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Réalisme/Historique
Bliss : L'accident
 Publié le 13/04/08  -  10 commentaires  -  5757 caractères  -  38 lectures    Autres textes du même auteur

Quand la route est notre ennemie...


L'accident


Voilà.

On y est.

J'y suis.

Je me sens mal, engourdie, la tête lourde.

J'ai bien cru mourir.

Je sens encore le choc vibrer jusque dans mes os. Le bruit me vrille encore le crâne bien que la pièce soit silencieuse.


J'ai mal, j'essaie de respirer, mais mes poumons n'en peuvent plus, j'ai l'impression qu'ils vont exploser.


Mes côtes, je ne les sens plus. Ou plutôt si, je les sens s'enfoncer dans mes poumons à chaque inspiration.


Je n'ose pas ouvrir les yeux, j'ai peur de ce que je vais voir. Un murmure me parvient de loin, de très loin, je ne sais pas vraiment où je suis, je ne sais pas tellement pourquoi ; tout ce que je sais c'est que j'y suis et que j'ai mal.


Ma gorge me brûle, j'ai envie de pleurer mais je ne sais même pas pourquoi.


Mais je suis vivante…

Je ne sais pas dans quel état, mais je suis vivante.


Et petit à petit, je m'endors…


*****


Voilà.

C'est le grand jour. Je vais enfin le revoir.

Ça ne fait que 3 jours, mais j'ai l'impression qu'une éternité nous sépare…

Je ne sais pas encore comment il va être, s'il va me reconnaître, entendre ma voix, me faire comprendre qu'il sait que je lui serre la main…


Mes gestes sont encore lents, je me sens comme une petite vieille qui ne peut plus marcher sans sa canne.


On met des blouses, des masques, des gants, et la porte s'ouvre.

Sur le coup, je le cherche, j'ai l'esprit encore un peu embrumé, et il me faut quelques secondes pour me rendre compte qu'il gît sous cette montagne de fils et de machines…


Le bip lent, régulier du cardio me berce, m'empêche de comprendre la réalité.

Je m'approche, lentement, soutenue par mon amie de toujours ; arrivée à ses côtés, je m'assois, non, je m'affale, et cette gorge qui me brûle depuis plusieurs jours crache soudain toute sa haine. Ce poids qui me meurtrissait sans savoir pourquoi s'en va d'un coup ; mes nerfs craquent…


Il est méconnaissable. Tous ces fils qui lui sortent de partout me font peur, me répugnent, j'ai envie de tous les arracher, de leur dire de le laisser respirer, que j'ai besoin de le prendre dans mes bras, et qu'à cause d'eux je ne peux rien faire, sauf lui effleurer la main de mes doigts qui tremblent…


Ils lui ont rasé le crâne, et une balafre d'au moins 20 centimètres lui entaille la tête, elle est toute fraîche, il a encore les fils.

Il a l'air si calme, si apaisé malgré ces instruments de torture…

Mais je souffre pour deux.


D'un seul coup, ce bip incessant me donne la nausée, je ne le supporte plus, j'ai envie de tout casser.

Je tombe à genoux, je ne voudrais jamais me relever… Je l'appelle de tout mon cœur, de toute mon âme, mais je sais, je sens qu'il ne m'entend pas… C'est peine perdue…


Je crie, je hurle ma douleur, mes côtes me percent les poumons mais je m'en fous, j'ai envie de mourir.


Mon amie, aidée de quelques infirmiers, réussit tant bien que mal à me faire sortir de la chambre stérile.


Ils m'installent sur une chaise, m'offrent un thé, appellent le chirurgien.


Il ne se réveillera pas, il est dans un coma irréversible ; et même s'il se réveille un jour, il ne sera plus rien, un déchet, un corps sans âme…


Et tandis que ma vie s'anéantit de seconde en seconde, des flashs me reviennent…


Je revois cette belle journée ensoleillée, ce week-end en amoureux au bord du lac, cette balade en voiture, toutes fenêtres ouvertes aux premiers vents doux des beaux jours de printemps…

Cette nationale qui nous ouvre les bras…


Ce gros pick-up qui semble rouler bien vite et fonce dans notre direction.

