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Humour/Détente
Xavier : Le cochon de Darwin
 Publié le 14/04/08  -  6 commentaires  -  12471 caractères  -  19 lectures    Autres textes du même auteur

Julien en a entendues, des histoires incroyables, des trucs invraisemblables que même la candeur d’un enfant de sept ans et demi ne peuvent laisser passer. Alors quand on lui raconte que l'homme descend du singe, il ne peut s'empêcher de rester sceptique.


Le cochon de Darwin


Julien en avait entendues des histoires incroyables, des trucs invraisemblables que même la candeur d’un enfant de sept ans et demi ne pouvait laisser passer. Comme, par exemple, lorsque son oncle lui volait son nez alors que Julien voyait très bien que c’était son propre pouce qu’il tenait entre ses doigts ou encore que si une certaine cloche sonnait lorsqu’il faisait une grimace, son visage resterait figé ainsi pour toujours. C’était tout simplement ridicule, mais les adultes continuaient à lui mentir, tout ça parce qu’il avait eu la bêtise de croire au Père Noël et à la petite souris.


Julien avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus, car il était futé et qu’il ne fallait plus le prendre pour un idiot !


Mais ce vendredi, il apprit quelque chose qui le chamboula complètement, le laissant dans la confusion la plus profonde.


S’il avait depuis longtemps compris qu’à l’école on n'était pas là pour rigoler (sauf pendant la récré), mais pour apprendre plein de choses sérieuses et importantes comme les calculs ou les dictées, Julien ne pouvait s’empêcher de douter de la véracité de cet apprentissage. Et quand ce matin-là, madame Davila, la prof de religion, avait dit à toute la classe qu’ils étaient, ainsi que le monde entier, les enfants d’Adam et Ève, Julien resta quelque peu perplexe.


Alors il décida de demander l’avis de monsieur Van Meer, un autre professeur, qui lui expliqua une théorie encore plus farfelue. Selon ce qu’avait compris Julien, les hommes avant étaient des singes ! C’était encore moins crédible que ce que prétendait madame Davila.


Mais monsieur Van Meer, lui, disait que c’était scientifique et qu’il y avait des preuves, alors que la prof de religion, elle, racontait souvent les histoires d’un type qui marchait sur l’eau.


Julien décida d’approuver les dires de monsieur Van Meer : les singes devenaient des hommes !


Quand il rentra chez lui, il hésita à demander à sa maman de le lui confirmer. Celle-ci avait l’air encore très fâchée sur quelque chose que Julien ne pouvait pas comprendre, comme elle le lui répétait à chaque fois qu’il s’inquiétait des raisons de sa colère.


Il attendrait son papa, lui au moins ne lui avait jamais fait croire n’importe quoi sur sa venue au monde. Sa maman lui avait prétendu qu’il était né dans un chou. Son papa lui avait fait remarquer qu’ils vivaient en appartement et qu’il n’avait pas de potager. Julien savait que son papa était la seule personne qui oserait lui dire honnêtement quel genre de singe il avait été avant d’être un petit garçon.


Le problème, c’était que depuis quelques semaines, il rentrait de plus en plus tard, souvent même après que Julien et sa maman aient fini de souper.


Il avait compris que c’était une des causes qui poussaient sa maman à se mettre dans tous ses états, ça et aussi un détail qui semblait beaucoup plus important que les retards de son papa : le fait que sa veste avait une douce odeur sucrée.


Son papa avait pourtant l’air de plus en plus joyeux, de temps en temps il rentrait en sifflant ou alors il faisait faire l’avion à Julien en le soulevant à bout de bras et en le faisant tourner au milieu du salon. Sa maman était peut-être jalouse du bonheur de son papa ou bien de son nouveau parfum, peut-être des deux.


Julien était déjà au lit lorsque son papa revint du travail. Il ne l’entendit pas rentrer, mais les cris qui suivirent le réveillèrent. Son papa devait sentir particulièrement bon à en juger par la cadence des injures et la violence des portes qui claquèrent. Julien attendrait le lendemain pour demander confirmation au sujet des singes qui devenaient des hommes.


