iraniens soient persuadés de vous avoir intoxiqué.


La délégation française à laquelle j’appartenais était composée de huit membres. J’étais censé servir d'interprète, ce qui ne nécessitait pas de connaissances spéciales sur le plan technique. Personne dans la délégation n'était au courant de ma véritable mission. Nous fûmes reçus à l'aérodrome par le Sous-Secrétaire d'État au Commerce. Immédiatement, je me rendis compte à de toutes petites choses (un regard un peu appuyé, des questions un peu personnelles) que j’étais l'objet d'une attention particulière. Ce n'est que le troisième jour que je compris que les choses commençaient à bouger.


Durant toute la journée, j’avais servi d'interprète entre trois architectes iraniens et la délégation française. Vers dix-sept heures, l'un des architectes vint discuter avec moi, dans un excellent français, qui prouvait que lui au moins n'avait pas besoin d'interprète. Il me dit qu'il aimait beaucoup la France, qu'il venait souvent à Paris, et qu'il avait eu l'occasion de se rendre en Provence dont il gardait un souvenir plein de charme.


- Je fais partie de l'Association de l'Amitié Irano-Française.Nos deux pays sont faits pour s'entendre, car nous au Moyen-Orient et vous en Europe, sommes les puissances de pointe, et nous oeuvrons pour la paix dans le monde. Je sais que l'on nous accuse d'un tas de choses, d'être des islamistes extrémistes, de vouloir la bombe atomique pour anéantir Israël et autres bêtises de ce genre. Nous ne voulons que vivre en paix, développer notre économie pour que le niveau de vie des Iraniens s'élève, et tous nos efforts en particulier financiers s'exercent dans cette direction. Non seulement nous ne voulons pas détruire Israel, mais nous sommes demandeurs pour développer nos échanges commerciaux avec ce pays de progrès.


Je tentai de l'amener à se découvrir un peu.


- Vos aspirations, c'est vrai, sont semblables aux nôtres. vous avez un gros atout dans votre jeu. L'économie nécessite en premier lieu des ressources énergétiques, or vous avez du pétrole, c'est un avantage énorme.

- C'est exact. Et c'est bien la raison pour laquelle nous n'avons pas vraiment besoin d'autres sources énergétiques. Simplement pour diversifier nos sources, deux ou trois centrales nucléaires seraient les bienvenues, mais ce n'est pas pour nous une nécessité absolue. D'ailleurs, je dois bien l'avouer, nos recherches dans ce domaine sont assez élémentaires, et nous comptons sur le concours de pays très avancés (comme la France) pour installer des centrales nucléaires.

- Je pense que vous êtes trop modestes et que vous êtes plus avancés que vous ne le dites.

- Ne croyez pas ça !! Je sais qu'on nous accuse de vouloir mettre au point une bombe atomique. Vous le voyez, je vous parle franchement. Cette accusation est mensongère, et ridicule.

Si nous étions capables de construire une bombe atomique, nous n'aurions pas besoin de vous pour construire des centrales nucléaires. Cette seule constatation de bon sens devrait vous rassurer. Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais si vous le désirez, je peux prendre pour vous un rendez-vous avec un ingénieur atomiste. Il est très important que l'Occident, et en premier lieu nos amis français sachent que nous n'avons aucune intention belliqueuse envers qui que ce soit. Je vous téléphonerai à votre hôtel ce soir ou demain.


Nous nous sommes séparés assez contents l'un de l'autre.


J'étais dans ma chambre d'hôtel depuis quelques minutes lorsque l'on frappa à ma porte. Sur mon invitation à entrer, un homme pénétra, en veste blanche, il semblait appartenir au personnel de l'hôtel. Il me dit :


- Monsieur je viens faire la couverture.


Mais en même temps l'index droit sur la bouche, il me demandait de me taire et désignant son oreille de la main gauche, il me fit comprendre que nous étions écoutés. Il se dirigea vers l'éclairage central, l'examina rapidement, puis alla vers l'appareil téléphonique qu'il retourna, il me fit voir que sous l'appareil un minuscule micro avait été placé. Avant de le débrancher, il me dit d'une voix normale.


