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Sentimental/Romanesque
Coline-Dé : Elle s'en allait
 Publié le 20/12/15  -  12 commentaires  -  11942 caractères  -  165 lectures    Autres textes du même auteur

Est-ce qu'une route s'arrête quelque part ?

Josy, quelque temps avant "Un trèfle de lumière sur un mur fissuré".


Elle s'en allait


Elle l'avait trouvé là, sur le bord de la route, la braguette ouverte, près du vieux saule où il venait pisser tous les matins. Il avait les yeux fixes, un filet de sang séché sous le nez et la moitié de la figure violette.

Ça s'était brouillé dans sa tête, et elle était restée un long moment immobile, à le regarder, juste arrêtée. Peut-être une demi-heure. Ou plus, va savoir.

Elle n'était ni triste ni rien. Trois pensées flottaient vaguement : "Faudrait le couvrir. J'ai pas ouvert aux chèvres. C'te fois, je vais la descendre, la route."

Le soleil commençait à chauffer, et les bêlements des chèvres la remirent en mouvement, mince silhouette aux gestes efficaces, à la tête absente.

Elle tourna le dos au corps, remonta vers la maison.

Le soleil tapait exactement comme le matin où elle était arrivée, allumant un miroir mobile sur l'abreuvoir. Le vieux avait garé la 2 CV camionnette dans le sentier sous le potager et elle se souvenait de l'étonnement ressenti : la route s'arrêtait là, trente mètres plus haut que la maison, comme désemparée, entre les touffes d'orties et les fagots empilés.

Jamais elle n'avait pensé qu'une route pouvait se terminer quelque part. Ça donnait froid.

Le trajet n'avait pas duré, une heure et demie tout au plus, entre la DDASS et cette ferme assise au creux du dernier virage. La montagne continuait un peu, sur son élan, un gros bois sombre alourdissait sa crête.

C'était tout ce qu'elle avait vu d'abord : ça s'arrête ici.

Elle avait seize ans.

Bah, ce serait toujours mieux que la DDASS ; au moins, elle avait été choisie. Parce qu'elle était robuste et travailleuse et que Marthe était malade.

Le vieux lui avait expliqué tout ça en détail pendant le trajet. Elle avait à peu près compris.

Mais à peine arrivée, une envie panique de repartir l'avait saisie ; elle n'avait pas pris le temps de regarder Marthe, silhouette floue dans l'ombre de l'auvent, et elle avait filé sur le chemin, empêtrée de son bagage.

Même en courant longtemps, on se trouvait toujours sous la ferme, à cause des lacets. Cette fois-là, le vieux n'avait pas essayé de la rattraper.

Au bout d'un gros moment, elle avait cessé de courir, juste marché, en pleurant vaguement, elle ne savait plus pourquoi. Et puis les chèvres étaient arrivées, se détachant des talus, fruits cornus déboulant vers elle.

L'une d'elles avait deux cabris, ciselés et luisants dans le soleil, elle était tombée amoureuse de ces deux-là, plus encore que des autres, et c'est en les suivant qu'elle avait rebroussé chemin jusqu'à la ferme, découvrant la beauté partout où les chèvres s'arrêtaient, la tête légère de nouveau.

C'était un bon endroit. Tant pis si la route s'arrêtait.

Le plus petit chevreau, qui avait à peine des bourgeons de cornes, les poussait contre ses jambes, joueur, et Josy s'était sentie adoptée.

Sous l'auvent, Marthe et le vieux la regardaient remonter la route, la main du vieux avait effleuré brièvement la nuque de Marthe : "Ça ira, t'en fais pas…", et il avait crié :


− Tant que t'es en bas, donne donc un seau d'eau aux poules.


Josy, docile, avait trouvé le bout d'un long enchaînement de gestes simples.

La maison lui avait plu, coiffée bas, ramassée, protégée par les trois peupliers que le vieux avait plantés vingt ans plus tôt pour pomper l'humidité du terrain irrigué par une source.