Ce samedi matin là, sa maman lui prépara sa valise parce qu’elle avait décidé qu’il passerait tout le week-end chez sa grand-mère. Julien lui demanda pourquoi et celle-ci lui répondit qu’elle devait réfléchir au calme pour ensuite prendre une décision très importante. Julien n’insista pas. Il la sentait déjà préparer tout un tas de bobards visant à l’amadouer. Vers 10 h 30, sa mamie vint le chercher. Elle avait décidé de l’emmener passer la journée au zoo. Quelle aubaine, se dit Julien. C’était l’occasion idéale d’aller voir si les singes devenaient vraiment des hommes. Peut-être même assisterait-il à la transformation ? Il sauta de joie à cette idée. Il embrassa sa maman, mit sa veste, prit sa valise et fila à toute vitesse s’asseoir dans la vieille voiture de sa grand-mère. Il tremblait d’impatience et tapotait nerveusement du pied dans le vide en demandant toutes les deux minutes à sa mamie s’ils étaient enfin arrivés ou en lui suggérant de rouler plus vite.


Deux heures plus tard, la voiture se gara sur le parking du zoo. L’excitation avait presque épuisé Julien, mais il se motiva en songeant que d’ici quelques minutes, il assisterait à l’accouchement d’une vérité que les adultes n’allaient pas édulcorer, car pour la première fois, il en serait témoin.


Sa grand-mère paya les tickets d’entrée et tendit l’un d’entre eux à Julien tout en lui demandant par quoi il voulait commencer. Quelle question ! Le programme de la journée était clair : il commencerait, se poursuivrait et se terminerait par la visite de la partie du zoo consacrée aux singes. Le reste lui était bien égal. Sa grand-mère ne discuta pas, pensant que tant qu’il s’intéressait à quelque chose cela suffisait à la combler.


Ils trouvèrent un banc juste en face de l’enclos des gorilles et s’assirent. Ils restèrent ainsi un petit moment. Julien était figé, il regardait chacun des gorilles avec le plus grand soin, examinant le moindre détail, le moindre changement. Décelant chez son petit-fils une passion insoupçonnée pour les primates, sa grand-mère lui demanda s’il ne voulait pas aller voir les chimpanzés. Julien réfléchit quelques instants et fit connaître ses intentions en hochant frénétiquement sa tête de haut en bas.


Au final, ils s’arrêtèrent devant chaque enclos. Julien était déçu. Voilà quatre heures qu’il observait les singes et peu importait l’espèce, aucune ne s’était transformée en homme. Il dévisagea longuement un orang-outan, le suppliant presque du regard de bien vouloir se métamorphoser en un véritable être humain. Mais là encore, rien du tout.


Sa grand-mère lui proposa d’aller manger une glace. Julien se dit que c’était sans doute la meilleure chose à faire. Dans la file en face du glacier, Julien se surprit à avoir la bougeotte. Il avait l’impression qu’une colonie de fourmis lui parcourait le long des jambes et à en juger par ses déhanchements, ça devait être des fourmis rouges. Prétextant un oubli, il demanda à sa mamie s’il pouvait vite retourner près de l’enclos des gorilles. Celle-ci le laissa filer, elle pouvait sans problème garder un œil sur lui d’où elle se tenait.


Julien se dépêcha de rejoindre cet endroit fascinant pour mettre un terme à tous ces doutes et trouver enfin des réponses.


Lorsqu’il y arriva, Julien n’en crut pas ses yeux. Les gorilles n’étaient plus là ! À la place, il y avait un homme… qui balayait ! Comprenant que l’individu n’était qu’un travailleur du zoo, Julien ne put contenir plus longtemps sa déception. Il pleura, ne comprenant pas pourquoi les adultes lui avaient encore menti. L’employé du zoo s’inquiéta de ce qui n’allait pas. Julien lui demanda si c’était vrai que les hommes étaient des singes avant, et si oui, alors pourquoi n’avait-il pas été témoin de la transformation de l’un d’entre eux depuis tout ce temps qu’il avait passé à les observer ?