- Voilà Monsieur. Je vous souhaite une bonne nuit.


Puis il se dirigea vers la porte, l'ouvrit et la referma sans sortir, et il revint vers le téléphone et débrancha le micro.


- Là ! nous sommes tranquilles. Monsieur Larcher, je sais que vous avez eu une conversation avec Ahmed Bousai, théoriquement architecte, mais en fait membre des services spéciaux iraniens. Il veut vous persuader que l'Iran n'a pas les connaissances ni les matières nécessaires à la fabrication d'une bombe atomique. C'est faux. Dans un an, ou un an et demi au maximum, ils auront construit plusieurs bombes atomiques. Et leur première utilisation de cette arme redoutable se fera à l'encontre d'Israël.

- Écoutez, Monsieur, c'est un domaine qui ne fait pas partie de mes compétences. Je ne vois pas pourquoi vous me parlez de ces problèmes. Et par ailleurs, je n'ai aucune raison de vous croire plus que Monsieur Ahmed Bousai.


Mon interlocuteur resta un moment muet, puis il me dit simplement :


- Je fais partie du Mossad !


Il y avait tant d'orgueil dans cette affirmation, qu'à mon tour je restais interdit. "Je suis du Mossad" : donc nous savons tout. "Je suis du Mossad", c'est-à-dire que nous avons le meilleur service de renseignements du monde." Je suis du Mossad", donc vous devez me croire. Oui, quel orgueil dans cette réponse. Le général de Gaulle n'avait peut-être pas tort lorsqu'il parlait à propos d'Israël "d'un peuple sûr de lui et dominateur". Je fis exprès de le piquer un peu.


- Je ne vois pas en quoi le fait d'appartenir au Mossad vous confère la possibilité de tout savoir.

- Monsieur Larcher, je sais que vous appartenez au Service de Renseignements français. Je sais que votre collègue Marthe Dautel, sous le nom de Leila, danseuse, était venue enquêter sur l'avancement des travaux de l'Iran dans le domaine atomique. Elle a su la révélation que je vous ai faite, mais elle a été arrêtée, encore en tenue de scène, avant de pouvoir en rendre compte. Leila a été liquidée par une injection d'air qui a entraîné une crise cardiaque. Le corps a été parachuté près de chez vous. Un secrétaire de l'Ambassade d'Iran était descendu dans le Vaucluse. Il a réceptionné le corps, l'a disposé comme si elle était venue normalement, et il est reparti avec le parachute. Vous le voyez : nous savons beaucoup de choses. Convaincu ?

- Mais enfin, pourquoi toute cette mise en scène ?

- C'est très simple. La crainte et la peur augmentent avec le mystère.Vous ne pouviez pas comprendre comment ce corps, ainsi vêtu avait pu venir là. On a peur de ce que l'on ne comprend pas. Cette zone d'ombre devait faire hésiter votre service à envoyer quelqu'un d'autre, pendant un certain temps. Or, c'est de ce temps que l'Iran a besoin pour finir la mise au point de sa bombe. Vous le voyez, Monsieur Larcher, vous pensiez tout à l'heure, je l'ai bien senti, que nous sommes orgueilleux, et vous constatez que nous avons des raisons de l'être.

- Soit. Vous venez d'éclairer quelques coins qui étaient encore obscurs pour moi. Qu'attendez-vous ?

- Simplement que vous rentriez et que vous teniez vos chefs au courant des réalités. Dans un an les Iraniens auront la bombe atomique. Il est urgent que l'Occident bouge. Je sais que vous allez avoir un rendez-vous avec un savant atomiste iranien qui doit vous convaincre qu'ils ne veulent ni ne peuvent mettre au point une bombe atomique. Laissez-les croire que vous êtes dupe. Ils se sentiront en sécurité et nous pourrons agir plus facilement.

- Une dernière question... Si vous pouvez m'y répondre... Êtes-vous certain que vos sources sont fiables ?