Elle leva le nez, essayant de retrouver son regard neuf. Elle avait d'abord été frappée par le perron, sous l'auvent duquel Marthe passait ses bonnes heures – quand elle en avait.

Un endroit où faire son nid.

Marthe, noire et blanche.

On ne sait pas comment on arrive à aimer quelqu'un. Parfois, on ne sait pas aimer du tout, on n'a jamais eu de modèle ; l'envie est là, mais tellement menacée par le risque d'être dédaignée…

Les sourires effarouchaient Josy, trop proches des moqueries qui l'avaient si souvent exclue.

Elle ne s'était donc pas émue de l'absence de sourire de bienvenue ; d'emblée elle avait aimé Marthe, ses yeux sombres qui vous regardaient sans ciller, presque sans voir, avec cet appel muet porteur de promesses. Ces yeux-là ne se moquaient pas d'elle et c'était déjà beaucoup. Pour une fois elle allait pouvoir être utile, elle l'avait senti.

Marthe avait détourné la tête, et s'appuyant sur la rambarde pour rentrer, avait dit au vieux :


− Elle a les mêmes cheveux.


Le vieux avait regardé Josy longuement.


− Tu sais traire ?


Comment aurait-elle su ?

Apprendre avait été plus difficile que prévu : persuadée de leur faire mal, elle n'osait pas tirer sur les tétins des chèvres, qui dansaient nerveusement sur place, impatientées de sa maladresse.


− Renvoie-la, disait Marthe, elle lui ressemble trop.

− On a besoin d'elle, disait le vieux. Laisse-lui le temps, elle apprendra… Et celle-ci ne partira pas.


Et Marthe pleurait.


Josy avait aimé Marthe.

Marthe ne l'avait pas aimée. Le vieux tentait opiniâtrement de faire le trait d'union. Il était plutôt gentil, en général. Sauf lorsqu'elle fuguait.

De grands déluges de désespoir la saisissaient, périodiquement. Surtout au moment de ses règles. Elle avait vite été reprise par son idée de partir, son désir d'une route menant à l'horizon, à un endroit où elle serait enfin à sa place.

Marcher interminablement ; rencontrer des chèvres ou quelqu'un d'aussi amitieux. Quelqu'un qu'elle ne décevrait pas.

Elle avait porté à Marthe des fraises des bois, des fleurs brillantes, des images découpées dans une vieille revue trouvée aux cabinets, du lait tout chaud, encore plein de bulles.

Elle avait essayé de trouver le bon coussin, la couverture la plus moelleuse, d'installer Marthe à la place où le soleil donnait au vallon une douceur lumineuse.

Elle avait tenté de raconter des histoires sur les chèvres, sur… elle ne savait qu'inventer, son pauvre esprit vite asséché ; elle avait un peu parlé d'elle. Et faute d'avoir suscité la moindre lueur d'intérêt, elle revenait à l'image de la route, promesse éternelle d'un futur.

À n'importe quelle heure, son sac de plastique accroché au côté, elle prenait la route, courant maladroitement, avec les pieds qui frappaient fort le sol, armée de son seul besoin d'être heureuse.

Le vieux l'appelait, courait derrière elle.

Une fois, au début, elle l'avait mené ainsi durant deux kilomètres. Tout essoufflé, il lui parlait.

Ses arguments n'avaient pas atteint le cerveau de Josy, c'était trop dur. Comprendre qu'elle ne serait jamais Anna.

Marthe s'était tellement rongée depuis le départ de sa fille que la maladie n'avait eu qu'à se lover dans ce trou.

Confusément, elle savait bien, Josy, que chacun veut forcer la réalité à ressembler à son rêve, plutôt que de jouir de ce qu'elle offre, mais les mots n'ajoutaient rien, servaient plutôt à embrouiller.

Les mots qui fixaient intolérablement le malheur au lieu de le laisser dans une indécision vivable.