Les voitures derrière lui qui lancent des appels de phares inutiles.


Ce pick-up qui se rapproche.

Qui roule vite.

Trop vite.

Sa remorque qui tangue d'un côté et de l'autre.

Sa remorque qui se déporte sur notre voie.

Le violent coup de volant pour l'éviter…


L'accident…

L'hôpital…


*****


Voilà.

Ça fait maintenant plus de deux ans que tu as pris cette putain de remorque dans la tête.

Ça fait maintenant plus de deux que je vais te voir toutes les semaines.

Que je te vois te dégrader, te racornir de jour en jour.

Ce bip ne m'atteint plus.

Quand je vais te voir, j'ai les yeux vides, éteints.

Je ne souhaite qu'une chose, que ton cœur lâche.

Pour ton bien.

Pour le nôtre.

Pour que tu sois enfin en paix.


Je ne supporte plus ces blouses que nous devons porter à cause de ce foutu staphilo que tu as chopé à l'hôpital.

Je ne supporte plus l'odeur âcre des fleurs qui donnent des couleurs fades à cette chambre sans vie.

Aujourd'hui, je vais te voir à contrecœur.

Je ne supporte plus cette situation.

Je voudrais que ça s'arrête.

Définitivement.

Marre de souffrir inutilement.

Marre de ressasser cette histoire.


De toute façon c'est fichu, il n'y a pas 50 issues possibles…

La seule, c'est ta mort…


J'aimerais tirer sur ces fils, te laisser t'éteindre dignement, et ne plus te voir là, te décomposer petit à petit…

Mais je ne peux pas. La loi me l'interdit. Ta mère si âgée, si fragile, qui n'a que toi, me l'interdit…


Quand est-ce que cela va cesser ? Enfin ? Qu'on en finisse ?


J'aimerais te tuer par amour…


On me le refuse, alors j'attends dans la douleur…

J'attends…


--------


Cette histoire romancée (car je n'en connais pas les détails) est la véritable histoire qu'a vécue une personne que j'apprécie beaucoup.

Le procès a eu lieu très récemment, 2 ans et demi après le drame.

Le coupable, un homme de 60 ans qui conduisait un pick-up avec une remorque à 120 km/h sur une nationale, a écopé de 2 ans de retrait de permis (donc à ce jour il peut conduire de nouveau), d'un an de prison avec sursis, et de 250 € d'amende pour l'excès de vitesse…

Dites-moi où est la justice dans tout ça ??


 
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   Manonce   
13/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Une grande émotion se dégage de ce texte que je trouve très bien écrit. On sent que l’auteur est touché par ce sujet qui concerne des proches.
Les lignes finales interpellent le lecteur, lui demandant de se prononcer sur l’injustice de la peine. Pour moi, elles sont en trop. J’aurais préféré lire un deuxième texte (mais ce n’est que mon avis) dans lequel l’auteur nous aurait parlé de cet homme de soixante ans et nous aurait amené justement à ce sentiment d’injustice, sans prononcer vraiment le mot.
Ici, on me demande de choisir un camp sans me montrer l’envers du décor.
Je sais que c’est difficile lorsqu’on se sent concerné.
Merci pour ce texte qui m’a ému et fait réfléchir.

   widjet   
13/4/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
Un texte sincère, qui interpelle forcément. Mais peut-être que le choix des mots aurait pu être différent ; ceux-ci sont sans doute trop communs et trop "plaintifs" pour sublimer cette émotion qu'on devrait pourtant ressentir à la lecture de ce texte douloureux. Jamais évident de traiter de ce sujet (euthanasie) sans tomber dans le "déjà-vu"....Il est parfois préférable (même si plus risqué), de prendre des chemins moins linéaires, plus imagés, bref suggérer...ce qui donne une force décuplée aux sentiments intérieurs

Mais c'est plutot bien écrit, ce qui n'est déjà pas si mal.

Bravo Bliss.