- Je vais vous marquer notre confiance en vous. Un ingénieur atomiste (ce n'est pas celui que vous allez rencontrer) est un iranien qui fait partie du M.D.I, le Mouvement Démocrate Iranien. Il lutte contre le pouvoir en place, en liaison avec nos services.Il est aux premières loges, mais ne peut retarder le projet sans se découvrir. Monsieur Larcher, nous ne sommes pas crus en Occident et nous ne sommes pas aimés, vous le voyez nous sommes lucides, c'est pourquoi il est très important que vous portiez vous même l'information. La France n'est pas réputée être une alliée à tout crin d'Israel.

- Bien. Notre mission sur le Palais des Expositions se termine après-demain. Il y a peu de chance que nous ayons l'occasion de nous revoir. Bonne chance !


Nous nous sommes serré la main et il est parti.


Le lendemain, Ahmed Boussai me téléphonait pour m'indiquer que mon rendez-vous avec le savant atomiste iranien aurait lieu l'après-midi même à 16 heures, dans le salon de mon hôtel. Le lendemain, j'avais obtenu de la direction de l'hôtel l'usage d'un salon particulier et je reçus Monsieur Hussein Abbas, ingénieur atomicien Iranien. Il attaqua aussitôt le problème.


- Monsieur Larcher, nous comptons beaucoup sur vous pour qu'auprès des autorités de votre pays vous obteniez qu'on nous rende justice. Toute la presse occidentale nous fait un procès d'intentions. À les lire, l'Iran veut et peut avoir une bombe atomique pour pouvoir détruire Israel. C'est ridicule. Je sais que vous avez eu hier une discussion avec Monsieur Ahmad Bousai à ce sujet. Il vous l'a dit. Si nous étions capable de construire une bombe atomique, nous n'aurions pas besoin de votre concours technique pour construire deux ou trois centrales nucléaires qui nous permettraient de diversifier nos sources d'énergie. Par ailleurs, il suffit de réfléchir un peu. Vous savez, nous savons, le monde entier sait qu'Israël possède depuis longtemps la bombe atomique. Il est évident que si nous pouvions envoyer une bombe atomique en Israêl, nous recevrions immédiatement dix ou quinze bombes israéliennes. Il y a quelques kamikazes chez nous, je le reconnais, mais nous ne sommes pas un peuple qui pour atteindre Israel accepterait de se sacrifier en totalité. Nous ne voulons pas avoir de bombe atomique. Nous voudrions que vous nous aidiez à construire deux ou trois centrales nucléaires. C'est tout.

- Monsieur Abbas, je suis un peu surpris que vous m'ayez choisi comme interlocuteur sur un sujet qui n'est pas de ma compétence, et de plus, vous semblez exagérer l'influence qu'il me serait possible d'avoir sur les autorités de mon pays.

- Je reconnais, Monsieur Larcher, ne rien savoir de vous. On m'a dit de vous exposer franchement les faits. Je viens de le faire. J'ignore totalement ce que sont vos pouvoirs, et permettez à mon tour de vous dire que cela sort de mon domaine de compétence.

- Fort bien. J'ai enregistré ce que vous aviez à me dire. Personnellement je vous crois. Je tacherai de transmettre votre message.


Et avec lui aussi, nous nous sommes séparés assez contents l'un de l'autre...


Quatre jours plus tard, je me trouvais dans le bureau du Colonel Dubois, et je lui faisais un rapport complet sur les diverses conversations que j'avais eues à Téhéran. Lorsque j'eus terminé, le colonel me dit :


- En somme Pierre, les Iraniens vous ont dit : la bombe atomique ne nous intéresse pas. Un membre du Mossad vous a dit : dans un an l'Iran aura la bombe atomique. Et vous me dites : il faut croire l'homme du Mossad.

- C'est incontestablement le plus crédible, et d'ailleurs ils savent vraiment tout ce qui se passe.

- C'est justement parce qu'ils sont si forts qu'il faut se méfier. En fait, vous n'avez aucun élément de preuve.

- Non mon colonel. Juste une intime conviction.