Le vieux ne s'en était pas rendu compte et plein d'espoir disait : "Tu vas revenir ; à force, elle finira par te prendre pour Anna, elle a de moins en moins sa tête…"

Elle obéissait, mais refusait de coucher dans la maison, allait dormir avec les chèvres qui ne lui faisaient pas de peine.

Ne la comparaient pas. Ne lui demandaient pas de comprendre des choses difficiles.

Très vite, sa présence à la ferme du Saule s'était ébruitée (sans doute le facteur), et quelques jeunes gars avaient eu la curiosité de monter voir si elle était aussi bien que ça.

Elle était.

Vraiment.

Futée, non. Mais justement, ce serait commode. Il suffirait de lui dire quelques mots gentils, de lui offrir quelques babioles… Elle avait l'émerveillement facile : la barrette bleue pailletée que Manuel lui avait offerte avait emporté ses réticences.

Il avait aussi un rire étincelant et une façon de dire : "Ma petite Josy" en penchant un peu la tête…

Quelle frayeur lorsque le vieux les avait découverts dans la grange !

Il hurlait, au point que Manuel s'était sauvé sans rien dire, caillassé par l'ancêtre, qui visait juste, le salaud !

Josy, recroquevillée, attendait les coups. Il l'avait secouée, ses yeux d'orage la foudroyaient, il lui semblait immense, terrible ; pourtant il ne l'avait pas battue ; seulement ces mots :

"Petite pute…"

Elle avait pleuré longtemps. Ça non plus, ça ne s'adressait pas à elle. Ils ne seraient jamais sa famille.


Recouvrir le vieux. Un drap.

La maison s'était agrandie de silence. Elle fouilla au plus haut de l'armoire, avec crainte et jubilation. Il y avait encore des piles de linge neuf.

Les draps de Marthe.


Tant que Marthe avait vécu, le vieux ne l'avait jamais touchée, bien sûr. Marthe était tout son horizon.

Après…

Il l'avait fourrée dans son lit un soir où le chagrin avait frotté trop fort son cuir pourtant rude et où Josy, incapable de supporter un autre malheur que le sien, lui avait posé une main sur l'épaule.

Ça ne lui avait pas déplu, à la petite. Depuis si longtemps, elle était en manque de chaleur.

Ça ne lui aurait pas déplu si les caresses n'avaient pas ouvert la voie aux coups. Jamais le vieux ne prononçait son prénom.

La chaleur, jamais, n'allait plus loin que les draps. Il s'en voulait trop : l'impression de trahir Marthe.

Le vieux n'avait plus qu'elle, autant dire rien.

Et elle, Josy, qu'avait-elle ?

Elle se sauvait. Il la repérait tôt ou tard dans un lacet, prenait la camionnette, la rattrapait. Sans ménagements, il l'enfournait dedans. Elle n'opposait aucune protestation. Parfois, s'il avait bu, il la frappait, dents serrées sur des phrases machinales, réminiscences caduques :


− Tu vas pas encore partir, petite salope ! T'as pensé à ta mère ?


Comme un reste de rancœur qui n'arrivait pas à tarir.


Josy pleurait de ces coups qui frappaient son inexistence.

Elle s'asseyait sur la route chaude, se berçait, mains aux genoux, regardait la pente pour se consoler : la route ne s'arrêtait là que dans un sens.

Jamais le vieux ne la laisserait descendre jusqu'au village qu'elle avait entr'aperçu quatre ans plus tôt. Jamais elle ne se lasserait d'essayer.

Heureusement il y avait les chèvres. Libres d'aller et venir, elles accouraient dès que Josy les appelait, et si leurs pupilles rectangulaires ne reflétaient guère de sentiments, leurs corps joyeux l'emplissaient d'un élan vital contagieux.


Tandis qu'elle regardait le troupeau se déverser dans le vallon, une idée, laborieusement, essayait d'émerger dans sa tête vide : le vieux, mort, la maison… Il fallait prévenir.