L’employé, sans s’étaler sur le sujet, lui répondit que c’était vrai, mais que ça prenait beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps et que ce que Julien entendait par transformation, s’appelait en réalité : l’évolution.


Sa mamie le rejoignit deux minutes plus tard, avec un cornet de glace dans chaque main. Ils dégustèrent en silence et en vitesse, puis Julien demanda s’ils pouvaient rentrer car il se sentait fatigué. Il dormit tout le trajet du retour et, arrivé à la maison de sa grand-mère, il se réveilla brièvement, le temps de sortir de la voiture, monter les escaliers jusqu’à sa chambre, mettre son pyjama et se coucher dans son lit.


Le dimanche matin commença avec deux mauvaises nouvelles : la première était qu’il fallait aller à la messe et la deuxième, bien pire encore, fut le fait que sa maman appela, non pour prendre de ses nouvelles, mais pour demander à sa mamie si elle pouvait le garder le reste de la semaine. La journée s’engageait sur les rails de l’ennui ferme.


Au plus les jours passèrent au plus le manque de sa maman se fit ressentir, Julien angoissait en se demandant ce qu’il faisait là, chez sa grand-mère où tout ce qui s’apparentait à une forme quelconque de loisir relevait de l’interdit. À l’ennui se joignit la frustration, les jours étaient bercés de "ne touche pas à ça !", "non, ne regarde pas la télévision !", "mange tout ce qu’il y a dans ton assiette !" et l’habituel "pas maintenant, mamie est fatiguée !".


Julien se demandait pourquoi sa grand-mère était aussi sévère avec lui. Il voulait la vraie raison. Parce que pour lui la réponse "c’est pour ton bien !" relevait, une fois de plus, du mensonge déguisé. Peut-être qu’elle était tout simplement méchante naturellement, Julien ne lui aurait de toute façon jamais demandé pourquoi… C’était beaucoup trop risqué comme démarche ! Ce qui l’intriguait le plus c’était son grand-père, du moins la photo encadrée de celui-ci, posée sur la table basse située dans le salon.


Il avait un visage plutôt marrant : un crâne tout lisse, des oreilles tombantes, un sourire édenté et un nez semblable à un groin. Julien sourit en remarquant que son grand-père ressemblait à un cochon. Il estima qu’il pourrait en savoir un peu plus sur cet homme qu’il n’avait jamais connu. Alors il posa la question en s’attendant à ce qu’on lui réponde qu’il était trop petit pour comprendre, l’incitant à s’interroger sur la taille suffisante à avoir pour accéder à la compréhension des choses.


Sa grand-mère n’avait pas envie d’en parler, elle lui dit juste qu’il était parti très loin et qu’il reposait pour l’éternité près de la ferme où il avait grandi. Julien ne comprit pas ce que sa mamie entendait par "reposer" et "éternité". Elle lui répondit qu’il comprendrait plus tard, quand il sera grand. Les jours qui suivirent cette discussion se passèrent dans une atmosphère étrange. De temps en temps sans comprendre pourquoi, la grand-mère de Julien se mettait à pleurer en le regardant, elle lui disait entre deux sanglots qu’à partir de maintenant, il devrait être fort.


Arriva le samedi, le jour où Julien rentrait chez lui.


La voiture de sa grand-mère s’arrêta devant le porche de la maison. Ils sortirent tous deux du véhicule. Sa mamie retira la valise hors du coffre, s’approcha de Julien, mit un genou à terre, le serra très fort dans ses bras en pleurant et lui fit promettre d’être courageux. Julien ne comprenait rien, mais le lui promit. Si ça pouvait lui faire plaisir... Ensuite elle s’en alla, le laissant là, seul.


En rentrant, il découvrit sa maman en train de pleurer au milieu du salon dont le sol était jonché de bouteilles d’alcool vides. Julien pensa qu’elle n’était pas heureuse de le voir, puis il se demanda où était son papa qui aurait dû être là, car il ne travaillait pas le samedi.