Tes textes (que j'ai je crois tous lu) sont plutot prometteurs et tous empreints d'une belle sensibilté et ne manquent que d'un petit "plus" pour convaincre totalement

Bonne continuation

Widjet

   strega   
13/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Oui vraiment Bliss bravo. J'ai eu l'angoisse, la douleur et la haine tout comme la narratrice... C'est vrai, d'une sincérité poignante, d'une justesse admirable, mais qu'est-ce que c'est dur...

"Il ne se réveillera pas, il est dans un coma irréversible ; et même s'il se réveille un jour, il ne sera plus rien, un déchet, un corps sans âme…", j'en ai encore mal à l'estomac...

Bravo, je ne dirai pas merci parce que ce n'est pas adapté à un texte comme celui-ci...

   Anonyme   
19/4/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Un beau texte, assez bien écrit.
Un brin polémique mais ça ne me gêne pas.

   Anonyme   
19/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien
ce texte est bien construit. Avec l'auteur on vit ces moments très difficiles, très biens rendus par des descriptions précises avec des mots simples qui ajoute à l'intensité dramatique.

Est posé le problème de l'euthanasie active.

Un petit mot au sujet de la justice. Un juge ne rend pas la justice comme le faisait Salomon ou Saint Louis sous son chêne.

Un juge applique la loi avec une certaine latitude quand à la peine à appliquer que lui laisse le texte qui s'applique à l'infraction.

Dans le cas présent c'est plus la loi qui est à revoir que le jugement qui vu la gravité des faits a du faire l'objet d'un appel

   Anonyme   
11/6/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'imagine que dire que j'ai aimé ne serait pas adapté au texte.
Je dirai donc que j'ai ressenti au plus profond de moi-même le sentiment de l'auteur, ce sentiment d'injustice que tout le monde ressent un jour mais que seuls quelques uns savent exprimer par écrit.
Bravo pour ce sentiment à l'état pur qu'est "L'accident" !
Ululo

   Une_ame_malade   
11/6/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Très touchant, en effet, on ressent bien la sincérité de l'auteur (d'ailleurs les derniers mots ne m'ont pas étonné, et je trouve, personellement, qu'ils sont tout-à-fait à leur place ici), sa douleur également.
Beau texte donc, mais je suis incapable de m'étendre sur le sujet.

   victhis0   
16/9/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Apart la dernière phrase en italique, de mon point de vue inutile, c'est un texte à l'émotion brute et réelle, qui fait mal. Sujet délicat traité avec délicatesse et sincérité, bravo.

   Bidis   
4/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Dans le tout début du texte, la répétition de « je suis vivante » est très bien venue. Mais elle est entachée des trois répétitions qui la précèdent – (« encore le choc »/ « me vrille encore », « mes poumons n’en peuvent plus »/ « s’enfoncer dans mes poumons », « où je suis »/ « c’est que j’y suis ») qui elles ne sont sans doute pas voulues – ce qui fait que "je suis vivante", de figure de style, devient une répétition comme les autres.

« Ce pick-up qui se rapproche.
Qui roule vite.
Trop vite.
Sa remorque qui tangue d'un côté et de l'autre.
Sa remorque qui se déporte sur notre voie. »
Ici, j’aurais trouvé le texte plus fort sans les « qui ».

« Ça fait maintenant plus de deux que je vais te voir… » : ne manque-t-il pas le mot "ans" après le "deux" ?

« Que je te vois te dégrader, te racornir de jour en jour.
Ce bip ne m'atteint plus.
Quand je vais te voir... » : répétition du verbe voir d’autant qu’il va revenir un peu plus loin (« et ne plus te voir là »)

Ces répétitions m'ont empêchée de trouver ce court et sensible texte tout à fait bien écrit.

   wenrolland   
22/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien aimé ce texte, c'est bien écrit. Je dois cependant dire qu'a chaque début de section, je voyait ou le récit allait... C'est peu être un peu trop évident simplement avec la clarté du titre. J'ai hâte de voir l'évolution de tes textes. Merci pour ce partage.


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