Il lui appartenait de décider quand.

C'était étrange de se trouver maîtresse de la place, libre d'aller dans toutes les pièces, dans tous les sanctuaires. À pas furtifs, elle osa monter ouvrir la chambre du haut. Un des premiers posters d'Elvis Presley, icône incongrue, ornait le mur au-dessus du lit étroit. Elle s'allongea un instant, pour voir. Rien. Cette pièce était inanimée depuis longtemps. Les rêves d'Anna s'en étaient échappés. Le lit, pourtant, était fait, prêt à son retour.

Un temps suspendu s'écoulait, frange incertaine de toute-puissance passagère.

Le vieux mort, Josy essayait d'imaginer les conséquences : est-ce que, maintenant, Anna allait refaire la route en sens inverse, revenir, s'arrêter ici ?

Elle décida de partir sans rien dire à personne : comme si elle laissait une chance à Anna.

Dans la cuisine, elle but un peu de lait. Pour la route.


La bourre des peupliers avait étendu une molle couverture blanchâtre sur le bitume. Josy considéra le vieux, murmura doucement : "Louis…", le borda avec soin dans un grand drap raide. Tout un pan de sa vie se détachait d'elle, se délivrait.

Elle cueillit une marguerite, la planta dans ses cheveux et partit, les mains vides, légère. Un petit souffle coula soudain du flanc de la montagne, imprimant un mouvement à la nappe de bourre. On eût dit que la route se mettait à courir.

Josy en fut heureuse. Elle ne s'arrêterait plus.


 
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   Perle-Hingaud   
1/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour l’auteur !

J’ai reconnu ce texte, lu ailleurs il y a longtemps, donc, je m’adresse directement à l’auteur, on ne va pas faire semblant parce qu’on est en espace lecture… 

Tout le premier plan de la nouvelle, la découverte du vieux, est impeccable. Aucune fausse note, on y est, et on y est au travers des yeux du personnage.

J’aime moins : « allumant un miroir mobile sur l'abreuvoir » : miroir mobile, bof.

L’idée de la route qui se termine est, comme toujours chez toi, très signifiante.

De : « Elle avait seize ans. » à « pour pomper l'humidité du terrain irrigué par une source. », grosso modo, je ne comprends pas l’abus de retours à la ligne.
Il me semble que ces derniers devraient être réservés à quelques cas, une mise en exergue : là, finalement, tout est mis en avant, du coup, plus rien ne ressort vraiment… et ça hache un peu la lecture. Bon, ce sont des chipotages, mais faut bien trouver des trucs à polir…

Je ne m’attarde pas sur le fond, les non-dits et ce qui est révélé par une simple réplique, par exemple : « Renvoie-la, disait Marthe, elle lui ressemble trop. » A nous d’imaginer ce qui manque, mais les indices sont nombreux.
Et toujours ce même thème, l’amour, en montrer ou pas, en souffrir ou en guérir.

« Surtout au moment de ses règles. » : le détail qui ancre le récit dans autre chose que de la guimauve. Les règles, ben oui, c’est ça, le réel. Bravo pour ces petits traits en épaisseur.

« La maison s'était agrandie de silence. » : J’aime bien le contraste avec la scène précédente (Manuel et le caillassage du vieux). « Josy pleurait de ces coups qui frappaient son inexistence. » : whaaaa ! chuis jalouse ! (comme dirait Pepito).

Josy… que l’on retrouvera plus tard, donc. Pour la cohérence globale, j’ai tout de même une réserve : cette Josy là me parait un peu « simplette », ce qui n’est pas l’impression que j’ai eu du personnage dans d’autres textes. (« Elle avait à peu près compris. », « Futée, non. Mais justement, ce serait commode. » « une idée, laborieusement, essayait d'émerger dans sa tête vide »…).

Merci pour ce texte, ton style est toujours aussi bon.