- C'est léger, très léger. Insuffisant... Allons je ne vais pas vous mettre à la torture plus longtemps. La preuve je l'ai. Je l'avais déjà quand vous avez retrouvé le corps de Marthe. Juste avant de se faire "coxer" elle avait eu le temps de me faire transmettre pas la valise diplomatique une étude complète sur la mise au point d'une bombe atomique. Et nos spécialistes ont jugé qu'en effet, d'ici environ un an ils pourront la fabriquer

- Mais mon Colonel, je ne comprends pas. Si vous saviez déjà, pourquoi m'avoir envoyé en Iran ?

- Mon cher Pierre, recueillir des renseignements est notre job principal. Savoir, c'est bien. Mais si nous pouvons faire croire en face que nous ne savons pas, c'est encore mieux. L'intoxication fait aussi partie de nos attributions. Or je pense que vous avez du persuader les Iraniens que nous les croyons.

- Mais alors, qu'allons-nous faire mon Colonel ?

- Mon cher, notre travail sur ce dossier est terminé. J'ai tout transmis à la Présidence de la République. Ce n'est plus de notre compétence. Nous devions obtenir un renseignement : nous l'avons obtenu. Et en face, ils ignorent que nous savons. Mission remplie. Vous allez pouvoir tranquillement reprendre votre convalescence. Reposez-vous. J'ai un problème en Colombie où quatre Français viennent d'être pris en otage. Mais je ne suis pas un sauvage. Reposez-vous. Vous y avez droit. Détendez-vous, vous l'avez bien mérité... Vous ne prendrez l'avion que... demain dans la soirée. Soyez ici à 17 heures... euh non, 15 heures ce sera assez long, pour que je vous donne mes instructions.


Il y a des jours ou cet homme me donne des idées de meurtre...


 
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   xuanvincent   
18/9/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
Au départ intéressée par cette nouvelle, mon intérêt est allé en se réduisant à mesure que j'ai avancé dans l'histoire.

L'idée pourtant, la découverte d'une mystérieuse jeune femme morte lors d'une cueillette de truffes, m'a intéressée. J'avais même pensé à un moment que le récit pourrait basculer dans une dimension fantastique. Cependant ensuite, la suite de l'histoire m'a paru partir dans une toute autre direction et perdre de son intérêt.

"- Serca la rabasse, serca !" : j'ai apprécié cette phrase de patois, qui ancre ce dialogue dans le terroir provençal.

Comparer cette jeune femme morte à "une autre truffe mystérieuse" m'a semblé assez curieux. De plus, le narrateur ne semble pas vraiment ému par cette tragique découverte.

Un grand nombre de répétitions m'a freiné et un peu gêné la lecture : "mission", "convalescence", "Solen", etc., etc. J'ai préféré finir par arrêter de les noter afin de ne pas trop allonger la liste.

Les dialogues, dans l'ensemble, ne m'ont pas trop plu (notamment le long dialogue, redondant, entre le narrateur et le colonel quand ce dernier veut envoyer le narrateur en Iran).

. Détail : "je tacherai (de faire) : coquille, il manque l'accent circonflexe

La fin toutefois m'a fait sourire.

   ANIMAL   
28/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Une bonne histoire d'espionnage conventionnelle, avec ses vrais et faux espions, ses tentatives d'intox, ses agents doubles et la sacro-sainte obéissance au pouvoir politique.

Le scénario est un peu léger (le coup de la bulle d'air dans les veines, le micro dans le téléphone : trop classique) mais ce texte au style simple se laisse tout de même lire agréablement.

Un potentiel narratif à exploiter.

   cherbiacuespe   
5/10/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Amusante histoire d'espionnage ou tout le monde joue à "je sais-je sais que tu sais-je sais que tu sais que je sais", en faisant semblant de ne pas savoir, bref, le jeu de dupe dans toute sa splendeur ! Et elle est bien menée jusqu'au bout.

L'écriture est simple et efficace, on ne tourne pas en rond en se perdant dans un langage trop savant. L'alternance entre dialogues et narration pure est équitable et savamment dosée. Plaisant !


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