Il s’approcha d’elle et lui demanda timidement ce qui n’allait pas.


Celle-ci fut surprise, elle ne l’avait pas entendu rentrer. Elle se jeta à ses pieds en lui demandant pardon, pardon, pardon. Elle avait les yeux rouges, le visage bouffi. Elle le supplia de ne pas lui en vouloir, que ce n’était pas de sa faute, qu’elle n’était pas responsable et que si son papa était parti, c’était parce que celui-ci était un porc, un PORC ! Elle insista beaucoup là-dessus. Julien la crut sur parole.


Tout était clair à présent, toutes les questions qu’il se posait trouvèrent enfin des réponses. Il avait compris que l’important était d’être humain, peu importe le singe que l’on était avant. Il fallait profiter d’être un homme avant de devenir un cochon comme son grand-père ou comme, maintenant, son papa. La vérité c’était que l’on était d’abord des singes, ensuite des hommes et puis des cochons. C’était donc ça l’évolution… !


Il rassura sa maman en lui disant d’être forte, qu’il ne fallait pas avoir peur, qu’après tout c’était la vie. Il lui promit aussi qu’ils iraient elle, lui et grand-mère voir papa et grand-père dans la ferme où ils se reposent.


 
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   David   
14/4/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Xavier,

J'ai beaucoup aimé, cette apprentis sorcier du monde adulte qui élabore ses vérités d'aprés sa logique implacable, le héros est trés bien mené. L'histoire m'a coupé le souffle, les différentes étapes, du "singe" au "cochon" m'ont bien attrapé, vu par les yeux de l'enfant, un humour noir cinglant, bravo !

   Anonyme   
14/4/2008
Oui ! Ca colle parfaitement bien à la vision du monde que peut se faire un gamin, qui se construit sa logique avec les éléments épars et les parcelles d'informations qu'il glane ça et là, interprétant tout comme il peut.

Ca me rappelle tellement mon p'tit dernier qui a cinq ans et découvre tout ça. Jusqu'il y a peu lui aussi me disait : "quand j'étais un singe avant, comment c'était". Et maintenant, après moult explications patientes, il semble avoir capté le principe et me dit, triomphant : "il ya d'abord eu les poissons, et puis les dinosaures, et puis les singes, et puis nous" avec un grand sourire ravi ! :-)

J'ai bien aimé ton histoire parce que, malgré la trame de fond qui est un peu lourde et tragique, il y a cette candeur et cette fraîcheur qui sont bien rendues. Ca se laisse lire avec plaisir.

   widjet   
14/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien
A part un petit coup de mou au milieu (après la visite au zoo), voilà une histoire tragi-comique (tout de même bien plus tournée vers la comédie) des plus réussies. Il y a même un côté vaudeville (avec le double sens et la double compréhension du terme "cochon") assez réjouissant. Je ne sais pas si c'est le premier texte de Xavier mais quoiqu'il en soit, avec cette histoire aux allures de fable satirique, il nous montre ses qualités prometteuses de conteur. A suivre donc...

W

   Anonyme   
15/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Singe-humain-cochon... Ouais, une belle ascension...

Bien vu la théorie enfantine de l'évolution, le fond, l'histoire
du "porc qui trompe sa femme" me parle moins.. Car dans ce cas
les "truies" existent elles aussi...

Dans l'ensemble c'est plutôt pas mal quand même.

   Anonyme   
15/4/2008
Pas mal du tout, vraiment. Je me suis laissé prendre par l'histoire et j'ai bien aimé ce regard d'enfant et l'interprétation qu'il peut avoir de ce qui l'entoure.

Bon, je ne cote pas : je suis assez dubitatif sur ça.
Bonne continuation.

   Maëlle   
23/7/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J'aime beaucoup l'idée, la logique qui soutiens le texte. Mais le style me parait faux. Je ne suis pas certaine qu'il était nécessaire d'imiter l'enfant dans la manière d'écrire. Et cette imitation me parait mal fichue. Du coup, j'ai moins profité de l'histoire.


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