   Anonyme   
3/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Bon, c'est un peu mélo mais pas mal quand même. Vous forcez parfois trop sur le lacrymal au risque de faire perdre toute crédibilité à l'histoire. Par exemple le vieux qui se tape la petite. Franchement ce n'était pas nécéssaire, pas besoin de ça pour ressentir encore plus de pitié ! Vous aviez déjà suffisamment retranscrit la triste situation de Josy. On dirait que vous voulez nous rejouer Cosette...
Sinon le reste est de bonne facture, bien rédigé ; Marthe, Anna, et tous ces non-dits qui hantent le bout de la route. Une route en cul-de-sac, métaphore sur le fil de l'existence qui peut prendre de mauvais virages, s'enliser, mais capable de repartir avec vigueur. Tant qu'il y a de l'espoir.

   vendularge   
20/12/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour,

Quant à moi, j'adore le texte, l’histoire, cette description distanciée et très efficace. Le côté « cosette » est justement empreint de ce fatalisme qui donne le peu de légèreté (si l’on peut dire) qui nous éloigne des « Misérables ».

J’aime beaucoup cette écriture soignée, précise et aérienne, elle ne prend pas le pas sur l’histoire, elle la sert avec talent.

Bref…et vous l’aurez compris, je suis enthousiaste et je vous remercie

   lala   
20/12/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Coliné-Dé,
Je trouve ce récit bien construit, bien écrit, avec des images qui me plaisent, par exemple :
- une route pouvait se terminer quelque part
- empêtrée de son bagage (clin d'oeil à Anouilh..)
- chacun veut forcer la réalité à ressembler à son rêve
Je n'ai pas compris « le bout d'un long enchaînement ».

Je ne parviens pas à cerner la personnalité de Josy, adoptée (accueillie) à 16 ans, pas rebelle, ayant pourtant un lourd vécu, mais pas très autonome, au moins sur le plan relationnel, et qui s'en va sans but à la fin.
Un peu trop d'excès dans la misère, dans son exploitation exclusive.

   Pepito   
20/12/2015
Coucou Coline,

A Fond la Forme :
"Ça donnait froid." bien !
"La montagne continuait un peu, sur son élan," j'aurai mieux vu l'image pour la route
"un gros bois sombre alourdissait sa crête." mmmh, j'adore ;=)

Haaaa, une p'tit n'enfant de la DDASS, bien perdue et tout gentiiiille! Tè, j'ai déjà la larmouille à l’œil.

Dialogue revu :
- Tant que t'es en bas, donne donc un seau d'eau aux poules.
- Ben mon con, t'as qu'a te lever le derche et venir le faire toi même!

"retrouver son regard neuf" > "un" regard neuf si c'est le tien, l'est pas perdu
"on ne sait pas aimer du tout, on n'a jamais eu de modèle " ma pôvre bibiche...

"Elle a les mêmes cheveux" là, j'en pleure déjà (encore, veux-je dire), sûrement une fille morte un temps plus tôt... celle qu'aurait dû traire les chèvres... tout est bon pour se défiler devant la corvée, ingrate !

"Marthe s'était tellement rongée depuis le départ de sa fille que la maladie n'avait eu qu'à se lover dans ce trou. " haaaa, enfin, un bon cancer long et douloureux... pas trop tôt... Gaffe quand même, le concept est breveté par Alice. ;=)

"qui visait juste, le salaud ! " haaaaa, enfin du bon Coline !

"La maison s'était agrandie de silence." ouinffff ...
"Ça ne lui avait pas déplu, à la petite." ouf, à Cohn Bendit non plus... quoique, 16 ans et le reste, ça commence à faire un poil vieux pour... "petite".

Bon, cela finit par finir... un texte pathétique mais presque. Pas trop à mon gout, mais en même temps, mon gout.. hein ! ;=)

Au prochain.

Pepito

   Anonyme   
20/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Coline-Dé,

J'ai bien aimé le style d'écriture, autant que l'histoire. Une sorte de huis clos finalement, basé sur l'ignorance des êtres - en quelque sorte - et de leur fragilité face à la dûreté de la vie. Mais le tout se termine bien, au final... exactement comme je l'avais imaginé (dommage car l'effet de surprise, du coup, n'y était pas). Pourtant la situation est vraie et les clichés entièrement bannis, ce qui rend le tout attrayant.

Bien à vous,

Wall-E

   carbona   
21/12/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour Coline,

Bon la petite Josy traîne des casseroles. Un petit peu trop sur si peu de lignes. A l'inverse de la précédente tranche de vie de Josy (Un trèfle de lumère sur un mur fissuré), celle-ci est très chargée. Une sensation de surcharge dans la dose d'informations fournies : la Ddass, la ferme, Marthe, Louis, Anna les jeunes du village, les "viols", les coups. Je préfère boire par petites gorgées pour mieux savourer. Les échanges avec Marthe suffisaient par exemple à faire une seule nouvelle, tant il étaient intéressants.

Il y a d'excellents passages et de moins bons. Voici des remarques en vrac :

- "− Elle a les mêmes cheveux." < j'adore, subtil, délicat ça se suffit amplement, j'aime la suite aussi " Renvoie-la, disait Marthe, elle lui ressemble trop.", là vraiment je me régale quand c'est écrit ainsi. J'en suis presque déçue du coup quand vient un prénom sur ce elle, ça enlève de la beauté et des bribes d'explications comme "Marthe s'était tellement rongée depuis le départ de sa fille que la maladie n'avait eu qu'à se lover dans ce trou. ", non je n'en ai pas besoin, j'avais bien compris tout ça.

-"Josy avait aimé Marthe.

Marthe ne l'avait pas aimée." < j'aime beaucoup, très efficace.

- "est-ce que, maintenant, Anna allait refaire la route en sens inverse, revenir, s'arrêter ici ? " < ici je suis déçue, je la préférais morte, mais bon je ne vais pas réécrire l'histoire, je vous fais part de ce que j'ai ressenti

Certains passages réflexion me font un peu décrocher, je préfère quand nous sommes dans l'action, je les apprécie à toutes petites doses. ex : "Confusément, elle savait bien, Josy, que chacun veut forcer la réalité à ressembler à son rêve, plutôt que de jouir de ce qu'elle offre, mais les mots n'ajoutaient rien, servaient plutôt à embrouiller.

Les mots qui fixaient intolérablement le malheur au lieu de le laisser dans une indécision vivable. " < la seconde phrase est en trop pour moi.

- "Cette fois-là, le vieux n'avait pas essayé de la rattraper. " < cette fois-là m'a dérangée car on ne sait pas encore à ce stade que Josy essaiera souvent de s'échapper.

-"Josy, docile, avait trouvé le bout d'un long enchaînement de gestes simples." < je ne comprends pas trop cette phrase.

Je me suis un peu lassée de la répétition du scénario fugue-chèvres, j'avais l'impression de piétiner mais Josy piétinait elle aussi...

Certaines phrases sont parfois trop longues et manquent de simplicité. Ex : "La maison lui avait plu, coiffée bas, ramassée, protégée par les trois peupliers que le vieux avait plantés vingt ans plus tôt pour pomper l'humidité du terrain irrigué par une source. " mais l'écriture est de qualité.

Deux remarques seulement sur l'écriture qui je le redis est très bonne :

- "une envie panique de repartir l'avait saisie " < bof par rapport au niveau de l'ensemble du texte
- "De grands déluges de désespoir la saisissaient" < pareil

- Le passage avec les garçons du village va trop vite, il mériterait qu'on s'y attarde davantage. Je l'ai trouvé trop brut. J'aurais aimé une amorce plus subtile.

"Tu vas pas encore partir, petite salope ! T'as pensé à ta mère ? " < là, "ta mère" est excellent, très puissant, très parlant !

Bon je m'arrête là dans la décortication. En conclusion, beaucoup de choses, de bonnes choses mais trop d'un coup pour pouvoir bien les apprécier. Cela mériterait plus de chapitres !

Merci pour la lecture.

   widjet   
22/12/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Petit drame rural, un brin misérabiliste, quand même (tout comme Jano, pas certain que les viols du vieux soient une "bonne idée")

Côté style, je ne me souvenais pas que Coline "virgulait" autant ses phrases. Mais, sans doute le manque d'habitude de ma part après une absence de pratique. Cela m'a parfois gêné, mais la lecture a été globalement facile.

Tout du long, l'auteur a alterné phrasé rugueux, paysan si j'ose dire (ce qui collait bien au récit), et forme plus "travaillée", ça m'a perturbé.

A cela quelques phrases (ou rajouts) inutiles comme :

On ne sait pas comment on arrive à aimer quelqu'un. Parfois, on ne sait pas aimer du tout, on n'a jamais eu de modèle ; l'envie est là, mais tellement menacée par le risque d'être dédaignée…
(la seconde partie de la phrase ne s'imposait pas, finir sur "modèle" eut gardé la portée émotionnelle)

ou poussives avec des formules (inutilement ?) alambiquées:

"Les mots qui fixaient intolérablement le malheur au lieu de le laisser dans une indécision vivable". (indécisions vivables, très bof)
"Parfois, s'il avait bu, il la frappait, dents serrées sur des phrases machinales, réminiscences caduques" (réminiscences caduques, un brin surjoué)

ou trop lyrique :

"la barrette bleue pailletée que Manuel lui avait offerte avait emporté ses réticences" (y'avait moyen de le dire autrement, plus simplement).

"De grands déluges de désespoir la saisissaient"

...

J'ai eu aussi le sentiment que l'auteur expliquait trop de choses, que les évènement se succédaient trop rapidement, trop précipitamment (même si en 12K de signes, c'était pas simple, j'en conviens) empêchant le lecteur (en tout cas moi) de plonger vraiment dans le récit, de s'immerger pleinement. J'aurai aimé plus d'ambiguité, plus de silence, plus de non-dits, ainsi mon trouble (et mon empathie) aurait peut-être été autre.

Un ensemble trop inégal. L'auteur nous habitué à bien mieux.

Merci

W

   jaimme   
22/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Impression générale (c'est le plus important, non?): du Pagnol (eh, oh, c'est pas rien!!). Et du Camus, et...
C'est fort, par le thème, fort par l'écriture.
Mais (faut toujours qu'il y ait un "mais"?) je pense que cela aurait pu être plus fort. Bon, je chipote. Sur une échelle de 1 à 20, c'est fort à 14. Tu vois ce que je veux dire? L'écriture aurait pu t'amener à du 19. Le 20 aurait été par l'amélioration du fond lui-même.
Qu'est-ce qui (pour moi, rien que pour moi) m'a retenu par les bretelles?
Tu as fait le choix du style simple et percutant ("Ça donnait froid. "), mêlé avec celui, beaucoup plus recherché qui émaille le texte. Prises séparément ces dernières sont souvent magnifiques. Mais c'est le mélange des deux qui me chiffonne. Pour un texte au pathos extrême je pense qu'un style toujours simple (faussement simple - "ça donnait froid"-) aurait été, tout du long, parfaitement adapté. Les phrases recherchées (visiblement recherchées) pouvaient aussi convenir mais alors c'est dans le registre du conte qu'il fallait se cantonner et toutes tes phrases auraient dû être dans ce type de narration.
Mon conseil, parce que tu écris très bien ainsi: phrases courtes, à la poésie évidente et au punch assuré.
Bon, j'ai chipoté. C'est un texte qui marque le lecteur ("le" c'est moi, of course).
Merci Coline!

   caillouq   
31/12/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ce que j'aime dans ce texte, c'est le côté charnel, les détails concrets, éventuellement rebutants, qui contribuent à insufler la vie aux personnages. L'histoire, avec ce qu'on en devine, m'a portée. Juste une réticence devant l'asymétrie des sentiments entre Josy et Marthe : un peu dur de se figurer que Josy, enfant de la DDASS, puisse d'emblée aimer quelqu'un qui ne l'aime pas. La juxtaposition des deux sentences "Josy aimait Marthe" et "Marthe ne l'avait pas aimée" est provocante, mais aussi dangereuse. Les justifications sont intéressantes (l'histoire du sourire) mais peut-être manque-t-il juste quelques indications temporelles (quand est-ce que Josy a compris que Marthe ne l'aimait pas, par exemple ; a-t-elle espéré à vide ?) pour faire vraiment avaler l'idée, qui reste épineuse... Même problème pour "Ca ne lui avait pas déplu, à la petite. Depuis longtemps, elle était en manque de chaleur." et "Ca ne lui aurait pas déplu si les caresses n'avaient pas ouvert la voie aux coups". J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour réussir à avoir l'impression de me faire une idée cohérente de l'ensemble - même si des pistes sont données par la suite.
Mis à part ces deux achoppements, que du bon, du souffle, du romanesque au bon sens du terme qui donne envie d'en savoir plus, et ça tombe bien, si j'ai bien compris un des commentaires, il y A plus ! Merci, Coline, pour cette histoire !

   Mauron   
3/1/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai vraiment beaucoup aimé ce texte qui sonne juste. Qu'il y ait une relation entre Josy et le vieux m'a paru tout naturel, après tout, ce sont des assoiffés d'amour l'un comme l'autre. J'ai été pris dans le récit et par le style, plein de virages, de lacets, comme la route. C'est bien que ça soit une impasse cette route qu'elle s'arrête là et que la Petite, devenue grande, la reprenne à l'envers, à rebours pour partir ailleurs, au milieu de ces bourres. Très belle image d'ailleurs, ces "bourres" de peupliers qui la rendent mouvante cette route, à la fin. Dans l'ensemble la nature est décrite avec bonheur et justesse, dans ce texte. Pagnol? Camus? Non, il y a trop d'Auvergne, d'humidité, moi j'ai pensé à Charles Juliet, à "Lambeaux". Cette petite de la DDASS qui vient remplacer l'autre, celle qui est partie ou bien qui est morte, qui sait?
J'ai pensé aussi à ce merveilleux romancier trop peu connu Georges Emmanuel Clancier et à son texte: "Une ombre sarrazine"...

Seuls bémols: j'aurais aimé connaître mieux Marthe et le Vieux. J'aurais évité le dépucelage dans le foin avec un jeune du village.
Pourquoi avoir décidé que "Marthe ne l'avait pas aimée" cette petite? A mon avis, c'est plus complexe que cela et il eût été plus subtil de parler de ses "ambivalences"...

Un bon moment de lecture nourrissante en tout cas, merci!

   marin   
19/8/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
je suis d'accord avec certains commentateurs : les phrases courtes, les phrases poétiques courtes et les scènes d'actions sont celles qui servent le mieux ce récit.
les phrases longues et compliquées parasitent un peu l’atmosphère et la couleur rural que je trouve par ailleurs très bon.
le style est bon dans l'ensemble. le meilleur étant, je trouve, le ton que l'on trouve dans l'incipit :"Elle l'avait trouvé là, sur le bord de la route, la braguette ouverte, près du vieux saule où il venait pisser tous les matins. Il avait les yeux fixes, un filet de sang séché sous le nez et la moitié de la figure violette."
le fond est, à mon gout, un brin trop pathos, trop appuyé, mais somme toute efficace : on a la curiosité de savoir ce qui va arriver à Josy, et, surtout, cela donne envie de lire d'autres textes de l'auteur.
merci,
Marin


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